Actualités - John Libbey Eurotext

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Prévention des saignements en cas d’angioplastie coronaire
chez un patient en fibrillation auriculaire
Jean-Michel Juliard
Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France
[email protected]
E
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n cas de fibrillation auriculaire
(FA), le traitement anticoagulant
est recommandé dès que le score
CHA2DS2-VASc est de 1 ou plus,
soit environ dans 85 % des cas. Dès
lors, si une angioplastie coronaire est
nécessaire, le patient devra recevoir
une anticoagulation efficace et une
bithérapie antiplaquettaire, l’exposant transitoirement à un risque hémorragique élevé avec cette trithérapie antithrombotique. L’utilisation
des nouveaux anticoagulants oraux
(anti-II et anti-Xa) peut s’avérer utile
en comparaison aux antivitamines K
(AVK), compte tenu d’une réduction du risque hémorragique intracérébral. De plus, le rivaroxaban
a démontré son efficacité à réduire
les événements cardiovasculaires
majeurs au décours d’un syndrome
AF patient in need of OAC after elective PCI with stent
Bleeding risk high
compared to risk for ACS
or stent thrombosis
Bleeding risk low
compared to risk for ACS
or stent thrombosis
Time from PCI
0
Triple therapya (llaB)
1 month
3 months
Dual therapyb (llaC)
A or C
Dual therapyb (llaC)
A or C
6 months
OAC monotherapyc (IB)
12 months
Lifelong
OAC monotherapyc (IB)
doi : 10.1684/stv.2017.0966
OAC
Aspirin 75-100 mg daily
Clopidogrel 75 mg daily
OAC : oral anticoagulant.
Figure 1. Proposition de traitement antithrombotique chez un patient en fibrillation auriculaire (AF) devant subir une angioplastie
coronaire élective (PCI) selon le score de risque (bleeding risk), bas ou élevé.
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
3
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coronaire aigu au cours de l’essai
ATLAS ACS 2-TIMI 51 [1], mais
avec une augmentation du risque hémorragique en association avec une
bithérapie antiplaquettaire au cours
de l’essai de phase II ATLAS ACSTIMI 46 [2].
L’essai PIONEER AF-PCI [3] a randomisé en ouvert 2 124 patients porteurs
d’une FA non valvulaire et devant subir
une angioplastie coronaire avec stent
en trois groupes de traitement :
– rivaroxaban à faible dose (15 mg/j)
plus un inhibiteur de P2Y12 pour
12 mois ;
– rivaroxaban à très faible dose (validé dans l’étude ATLAS, 2,5 mg deux
fois par jour) plus une bithérapie antiplaquettaire pour 1, 6 ou 12 mois ;
– AVK ajusté sur l’INR (international
normalized ratio) plus une bithérapie
antiplaquettaire pour 1, 6 ou 12 mois.
Le critère de jugement primaire a
été un critère de sécurité jugé sur le
taux d’accidents hémorragiques majeurs selon la classification TIMI. La
majorité des patients (> 90 %) dans
chacun des groupes ont reçu du clopidogrel comme inhibiteur de P2Y12.
Aucun patient n’a été perdu de vue
au cours du suivi ! Dans le groupe
3, patients ayant reçu un AVK, 65 %
étaient dans la zone thérapeutique
(INR entre 2 et 3), résultat comparable aux essais déjà publiés. Les
taux d’accidents hémorragiques ont
été plus faibles dans les deux groupes
recevant le rivaroxaban (16,8 % dans
le groupe 1, 18,0 % dans le groupe
2 et 26,0 % dans le groupe 3, avec
un hazard ratio (HR) groupe 1 versus
groupe 3 : 0,59 (IC 95 % : 0,47-0,76 ;
p < 0,001) et HR groupe 2 versus
4
groupe 3 : 0,63 (IC 95 % : 0,50-0,80 ;
p < 0,001). Les taux de décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du
myocarde et accident vasculaire cérébral (AVC) étaient identiques entre
les trois groupes.
Cette étude a montré une réduction
du risque hémorragique en utilisant
le rivaroxaban, soit à faible dose en
association avec un inhibiteur de
P2Y12, soit à très faible dose avec
une bithérapie antiplaquettaire en
comparaison avec un traitement
« standard » (AVK plus bithérapie
antiplaquettaire). En revanche, l’évaluation de l’efficacité est hautement
critiquable compte tenu, notamment,
que la dose réduite de rivaroxaban
n’est pas celle recommandée chez les
patients en FA en termes de prévention de l’AVC. L’absence de significativité sur les taux d’accidents ischémiques ne peut être validée étant
donné la largeur des intervalles de
confiance et du faible taux d’événements. Prenons en exemple le risque
d’AVC entre groupes 1 et 3, le HR
est à 1,07 mais avec un IC à 0,392,96 : on ne peut exclure de tripler
le risque d’AVC ! De même, pour le
risque de thrombose de stent, entre
groupes 2 et 3, avec HR à 1,44 et
IC à 0,40-5,09 : peut-on prendre
le risque de multiplier par cinq le
risque de thrombose de stent ?
Finalement, la seule conclusion
de l’étude est qu’en réduisant la
dose d’anticoagulant, on réduit le
risque hémorragique (ce n’est pas
une découverte !) mais on n’est pas
sûr d’être délétère sur le risque de
complications thrombotiques. Les
auteurs ont estimé qu’il aurait fallu
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
inclure 13 598 patients par groupe
(soit un total de 40 794) pour démontrer une supériorité d’une réduction
du risque relatif de 15 %.
Nonobstant, la gestion des antithrombotiques chez un patient en FA devant
subir une angioplastie coronaire avec
stent reste un problème quotidien
et débattu. La Société européenne
de cardiologie (ESC) a proposé un
schéma thérapeutique simplifié en
tenant compte du risque hémorragique de chaque patient, illustrant
que le risque doit être individualisé
et le patient clairement informé
(figure). Dans tous les cas, il est
conseillé de ne pas poursuivre la
trithérapie antithrombotique au-delà
de un mois [4].
Liens d’intérêts : l’auteur déclare
n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article.
Références
1. Mega JL, Braunwald E, Wiviott SD, et al. Rivaroxaban in patients with a recent acute coronary syndrome. N Engl J Med 2012 ; 366 : 9-19.
2. Mega JL, Braunwald E, Mohanavelu S,
et al. Rivaroxaban versus placebo in patients
with acute coronary syndromes (ATLAS
ACS-TIMI 46): a randomized, double-blind,
phase II trial. Lancet 2009 ; 374 : 29-28.
3. Gibson CM, Mehran R, Bode C, et al.
Prevention of bleeding in patients with atrial
fibrillation undergoing PCI. N Engl J Med
2016 ; 375 : 2423-34.
4. Kirchhof P, Benussi S, Kotecha D, et al.
2016 ESC guidelines for the management of
atrial fibrillation developed in collaboration
with EACTS. The task force for the management of atrial fibrillation of the European
Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
2016 ; 37 : 2893-962.
Actualités
Prévalence des épisodes infracliniques de fibrillation auriculaire chez les
patients âgés avec facteurs de risque associés : étude ASSERT-II
Jean-Michel Juliard
L’
étude ASSERT, publiée en
2012, avait recherché l’incidence de la fibrillation auriculaire (FA) chez 2 580 patients
(âge 65 ans) hypertendus, sans
antécédent de FA et porteurs soit
d’un pace-maker soit d’un défibrillateur [1]. La mémoire des stimulateurs avait été interrogée sur une
période de trois mois pour détecter
les épisodes infracliniques de FA
(avec fréquence cardiaque > 190/min
et d’une durée supérieure à 6 minutes). Des épisodes de FA infracliniques avaient été détectés chez
261 patients (10,1 %) avec un risque
accru d’accident ischémique cérébral (AIC) ou d’embolie systémique
(hazard ratio : 2,49 ; IC 95 % : 1,284,85 ; p = 0,007). La prévalence de
ces épisodes infracliniques chez une
population âgée (sans pace-maker ni
défibrillateur) avec facteurs de risque
restait inconnue jusqu’à ce jour.
Le but de l’étude ASSERT-II (présentée au dernier congrès de l’American
Heart Association, La Nouvelle-Orléans, novembre 2016) a été de dépister ces épisodes infracliniques de
FA, chez 273 patients âgés (âge > 65
ans, moyenne 74 ans), avec facteurs
de risque associés (score CHA2DS2VASc > 2, moyenne de 4,1) au moyen
Patient without known AF presenting with atrial high rate episode
(AHRE > 5-6 min and > 180 bpm) detected by an implanted device
Assess eligibility for oral anticoagulation using CHA2DS2-VASc score
Stroke risk low
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Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France
[email protected]
Verify presence of AF by ECG documentation
e.g. Resting ECG
Ambulatory ECG recorder
Patient-operated devices
Review device electrograms (if available) to determine whether it is AF
No AF detected
AF diagnosed
Consider patient characteristics
(e.g. stroke risk score)
and patient preference
No antithrombotic
therapy (IB)
∗
Initiate oral anticoagulation
(IA)
Figure 1. AHRE : épisode de tachyarythmie rapide > 5-6 minutes et fréquence > 180/min.
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
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d’un système d’enregistrement
implanté en sous-cutané (Confirm
DM2100, St Jude Medical) avec un
suivi moyen de 16 mois [2]. Environ
la moitié des patients (48 %) avaient
un antécédent d’AIC, accident ischémique transitoire ou embolie systémique. La majorité des patients
(90 %) avaient une oreillette gauche
dilatée sur l’échocardiographie à
l’inclusion. Les patients porteurs
d’un pace-maker, d’un défibrillateur
ou qui recevaient une anticoagulation au long cours étaient exclus
de l’étude. L’incidence annuelle de
FA infraclinique a été de 34,4 %
pour des épisodes > 5 minutes,
21,8 % pour des épisodes > 30 minutes, 7,1 % si > 6 heures et 2,7 %
si > 24 heures. Les patients ayant
présenté un épisode de FA infraclinique étaient plus âgés (75 ans
versus 73 ans) avec un volume de
l’oreillette gauche > 73,5 ml.
Ces résultats démontrent que la prévalence de la FA chez des sujets âgés
à fort risque cardiovasculaire est plus
élevée que celle estimée dans les
études antérieures. Cependant, le lien
reste à faire entre ces épisodes infracliniques détectés au décours d’un
accident vasculaire cérébral (AVC)
avant d’en affirmer la causalité.
Faut-il effectuer une recherche systématique des épisodes infracliniques
de FA chez tous les patients de plus
de 65 ans et un score CHA2DS2VASc > 2 ? La réponse ne peut être
affirmative sur les résultats de cette
seule étude qui ne permet pas d’estimer le rapport coût/efficacité d’un tel
dépistage à grande échelle.
La nécessité d’un traitement anticoagulant au long cours sur le seul
dépistage de ces épisodes infracliniques n’est pas claire non plus, en
termes de rapport risque/bénéfice
mais également coût/efficacité. Il
faudra attendre les résultats de deux
6
essais en cours avec les nouveaux
anticoagulants oraux validés dans la
prévention des AVC au cours des FA
non valvulaires. L’étude NOAH (Nonvitamine K Antagonist Oral Anticoagulation in Patients with Atrial High
Rate Episodes, ClinicalTrials.gov,
Identifier : NCT02618577) sera un
essai européen, randomisé, en double
insu testant l’efficacité de l’edoxaban (60 mg/j réduit à 30 mg/j si clearance créatinine entre 15 et 50 ml/
min ou poids < 60 kg) sur la prévention des AVC, embolies systémiques
et décès d’origine cardiovasculaire
(suivi moyen : 28 mois) chez des
patients ayant présenté des épisodes
infracliniques de tachyarythmie. Le
comparateur sera soit un placebo
soit l’aspirine à la dose de 100 mg/j.
Le nombre total de sujets prévus a
été estimé à 3 400, l’étude a débuté
en février 2016 et les résultats sont
escomptés en 2019. L’étude ARTESIA (Apixaban for the Reduction of
Thrombo-Embolism in Patients with
Device-Detected Sub-Clinical Atrial
Fibrillation, ClinicalTrials.gov, Identifier : NCT1938248) sera un essai
international, randomisé, en double
insu testant l’efficacité de l’apixaban (5 mg deux fois par jour réduit à
2,5 mg si âge > 80 ans, poids < 60 kg
ou créatinine >
– 133 mmol/L) sur la
survenue d’un AVC ou d’une embolie systémique sur un suivi moyen de
trois ans. Le comparateur sera l’aspirine à la dose de 81 mg/j. Le nombre
total de sujets prévus a été estimé à
4 000, l’étude a débuté en mai 2015 et
les résultats sont escomptés en 2019.
Les critères d’inclusion sont proches
de l’étude ASSERT-II : âge > 55 ans,
enregistrement d’un épisode de FA >
–6
minutes enregistré soit à partir d’un
pace-maker et/ou défibrillateur ou
d’un enregistrement sous-cutané de
longue durée et facteurs de risque
associés.
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
Les dernières recommandations de
la Société européenne de cardiologie
sur l’indication de la mise sous anticoagulants sont résumées (figure 1)
en cas de dépistage d’un épisode
prolongé de tachyarythmie [3].
Nous avons cependant besoin de
plus de preuves scientifiques pour
mieux définir le rapport risque/bénéfice d’un traitement anticoagulant au
long cours sur la seule découverte
d’épisodes infracliniques de FA. La
pertinence de la durée ou de la fréquence de l’épisode arythmique est
totalement empirique. Ce schéma
montre la nécessité d’individualiser le risque embolique de chaque
patient, mais il faudrait également
prendre en considération son risque
hémorragique. Ce diagramme est
une aide à la décision, encore forcément imparfait en l’absence des
résultats des études à venir, et prend
également en compte la préférence
du patient !
Liens d’intérêts : l’auteur déclare
n’avoir aucun lien d’intérêt en
rapport avec cet article.
Références
1. Healey JS, Connolly SJ, Gold MR, et al.,
for the ASSERT Investigators. Subclinical
atrial fibrillation and the risk of stroke. New
Engl J Med 2012 ; 366 : 120-9.
2. Healey JS, Connolly S, Alings M. Prevalence of sub-clinical atrial fibrillation using
an implantable cardiac monitor in patients
with cardiovascular risk factors: ASSERT-II.
American Heart Association, Scientific Sessions, Late Breaking Trials, New Orleans,
November 15 2016.
3. Kirchhof P, Benussi S, Kotecha D, et al.
2016 ESC guidelines for the management of
atrial fibrillation developed in collaboration
with EACTS. The task force for the management of atrial fibrillation of the European
Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
2016 ; 37 : 2893-962.
Actualités
Variabilité de la pression artérielle et risque cardiovasculaire
Bernard Lévy
IVS, Hôpital lariboisière, 75010 Paris, France
[email protected]
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L
a généralisation et la puissance
des systèmes informatiques de
collection et de gestion des données électroniques atteignent des
niveaux inimaginables. Les grandes
sociétés informatiques investissent
des milliards de dollars dans le
domaine de la santé et espèrent
bien en retirer beaucoup plus dans
la prochaine décennie [1, 2]. Aux
États-Unis, les systèmes de santé
des grands assureurs ou des anciens
combattants (vétérans) disposent de
bases de données gigantesques qui
permettent d’identifier et/ou de valider de nouveaux facteurs de risque
et de développer de nouvelles hypothèses et stratégies pour améliorer le
diagnostic et la prise en charge des
patients. Nous sommes entrés dans
l’ère des « big data » pour les populations à risque ; les auteurs [1] ont
utilisé l’une de ces bases de données
pour tester une hypothèse qui reste
encore à valider.
Les liens statistiques et épidémiologiques entre niveau de pression
artérielle (PA) et risque cardiovasculaire sont bien établis [3]. Cependant, on connaît mal l’importance de
l’influence de la variabilité de la PA
d’une visite à l’autre (VVV pour visit-to-visit variability) dans l’appréciation du risque cardiovasculaire
global. Un lien étroit entre VVV et
accidents vasculaires cérébraux a
Facteurs extrinsèques :
- variations de la méthode de mesure de la PA ;
- adhérence au traitement anti-hypertenseur ;
- classe du/des médicaments anti-hypertenseurs ;
- facteurs environnementaux ;
- facteurs psychologiques.
été démontré dans un travail pionnier de Rothwell et al. en 2010 [4].
Cependant, d’autres études n’ont
pas retrouvé ce type de relation [5]
qui reste encore en question. Les
raisons de ces résultats divergents
tiennent à des différences entre les
populations étudiées, de taille de
cohorte et/ou de différences de méthodologies statistiques.
Gosmanova et al. [1] rapportent les
résultats d’une étude portant sur la
VVV de la pression artérielle systolique (PAS) et le risque cardiovasculaire dans une population de 2,9 millions de patients du fichier des VA
suivie pendant au moins huit ans. La
PAS était mesurée lors d’au moins
Facteurs intrinsèques:
- augmentation de la rigidité artérielle liée à l’âge ;
- modifications du baroréflexe liées à l’âge ;
- facteurs humoraux ;
- facteurs génétiques.
Mesure de la variabilité de la pression artérielle systolique d’une visite à l’autre
Résultats du suivi clinique
PAS : pression artérielle systolique.
Figure 1. Facteurs responsables de la variabilité de la pression artérielle et schéma du suivi de l'étude.
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
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huit visites consécutives chez le praticien, ce qui a permis de calculer la
VVV sur le temps de suivi de chaque
sujet (figure 1). La mortalité globale
et la survenue de maladies coronaires, d'accident vasculaire cérébral
(AVC) et d’insuffisance rénale terminale ont été analysées et classées
selon les quartiles de la variabilité de
la PAS (VarPAS).
Au début de l’étude, dans les conditions de début de la période d’observation, la VarPAS était associée à
l’âge des patients, au genre masculin, à l’origine afro-américaine des
patients, à leur statut de veuf ou de
divorcé, à leur niveau de pauvreté,
de PAS et de pression artérielle diastolique (PAD), au niveau de filtration
glomérulaire, à l’existence d’un diabète, de maladies cardiaques ou pulmonaires, et à l’utilisation de médicaments anti-hypertenseurs, quelle que
soit leur classe.
Pendant les huit ans de suivi, une variabilité élevée de la PAS était associée à la
mortalité globale, aux nombres d’événements coronaires, d’AVC, et d’insuffisance rénale terminale (figure 2).
Comment interpréter ces résultats
et l’hétérogénéité des différentes
études disponibles ?
La taille de la cohorte étudiée est largement supérieure à celle des études
précédentes et assure la robustesse
des interactions observées pour la
prédiction du risque de mortalité
et de maladie cardiovasculaire et
rénale. Néanmoins, les études d’association restent, quelle que soit la
taille des populations étudiées, simplement des éléments qui permettent
de proposer des hypothèses qui devront être validées (ou non) par des
études cliniques rigoureuses, prospectives et randomisées.
Il est capital de savoir si les
corrélations observées entre la
VarPAS et le risque cardiovasculaire
seront confirmées par un bénéfice
dans la prévention du risque après
diminution de la variabilité de la
PAS dans des populations ciblées.
Quels
sont
les
mécanismes
physiologiques
qui
pourraient
expliquer une forte variabilité
de la PAS ? La détérioration
du baroréflexe avec l’âge ou le
diabète, la dysfonction endothéliale
[5], la neuropathie diabétique et
les modifications des propriétés
mécaniques artérielles [6] sont
très probablement impliquées dans
l’augmentation de la variabilité
de la PAS. Dans toute étude sur la
variabilité tensionnelle, il faut tenir
compte de l’heure de la mesure
de pression dans la journée :
elle est plus élevée juste après le
réveil et des mesures faites à des
heures différentes lors des visites
successives augmentent la variabilité
14
Hazard ratios (95% ci)
12
10
8
6
4
2
0
Mortality
CHD
SD Q1
Stroke
SD Q2
SD Q3
ESRD
SD Q4
Axe Y : rapports de risques (95% de l’intervalle de confiance).
Axe X : Mortalité maladies coronaires, accidents vasculaires cérébraux, insuffisance rénale terminale.
SD : écart type de la variabilité de la pression systolique. Q1, Q2, Q3, Q4 : quartiles de ces écarts types.
Figure 2. Rapport de risques pour la mortalité, la survenue de maladies coronaires, les accidents vasculaires cérébraux
et l'insuffisance rénale terminale selon les différents quartiles de variabilité de la pression artérielle systolique.
8
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
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de la PA de manière artificielle
[7]. Les différentes classes des
médicaments anti-hypertenseurs ont
certainement des effets différents
sur la variabilité de PA selon leur
absorption, leur métabolisme, leur
durée d’action et également selon la
prise en dehors ou pendant les repas
[9]. On ne connaît pas précisément
ces relations. Il est cependant
clair qu’une bonne adhérence au
traitement est un facteur de faible
variabilité tensionnelle [10]. Il
semble enfin que la charge sodée, le
niveau d’activité physique et la perte
de poids ont peu d’influence [11].
Les facteurs sociaux et familiaux
(pauvreté, divorce, veuvage) pourraient être liés à des facteurs dépressifs et/ou à une moins bonne
observance du traitement dans ces
conditions. On ne connaît pas les
effets de la consommation d’alcool
et de tabac sur la variabilité de la PA.
L’analyse des « big data » permet
une puissance et une robustesse statistique importantes, souvent aux
dépens de la qualité des données
analysées. Il est en effet difficile de
s’assurer de la qualité et de l’exactitude des données cliniques et biologiques figurant dans chacun des dossiers de 2,9 millions patients. Plus la
taille de la base de donnée est grande
plus le risque d’erreur et d’imprécision des données est important. De
plus, et une fois encore, ces grandes
études rétrospectives ne permettent
que de proposer de nouvelles hypothèses et doivent absolument être
confirmées par des études cliniques
prospectives avant que leurs résultats
soient acceptés. Certaines hypothèses
faites à partir de relations statistiques
fortes seront infirmées ; les statistiques provenant de « big data » produisent en effet beaucoup de relations
qui sont en réalité de « faux positifs ».
On peut néanmoins espérer que certaines associations, surtout celles qui
sont a priori inattendues, pourront
aboutir à de nouveaux concepts et
des stratégies de prévention du risque
cardiovasculaire plus efficaces.
La figure 2 résume les différents facteurs qui influencent la variabilité de la
pression systolique, les relations entre
la variabilité de la pression systolique
et les incidences de mortalité globale,
des événements coronaires, des accidents vasculaires cérébraux et l’insuffisance rénale terminale.
Liens d'intérêts : l'auteur déclare
ne pas avoir de liens d'intérêts en
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Références
1. Gosmanova EO, Mikkelsen MK, Molnar
MZ, et al. Association of systolic blood pressure variability with mortality, coronary heart
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application of big data to health care. JAMA
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3. Lewington S, Clarke R, Qizilbash N, Peto
R, Collins R. Prospective studies collaboration age-specific relevance of usual blood
STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017
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blood pressure variability: results from a multicenter randomized controlled trial. J Hypertens 2014 ; 32 : 840-8.
9
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