orare humanum est
Éditorial
« Orare humanum est » : le titre choisi pour le Senevé de la rentrée 2008 est un soupçon
provocateur, mais le thème qui s’y trouve abordé est le cœur de la vie chrétienne. La prière
est en effet une ligne de séparation reconnue du religieux et du non-religieux; bien que
laissée à la discrétion de l’orant lorsqu’il se trouve face à Dieu, sa nature demeure confuse
pour beaucoup et fait l’objet de débats et controverses théologiques variés. En cette fête
de l’Épiphanie du Seigneur, il nous a semblé opportun de faire découvrir le Sénevé à nos
camarades de l’École qui parfois en ignorent jusqu’á l’existence. En proposant de parler
de la prière, nous affirmons que la vie de prière de l’aumônerie catholique est indissociable
d’un effort « missionnaire », dit autrement, d’un effort de communication avec le reste de
l’École.
Il reste que cet effort ne va pas sans soulever au moins deux difficultés : comment parler
de la prière à celui que ne la pratique pas? Y a-t-il même un intérêt à réfléchir sur la prière
quand soi-même on lui reste étranger voire hostile? Il suffit de rappeler les premiers mots
des Évangiles, le « Convertissez-vous » du Baptiste, qui est le préalable indispensable à tout
acte religieux. Les contributions n’auront donc pas la prétention d’aider à prier. De nos
amis lecteurs incroyants, il ne sera instamment demandé que la première étape du voyage
des Mages : contempler les astres, lire les signes du temps. La distribution gratuite de ce
Sénevé prouvera même, nous l’espérons, que nous n’attendons en retour ni or, ni encens, ni
myrrhe, mais seulement de l’attention et de la bonne volonté. Pourvu que par là nous ayons
pu témoigner de notre foi et de notre attachement sincère au Christ. C’est là encore sans
doute se montrer bien amitieux, s’il est vrai que comme le dit saint Paul lui-même la vie de
prière est une « vie cachée auprès du Père dans le Christ » (Col., 3,3). Là point l’ambiguïté
sous-jacente à notre entreprise : la prière est une réalité dont l’essence est comme la foi
invisible; elle est don de Dieu. De manière radicale, la prière est silence, relation intime à
Dieu; elle commence par le »grand soupir » d’oubli de Doña Musique, quand, au milieu du
Soulier de Satin de Claudel, elle dit : « Ô mon Dieu qu’il fait bon ici et que je suis contente
avec vous! on ne peut plus être ailleurs. Il n’y a pas besoin de rien dire, il n’y a qu’à vous
apporter ma lourde présence et à rester en silence à vos pieds ». « Rien dire », tel est le mot
du poète; et pourtant, il fallait prendre la parole, dans l’espoir que ces articles agréent aux
esprits de nos lecteurs et qu’ils soient pour tous une « épiphanie » de sens et un dialogue
fécond. On excusera donc la faiblesse de notre titre, et fera bon accueil à ce Sénevé; il
est un témoignage de ce qu’écrivent les talas, fruit de leurs pensées et de leur méditation,
dans l’humble mesure de leurs forces et de leur inspiration, quitte à devenir cette Sybille
entichée de calembour, adepte de l’umlaut irrévérencieux, et bien consciente que tout ce
qu’elle pourra dire n’est que bien peu de chose.
François Gerardin et Warren Pezé
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