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Gérard CREUX, Claude DE BARROS I Introduction I pp. 3-6
et est un sous domaine de la culture au sens anthropologique du terme (cela ren-
voie, entre autres, aux valeurs et aux représentations d’une société) ; d’autre part, 
il est ce qui est socialement défini comme art par le champ artistique. Cependant, 
le second élément de cette proposition n’est pas d’une grande utilité dans le cadre 
du travail social dans la mesure où la production artistique se fait hors champ, ce 
qui ne signifie pas que les œuvres réalisées ne sont pas « artistiques ». Ce qu’il 
est nécessaire d’étudier, ce sont davantage les valeurs attribuées à l’art et à son 
cortège de croyance.
En effet, l’une des caractéristiques essentielles de l’art est sa dimension sacrée, 
sorte d’objet intouchable, hermétique à toute approche scientifique. Néanmoins, il 
ne s’agit pas de désacraliser l’objet, car, comme le note Pierre Bourdieu, la désa-
cralisation est « un de ces sacrilèges faciles auxquels s’est souvent laissée prendre 
la sociologie : comme la magie noire, l’inversion sacrilège enferme une forme de re-
connaissance du sacré. Et les satisfactions que donne la désacralisation empêchent de 
prendre au sérieux le fait de la sacralisation et du sacré, donc d’en rendre compte »2. 
Cette suggestion invite surtout à analyser les conditions sociales de la production 
du sacrée et ce qui fonde la « croyance collective » collectivement produite qui est 
principe de cette croyance. C’est à partir de cette réflexion qu’il est possible de 
comprendre les liens que peuvent entretenir l’art et le travail social et de montrer 
que ce rapport comporte une dimension « totale »3 dans la mesure où cela touche 
l’ensemble des strates institutionnelles.
Si les pratiques artistiques peuvent servir de support éducatif, elles créent du 
mouvement au sein des établissements et structures dans lesquels elles se réali-
sent. Elles servent de support éducatif. Mais, de par leur caractère original, elles 
engendrent des bouleversements institutionnels du point de vue de l’organisation 
du travail et des schèmes d’intervention. Elles changent également les manières 
d’être avec les usagers, notamment en termes de « distance », ce qui marque, en 
quelque sorte, un des fondements de la professionnalité de l’intervention. En effet, 
dans le cadre des conduites artistiques, celle-ci a tendance à se réduire, mais n’en-
tache en rien l’efficacité de l’action. Ainsi, dans l’optique d’un questionnement qui 
articulerait une nouvelle fois les pratiques artistiques et le travail social, il serait 
nécessaire d’interroger dans quelles mesures la condition émotionnelle produite 
par  l’art  peut  être  créatrice  d’un  lien  «  durable  »  en  termes  d’accompagnement 
social entre le professionnel et l’usager ? 
Enfin, elles permettent de rendre visible le travail quotidien des travailleurs 
sociaux, de même que l’intervention d’artistes dans le 
champ  du  travail  social  participe  de  cette  visibilité. 
Elles achèvent d’être totales dans la mesure où elles 
peuvent servir de vitrine pour les établissements.
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1.  Ce  concept est  inscrit dans  la  loi n°2002-2 
rénovant l’action sociale et médico-sociale du 2 
janvier 2002. Mais que nous retrouvons égale-
ment dans l’œuvre de Jean-Paul Sartre…
2.  Pierre  BOURDIEU, 
Questions  de  sociologie
, 
Paris, Éditions de Minuit, 1984, p. 221.
3. Dominique CHÂTEAU, 
L’art comme fait social 
total
, Paris, L’Harmattan, 1998.