Perception de la prévention du cancer du col de l’utérus Etude qualitative n° 103 auprès de jeunes filles et mères d’adolescentes C. Jestin a, I. Heard b, E. Le Laya, C. Dubois c , P. Klein c a INPES, Saint-Denis, France - bHopital Pitié-Salpétrière Paris France - CIpsos Insight Santé Paris France Introduction Méthode L’infection par les papillomavirus humains (HPV) est très fréquente dès les premiers contacts sexuels. Il existe de nombreux génotypes qui peuvent être responsables de différents types de lésions de gravité variable. Les sous-types 16 et 18 sont particulièrement oncogènes et mis en évidence dans 70 % des cancers du col de l’utérus. Dans 90 % des cas, l’infection à HPV s’élimine spontanément. Si elle persiste, cette infection peut évoluer d’abord vers une lésion précancéreuse, et parfois vers un cancer. Le dépistage régulier par frottis cervical permet la détection et le traitement précoce des lésions. La vaccination contre les principaux HPV responsables de ce cancer est disponible depuis 2007. Il existe deux vaccins qui contiennent les sous-types 16 et 18. Depuis mars 2007, le calendrier vaccinal recommande la vaccination des jeunes filles de 14 ans et, en rattrapage, pour les jeunes filles de 15 à 23 ans au plus tard dans l’année suivant leur premier rapport sexuel. L’étude a été réalisée du 6 février au 1er mars 2007 dans 3 villes de France (Paris, Lille, Tours). 20 jeunes femmes de 16 à 26 ans et 20 mères d’adolescentes (11 à 16 ans) ont été recrutées à partir d’un questionnaire décrivant l’ensemble des critères d’éligibilité (âge, CSP, activité, suivi gynécologique). Des entretiens individuels semi-directifs en face-à-face d’une heure ont été réalisés par une enquêtrice expérimentée. Les entretiens ont cherché à appréhender : la perception et les connaissances sur les infections à HPV, le cancer du col de l’utérus, les attitudes de recours, les motivations et les freins au dépistage du cancer du col, les freins et motivations quant à la vaccination contre les infections à papillomavirus humains, les besoins d’information sur le vaccin, les papillomavirus, la prévention du cancer du col de l’utérus. Une étude qualitative a été réalisée avant que ce vaccin soit recommandé, pour appréhender la perception, les connaissances, les freins et motivations des femmes vis-à-vis de la prévention de l’infection à HPV et du cancer du col (dépistage, vaccination). Des fiches d’informations explicatives étaient apportées en cours d’entretien à chaque étape pour éclairer les questions suivantes et évaluer les modifications des réactions des femmes en fonction des informations apportées. Résultats Suivi gynécologique Les consultations pour motif gynécologique ponctuel pouvaient être réalisées par un médecin Le vaccin était bien accueilli : il était souhaité d’emblée pour toutes les femmes, avec une préférence généraliste ou un gynécologue quel que soit l’âge. pour l’âge de 15 à 20 ans. Aborder trop précocement une vaccination en lien avec la sexualité posait problème aux femmes interrogées ; elles proposaient majoritairement de vacciner lors de la puberté ou seulement dès les premières relations sexuelles. Les principales questions posées portaient sur l’innocuité, l’efficacité et les modalités de la vaccination. Le parallèle avec la vaccination contre l’hépatite B était évoqué par certaines femmes. Le manque de recul, une efficacité limitée à 70 % et la crainte des effets secondaires pourraient constituer un frein à la vaccination. Si elles étaient vaccinées, les mères et les jeunes femmes de l’étude poursuivraient un dépistage régulier considéré comme indispensable compte-tenu des limites de la vaccination et pour dépister d’autres pathologies. Le « suivi gynécologique » régulier commençait le plus souvent quelques années (2 à 3 ans) après les premières relations sexuelles voire lors de la 1re grossesse. Ce « suivi » intègre les examens de dépistage et la prévention et vérifie que « tout va bien ». Il est plus souvent assuré par un gynécologue (préféré pour cette consultation pour l’intimité de la relation comparé au médecin généraliste « médecin du quotidien » et de toute la famille). Le dépistage du cancer du col Le frottis paraît indispensable pour les mères, même s’il est vécu comme désagréable. La majorité des mères interrogées savaient que le frottis cervical permet de dépister le cancer du col de l’utérus, c’était moins le cas des jeunes femmes. La perception de cet examen était assimilée à une vérification de la bonne santé féminine. Les freins, plus fréquents chez les jeunes femmes, résidaient dans l’appréhension, voire le rejet de l’examen, et l’insuffisance, voire l’absence, de perception de son objectif et donc de son bénéfice, particulièrement si la vie sexuelle n’était pas stabilisée. Chez les femmes les plus âgées, la peur de la découverte du cancer ou la perception de l’inutilité de la poursuite du frottis pouvaient motiver l’arrêt du suivi. L’infection à HPV et le cancer du col de l’utérus Le cancer du col de l’utérus était perçu comme une maladie fréquente, très grave sans lien avec une infection sexuellement transmissible. Les HPV étaient inconnus pour la La vaccination contre les infections à HPV L’information sur l’infection à HPV, le cancer du col, le frottis, la vaccination La demande d’information médicale était importante. L’insuffisance d’information sur le cancer du col était soulignée par la très grande majorité des femmes, ainsi que la méconnaissance de l’utilité et des objectifs du frottis, en particulier la possibilité de détecter une lésion, de traitement précoce et efficace en cas de lésion précancéreuse. La connaissance du rôle des HPV dans la genèse du cancer du col modifiait profondément les perceptions, et renforçait l’intérêt pour le frottis et les possibilités de prévention. quasi-totalité des femmes interrogées et particulièrement leur rôle dans la genèse du cancer. Les généralistes et les gynécologues Les femmes ignoraient l’histoire Pour les jeunes filles, ce sont les étaient vus us comme les professionnels légitimes pour en parler. naturelle du cancer du col de l’utérus, à savoir un lent processus d’évolution de l’infection à HPV à la lésion précancéreuse, et ses différents stades de gravité pouvant conduire au cancer du col de l’utérus. infirmières scolaires qui peuvent le mieux en parler aux jeunes. Pour les mères, l’information devrait plutôt viser la prévention du cancer du col de l’utérus alors que pour les jeunes (filles et garçons) l’informaPV et sa vaccination, tion sur le HPV devraient s’intégrer dans le contexte des IST et du SIDA. La lésion précancéreuse était mal connue, perçue comme grave, mais sa découverte évoquait la possibilité de prévention. Discussion Cette étude exploratoire, réalisée avant le remboursement de la vaccination anti-HPV, met en évidence le manque de connaissances des femmes sur la prévention du cancer du col, son histoire naturelle, sa genèse, le rôle du frottis dans sa prévention et les possibilités de traiter précocement les lésions précancéreuses. Les femmes sont réceptives à une information qui les inciterait à plus de prévention. Les jeunes femmes sont plus sensibles à intégrer la vaccination dans la sphère de la sexualité et des infections sexuellement transmissibles alors que les mères sont plus réceptives à la prévention des cancers. En parallèle et à la même période, une étude similaire a été réalisée chez les médecins (généralistes, pédiatres et gynécologues). Elle mettait en évidence aussi l’insuffisance d’information des médecins et leur demande sur ces sujets et sur la vaccination. Il sera intéressant de conduire une nouvelle enquête auprès d’un plus grand nombre de femmes pour évaluer si les campagnes d’information récentes sur le dépistage du cancer du col de l’utérus et sur la vaccination ont modifié leurs connaissances et leurs perceptions.