Actualités Prévention des saignements en cas d’angioplastie coronaire chez un patient en fibrillation auriculaire Jean-Michel Juliard Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France [email protected] E Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. n cas de fibrillation auriculaire (FA), le traitement anticoagulant est recommandé dès que le score CHA2DS2-VASc est de 1 ou plus, soit environ dans 85 % des cas. Dès lors, si une angioplastie coronaire est nécessaire, le patient devra recevoir une anticoagulation efficace et une bithérapie antiplaquettaire, l’exposant transitoirement à un risque hémorragique élevé avec cette trithérapie antithrombotique. L’utilisation des nouveaux anticoagulants oraux (anti-II et anti-Xa) peut s’avérer utile en comparaison aux antivitamines K (AVK), compte tenu d’une réduction du risque hémorragique intracérébral. De plus, le rivaroxaban a démontré son efficacité à réduire les événements cardiovasculaires majeurs au décours d’un syndrome AF patient in need of OAC after elective PCI with stent Bleeding risk high compared to risk for ACS or stent thrombosis Bleeding risk low compared to risk for ACS or stent thrombosis Time from PCI 0 Triple therapya (llaB) 1 month 3 months Dual therapyb (llaC) A or C Dual therapyb (llaC) A or C 6 months OAC monotherapyc (IB) 12 months Lifelong OAC monotherapyc (IB) doi : 10.1684/stv.2017.0966 OAC Aspirin 75-100 mg daily Clopidogrel 75 mg daily OAC : oral anticoagulant. Figure 1. Proposition de traitement antithrombotique chez un patient en fibrillation auriculaire (AF) devant subir une angioplastie coronaire élective (PCI) selon le score de risque (bleeding risk), bas ou élevé. STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 3 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. coronaire aigu au cours de l’essai ATLAS ACS 2-TIMI 51 [1], mais avec une augmentation du risque hémorragique en association avec une bithérapie antiplaquettaire au cours de l’essai de phase II ATLAS ACSTIMI 46 [2]. L’essai PIONEER AF-PCI [3] a randomisé en ouvert 2 124 patients porteurs d’une FA non valvulaire et devant subir une angioplastie coronaire avec stent en trois groupes de traitement : – rivaroxaban à faible dose (15 mg/j) plus un inhibiteur de P2Y12 pour 12 mois ; – rivaroxaban à très faible dose (validé dans l’étude ATLAS, 2,5 mg deux fois par jour) plus une bithérapie antiplaquettaire pour 1, 6 ou 12 mois ; – AVK ajusté sur l’INR (international normalized ratio) plus une bithérapie antiplaquettaire pour 1, 6 ou 12 mois. Le critère de jugement primaire a été un critère de sécurité jugé sur le taux d’accidents hémorragiques majeurs selon la classification TIMI. La majorité des patients (> 90 %) dans chacun des groupes ont reçu du clopidogrel comme inhibiteur de P2Y12. Aucun patient n’a été perdu de vue au cours du suivi ! Dans le groupe 3, patients ayant reçu un AVK, 65 % étaient dans la zone thérapeutique (INR entre 2 et 3), résultat comparable aux essais déjà publiés. Les taux d’accidents hémorragiques ont été plus faibles dans les deux groupes recevant le rivaroxaban (16,8 % dans le groupe 1, 18,0 % dans le groupe 2 et 26,0 % dans le groupe 3, avec un hazard ratio (HR) groupe 1 versus groupe 3 : 0,59 (IC 95 % : 0,47-0,76 ; p < 0,001) et HR groupe 2 versus 4 groupe 3 : 0,63 (IC 95 % : 0,50-0,80 ; p < 0,001). Les taux de décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral (AVC) étaient identiques entre les trois groupes. Cette étude a montré une réduction du risque hémorragique en utilisant le rivaroxaban, soit à faible dose en association avec un inhibiteur de P2Y12, soit à très faible dose avec une bithérapie antiplaquettaire en comparaison avec un traitement « standard » (AVK plus bithérapie antiplaquettaire). En revanche, l’évaluation de l’efficacité est hautement critiquable compte tenu, notamment, que la dose réduite de rivaroxaban n’est pas celle recommandée chez les patients en FA en termes de prévention de l’AVC. L’absence de significativité sur les taux d’accidents ischémiques ne peut être validée étant donné la largeur des intervalles de confiance et du faible taux d’événements. Prenons en exemple le risque d’AVC entre groupes 1 et 3, le HR est à 1,07 mais avec un IC à 0,392,96 : on ne peut exclure de tripler le risque d’AVC ! De même, pour le risque de thrombose de stent, entre groupes 2 et 3, avec HR à 1,44 et IC à 0,40-5,09 : peut-on prendre le risque de multiplier par cinq le risque de thrombose de stent ? Finalement, la seule conclusion de l’étude est qu’en réduisant la dose d’anticoagulant, on réduit le risque hémorragique (ce n’est pas une découverte !) mais on n’est pas sûr d’être délétère sur le risque de complications thrombotiques. Les auteurs ont estimé qu’il aurait fallu STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 inclure 13 598 patients par groupe (soit un total de 40 794) pour démontrer une supériorité d’une réduction du risque relatif de 15 %. Nonobstant, la gestion des antithrombotiques chez un patient en FA devant subir une angioplastie coronaire avec stent reste un problème quotidien et débattu. La Société européenne de cardiologie (ESC) a proposé un schéma thérapeutique simplifié en tenant compte du risque hémorragique de chaque patient, illustrant que le risque doit être individualisé et le patient clairement informé (figure). Dans tous les cas, il est conseillé de ne pas poursuivre la trithérapie antithrombotique au-delà de un mois [4]. Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article. Références 1. Mega JL, Braunwald E, Wiviott SD, et al. Rivaroxaban in patients with a recent acute coronary syndrome. N Engl J Med 2012 ; 366 : 9-19. 2. Mega JL, Braunwald E, Mohanavelu S, et al. Rivaroxaban versus placebo in patients with acute coronary syndromes (ATLAS ACS-TIMI 46): a randomized, double-blind, phase II trial. Lancet 2009 ; 374 : 29-28. 3. Gibson CM, Mehran R, Bode C, et al. Prevention of bleeding in patients with atrial fibrillation undergoing PCI. N Engl J Med 2016 ; 375 : 2423-34. 4. Kirchhof P, Benussi S, Kotecha D, et al. 2016 ESC guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with EACTS. The task force for the management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2016 ; 37 : 2893-962. Actualités Prévalence des épisodes infracliniques de fibrillation auriculaire chez les patients âgés avec facteurs de risque associés : étude ASSERT-II Jean-Michel Juliard L’ étude ASSERT, publiée en 2012, avait recherché l’incidence de la fibrillation auriculaire (FA) chez 2 580 patients (âge 65 ans) hypertendus, sans antécédent de FA et porteurs soit d’un pace-maker soit d’un défibrillateur [1]. La mémoire des stimulateurs avait été interrogée sur une période de trois mois pour détecter les épisodes infracliniques de FA (avec fréquence cardiaque > 190/min et d’une durée supérieure à 6 minutes). Des épisodes de FA infracliniques avaient été détectés chez 261 patients (10,1 %) avec un risque accru d’accident ischémique cérébral (AIC) ou d’embolie systémique (hazard ratio : 2,49 ; IC 95 % : 1,284,85 ; p = 0,007). La prévalence de ces épisodes infracliniques chez une population âgée (sans pace-maker ni défibrillateur) avec facteurs de risque restait inconnue jusqu’à ce jour. Le but de l’étude ASSERT-II (présentée au dernier congrès de l’American Heart Association, La Nouvelle-Orléans, novembre 2016) a été de dépister ces épisodes infracliniques de FA, chez 273 patients âgés (âge > 65 ans, moyenne 74 ans), avec facteurs de risque associés (score CHA2DS2VASc > 2, moyenne de 4,1) au moyen Patient without known AF presenting with atrial high rate episode (AHRE > 5-6 min and > 180 bpm) detected by an implanted device Assess eligibility for oral anticoagulation using CHA2DS2-VASc score Stroke risk low Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. Hôpital Bichat, Service de cardiologie, Paris, France [email protected] Verify presence of AF by ECG documentation e.g. Resting ECG Ambulatory ECG recorder Patient-operated devices Review device electrograms (if available) to determine whether it is AF No AF detected AF diagnosed Consider patient characteristics (e.g. stroke risk score) and patient preference No antithrombotic therapy (IB) ∗ Initiate oral anticoagulation (IA) Figure 1. AHRE : épisode de tachyarythmie rapide > 5-6 minutes et fréquence > 180/min. STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 5 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. d’un système d’enregistrement implanté en sous-cutané (Confirm DM2100, St Jude Medical) avec un suivi moyen de 16 mois [2]. Environ la moitié des patients (48 %) avaient un antécédent d’AIC, accident ischémique transitoire ou embolie systémique. La majorité des patients (90 %) avaient une oreillette gauche dilatée sur l’échocardiographie à l’inclusion. Les patients porteurs d’un pace-maker, d’un défibrillateur ou qui recevaient une anticoagulation au long cours étaient exclus de l’étude. L’incidence annuelle de FA infraclinique a été de 34,4 % pour des épisodes > 5 minutes, 21,8 % pour des épisodes > 30 minutes, 7,1 % si > 6 heures et 2,7 % si > 24 heures. Les patients ayant présenté un épisode de FA infraclinique étaient plus âgés (75 ans versus 73 ans) avec un volume de l’oreillette gauche > 73,5 ml. Ces résultats démontrent que la prévalence de la FA chez des sujets âgés à fort risque cardiovasculaire est plus élevée que celle estimée dans les études antérieures. Cependant, le lien reste à faire entre ces épisodes infracliniques détectés au décours d’un accident vasculaire cérébral (AVC) avant d’en affirmer la causalité. Faut-il effectuer une recherche systématique des épisodes infracliniques de FA chez tous les patients de plus de 65 ans et un score CHA2DS2VASc > 2 ? La réponse ne peut être affirmative sur les résultats de cette seule étude qui ne permet pas d’estimer le rapport coût/efficacité d’un tel dépistage à grande échelle. La nécessité d’un traitement anticoagulant au long cours sur le seul dépistage de ces épisodes infracliniques n’est pas claire non plus, en termes de rapport risque/bénéfice mais également coût/efficacité. Il faudra attendre les résultats de deux 6 essais en cours avec les nouveaux anticoagulants oraux validés dans la prévention des AVC au cours des FA non valvulaires. L’étude NOAH (Nonvitamine K Antagonist Oral Anticoagulation in Patients with Atrial High Rate Episodes, ClinicalTrials.gov, Identifier : NCT02618577) sera un essai européen, randomisé, en double insu testant l’efficacité de l’edoxaban (60 mg/j réduit à 30 mg/j si clearance créatinine entre 15 et 50 ml/ min ou poids < 60 kg) sur la prévention des AVC, embolies systémiques et décès d’origine cardiovasculaire (suivi moyen : 28 mois) chez des patients ayant présenté des épisodes infracliniques de tachyarythmie. Le comparateur sera soit un placebo soit l’aspirine à la dose de 100 mg/j. Le nombre total de sujets prévus a été estimé à 3 400, l’étude a débuté en février 2016 et les résultats sont escomptés en 2019. L’étude ARTESIA (Apixaban for the Reduction of Thrombo-Embolism in Patients with Device-Detected Sub-Clinical Atrial Fibrillation, ClinicalTrials.gov, Identifier : NCT1938248) sera un essai international, randomisé, en double insu testant l’efficacité de l’apixaban (5 mg deux fois par jour réduit à 2,5 mg si âge > 80 ans, poids < 60 kg ou créatinine > – 133 mmol/L) sur la survenue d’un AVC ou d’une embolie systémique sur un suivi moyen de trois ans. Le comparateur sera l’aspirine à la dose de 81 mg/j. Le nombre total de sujets prévus a été estimé à 4 000, l’étude a débuté en mai 2015 et les résultats sont escomptés en 2019. Les critères d’inclusion sont proches de l’étude ASSERT-II : âge > 55 ans, enregistrement d’un épisode de FA > –6 minutes enregistré soit à partir d’un pace-maker et/ou défibrillateur ou d’un enregistrement sous-cutané de longue durée et facteurs de risque associés. STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie sur l’indication de la mise sous anticoagulants sont résumées (figure 1) en cas de dépistage d’un épisode prolongé de tachyarythmie [3]. Nous avons cependant besoin de plus de preuves scientifiques pour mieux définir le rapport risque/bénéfice d’un traitement anticoagulant au long cours sur la seule découverte d’épisodes infracliniques de FA. La pertinence de la durée ou de la fréquence de l’épisode arythmique est totalement empirique. Ce schéma montre la nécessité d’individualiser le risque embolique de chaque patient, mais il faudrait également prendre en considération son risque hémorragique. Ce diagramme est une aide à la décision, encore forcément imparfait en l’absence des résultats des études à venir, et prend également en compte la préférence du patient ! Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec cet article. Références 1. Healey JS, Connolly SJ, Gold MR, et al., for the ASSERT Investigators. Subclinical atrial fibrillation and the risk of stroke. New Engl J Med 2012 ; 366 : 120-9. 2. Healey JS, Connolly S, Alings M. Prevalence of sub-clinical atrial fibrillation using an implantable cardiac monitor in patients with cardiovascular risk factors: ASSERT-II. American Heart Association, Scientific Sessions, Late Breaking Trials, New Orleans, November 15 2016. 3. Kirchhof P, Benussi S, Kotecha D, et al. 2016 ESC guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with EACTS. The task force for the management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2016 ; 37 : 2893-962. Actualités Variabilité de la pression artérielle et risque cardiovasculaire Bernard Lévy IVS, Hôpital lariboisière, 75010 Paris, France [email protected] Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. L a généralisation et la puissance des systèmes informatiques de collection et de gestion des données électroniques atteignent des niveaux inimaginables. Les grandes sociétés informatiques investissent des milliards de dollars dans le domaine de la santé et espèrent bien en retirer beaucoup plus dans la prochaine décennie [1, 2]. Aux États-Unis, les systèmes de santé des grands assureurs ou des anciens combattants (vétérans) disposent de bases de données gigantesques qui permettent d’identifier et/ou de valider de nouveaux facteurs de risque et de développer de nouvelles hypothèses et stratégies pour améliorer le diagnostic et la prise en charge des patients. Nous sommes entrés dans l’ère des « big data » pour les populations à risque ; les auteurs [1] ont utilisé l’une de ces bases de données pour tester une hypothèse qui reste encore à valider. Les liens statistiques et épidémiologiques entre niveau de pression artérielle (PA) et risque cardiovasculaire sont bien établis [3]. Cependant, on connaît mal l’importance de l’influence de la variabilité de la PA d’une visite à l’autre (VVV pour visit-to-visit variability) dans l’appréciation du risque cardiovasculaire global. Un lien étroit entre VVV et accidents vasculaires cérébraux a Facteurs extrinsèques : - variations de la méthode de mesure de la PA ; - adhérence au traitement anti-hypertenseur ; - classe du/des médicaments anti-hypertenseurs ; - facteurs environnementaux ; - facteurs psychologiques. été démontré dans un travail pionnier de Rothwell et al. en 2010 [4]. Cependant, d’autres études n’ont pas retrouvé ce type de relation [5] qui reste encore en question. Les raisons de ces résultats divergents tiennent à des différences entre les populations étudiées, de taille de cohorte et/ou de différences de méthodologies statistiques. Gosmanova et al. [1] rapportent les résultats d’une étude portant sur la VVV de la pression artérielle systolique (PAS) et le risque cardiovasculaire dans une population de 2,9 millions de patients du fichier des VA suivie pendant au moins huit ans. La PAS était mesurée lors d’au moins Facteurs intrinsèques: - augmentation de la rigidité artérielle liée à l’âge ; - modifications du baroréflexe liées à l’âge ; - facteurs humoraux ; - facteurs génétiques. Mesure de la variabilité de la pression artérielle systolique d’une visite à l’autre Résultats du suivi clinique PAS : pression artérielle systolique. Figure 1. Facteurs responsables de la variabilité de la pression artérielle et schéma du suivi de l'étude. STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 7 Actualités Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. huit visites consécutives chez le praticien, ce qui a permis de calculer la VVV sur le temps de suivi de chaque sujet (figure 1). La mortalité globale et la survenue de maladies coronaires, d'accident vasculaire cérébral (AVC) et d’insuffisance rénale terminale ont été analysées et classées selon les quartiles de la variabilité de la PAS (VarPAS). Au début de l’étude, dans les conditions de début de la période d’observation, la VarPAS était associée à l’âge des patients, au genre masculin, à l’origine afro-américaine des patients, à leur statut de veuf ou de divorcé, à leur niveau de pauvreté, de PAS et de pression artérielle diastolique (PAD), au niveau de filtration glomérulaire, à l’existence d’un diabète, de maladies cardiaques ou pulmonaires, et à l’utilisation de médicaments anti-hypertenseurs, quelle que soit leur classe. Pendant les huit ans de suivi, une variabilité élevée de la PAS était associée à la mortalité globale, aux nombres d’événements coronaires, d’AVC, et d’insuffisance rénale terminale (figure 2). Comment interpréter ces résultats et l’hétérogénéité des différentes études disponibles ? La taille de la cohorte étudiée est largement supérieure à celle des études précédentes et assure la robustesse des interactions observées pour la prédiction du risque de mortalité et de maladie cardiovasculaire et rénale. Néanmoins, les études d’association restent, quelle que soit la taille des populations étudiées, simplement des éléments qui permettent de proposer des hypothèses qui devront être validées (ou non) par des études cliniques rigoureuses, prospectives et randomisées. Il est capital de savoir si les corrélations observées entre la VarPAS et le risque cardiovasculaire seront confirmées par un bénéfice dans la prévention du risque après diminution de la variabilité de la PAS dans des populations ciblées. Quels sont les mécanismes physiologiques qui pourraient expliquer une forte variabilité de la PAS ? La détérioration du baroréflexe avec l’âge ou le diabète, la dysfonction endothéliale [5], la neuropathie diabétique et les modifications des propriétés mécaniques artérielles [6] sont très probablement impliquées dans l’augmentation de la variabilité de la PAS. Dans toute étude sur la variabilité tensionnelle, il faut tenir compte de l’heure de la mesure de pression dans la journée : elle est plus élevée juste après le réveil et des mesures faites à des heures différentes lors des visites successives augmentent la variabilité 14 Hazard ratios (95% ci) 12 10 8 6 4 2 0 Mortality CHD SD Q1 Stroke SD Q2 SD Q3 ESRD SD Q4 Axe Y : rapports de risques (95% de l’intervalle de confiance). Axe X : Mortalité maladies coronaires, accidents vasculaires cérébraux, insuffisance rénale terminale. SD : écart type de la variabilité de la pression systolique. Q1, Q2, Q3, Q4 : quartiles de ces écarts types. Figure 2. Rapport de risques pour la mortalité, la survenue de maladies coronaires, les accidents vasculaires cérébraux et l'insuffisance rénale terminale selon les différents quartiles de variabilité de la pression artérielle systolique. 8 STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.70.218 le 16/04/2017. Actualités de la PA de manière artificielle [7]. Les différentes classes des médicaments anti-hypertenseurs ont certainement des effets différents sur la variabilité de PA selon leur absorption, leur métabolisme, leur durée d’action et également selon la prise en dehors ou pendant les repas [9]. On ne connaît pas précisément ces relations. Il est cependant clair qu’une bonne adhérence au traitement est un facteur de faible variabilité tensionnelle [10]. Il semble enfin que la charge sodée, le niveau d’activité physique et la perte de poids ont peu d’influence [11]. Les facteurs sociaux et familiaux (pauvreté, divorce, veuvage) pourraient être liés à des facteurs dépressifs et/ou à une moins bonne observance du traitement dans ces conditions. On ne connaît pas les effets de la consommation d’alcool et de tabac sur la variabilité de la PA. L’analyse des « big data » permet une puissance et une robustesse statistique importantes, souvent aux dépens de la qualité des données analysées. Il est en effet difficile de s’assurer de la qualité et de l’exactitude des données cliniques et biologiques figurant dans chacun des dossiers de 2,9 millions patients. Plus la taille de la base de donnée est grande plus le risque d’erreur et d’imprécision des données est important. De plus, et une fois encore, ces grandes études rétrospectives ne permettent que de proposer de nouvelles hypothèses et doivent absolument être confirmées par des études cliniques prospectives avant que leurs résultats soient acceptés. Certaines hypothèses faites à partir de relations statistiques fortes seront infirmées ; les statistiques provenant de « big data » produisent en effet beaucoup de relations qui sont en réalité de « faux positifs ». On peut néanmoins espérer que certaines associations, surtout celles qui sont a priori inattendues, pourront aboutir à de nouveaux concepts et des stratégies de prévention du risque cardiovasculaire plus efficaces. La figure 2 résume les différents facteurs qui influencent la variabilité de la pression systolique, les relations entre la variabilité de la pression systolique et les incidences de mortalité globale, des événements coronaires, des accidents vasculaires cérébraux et l’insuffisance rénale terminale. Liens d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts en rapport avec l'article. Références 1. Gosmanova EO, Mikkelsen MK, Molnar MZ, et al. Association of systolic blood pressure variability with mortality, coronary heart disease, stroke, and renal disease. J Am Coll Cardiol 2016 ; 68 : 1375-86. 2. Murdoch TB, Detsky AS. The inevitable application of big data to health care. JAMA 2013 ; 309 : 1351-2. 3. Lewington S, Clarke R, Qizilbash N, Peto R, Collins R. Prospective studies collaboration age-specific relevance of usual blood STV, vol. 29, no 1, janvier-février 2017 pressure to vascular mortality: a meta-analysis of individual data for one million adults in 61 prospective studies. Lancet 2002 ; 360 : 190313.4. Rothwell PM, Howard SC, Dolan E, et al. Prognostic significance of visit-to-visit variability, maximum systolic blood pressure, and episodic hypertension. Lancet 2010 ; 375 : 895-905. 5. Schutte R, Thijs L, Liu YP, et al. Within-subject blood pressure level – not variability – predicts fatal and nonfatal outcomes in a general population. Hypertension 2012 ; 60 : 1138-47. 6. Diaz KM, Veerabhadrappa P, Kashem MA, et al. Relationship of visit-to-visit and ambulatory blood pressure variability to vascular function in African Americans. Hypertens Res 2012 ; 35 : 55-61. 7. Okada H, Fukui M, Tanaka M, et al. Visitto-visit variability in systolic blood pressure is correlated with diabetic nephropathy and atherosclerosis in patients with type 2 diabetes. Atherosclerosis 2012 ; 220 : 155-9. 8. Verdecchia P, Angeli F, Mazzotta G, et al. Day-night dip and early-morning surge in blood pressure in hypertension: prognostic implications. Hypertension 2012 ; 60 : 34-42. 9. Webb AJ, Fischer U, Mehta Z, Rothwell PM. Effects of antihypertensive-drug class on interindividual variation in blood pressure and risk of stroke: a systematic review and metaanalysis. Lancet 2010 ; 375 : 906-15. 10. Krakoff LR. Fluctuation: does blood pressure variability matter? Circulation 2012 ; 126 : 525-7. 11. Diaz KM, Muntner P, Levitan EB, Brown MD, Babbitt DM, Shimbo D. The effects of weight loss and salt reduction on visit-to-visit blood pressure variability: results from a multicenter randomized controlled trial. J Hypertens 2014 ; 32 : 840-8. 9