TRAITEMENT DIFFICILE
Préparation : l’annonce d’une mauvaise nouvelle se prépare
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●Préparation du dossier : afin d’éviter l’effet de surprise, il est
indispensable que le médecin ait pris connaissance du dossier médi-
cal avant la consultation. Lorsque le médecin connaît précisément
le contenu de son information, il peut mieux se concentrer sur la
manière de la divulguer. Tous les éléments du dossier doivent être
accessibles facilement lors de la consultation.
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●Préparation matérielle
–Le lieu : le choix du lieu est important. Il peut s’agir idéalement
du bureau du médecin (non encombré), mais l’annonce peut être
faite dans la chambre du malade en veillant cependant au respect de
la confidentialité (en évitant, par exemple, la présence d’un voisin
de chambre). La pièce doit être calme, claire, la plus accueillante
possible. L’absence d’interruption est souhaitable (interruption des
appels téléphoniques, bip, téléphones portables coupés), même si
elle est difficile à obtenir.
–Le moment : il convient de planifier les consultations de manière
à éviter les temps d’attente trop longs (fixer un horaire permettant
de limiter les retards). Les annonces doivent être réalisées de pré-
férence en première partie de journée, du lundi au jeudi : on évite
les fins d’après-midi et de semaine qui sont souvent des périodes
plus anxiogènes, surtout pour les personnes seules. Il est nécessaire
de prévoir une durée de consultation suffisamment longue (d’un
minimum de 30 mn) pour mettre à l’aise le patient et lui montrer
que le temps de cette consultation lui est vraiment consacré (rares
sont les patients qui abusent de cette liberté).
–Les personnes concernées : l’annonce est, au mieux, réalisée par
le médecin qui connaît le malade et qui est spécialiste de la patho-
logie concernée puisqu’il pourra mieux répondre aux questions.
En milieu hospitalier, il faut éviter d’entamer des dialogues diffi-
ciles lorsque l’on est entouré d’une équipe de collaborateurs ou
de stagiaires, et il faut privilégier le colloque singulier médecin-
malade. Cependant, un soignant peut éventuellement accompagner
le médecin et reprendre plus tard, avec le malade, les informations
données lors de cette consultation. La présence d’un proche du
malade, si le malade le souhaite, peut être utile.
–La situation : le patient est habillé (si possible) et bien installé ;
il ne doit en aucun cas se sentir humilié par la situation. Le méde-
cin s’assoit pour parler en se positionnant au même niveau que le
patient : corps et visage doivent être en face à face, regard direct.
L’objectif est de favoriser la communication et de montrer sa dispo-
nibilité. Le mouvement du corps est un outil de communication
(70 % de la communication entre individus est de type non verbal) :
le médecin et, éventuellement le soignant accompagnant, sont assis
dans une attitude détendue sans pour autant être trop décontractée.
Les mouvements du médecin vers le malade sont des gestes de
compréhension, d’autorisation (à pleurer, par exemple) et d’accom-
pagnement.
Introduction
Si le patient est accompagné, il est indispensable, comme avant
toute consultation médicale, que le médecin identifie les personnes
présentes. De même, le médecin doit se présenter. L’introduction
de la consultation peut commencer par une question générale de
type “comment allez-vous depuis la semaine dernière ?” qui per-
mettra d’une part de cerner l’état psychologique du malade et,
d’autre part, de laisser au patient le temps de s’exprimer. Puis, l’intro-
duction rappellera l’objet de la consultation et son déroulement.
Sondage : écouter le malade
C’est surtout quand elle est inattendue, qu’une mauvaise nouvelle
annoncée brutalement pourra créer un effet de sidération, dont cer-
tains patients ne pourront se remettre que lentement et difficilement.
Il est donc fondamental dans l’annonce d’une mauvaise nouvelle
de limiter autant que possible l’effet de surprise. Pour cela, il est
utile de partir de ce que sait le malade de façon à l’amener petit à
petit à deviner, percevoir, comprendre et assimiler la réalité médi-
cale. Dans cette situation, l’utilisation de questions ouvertes (par
exemple : “Votre médecin vous a-t-il donné les résultats de votre
analyse ?”) permet de mieux connaître le niveau d’information dont
dispose le patient ou ce qu’il a compris des informations qui lui ont
déjà été délivrées. Le comportement du patient peut être une source
d’information sur son état psychique, et il peut arriver qu’il n’y ait
pas congruence entre ce qu’il dit et ce qu’il exprime par sa gestuelle.
On peut, à ce moment, aider le patient à se livrer un peu plus, à
parler de ce qui lui fait peur (“vous m’avez l’air nerveux…”), ce qui
permettra de mieux préparer le patient à l’annonce de la mauvaise
nouvelle.
On essayera à ce moment de faire préciser au patient ce qu’il veut
vraiment savoir de la réalité médicale, sans préjugé, notamment en
fonction du caractère du patient (émotif ou extraverti). Par exemple :
“S’il s’avère qu’il s’agit de quelque chose de grave, souhaitez-vous
savoir de quoi il s’agit exactement, que je vous explique les détails
du diagnostic ou plutôt que nous en restions aux généralités ?”
Il faut refuser la solution de facilité qui consisterait à asséner un
diagnostic et/ou un pronostic sans ménagement.
Information
À ce stade, le médecin est en mesure de s’aligner sur le point de vue
du malade en fonction de son niveau d’information initial et de sa
demande. Il s’agira d’amener lentement le patient à faire le chemin
entre ce qu’il imagine de sa maladie et la réalité médicale.
Le médecin donnera alors au malade une information par étapes
successives dans un langage clair, en ayant soin d’instaurer un dia-
logue vrai entre adultes, sans infantilisation du patient, sans jargon
hyperspécialisé, ni condescendance, ni formulation puérile. La
communication doit rester honnête et sincère : il ne faut, en parti-
culier, jamais dire quelque chose d’inexact. Afin de limiter au mieux
le choc de l’annonce initiale, le médecin peut commencer par un
résumé de l’histoire de la maladie, par des “ballons d’essai”, de
façon à préparer le patient à l’annonce plus directe de la mauvaise
nouvelle (par exemple : “Je pense que nous sommes face à un pro-
blème plus sérieux que vous ne le pensiez…”). Si le patient fait
clairement entendre qu’il ne souhaite pas que certains mots soient
prononcés (comme le mot cancer, par exemple), sa volonté doit
être respectée.
La compréhension de l’information doit être vérifiée (“comprenez-
vous ce que cela signifie ?”, “est-ce que vous me suivez ?”). Cer-
tains points qui paraissent importants au médecin sont sans intérêt
pour le patient, et inversement. Il importe donc de répondre à toutes
les questions que le patient ou ses proches pourraient avoir à ce
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VIII - janvier-février 2005 31