Air Pur N° 72 - Deuxième semestre 2007 - 5
Caroline NORRANT 1
VARIABILITE CLIMATIQUE
PASSEE, CHANGEMENT
CLIMATIQUE FUTUR :
QUE PEUT-ON REELLE-
MENT OBSERVER ?
VARIABILITÉ DU CLIMAT
imputer au changement climatique, et qu'il est
plus prudent à l'heure actuelle de les considérer
comme de la variabili interannuelle naturelle
au climat. C'est pourquoi cet article se propose
d'appréhender la modification du climat à diffé-
rentes échelles temporelles, mais également spa-
tiales. Dans un premier temps, l'analyse portera
sur la variabilité naturelle du climat, dans laquel-
le sera replacée le changement climatique, selon
différents paramètres climatiques. Puis les causes
des variations climatiques, aussi bien naturelles
que d'origine humaine, seront étudiées. Enfin,
l'évolution future du système climatique jusqu'en
2100, telle que présentée par les modèles, sera
envisagée.
I - LA VARIABILITE CLIMATIQUE A
PLUSIEURS ECHELLES DE TEMPS
1 - L'évolution des températures
moyennes de surface
Les variations depuis le milieu du XIXesiècle
A partir de 1854, suite à la conférence internatio-
nale de Bruxelles qui établit un protocole de
mesure des données océaniques par les navires
marchands, il est possible de représenter les tem-
pératures moyennes de surface pour les deux
RÉSUMÉ
Le changement climatique est analysé au travers de
l'évolution des températures de surface mais égale-
ment d'autres paramètres, comme les précipita-
tions ou la banquise marine. Il est également tenu
compte de la variabilité naturelle du climat, qui se
distingue du changement climatique lorsque l'on
s'intéresse à des échelles de temps beaucoup plus
longues. Afin d'expliquer ces modifications, les cau-
ses naturelles et anthropiques des variations clima-
tiques sont également traitées, à différentes échel-
les de temps et d'espace. Pour terminer, leurs
conséquences sur l'augmentation globale des tem-
pératures attendue pour la fin du XXIesiècle sont
envisagées.
INTRODUCTION
Dans le contexte actuel de changement clima-
tique, même si l'ensemble de la communau
scientifique s'accorde sur la réalité d'une modifi-
cation de climat et sur un réchauffement global à
venir (IPCC, 2007), il reste encore parfois malai-
de faire la part entre une réelle modification
qui serait en train de se produire et la variabili
naturelle du climat. En effet, il est coutumier
d'entendre, lorsque se produisent des événe-
ments extrêmes, qu'il est encore trop tôt pour les
1 Université des
Sciences et
Technologies de Lille.
EA 4019 TVES.
UFR de Géographie
et Aménagement. Av.
Paul Langevin.
59655 Villeneuve d'Ascq
France
Tél : +33 3 20 33 70 55
Fax : +33 3 20 33 60 74
l : Caroline.Norrant
@univ-lille1.fr
6 - Air Pur N° 72 - Deuxième semestre 2007
hémisphères et pour la totalité du globe (Fig.1).
Des enregistrements continentaux ont débuté
avant cette date, mais il est impossible de créer
une moyenne globale. Il faut tout de même préci-
ser que ces séries, même si elles sont admises
comme valides par la communauté scientifique,
restent quand même incertaines, surtout au début
de la période.
- une phase stationnaire de 1856 à 1920 environ,
avec entre ces dates des phases plus ou moins
froides ;
- une première hausse entre 1920 et 1940 envi-
ron, lors de laquelle les températures moyennes
de surface augmentent de près de 0,5°C ;
- une nouvelle phase de stagnation entre 1940 et
1980 ; il est même possible d'y discerner une fai-
ble diminution dans l'hémisphère nord ;
- une seconde phase de hausse à partir de la fin
de la décennie 1970.
Cependant, en s'intéressant à des échelles de
temps plus brèves, des variations importantes des
températures moyennes de surface peuvent égale-
ment se produire. Par exemple, à l'échelle globa-
le, la température moyenne de surface diminue
de 0,3°C (soit environ la moitié de la variation
observée sur l'ensemble de la période) entre 1998
et 2000, ou bien encore elle augmente de
presque 0,4°C entre 1876 et 1878. Cela montre
qu'une grande prudence est de mise lorsqu'un
nombre réduit d'années est analysé.
Les dix années les plus chaudes depuis 1856 se
produisent toutes depuis 1989. Cependant, cette
évolution est un peu abstraite et masque notam-
ment d'importants écarts dans l'espace (Fig.2).
Ainsi, la tendance observée lors de la phase de
hausse thermique de la fin du XXesiècle montre
que la température augmente presque partout
excepté sur quelques secteurs très précis dans les
océans de l'hémisphère sud et en quelques points
de l'hémisphère nord. La hausse est particulière-
ment marquée sur le centre de l'Amérique du
Nord, le nord-est de l'Europe et l'est de l'Eurasie,
mais moins importante dans la zone tropicale.
Ceci signifie que l'augmentation moyenne obser-
vée au niveau planétaire est à nuancer dans l'espa-
ce, et qu'elle ne représente pas parfaitement l'évo-
lution thermique de chaque région du globe, puis-
qu'il existe des différences aux échelles spatiales
plus fines.
Figure 1 : Evolution des températures
de surface hémisphériques et globales
(d'après IPCC, 2007)
Figure 2 : Tendances des températures en points de grille (d'après IPCC, 2007)
Nous remarquons toutefois que la température
moyenne de surface a augmenté de près de 1°C
depuis la fin du XIXesiècle jusqu'à la fin du XXesiè-
cle. La valeur admise par la communauté scienti-
fique est de +0,6°C, avec une marge d'erreur de
±0,2°C, de 1856 à la fin du XXe siècle. Cette
hausse n'est cependant pas régulière, et quatre
phases peuvent être distinguées :
Air Pur N° 72 - Deuxième semestre 2007 - 7
Les variations thermiques sur le long terme
Lorsque l'analyse tente de replacer l'évolution
contemporaine dans un contexte plus vaste (Fig.3),
il apparaît que la température moyenne de surface
a augmenté de 0,8°C environ depuis la fin du
XIXesiècle, avec deux phases de hausses plus
importantes (entre 1920 et 1940 et depuis 1975
environ). Sur une période plus longue, la tempéra-
ture moyenne de surface est relativement stable,
avec toutefois une diminution notable entre 1600
et 1900 environ (cette baisse est appelée le « petit
âge glaciaire »). Ainsi la période actuelle ne semble
pas beaucoup plus chaude que celle dite de « l'op-
timum médiéval », entre 1100 et 1350 environ.
tions entre les périodes glaciaires (les températures
sont 6 à 10°C inférieures à celles d'aujourd'hui) et
interglaciaires (les températures oscillent entre
±2°C par rapport à aujourd'hui).
C'est dire donc s'il faut nuancer l'augmentation
observée des températures au cours du XXesiècle,
puisque remises dans un contexte beaucoup plus
large, les quantifications de la hausse correspon-
dent à des valeurs déjà observées à d'autres
époques. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'il
faille nier l'actuelle modification du climat, dont la
hausse des températures représente une des facet-
tes les plus visibles.
2 - Evolution contemporaine d'autres
paramètres climatiques
C'est pourquoi après la hausse constatée des tem-
pératures moyennes de surface qui, même si elle
est constatée globalement, observe tout de même
des nuances dans le détail régional, d'autres para-
mètres climatiques peuvent également refléter le
changement climatique global qui est en train de
se produire. Parmi les plus visibles et accessibles,
les précipitations seront analysées dans un pre-
mier temps, puis la banquise et les glaciers conti-
nentaux.
L'évolution des précipitations
Les mesures de précipitations sont dans l'ensem-
ble de moins bonne qualité que celles des don-
nées thermiques : ceci s'explique par le fait que les
précipitations sont un champ discontinu dans
l'espace, contrairement aux températures.
L'observation en est donc plus incertaine.
La tendance générale est plus difficile à décrypter
(Fig.5), cependant il est possible de déterminer :
- l'augmentation la plus forte au cours du XXe siè-
cle concerne les précipitations des moyennes et
hautes latitudes en automne et en hiver ;
- les latitudes subpolaires sont plutôt le siège d'une
diminution des précipitations ;
- dans la zone tropicale les variations des pluies
sont plutôt disparates.
Cependant, tout comme pour les températures,
ces variations des précipitations masquent de for-
tes disparités locales.
La banquise et les glaciers continentaux
Cet exemple est traité car le bilan glaciaire dépend
à la fois des températures et des précipitations,
deux paramètres qui viennent d'être examinés.
Globalement, l'extension des glaciers a diminué
depuis la fin du XIXesiècle, tout comme la ban-
quise marine arctique (Fig.6a), suivie par satellite
depuis la décennie 1970. Cependant pour cette
dernière, la diminution s'est faite rapidement en
1979-1980, puis après cette date la diminution
s'est poursuivie, mais plus faiblement, avec même
un léger gain entre 1996 et 1999. L'évolution de
la banquise marine antarctique montre le même
Figure 3 : Evolution des températures globales
depuis l'an 1000 (d'après Petit et al., 1999)
Figure 4 : Evolution des températures depuis
400 000 BP (d'après Petit et al., 1999)
Sur une période encore plus longue, la tempéra-
ture moyenne de surface a varié sans doute de
moins de 2°C depuis presque 10 000 ans (Fig.4).
Elle peut donc être considérée comme stable à
cette échelle de temps. La principale modification
se situe vers 10 000-12 000BP, avec la fin de la
dernière glaciation (appelée le Würm en Europe) :
la température moyenne de surface varie alors de
6 à 10°C entre une période glaciaire et intergla-
ciaire. La Figure 4 présente ainsi l'évolution des
températures reconstruites à partir du carottage de
Vostok en Antarctique oriental, qui permet de
remonter jusqu'à 420 000 ans avant le présent.
Les températures montrent de très fortes varia-
profil (Fig.6b) avec une diminution brutale de son
extension entre 1973 et 1977, suivie d'une phase
de stabilité, voire une légère augmentation à par-
tir de la décennie 1990.
II - LES ORIGINES DES VARIA-
TIONS DU CLIMAT
1 - Les causes de la variabilité climatique
La constante solaire
Les variations de la constante solaire existent sur
quasiment toutes les échelles de temps. Leur
influence la mieux connue se produit aux échelles
de 10 à 100 ans, et est liée à différents cycles ;
tout d'abord le cycle des tâches solaires, zones
sombres sur le soleil associées à des facules, c'est-
à-dire des tâches plus claires émettant plus d'é-
nergie : l'apparition et la disparition de ces tâches,
se produisant sur une période de 11 ans, entraîne
de faibles variations de l'émission d'énergie par le
soleil (modification de 1 W.m2environ). Une
seconde variation est un cycle plus lent, d'échelle
séculaire (90 à 100 ans), entraînant des variations
de l'énergie émise par le soleil de 3-4 W.m2.
Toutefois, ces modifications restent faibles et n'ont
que peu de conséquences sur l'évolution des tem-
pératures de surface, si ce n'est parfois dans le cas
des cycles séculaires, le climat ayant le temps de
réagir à la modification du rayonnement solaire.
Les paramètres orbitaux
Les paramètres orbitaux sont au nombre de trois,
il s'agit de l'obliquité (l'angle formé entre le plan
équatorial et le plan de l'écliptique), l'excentricité
8 - Air Pur N° 72 - Deuxième semestre 2007
Figure 5 : Tendances des précipitations au XXesiècle (d'après IPCC, 2007)
Figure 6 : Evolution de la banquise marine arctique (a) et antarctique (b) (d'après IPCC, 2007)
Figure 7 : Les paramètres orbitaux (d'après ENS, 2007)
Air Pur N° 72 - Deuxième semestre 2007 - 9
(l'orbite de la Terre autour du soleil se fait selon
une ellipse dont le soleil est un des foyers) et la
précession (le lent changement de direction de
l'axe de rotation de la Terre) (Fig.7). Leurs varia-
tions ne modifient pas la quantité de rayonnement
solaire qui arrive sur Terre en moyenne annuelle,
mais elles modifient sa répartition spatiale et sai-
sonnière, créant ainsi une alternance entre pério-
des glaciaires et interglaciaires. En effet, le point-
clé pour que commence une glaciation est la
quantité d'énergie solaire arrivant aux hautes lati-
tudes de l'hémisphère nord en été (au-delà de
65°N), car seul cet espace peut supporter une
grande extension des inlandsis : ce qui est impor-
tant n'est pas tant que la neige tombe en hiver,
mais surtout qu'elle ne fonde pas en été (elle se
transformera alors en glace l'hiver suivant, et s'é-
paissira au fil du temps). Les conditions les plus
favorables à l'enclenchement d'une glaciation sont
alors une Terre la plus éloignée du soleil lors de
l'été boréal associée à une faible obliquité, favori-
sant ainsi un été frais et long ; inversement, les
conditions les plus favorables à une déglaciation
sont une forte obliquité et une distance Terre-
soleil minimale lors de l'été boréal.
D'autre part, des boucles de rétroaction internes
au système climatique peuvent amplifier la répon-
se du climat, le stabilisant alors dans un état gla-
ciaire ou interglaciaire.
Les autres facteurs naturels
D'autres facteurs naturels sont susceptibles d'inter-
venir dans les variations du climat, comme par
exemple le volcanisme : celui-ci produit un impor-
tant forçage radiatif dans le sens d'un refroidisse-
ment, mais qui est très bref dans le temps (2 à 3 ans
au maximum). Cette influence nécessite l'injection
d'une grande quantité de soufre dans la stra-
tosphère, qui constitue alors une sorte de « voile »
qui augmente l'albédo planétaire. La température
baisse donc en surface (de -0,2° à -0,4° en géné-
ral), mais cette action est limitée dans le temps.
Sur des échelles de temps beaucoup plus impor-
tantes (à l'échelle de millénaires), d'autres facteurs
naturels peuvent encore modifier le climat,
comme par exemple la tectonique des plaques,
qui modifie la répartition des terres et des mers et
peut fermer des bassins océaniques, l'orogénèse
qui peut agir sur l'écoulement de l'air et donc sur
la circulation atmosphérique générale, ou encore
certains phénomènes cosmiques (collision avec un
astéroïde, passage dans un nuage de poussières
stellaires…) qui peuvent modifier radicalement le
climat.
2 - Les activités humaines et leur
influence sur le climat
L'action de l'homme sur le climat se manifeste par
la modification des états de surface continentaux
(défrichement et début de l'agriculture), mais sur-
tout par la modification de la composition chi-
mique de l'atmosphère. Il a ainsi été découvert
dans les glaciers alpins des preuves de pollution de
l'air au plomb datant de l'époque romaine…
Cependant, ces modifications sont restées locales
et assez insignifiantes jusqu'au XXesiècle, pendant
lequel l'influence anthropique est devenue massi-
ve, surtout lors de la seconde moitié de ce siècle.
Une autre modification fondamentale récente est le
changement d'échelle spatiale : en modifiant la
composition chimique de l'atmosphère avec des
gaz y résidant longuement (au moins 10 ans), les
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !