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LES PUBLICS DES MÉDIAS
Ce n’est pas un hasard si l’expression « publics des médias » est plurielle. Elle se réfère à
plusieurs niveaux de réalité qui interagissent presque simultanément, mais de manière
relativement autonome, dans le processus de fabrication des médias et dans les usages
quotidiens que nous en faisons.
En effet, d’une part, les médias ont besoin de connaître qualitativement et
quantitativement les publics qu’ils veulent rejoindre pour communiquer leurs
informations et pour assurer leurs revenus : il s’agit du public cible et client des médias.
D’autre part, à un autre niveau relié à la sphère de la vie privée , ces mêmes publics
posent des gestes de consommateur qui les conduisent à choisir, à acheter, à gérer les
informations que leur proposent les médias et à déployer une activité qui leur est propre
au moment de leur usage : il s’agit du public consommateur et récepteur actif des médias.
Enfin, le processus de production des médias et les activités qui sont reliées à leur usage
se déroulent et se répercutent dans la sphère publique, celle de la société, où médias et
usagers ont des droits et des responsabilités : il s’agit de la mission publique des médias
et du rôle des usagers comme citoyens.
Public (en général)
La mot public comporte plusieurs significations. On l’utilise pour caractériser tout à la
fois :
- ce qui « relève du peuple » (du latin publicus);
- une masse ou une foule indéterminée d’individus aux caractéristiques plus ou moins
homogènes ou bien un regroupement de personnes plus réfléchies et organisées;
- une sphère distincte de la vie privée, individuelle, particulière, clandestine, secrète,
domestique, intime;
- les institutions gouvernementales et les services;
- des politiques et des réglementations;
- des services offerts à l’ensemble de la population;
- la sphère relative à la vie démocratique, aux rapports entre les citoyens et aux
activités sociopolitiques de ces derniers (société civile);
- ce qui est rendu transparent ou accessible à tous (rendre « public », du terme anglais
to publish);
- l’ensemble des personnes qui assistent à un spectacle, à une réunion, à une
manifestation (le public de…);
- l’ensemble des personnes qui achètent, lisent, voient, entendent des œuvres (le public
de théâtre, de cinéma);
- l’ensemble des personnes écoutant une station de radio ou regardant une chaîne de
télévision, ou encore une émission (en anglais audience);
- les clients des médias (le marché des médias);
- un groupe ciblé (public cible);
- l’ensemble des personnes qui achètent et lisent un journal (lectorat);
- des courants d’opinion (l’opinion publique);
- un ou des groupe-s partageant une communauté d’intérêt (le public adolescent);
- l’intérêt et le bien de tous (l’intérêt public);
- une personne investie d’une fonction plus ou moins officielle (homme/femme public-
que)
- une action, une mission, un rôle;
- une intervention, une information, un avis;
- une représentativité (représentants, porte-parole publics);
- les individus en tant qu’usagers et sujets récepteurs des médias (lecteurs, auditeurs,
téléspectateurs);
- des groupes d’appartenance (le public de tel interprète);
- une communauté nationale (le public canadien, québécois);
- etc.
NOTE : De nombreux débats animent le monde des chercheurs à propos de la notion de public en relation
avec les médias. Pour en savoir davantage, nous vous référons à l’ouvrage Accusé de réception. Le
téléspectateur construit par les sciences sociales, publié sous la direction de Serge Proulx aux Presses de
l’Université Laval en 1998.
q Le public en tant que client et groupe cible des médias
Le format d’un journal ou d’un magazine, ses contenus et leur présentation, la formule de
programmation radiophonique et télévisuelle, le genre et le contenu de ses émissions, le
style d’animation… tout dans les médias est défini en fonction du public qu’on veut
atteindre. La définition de cet auditoire cible sert aussi à définir la clientèle commerciale
(les annonceurs) à qui on veut vendre des espaces de publicité et comment ces messages
publicitaires seront produits. La connaissance de l’auditoire permet également de savoir
quels sont les moments de la journée et de la semaine qui comptent le plus grand nombre
de personnes à l’écoute. Par exemple, pour la radio, le matin est la période de la journée
où il y a le plus grand nombre d’auditeurs. Les téléspectateurs sont en plus grand nombre
en soirée, ce qui est souvent appelé « prime time » et, la soirée du lundi est la plus
écoutée de toutes. La place d’une émission dans une grille horaire prend donc une grande
importance en fonction de ces données conjuguées à d’autres stratégies comme celles qui
sont liées à la concurrence des autres médias.
1. Le public en tant que client
Les entreprises médiatiques et leurs artisans ont besoin du public pour vendre leurs
produits et rentabiliser leurs opérations avec les ventes d’espaces ou de temps
publicitaires. C’est le public monnaie-d’échange qui est l’enjeu principal de l’échange
économique liant les diffuseurs aux annonceurs par l’entremise de la vente d’auditoires
spécifiques.
Lectorat et auditoire
Le lectorat est l’audience totale d’un journal, c’est-à-dire non seulement ceux qui
l’achètent mais aussi ceux qui le lisent. C’est le taux de circulation d’un journal. Tout
lecteur n’est donc pas nécessairement un acheteur et la stratégie du journal visera à
maîtriser son taux de circulation. Le lecteur lui-même est considéré comme un « acheteur
indirect ».
Les données qu’un journal parvient à cumuler sur son lectorat servent de mesure
d’échange pour établir les tarifs publicitaires. Ces derniers varient en fonction du tirage
d’un journal établi par un organisme indépendant, l’Audit Bureau of Circulation. Chaque
journal possède donc sa carte de tarifs établis en tenant compte des facteurs suivants :
genre de publicité (nationale, de détail, avis divers), le volume des annonces, leur
fréquence de parution, leur position dans le journal, leur utilisation de la couleur. Dans la
presse écrite, le lectorat est l’équivalent de l’auditoire pour la télévision et la radio qui est
évalué à partir d’outils différents (BBM, Nielsen).
Le marketing
Selon Michèle Martin et Serge Proulx dans Une télévision mise aux enchères, Télé-
université (1995), le marketing est une stratégie utilisée pour aller chercher des publics
nouveaux tout en gardant les anciens. Pour ce faire, le service de marketing des médias
doit être capable de procurer des informations détaillées sur les différents publics
disponibles, et sur ce qui leur plaît. Il doit rapporter assez d’informations pour que chaque
média soit capable d’offrir des espaces ou des émissions « faciles à vendre » aux
commanditaires et aux annonceurs.
À la télévision et à la radio, le marketing, qui doit essayer de « vendre » les programmes
de la station aux publics, doit travailler de près avec les programmateurs dont la tâche est
d’offrir des programmes « vendables », c’est-à-dire dont les cotes d’écoute, réelles ou
anticipées, attireront les commanditaires. Quatre points sont ici de grande importance :
d’abord, examiner les produits pouvant être offerts; puis, déterminer les publics à qui ils
peuvent être offerts; ensuite, établir les niches qu’on veut exploiter; et enfin, faire la
promotion des programmes inscrits dans ces niches. Notons finalement que si l’espace
publicitaire accordé dépend de plusieurs facteurs, il est certain que la faculté que possède
un sujet ou un thème d’attirer de la publicité entre aussi en ligne de compte.
La mesure industrielle des auditoires
Note : Extraits de l’article de Gérard Malo et Luc Giroux, « La mesure industrielle des auditoires», Accusé
de réception (1995), pages 16-46.
Les chaînes traditionnelles de télévision, la plupart des canaux spécialisés et les stations
de radio, qu’elles soient de service public ou privé, utilisent les informations sur leurs
auditoires (cotes d’écoute en anglais rating studies) comme moyen d’échange auprès
des annonceurs en établissant, par exemple, la valeur pécuniaire d’un moment de
diffusion; elles s’y réfèrent également en tant qu’outil stratégique pour évaluer les
contenus et les genres d’émission, de même que pour élaborer les grilles de
programmation. Il arrive parfois que des stations de télévision et de radio utilisent la taille
des auditoires pour déterminer les cachets de certains animateurs ou animatrices et pour
établir les budgets de production. Les données sur les auditoires sont aussi utilisées
comme outil de légitimation du choix des contenus offerts auprès de l’opinion publique et
des organismes de réglementation (Malo et Giroux, page 17).
De manière secondaire, les données d’auditoires peuvent aussi avoir une incidence
directe sur l’établissement et l’application de certaines politiques. Ainsi, la loi québécoise
interdit les messages publicitaires dans les émissions pour enfants et ce sont les données
sur l’importance numérique des enfants dans l’auditoire qui permettent d’établir si une
émission doit être considérée ou non comme destinée aux enfants. Par ailleurs, les
organismes de réglementation, tel le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC), évaluent partiellement le respect des cahiers
des charges et des mandats des stations en ayant recours à ces données. Lors des
audiences publiques pour le renouvellement des licences d’exploitation, les stations de
radio et de télévision doivent démontrer leur succès auprès des auditeurs et des
téléspectateurs à l’aide de ces données standardisées. Comme les mêmes données sont
accessibles aux stations concurrentes, celles-ci peuvent intervenir publiquement pour
faire valoir leurs vues lors de telles audiences et engager un débat. Ainsi, en 1994, le
réseau privé TVA a utilisé largement les données d’auditoire pour tenter de démontrer
que Radio-Canada ne s’en tenait pas à son mandat de réseau public et pour prier le CRTC
d’intervenir. Selon TVA, certaines émissions de divertissement qui retiennent un fort
auditoire à la programmation de Radio-Canada ne servent qu’à produire des revenus
publicitaires et nuisent financièrement aux réseaux privés. Il est important de souligner,
toutefois, que les groupes de pression de la société civile peuvent difficilement utiliser la
recherche industrielle pour étayer leurs arguments, n’ayant pas accès aussi facilement aux
données (Malo et Giroux ,pages 18-19).
L’arrivée de nouveaux canaux spécialisés visant des créneaux limités de la population, le
grand nombre de canaux de diffusion, l’internationalisation des médias, l’utilisation
répandue du magnétoscope, les satellites de diffusion directe et la convergence des
médias vers l’autoroute électronique remettent en question la possibilité que ce système
de mesure de l’auditoire puisse continuer sous sa forme actuelle. Plusieurs observateurs
affirment que, dans ce contexte changeant, le système actuel de mesure des auditoires fait
face à un enjeu de survie. Les médias qui vivent du système commercial n’en auront
peut-être plus besoin à plus ou moins brève échéance. Car pointe à l’horizon la
généralisation des contenus payables à la carte par l’usager. À ce moment, tout ce qui
importera aux divers médias, ce sera de connaître le nombre exact d’utilisateurs de
chacun des contenus diffusés (Malo et Giroux, page 46).
BBM et Nielsen
Les recherches sur les auditoires de la télévision et de la radio au Canada sont menées par
deux sociétés. Principalement au service des radiodiffuseurs et des agences de publicité,
elles mesurent et rapportent essentiellement des données similaires sur les auditoires des
émissions selon un certain nombre de caractéristiques sociodémographiques :
- BBM (Bureau of Broadcast Measurement). Il s’agit d’une entreprise coopérative à
but non lucratif fondée au début des années 1940 par l’Association canadienne des
radiodiffuseurs pour faire contrepoids à la présence des firmes américaines
d’évaluation des auditoires de la radio. L’organisme regroupe comme membres les
chaînes, les stations individuelles, les agences de publicité et les annonceurs utilisant
les médias électroniques. Elle évalue les auditoires de la radio et de la télévision en
fournissant des données sur l’écoute urbaine et régionale.
- A.C. Nielsen. Établie au Canada depuis 1950, cette société est la filiale de la firme
américaine portant le même nom. Depuis 1964, elle concentre ses activités sur
l’évaluation des auditoires de la télévision en fournissant des données sur l’écoute
nationale (ensemble du territoire canadien) et provinciale. (Malo et Giroux, pages 22-
26)
Les outils de mesure de l’auditoire
L’échange commercial entre des vendeurs et des acheteurs d’espaces publicitaires se
négocie en attribuant une valeur marchande à des résultats pour lesquels il y a accord
quant à l’interprétation. Parce que les données sur les auditoires servent de monnaie
d’échange, elles doivent être perçues comme objectives et non sujettes à interprétation.
On privilégie des outils de mesure qui, même imparfaits, assurent une stabilité relative
des résultats d’un sondage à l’autre. Ces outils sont le téléphone, le cahier d’écoute et
l’audimètre.
- L’utilisation du téléphone
Les entrevues téléphoniques peuvent être utilisées de deux façons pour mesurer les
auditoires. La première, le rappel, demande aux répondants d’indiquer soit leur
moment d’écoute de la télévision, de la radio et de la station concernée soit les
émissions spécifiques regardées ou écoutées dans les jours précédents l’entrevue.
L’autre utilisation de l’entrevue téléphonique dite « coïncidente » a pour objectif de
mesurer l’écoute au moment précis de l’appel. Ce type d’entrevue est surtout utilisée
comme mesure étalon pour vérifier la validité d’un outre outil, les cahiers d’écoute.
- Le cahier d’écoute
Il existe de nombreuses versions du cahier d’écoute et de son utilisation. Les plus
fréquentes sont celles du cahier individuel et du cahier par appareil de télévision.
Dans les deux cas, il est demandé aux répondeurs d’inscrire la station écoutée ou
regardée à l’intérieur de périodes de 15 minutes et, dans le cas de la radio, d’indiquer
l’endroit où ils se trouvent au moment de l’écoute (voiture, maison, travail, etc.). Pour
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