des croyants qui se trouvent être aussi historiens, et qui veulent faire
leur travail avec les mêmes méthodes que leurs collègues agnostiques
ou incroyants. Que l’objet de leur enquête soit un personnage que les
croyants, à partir de la révélation de laquelle ils vivent, considèrent
comme le fils de Dieu, un prophète, un homme de Dieu, Moïse,
David, ou Jésus, ne change rien à cette optique fondamentale. Dès lors
que Jésus était un homme ayant laissé des traces dans l’histoire des
hommes, il peut faire l’objet d’un travail historique de la part de n’im-
porte qui, pourvu que l’enquêteur soit compétent. Par principe la foi
ne doit donc pas intervenir dans ce commerce-là. Telle est du moins
la conviction qui a guidé mon propre travail. Comme cette conviction
surprend parfois, je m’en suis expliqué un peu longuement dans l’in-
troduction à la deuxième édition de mon Jésus2dont je me permets de
reprendre quelques éléments.
En parlant des positions non chrétiennes à propos de Jésus, le
théologien Henri Bourgeois précisait: « Par rapport à Jésus, le point
de vue adopté n’est […] ni croyant, ni non croyant :il est autre. Il met
entre parenthèses l’attitude personnelle de chacun, quelle qu’elle soit.
Méthodologiquement, il s’abstient de toute interprétation ne relevant
pas d’un champ commun d’observation et de vérification3». L’his-
toire, observe Jean-Noël Aletti, est une discipline «guidée par la
raison critique », « basée sur la raison critique et non sur la foi », dès
lors « on ne voit pas pourquoi la foi devrait être une composante
nécessaire de la critique historique biblique4». Plus simplement
encore, et là je reprends un mot de Gérard Rochais : « Jésus et ses
compagnons sont des personnages historiques et peuvent donc être
étudiés historiquement par quiconque a la compétence pour le faire5».
En d’autres termes, je ne partage pas l’opinion de ceux qui récusent la
distinction entre le « Jésus de l’histoire » et le « Christ de la foi », ou
alors la trouvent « commode mais finalement peu pertinente6». Selon
moi elle est au contraire non seulement commode et prétendue, mais
nécessaire et pertinente, et je ne suis de loin pas seul à la considérer
2. J. SCHLOSSER,Jésus de Nazareth,Paris, Agnès Viénot éditions, 2002.
3. Dans J.-F. BAUDOZ et M. FÉDOU (éd.), 20 ans de publications françaises sur
Jésus,Paris, Desclée, 1997, p. 66 (p. 41-90).
4. J.-N. ALETTI, « Exégète et théologien face aux recherches historiques sur
Jésus », Recherches de Science Religieuse, 87 (1999), p. 423, 438 et 439 (p. 423-444).
5. G. ROCHAIS,« Jésus : entre événement et fiction», Lumière et Vie,n° 248,
2000, p. 16 (p. 7-18).
6. Ainsi M. QUESNEL,Jésus, l’homme et le fils de Dieu, Paris, Flammarion, 2004,
p. 146.
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