La création du Monde Il existe de très nombreux récits de la création du monde. L'homme a toujours souhaité justifier son existence et de ce qui l'entoure ainsi que celle du monde observable. Il existe à ce sujet de nombreuses légendes, de nombreux mythes, en un mot de très nombreux récits relatant la création du monde. Les mythes souvent s'attachent à raconter les origines des dieux, des institutions, voire du monde luimême. Le mot cosmogonie vient lui-même du grec « cosmos » qui veut dire monde et «gonein » qui signifie engendrer. Ce concept (cosmogonie) réunit les modèles intemporels, les légendes, les figures idéales, enfin tout ce qui concerne la conception du monde par l'homme. Il existe dans tous ces mythes un certain nombre de points communs. Le germe Souvent nommé « oeuf cosmique », il contient l'univers dans sa potentialité. Considérant la succession des saisons, l'homme a été amené à envisager la possibilité d'une renaissance, éventuellement cyclique, du monde ; il existerait une rénovation périodique de la nature. Notons que dans l'usage courant la nature est souvent déïfiée en tant qu'elle manifesterait la volonté d'un Principe créateur . Mais elle est également souvent décrite comme étant l'ensemble du réel, des êtres et des choses qui constituent l'univers : en somme c'est le monde physique. Pour certains, elle ne serait que le réel, mais en faisant abstraction des modifications qui ont été apportées par l'homme et qui sont donc artificielles. C'est en ce sens qu'on parle actuellement de produits naturels : ceux qui n'ont pas été inventés ou modifiés par l'homme. Enfin la nature définit également l'ensemble des caractères qui définissent la personne physique ou morale de quelqu'un. Quant à l'univers, c'est l'ensemble de tout ce qui existe : il comprend la totalité des êtres et des choses mais suivant les philosophies, il contient ou non les choses immatérielles. Sa notion scientifique désigne plus particulièrement l'ensemble de la matière qui est distribuée dans le temps et dans l'espace. Nous ferons, dans notre approche, abstraction de la théorie du big-bang qui est le modèle dominant de la cosmologie actuelle. Nous nous permettons dans cet article de faire cette abstraction, car nous souhaitons aborder seulement les aspects non scientifiques de la création du monde. Le trait commun aux diverses cosmogonies est l'éclosion de cet oeuf cosmique qui donne naissance à l'Univers : par exemple, c'est le Pan Gu en Chine, chez les Celtes c'est le Partholon, le Puruska en Inde et le Nommo chez les Dogons. L'eau en est un point commun . L'eau est souvent exprimée par le biais du déluge. C'est un symbole de pureté. Le concept de déluge se retrouve dans de nombreuses cosmogonies. C'est le mythe de le plus ancien. Vers 2700 années avant notre ère apparaît le mythe de Gilgamesh (un homme, Ziusudra, fait le récit à Gilgamesh, cinquième roi d'Uruk, de la colère des dieux qui ont dépeuplé toute la terre. Cependant, un dieu l'a prévenu et lui a appris à construire une embarcation pour sauver un couple de chaque espèce, le tout devant repeupler le monde). Ce récit est repris dans la Bible par celui de Noé qui y accostera avec tous ses animaux sur le mont Ararat. Le Coran parle du déluge de cette façon : "Et il fut révélé à Noé: De ton peuple, il n'y aura plus de croyants que ceux qui ont déjà cru. Ne t'afflige pas de ce qu'ils faisaient. Et construis l'arche sous Nos yeux et d'après Notre révélation. Et ne M'interpelle plus au sujet des injustes, car ils vont être noyés". Dans l'hindouisme le premier homme, Manu, est sauvé par le premier avatar de Vishnou : Matsya. On retrouve également des récits similaires dans la mythologie grecque, et dans la mythologie précolombienne notamment inca et maya. Enfin l'idéogramme chinois de navire contient les clés « embarcation, huit et bouche (ou âme) ». Quant à savoir si le déluge a réellement eu lieu, les avis divergent ; mais l'universalité du récit et les détails identiques dans les différentes cosmogonies tendent à confirmer l'existence d'une catastrophe majeure et planétaire. Il pourrait s'agir de la mémoire collective de la transgression marine post glaciaire. Mais le déluge ne se réfère peut-être pas seulement un événement précis, mais à une succession de phénomènes géologiques notamment sensibles pour les sociétés littorales. Ce qui n'empêche pas des scénarios fantaisistes ou sujets à caution... Et de toutes façons, ce sujet ne manquera pas de faire couler encore beaucoup d'encre... Quant au symbole de pureté, il est évident qu'il est présent dans presque toutes les religions et cosmogonies. La pureté est la propriété d'un objet de ne pas contenir de corps ou d'éléments étrangers. Dans un certain nombre de cas elle est associée à l'abstinence sexuelle. En tout état de cause il est certain que les hommes, quels qu'ils soient, n'ont jamais été en bonne relation avec leur conscience, tant il est vrai que leurs actions sont souvent entachées d'objectifs moralement douteux pour euxmêmes. Ils sont donc, un peu partout et dans tous les temps, à la recherche d'un état qui exclurait cette culpabilité. Et c'est peut-être de là que vient la notion de péché originel. Le chaos primordial Lorsqu'on évoque la notion de chaos, on pense souvent à la résultante d'un conflit entre des forces antagonistes, c'est-à-dire que l'on fait appel au conflit entre l'ordre et le désordre. Et la naissance d'un monde harmonieux consisterait, dans ce cas, à passer du désordre à l'ordre. Cependant Hésiode, dans sa Théogonie, pense que le chaos originel n'est pas le résultat d'un conflit, mais bien une entité qui renferme l'ensemble des éléments qui sont à venir; ils seraient simlement mélangés dans le chaos originel. Dans la devise du REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté : voir ce mot dans le lexique) : « Ordo ab Chao » il faut bien prendre conscience que le dernier mot fait référence à Hésiode. Autres points communs Dans la plupart des cosmogonies traditionnelles nous verrons que les créateurs du monde sont des dieux, parfois un seul Dieu, à l'image de l'homme qui créé l'Univers et l'Homme par la parole, le geste, un membre, des sécrétions... Évidemment notre monde actuel remplace les dieux par les lois de la science et dépasse les principes anthropomorphes des mythes anciens. Ceux-ci ont en commun qu'ils ne présupposent pas la préexistence d'un univers immuable et éternel, mais ils considèrent seulement des étapes de création et des devenirs possibles. Les conceptions sont diverses. Une première conception est celle de la création de l'univers à partir du néant, du chaos ou de « quelque chose d'inconnu ». Une autre conception c'est la naissance du temps et de l'espace, ou bien de la lumière et de la matière. C'est à dire qu'à partir du chaos primordial inerte, l'eau, la terre, le feu et l'air s'animent (ceci en Occident, car dans d'autres cultures les quatre éléments fondamentaux sont organisés différemment). Il peut s'agir aussi de l'apparition de la vie à partir de la rencontre et du mélange de ces éléments. Mais il faut noter que ce phénomène de la vie est lui-même conçu de diverses manières : il peut s'opposer à la notion de matière inerte et s'articuler avec la notion de mort ; il peut s'agir aussi d'une étendue temporelle entre la naissance et la mort, il peut s'agir enfin des événements ou des actions contenues dans cette étendue temporelle. Il faut avoir conscience que l'une des marques de l'hominisation est la survenue de rites funéraires, donc de la conscience d'une transition entre la vie et la mort. La vie est un concept qui a donné lieu depuis des temps immémoriaux à de nombreuses réflexions tant scientifiques que philosophiques. C'est aussi un sujet de débat politique et moral. Une autre possibilité de la création du monde est l'apparition d'un nouvel univers après un cataclysme mondial. Certains mythes enfin postulent qu'il existe une création continue entre la naissance et la mort de l'univers. Le corps physique de Dieu serait l'univers tout entier, et chaque création d'univers correspondrait à une réincarnation de Dieu. À chaque réincarnation, l'univers serait meilleur que le précédent. Cosmogonies grecque et romaine. Hésiode pense qu'au début était le chaos : c'est une sorte de tout au sein duquel les éléments sont mélangés. Quatre entités s'en dégagent : la terre (Gaïa), le désir amoureux considéré comme force créatrice (Éros), les ténèbres des Enfers (Erèbe), et la nuit (Nyx). Gaïa a comme fils Ouranos, le ciel qui sera le premier principe fécond, acteur mâle, car pour les grecs le ciel féconde la terre par la pluie comme une semence. Gaïa et Ouranos eurent alors comme enfants les Titans dont Kronos, le temps, les Cyclopes et les Hécatonchires, c'est-à-dire les géants à cent bras. Une autre description est faite dans la mythologie orphique : l'eau et les éléments formèrent spontanément la terre. C'est de celle-ci que surgit un Kronos monstrueux qui va créer Erèbe et le Chaos puis donner à son tour naissance à un oeuf. Cet oeuf engendrera Éros, qui lui-même donnera à son tour naissance à la Lune et au Soleil, puis à la Nuit, avec qui il concevra Ouranos et Gaïa. Cosmogonie judéo-chrétienne. Dans cette cosmogonie Dieu n'a ni début ni fin. Lorsqu'il crée le monde, l'univers est vide. Il va créer le monde en sept jours (voir le récit de la Genèse). Le sixième jour il a créé l'homme, conçu à son image même . L'homme est placé dans le paradis, pouvant vivre sans se soucier de ses besoins vitaux. Cependant Dieu donne l'ordre de ne jamais goûter au fruit de "l'arbre de la connaissance du bien et du mal". Mais Eve, convaincue par le serpent, métaphore du mal, entraîne Adam à désobéir. C'est la première faute de l'humanité appelée dans cette cosmogonie le péché originel. Adam et Eve sont punis : Dieu les chasse du paradis, ils doivent travailler, souffrir et mourir. Mais la création se continue dans le récit de Caïn et Abel : le meurtre d'Abel a pour conséquence que les hommes devront peiner par la suite pour tirer leur nourriture de la terre. Il faut remarquer que le Dieu de la Bible est extérieur au monde et que sa création se fait sans « bris de membres » ; c'est une des originalités au regard des autres cosmogonies. Dans l'islam le Coran reprend le même concept , sourate 2, verset 164: "Certes la création des cieux et de la terre, dans l'alternance de la nuit et du jour, dans le navire qui vogue en mer chargé de choses profitables aux gens, dans l'eau qu'Allah fait descendre du ciel, par laquelle Il rend la vie à la terre une fois morte et y répand des bêtes de toute espèce, dans la variation des vents, et dans les nuages soumis entre le ciel et la terre, en tout cela il y a des signes, pour un peuple qui raisonne". La Sourate 23, versets 12-13 évoque la création d'Adam en ces termes : « Nous avons certes créé l'homme d'un extrait d'argile, puis Nous en fîmes une goutte de sperme dans un reposoir solide. Ensuite, Nous avons fait du sperme une adhérence ; et de l'adhérence Nous avons créé un embryon; puis, de cet embryon Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l'avons transformé en une tout autre création. Gloire à Dieu le Meilleur des créateurs ! » Cosmogonie de l'Égypte antique. Voir l'article correspondant dans le même chapitre. Cliquer ici Cosmogonie mésopotamienne. Dans cette cosmogonie il existe deux êtres primordiaux : l'eau salée, principe féminin nommé Tiamat, et l'autre, masculin, l'eau douce nommée Apsû. De leur union naissent tous les autres dieux dont certains sont dominants (Annunaki) qui exploitent les dieux Igigi, lesquels doivent travailler durement afin de nourrir tous les autres. Le reste du monde est formé à partir du cadavre de Tiamat au terme d'une guerre. Puis l'homme est créé à son tour pour servir les dieux, lorsque les Igigi se révoltent. L'homme a été façonné avec de l'argile trempée dans la chair et dans le sang d'un dieu sacrifié ; c'est ainsi que la créature s'est appropriée un peu de l'intelligence divine. Cosmogonie hindoue. Dans cette conception le temps se déroule de manière cyclique et il existe donc une succession de créations et de destructions du monde. Lorsque Brahma se réveille et qu'il ouvre les yeux, l'univers est créé. Lorsque Brahma s'endort, tout est détruit. Mais Vishnou protège l'univers mais Shiva le détruit et donc mène à sa renaissance. Traditionnellement le cycle créateur impliquant les trois dieux est représenté comme suit : Vishnou dort, allongé sur le serpent Ananta (l'infini). Ananta flotte lui-même sur l'océan d'inconscience et de son nombril sort un lotus dans lequel se tient Brahma. Tout en dormant Vishnou rêve le monde tel qu'il a connu et de ses souvenirs Brahma donne naissance à un nouveau monde, nécessairement moins pur que le précédent. En revanche c'est Shiva qui, par sa danse cosmique, anime l'univers conçu par la pensée et, à la fin du cycle, le détruit. Pour certaines sectes hindouistes notre univers n'est que le rêve de Dieu c'est-à-dire une illusion. Cette illusion, la Mâyâ, est considérée par notre conscience comme la réalité; c'est l'un des trois liens qui doivent être dénoués afin que l'homme se libère du cycle des réincarnations. Les deux autres liens sont la conscience de soi et le karma, la loi des actes. Le concept de Mâyâ est central dans les vedantas où il désigne l'illusion cosmique, pouvoir de création qui engendre le monde manifesté. Le concept devient négatif dans le bouddhisme mahâyâna, qui désigne Mâyâ comme l'absence de nature propre à ce phénomène, c'est-à-dire la vacuité (c'est l'inexistence de toute essence, de tout caractère fixe et inchangeant ; la vacuité ne vide pas les choses de leur contenu, elle est leur véritable nature, il ne s'agit donc pas de nihilisme). Cosmogonie des aborigènes d'Australie. Les aborigènes d'Australie sont les premiers humains qui peuplèrent ce pays. Nous ne savons pas exactement d'où ils sont venus, ni à quelle date. Les preuves scientifiques démontrent que l'occupation humaine date au maximum il y a 175 000 ans, ce qui est contesté, avec une moyenne fixée à environ 40 000 ans. Les aborigènes d'Australie étaient des chasseurs-cueilleurs nomades ; ils vivaient dans des huttes qu'ils reconstruisaient si nécessaire, d'une fois sur l'autre au cours de leurs déplacements. Les femmes s'occupaient de la cueillette et du petit gibier, tandis que les hommes chassaient le gros gibier. Ils vivent maintenant dans les villes, mais on les retrouve aussi dans les villages les plus reculés, souvent dans des communautés situées autour d'une ancienne mission d'évangélisation. Ce sont de remarquables peintres sur écorce et sur tissu. Les dessins qu'ils peignent ont une signification bien particulière que l'on peut assimiler à une forme d'écriture. Leur conception du monde repose sur la notion de « temps du rêve ». Les ancêtres surnaturels, comme le Serpent Arc-en-ciel ou les Homme Éclairs, ont créé le monde par leurs déplacements et leur action. Le « Temps du rêve » (Tjukurpa) fournit une explication du monde et définit le sens de la vie, la morale, ce qui est naturel ou ce qui est vrai. Cette définition règle tous les aspects de la vie des peuples de l'Australie centrale. Tjukurpa interprète chaque élément du paysage en termes symboliques mêlant l'histoire de sa création avec le présent et son sens actuel. Beaucoup de ces informations ne doivent pas être révélées à ceux qui ne sont pas aborigènes. Dans cette cosmogonie la pensée à créé toute la matière. Les animaux, les hommes, la terre elle-même et les plantes ne sont que des parties d'un même tout. Cela entraîne la conséquence que les hommes ne peuvent posséder ni terre ni animaux. Ce concept a généré de nombreux conflits entre les colonisateurs et les autochtones qui ne comprenaient pas la notion de propriété privée ou d'élevage. Cosmogonie scandinave. La Voluspa, « la prédiction de la voyante », est le poème cosmogonique et eschatologique de cette mythologie. Il fait partie du recueil de l'Edda politique. Son auteur n'est pas connu. C'est un long monologue dans lequel une magicienne expose une série de visions riches de détails qui retracent l'histoire et le destin du monde, des dieux et des hommes depuis l'origine du monde jusqu'au Crépuscule des Puissances qui verra l'avènement d'une terre nouvelle. Il est certain que dans ce texte, on peut trouver des relations avec la plupart des cultes et des cultures de l'Europe occidentale et notamment de la pensée germanique. On peut aussi voir dans cet ouvrage un enseignement des Connaissances sur les plans magique, initiatique et spirituel. Il utilise une symbolique qui le rattache, à l'évidence, à d'autres cultures traditionnelles. Il en existe cependant de nombreuses variantes. Au commencement n'existerait qu'un abîme géant, qui rappelle le chaos primordial grec et la terre déserte et vide de la Bible. Les éléments y erraient libres, et une rencontre entre le feu et la glace donna naissance au premier géant, nommé Ymir, et ce dernier engendra les autres géants. Une vache l'aurait délivré de sa gangue de glace en le léchant . Mais d'autres géants tuèrent Ymir et bâtirent l'univers avec sa dépouille : son corps devint un cercle de terre et son sang est devenu la mer, tandis que son crâne a servi de voûte céleste. Ces géants établirent ensuite un ordre qui fixait une place au soleil et à la lune. Ils élevèrent des palais et s'établirent en « terre des dieux ». Mais il existait également des nains qui avaient façonné les "Neuf Mondes" avec de la terre autour d'un arbre. Ce monde était peuplé des mortels à qui ils donnèrent le souffle vital. Le destin de chacun fut fixé par la suite. Le même texte rapporte enfin comment le monde sera détruit. Cosmogonie moderne. Les théories scientifiques, plus ou moins connues par tout un chacun, fournissent cependant à l'imaginaire populaire les éléments d'une cosmogonie moderne. L'évolution de l'univers, la théorie du big-bang, la biologie et les théories de l'évolution ne fournissent pas toutes les réponses mais donnent cependant une explication qui est considérée par chacun comme satisfaisante. Les physiciens en revanche pensent que ce problème révèle la limite de notre compréhension des lois de la physique, notamment dans notre situation actuelle. Les théories scientifiques sont sujettes à de profonds remaniements de sorte que la cosmogonie moderne est également sujette à de notables modifications.