Recueil des meilleures et moyennes copies des concours d’entrée 2016
Économie
Une composition de sciences économiques.
SUJET : L’inflation est-elle une solution ou un problème ?
Recueil des meilleures et moyennes copies des concours d’entrée 2016
Copie notée : 17/20
La « Grande modération » est une expression popularisée par les travaux de Claude Borio
pour la Banque des Règlements Internationaux (BRI) et désigne le contexte
macroéconomique de la fin de années 1990 à la crise financière de 2007, se caractérisant
par une inflation stable et faible (autour de 2%).
Cette grande modération a marqué le triomphe des idées monétaristes inspirées par
l’économiste Milton Friedman et mises en œuvre par Paul Volcker à la tête de la FED entre
1979 et 1987 qui voyaient en l’inflation un problème à combattre. En effet pour Friedman,
l’inflation la hausse continue et durable du niveau général des prix est toujours et
partout un phénomène monétaire ( à une trop grande quantité de monnaie en
circulation) et est toujours néfaste : elle déséquilibre la répartition des richesses entre
épargnants et emprunteurs, empêche les prévisions macroéconomiques et, dans un
contexte d’ouverture des marchés au niveau mondial, nuit à la compétitivité des
entreprises. Ces défauts de l’inflation ont justifié que les banques centrales fassent de la
lutte contre celle-ci leur principal objectif.
Toutefois, cet objectif est aujourd’hui remis en question pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, cette inflation faible a été cause d’instabilité. Borio parle d’un « paradoxe de
la crédibilité » : le climat de confiance inspiré par la faible inflation a incité les agents
économiques à prendre des risques excessifs sur les marchés, ce qui a mené à la grande
crise de subprimes.
De plus, l’inflation semble aujourd’hui « structurellement faible » (Fitoussi) du fait de
l’ouverture à la concurrence des pays à bas salaires (Inde, Chine) et d’un marché du travail
peut favorable aux salariés. En 2015, l’inflation a été de 0,1 % en zone euro alors que
l’objectif affiché par la BCE est un taux autour de 2 %.
Enfin, l’inflation longtemps crainte semble aujourd’hui désirée. La lutte contre l’inflation
avait fait oublier ses avantages mis en avant par Keynes : l’inflation permet par le jeu
d’illusion nominale de baisser les salaires réels sans déprimer la demande et permet de
réduire la valeur des dettes.
Si les banques centrales mènent aujourd’hui des politiques monétaires expansionnistes,
particulièrement au Japon et en Europe, c’est qu’elles souhaitent un retour de l’inflation
afin de bénéficier de ses vertus dans le contexte macroéconomique actuel (croissance
faible, Etats endettés) et par crainte d’un autre maux : la déflation. Longtemps combattue,
l’inflation est-elle devenue le remède contre les désordres économiques actuels, et ce
particulièrement dans la zone euro ?
Si l’inflation peut être un problème, il semble être éloigné (sauf pour certains pays
émergents) et aujourd’hui il faut craindre davantage les pressions déflationnistes en zone
euro et au Japon (I).
Au contraire l’inflation semble aujourd’hui désirable et ce particulièrement dans le contexte
européen ; seulement les politiques monétaires expansionnistes visant à la relancer sont
limitées (inefficaciet facteur d’instabili) ce qui justifierait le recours à des politiques
budgétaires (II).
***
Si l’inflation peut être un problème, ce risque semble aujourd’hui éloigné pour des raisons
structurelles et conjoncturelles sauf dans les pays émergents (exception faite de la Chine)
(IA). Depuis la crise des subprimes, le principal risque est plutôt celui de pressions
déflationnistes particulièrement dans le contexte d’austérité et de dettes publiques en zone
euro (IB) ;
Au cours des Trente Glorieuses, l’inflation rampante (5 % par an) était tolérée car elle
s’accompagnait d’une croissance élevée (en moyenne + 4,8% entre 1950 et 1970).
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La courbe de Phillips illustrait le dilemme de l’époque entre inflation et chômage que
Pompidou avait tranché en ces termes « Entre l’inflation et le chômage, je choisirai toujours
l’inflation ».
C’est au milieu des années 1970 que la volonté de lutter contre l’inflation est apparue,
corrélativement au phénomène nouveau de stagflation (la coexistence d’une inflation forte
et d’une croissance atone depuis le choc pétrolier de 1974). La courbe de Phillips a donc
été remise en question : pour Milton Friedman, cette courbe n’est vraie qu’à court terme
car à long terme les individus exigent des augmentations de salaires pour répondre à la
hausse des prix, ce qui ne permet pas de lutter contre le chômage. D’autres économistes
(Lucas, Barro) développeront même l’idée d’une « courbe verticale » du fait des
anticipations rationnelles des agents, les salariés demandent des hausses de salaires par
anticipation de l’inflation, ce qui annule tout effet positif de l’inflation. Le comportement
des acteurs fait craindre un cercle vicieux de l’inflation.
Or, l’inflation, comme le souligne Milton Friedman, est néfaste pour l’économie : elle nuit
aux anticipations macroéconomiques, est néfaste pour les épargnants (pour Keynes
l’inflation conduit à « euthanasier les rentiers ») et donc fausse la répartition des richesses.
De plus, dans un contexte d’ouverture des économies, l’inflation est nuisible à la
compétitivité des entreprises.
C’est pourquoi à partir des années 80, la lutte contre l’inflation est apparue prioritaire ; un
combat symbolisé par l’arrivée de Paul Volcker en 1979 à la tête de la FED qui a réussi au
prix de taux d’intérêt à 20 % à casser l’inflation aux Etats-Unis. Pour éviter l’inflation, les
Etats ont cessé de créer en masse de la monnaie et ont préféré se tourner vers les marchés
financiers pour financer leur déficit. Ce recours aux marchés financiers a rendu la lutte
contre l’inflation encore plus nécessaire car le besoin de rassurer les créanciers est apparu
primordial afin de pouvoir emprunter sur les marchés à des taux faibles.
L’inflation a donc longtemps été vue comme un problème, toutefois aujourd’hui une
différence notable est à faire remarquer : l’inflation semble « structurellement faible »
(Fitoussi). Cette inflation faible au niveau mondial tient à des problèmes conjoncturels
(faible demande due à la crise et aux politiques d’austérité) et des raisons conjoncturelles
(l’ouverture des marchés chinois et indien « the great doubling » dont parle Freeman
a doublé la force de travail et a dépriles salaires ; les politiques de l’emploi de flexibilité
du marché du travail ont contribué à cette modération salariale qui déprime
structurellement la demande).
Il convient de noter que l’inflation reste un problème actuel pour les pays émergents (sauf
la Chine). Ces pays, à l’image du Brésil, souffrent de goulets d’étranglement (des
problèmes d’infrastructures empêchent d’augmenter l’offre) : la demande est forte mais
l’offre ne peut y répondre ce qui alimente l’inflation et un déficit commercial. Les pays se
retrouvent alors confronté à un dilemme : augmenter les taux d’intérêt pour vaincre
l’inflation au prix de la croissance ou baisser les taux pour lutter contre le déficit mais au
prix d’une dépréciation de la monnaie et donc d’une augmentation de l’inflation.
A l’exception de ces pays émergents, le principal problème n’est pas l’inflation mais les
pressions déflationnistes, particulièrement dans le contexte d’austérité et de dettes
publiques en zone euro.
En 2015, l’inflation en zone euro a été de +0.1 %. Si cette faible hausse est due en partie
à la baisse du prix du pétrole, il reste que, corriger des prix des matières premières,
l’inflation die sous-jacente ne dépasse pas 1 % dans la zone depuis 2013.
Cette situation inquiète particulièrement car dans un contexte d’austérité et de croissance
faible (après + 1,6 % en 2015, la Commission table sur une croissance de + 1,8% dans
l’Union européenne) des pressions déflationnistes sont à craindre.
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Le pays dont l’exemple inquiète, est celui du Japon qui est entré il y a une dizaine d’années
dans le cadre vicieux de la déflation du fait d’une demande intérieure faible (imputée à un
mauvais partage de la valeur ajoutée des entreprises) en dépit d’une politique monétaire
expansionniste.
Si pour l’économiste Pigou, la déflation ne pouvait être que transitoire car une baisse des
prix entrainant une augmentation du pouvoir d’achat en caisses réelles ») relançait la
demande et donc une augmentation des prix, le cercle vicieux de la déflation est pourtant
possible. En effet, face à une baisse des prix, les ménages anticipent une nouvelle baisse
et donc attendent pour consommer, ce qui déprime davantage la demande et pèse
négativement sur les prix.
Ce risque de déflation existe particulièrement en zone euro du fait de l’hétérogénéité des
pays de la zone. Face à un choc asymétrique (par exemple en Espagne le taux de
chômage a grimpé jusqu’à 25 %), les pays ne peuvent ajuster leur écart de compétitivi
par le taux de change et n’ont à leur disposition que l’outil de l’austérité et de la déflation
interne. Ainsi, en Espagne les salaries ont baissé depuis la crise (Lettre du Trésor, pourquoi
les exportations espagnoles sont si dynamiques après la crise), au prix d’une baisse de la
demande intérieure.
L’inflation faible pose problème pour les pays de la zone euro du fait également d’un taux
d’endettement élevé. Les pays européens suite à la crise bancaire de 2008 se sont endettés
pour sauver leurs banques de la faillite, à l’image de l’Irlande qui a nationalisé la quasi-
totalité de son système bancaire. Pour Rogoff et Reinhart, après une crise bancaire majeure
les dettes publiques augmentent en moyenne de 86% (Cette fois c’est différent). La France
se retrouve aujourd’hui avec une dette publique équivalente à 96% de son PIB, très loin
des exigences du pacte de stabilité et de croissance qui avait imposé de ne pas dépasser
les 60% d’endettement. Dans ce contexte, l’inflation faible n’est pas propice au
désendettement car cela étrangle les débiteurs en rendant les taux d’intérêt réels élevés
(effet Fischer).
*
L’horizon d’un retour de l’inflation semble souhaitable afin de vaincre les pressions
déflationnistes menaçantes. Au-delà, si les banques centrales tentent aujourd’hui par tous
les moyens de favoriser ce retour, c’est aussi car l’inflation est vue comme une solution à
certains problèmes économiques (dette, problème de compétitivité et hétérogénéité en
zone euro).
***
L’inflation semble aujourd’hui souhaitable et ce particulièrement dans le contexte
européen, ce qui justifie l’usage de politiques monétaires expansionnistes (IIA). Seulement
les politiques monétaires expansionnistes visant à la relancer sont limitées en terme
d’efficaciet d’effets pervers, ce qui justifierait le recours à des politiques budgétaires
(IIB).
Les avantages de l’inflation existent et avaient déjà été soulignés par Keynes : l’inflation
permet de faire baisser les salaires réels sans déprimer la demande et elle permet
également de faciliter le désendettement. Or, la zone euro semble avoir particulièrement
besoin d’un tel remède. Tout d’abord, une inflation forte permettrait le désendettement
des pays de la zone euro en diminuant la valeur réelle de la dette. Lors de la sortie de la
Seconde Guerre Mondiale, c’est grâce à des taux d’inflation très élevés que des pays
comme l’Italie et le Japon se sont désendettés. Si « euthanasier les rentiers » (Keynes)
n’est pas souhaitable car cela mettrait en péril les banques et les ménages qui détiennent
des obligations d’Etat, une inflation modérée serait tout de même à atteindre pour favoriser
les débiteurs.
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Ensuite, l’inflation aurait l’avantage de permettre une modération des salaires nécessaires
dans certains pays du fait de coûts salariaux unitaires ayant augmenté trop vite par rapport
aux pays voisins (la France par exemple a vu ses CSU continà augmenter après la crise
alors qu’ils diminuaient en Espagne et en Italie selon la Lettre du Trésor CSU : Comment
la France se situe-t-elle par rapport à ses voisins européens ?) sans déprimer la demande
(selon le postulat keynésien d’une illusion nominale).
Enfin, pour lutter contre l’hétérogénéité et les écarts de compétitivité en zone euro,
l’inflation asymétrique serait une solution favorable. Selon une étude du Cepii de 2012 de
Carton et Hervé, il faut souhaiter un écart d’inflation de 1,5 % entre les pays du Nord et
les trois grands pays du Sud (France, Italie, Espagne) sur dix ans pour permettre un
ajustement des taux de change réels entre les pays. Selon les auteurs, cet objectif
justifierait que l’objectif d’inflation de la BCE passe de 2% à 3 % d’inflation afin de rendre
l’ajustement plus facile.
L’inflation semble donc aujourd’hui désirable en zone euro, ce qui justifie les politiques
monétaires expansionnistes menées par la BCE. La banque centrale européenne mène des
politiques conventionnelles en jouant sur les taux directeur (taux de refinancement à 0%,
taux de facilités marginales à 0,25 % et taux de facilités de dépôt à 0,4 %) mais use
également de politiques non conventionnelles à l’image du Quantitative Easing Program
(QE) lancé en 2015 par Mario Draghi afin d’injecter directement des liquidités sur les
marchés en achetant des actifs financiers (titres de la dette publique pour 60 milliards
auxquels s’ajoutent 20 milliards de titres d’entreprises depuis mars 2016).
Seulement si ces politiques monétaires ont comme objectif affiché la relance de l’inflation,
elles provoquent une « inondation monétaire » (Artus) qui n’alimente pas une hausse des
prix dans l’économie réelle et sont à l’origine de création de bulles financières, ce qui
questionne le bienfait de ces politiques.
*
Les politiques monétaires expansionnistes s’avèrent peu efficace pour relancer l’inflation.
L’exemple du Japon et de la politique menée par Shinzo Abe illustre cet état de fait. En
Europe, en plus d’être inefficace pour relancer l’inflation (bien que ces politiques aient
d’autres avantages : baisse de l’euro et maintien de taux d’intérêt faibles sur les obligations
d’Etat), la politique menée par la BCE est sources d’instabilité. En effet dans un contexte
d’inflation structurellement faible, les liquidités injectées par la banque centrale alimentent
des bulles sur les marchés financiers (actuellement particulièrement sur les obligations
d’Etat). Ces bulles posent un dilemme à la politique monétaire car en cas de retour de
l’inflation, la BCE devra adapter une politique monétaire plus restrictive au risque de faire
éclater les bulles et de provoquer un Krach. La peur aujourd’hui est celle d’une
irréversibilides politiques monétaires (Artus et Vivard, la liquidité incontrôlable). En plus
de l’objectif d’inflation, il serait donc nécessaire que les banques centrales se soucient de
la stabilité financière (BC et stabilité financière, note du CAE 2011). Cet objectif nouveau
serait d’autant plus utile qu’en cas de choc futur, les politiques monétaires avec des taux
déjà à 0 manquent de marges de manœuvre. Pour rendre des marges de manœuvre à la
politique monétaire, il serait possible comme le suggère Blanchard, ex économiste en chef
du FMI, de relever les cibles d’inflation de la BCE de 2% à 4%. Un objectif d’inflation à 4
% permettrait d’avoir un taux d’intérêt nominal plus élevé pour un taux d’intérêt réel
identique.
Dans le but de relancer l’inflation, certains économistes réunis sous le nom « QE4 the
people » recommandent de donner directement l’argent aux ménages de lUE,
particulièrement aux plus pauvres du fait de leur forte propension à consommer. Cette idée
est celle de « l’helicopter money » théorisé par Friedman (qui lui la rejetait) et a le mérite
de montrer que la politique monétaire a atteint ses limites et qu’elle ne peut pas tout. Pour
relancer l’inflation, il devient nécessaire de repenser les politiques budgétaires.
Strictement encadrées au niveau européen, c’est à ce niveau qu’il faut repenser les
politiques budgétaires.
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