
Séminaire CUSO de 3e cycle en sociologie 2005 Uvrier-St. Léonard
Humiliation, colère, compassion.
Morale et émotions dans l’espace public politique
ARGUMENTAIRE A LA BASE DU PROGRAMME
Le séminaire examine sous différentes perspectives les émotions et sentiments qui
accompagnent l’invocation de principes de la vie commune. Ce thème jouit malheureusement
d’une actualité que le manifeste de psychologie behavioriste de B. F. Skinner, Beyond
freedom and dignity (1972) n’avait pas anticipée. Même la liberté devient humiliante dès lors
qu’elle est imposée. La réflexion des sciences sociales et politiques a pris progressivement la
mesure de l’importance et de l’extension de cette expérience sociale.
Le séminaire est organisé en trois journées : un triple éclairage sur la problématique ; la
socialisation des émotions, en particulier par les médias ; ce que les émotions font aux
sociologies ou comment les sociologies prennent la mesure de la dimension émotionnelle et
morale de l’ordre social.
La première journée cadre ces réflexions de trois côtés : l’état de la discussion philosophique
à propos des principes de la vie en commun ; l’objectivation du jugement sur ces principes par
la recherche sociologique ; les effets de l’incorporation de tels principes dans les institutions.
• comment la philosophie politique a-t-elle renouvelé sa réflexion et du coup aussi son
rapport aux sciences sociales en abordant ce sujet (Emmanuel Renault) ? Certains
aspects de ce thème ont pris d’abord place dans la tradition libérale de John Rawls –
Michael Walzer, Charles Taylor et surtout Avishai Margalit – mais c’est le recours
aux réflexions du jeune Hegel à Iena qui permettront à Axel Honneth de penser
l’humiliation et la reconnaissance dans le cadre de l’histoire et des forces sociales
réels.
• comment la sociologie objective-t-elle les jugements profanes à propos du juste et de
l’injuste (Jean Kellerhals) ? Quelles en sont les dimensions pertinentes ? y a-t-il des
types de jugements de justice et si oui, quel est leur ancrage social ?
• comment les cadres de légitimation des pratiques productrices d’humiliation servent
de ressource à leur critique (Jean-Pierre Zirotti) ? L’égalité face à la loi de l’école, la
croyance dans un principe de méritocratie sont des ressources pour exprimer le
désarroi, la colère, l’indignation de celles et ceux qui font l’expérience de ce que ces
promesses ne tiennent pas face à leur origine ou la couleur de leur peau.
La seconde journée est consacrée aux manières dont les émotions circulent,
• les manières dont elles sont exprimées par les médias (Jocelyne Arquembourg),
• les manières dont elles prennent forme dans les jugements de justice – forme dont
l’histoire de la télévision permet de retracer les transformations (Sabine Chalvon-
Demersay).
Des travaux des Mattelart sur les télénovelles brésiliennes, aux réflexions de J. Martin-
Barbero sur la fonction médiatrice des médias dans la circulation de la culture, de nombreux
travaux, dont ceux des deux chercheuses invitées, ont témoigné de la fonction socialisatrice
des médias. Si ce phénomène n’est souvent pas reconnu à sa juste valeur, cela ne tient pas à la