Recueil des meilleures et moyennes copies des concours d’entrée 2016
Ensuite, l’inflation aurait l’avantage de permettre une modération des salaires nécessaires
dans certains pays du fait de coûts salariaux unitaires ayant augmenté trop vite par rapport
aux pays voisins (la France par exemple a vu ses CSU continué à augmenter après la crise
alors qu’ils diminuaient en Espagne et en Italie selon la Lettre du Trésor CSU : Comment
la France se situe-t-elle par rapport à ses voisins européens ?) sans déprimer la demande
(selon le postulat keynésien d’une illusion nominale).
Enfin, pour lutter contre l’hétérogénéité et les écarts de compétitivité en zone euro,
l’inflation asymétrique serait une solution favorable. Selon une étude du Cepii de 2012 de
Carton et Hervé, il faut souhaiter un écart d’inflation de 1,5 % entre les pays du Nord et
les trois grands pays du Sud (France, Italie, Espagne) sur dix ans pour permettre un
ajustement des taux de change réels entre les pays. Selon les auteurs, cet objectif
justifierait que l’objectif d’inflation de la BCE passe de 2% à 3 % d’inflation afin de rendre
l’ajustement plus facile.
L’inflation semble donc aujourd’hui désirable en zone euro, ce qui justifie les politiques
monétaires expansionnistes menées par la BCE. La banque centrale européenne mène des
politiques conventionnelles en jouant sur les taux directeur (taux de refinancement à 0%,
taux de facilités marginales à 0,25 % et taux de facilités de dépôt à – 0,4 %) mais use
également de politiques non conventionnelles à l’image du Quantitative Easing Program
(QE) lancé en 2015 par Mario Draghi afin d’injecter directement des liquidités sur les
marchés en achetant des actifs financiers (titres de la dette publique pour 60 milliards
auxquels s’ajoutent 20 milliards de titres d’entreprises depuis mars 2016).
Seulement si ces politiques monétaires ont comme objectif affiché la relance de l’inflation,
elles provoquent une « inondation monétaire » (Artus) qui n’alimente pas une hausse des
prix dans l’économie réelle et sont à l’origine de création de bulles financières, ce qui
questionne le bienfait de ces politiques.
*
Les politiques monétaires expansionnistes s’avèrent peu efficace pour relancer l’inflation.
L’exemple du Japon et de la politique menée par Shinzo Abe illustre cet état de fait. En
Europe, en plus d’être inefficace pour relancer l’inflation (bien que ces politiques aient
d’autres avantages : baisse de l’euro et maintien de taux d’intérêt faibles sur les obligations
d’Etat), la politique menée par la BCE est sources d’instabilité. En effet dans un contexte
d’inflation structurellement faible, les liquidités injectées par la banque centrale alimentent
des bulles sur les marchés financiers (actuellement particulièrement sur les obligations
d’Etat). Ces bulles posent un dilemme à la politique monétaire car en cas de retour de
l’inflation, la BCE devra adapter une politique monétaire plus restrictive au risque de faire
éclater les bulles et de provoquer un Krach. La peur aujourd’hui est celle d’une
irréversibilité des politiques monétaires (Artus et Vivard, la liquidité incontrôlable). En plus
de l’objectif d’inflation, il serait donc nécessaire que les banques centrales se soucient de
la stabilité financière (BC et stabilité financière, note du CAE 2011). Cet objectif nouveau
serait d’autant plus utile qu’en cas de choc futur, les politiques monétaires avec des taux
déjà à 0 manquent de marges de manœuvre. Pour rendre des marges de manœuvre à la
politique monétaire, il serait possible comme le suggère Blanchard, ex économiste en chef
du FMI, de relever les cibles d’inflation de la BCE de 2% à 4%. Un objectif d’inflation à 4
% permettrait d’avoir un taux d’intérêt nominal plus élevé pour un taux d’intérêt réel
identique.
Dans le but de relancer l’inflation, certains économistes réunis sous le nom « QE4 the
people » recommandent de donner directement l’argent aux ménages de l’UE,
particulièrement aux plus pauvres du fait de leur forte propension à consommer. Cette idée
est celle de « l’helicopter money » théorisé par Friedman (qui lui la rejetait) et a le mérite
de montrer que la politique monétaire a atteint ses limites et qu’elle ne peut pas tout. Pour
relancer l’inflation, il devient nécessaire de repenser les politiques budgétaires.
Strictement encadrées au niveau européen, c’est à ce niveau qu’il faut repenser les
politiques budgétaires.