"Au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique,
par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les
corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans,
nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une
infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les
commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans
doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l'esprit dépend si fort
du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui
rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la
médecine qu'on doit le chercher."
René DESCARTES. Discours de la Méthode, VI. 1637.
Idée essentielle du texte
Ce texte de Descartes se présente comme une remise en question de la science de son temps et
principalement de l'usage qui en était fait. En effet, Descartes nous présente ici cet ensemble de
connaissances en le qualifiant de « philosophie spéculative », c'est-à-dire comme un savoir procédant d'idées
en idées et orienté uniquement vers la connaissance théorique et la satisfaction de la curiosité intellectuelle
des savants. Or la philosophie que Descartes appelle de ses voeux est une philosophie beaucoup plus en
phase avec l'expérience, avec les réalités concrètes et matérielles auxquelles les hommes sont confrontés
dans leur vie pratique, c'est-à-dire dans le cadre de l'action qu'ils exercent sur le monde et sur la nature.
Descartes souhaite donc que notre savoir nous conduise à une meilleure connaissance de la nature afin de
nous permettre d'exercer une action plus efficace sur celle-ci dans le but de rendre la vie des hommes
meilleure, moins pénible et donc plus propice au bonheur et à la sagesse.
Ce texte peut en quelque sorte être considéré comme l'acte de naissance de la collaboration étroite qui
s'établira entre la science et la technique au cours de l'époque moderne.
Les étapes de l'argumentation
Ce texte est composé de deux parties principales, une première partie dans laquelle Descartes expose la
nature de son projet et une seconde dans laquelle il précise les véritables buts qu'il poursuit en critiquant la
science et la philosophie de son temps au nom d'une approche plus pratique de la connaissance.
Première étape : du début du texte à « ...comme maîtres et possesseurs de la nature. »
Tout d'abord Descartes commence par remettre en question l'enseignement et la conception de la philosophie
en vigueur à son époque, cette philosophie qu'il qualifie de « spéculative » regroupe en fait l'ensemble des
savoirs de son temps, il s'agit donc tout autant de la métaphysique que de la physique que nous appellerions