Feng shui, rassembler les causes du bonheur. Jampa Ludrup est le genre de personnage qui se repère dans l’espace avant de s’asseoir face à une direction précise, il n’hésite pas à faire des centaines de kilomètres (de ce que nous considérons comme un détour) pour arriver de la bonne direction. Son regard décrypte des choses invisibles à nos yeux peu familiers de ce genre de phénomènes. Et pourtant, s’il est un esprit cartésien, c’est bien le sien. Né en 1954 en Australie, il débute sa carrière professionnelle comme professeur de sciences puis de technologie informatique (il a écrit plusieurs ouvrages techniques sur le sujet). En 1995, il change radicalement de mode de vie et devient moine bouddhiste dans la tradition tibétaine du grand véhicule. Désormais, lorsqu’il ne parcourt pas le monde pour enseigner la géomancie et faire des consultations, il habite à l’université monastique de Séra Djé au sud de l’Inde, où il continue d’étudier le bouddhisme. Quel est le rapport entre bouddhisme et feng-shui ?Avec qui avez-vous étudié ? En 1996, alors que j’étais l’intendant de Lama Zopa Rinpoché pendant un de ses déplacements, notamment à Singapour et en Malaisie, j’ai été surpris de voir son intérêt pour le feng-shui. Je lui suis donc redevable d’avoir suscité ma curiosité pour le feng-shui. Je remercie également Lillian Too et le grand Maître Yap Chenghei pour leur aide bienveillante et leur enseignement. Le feng-shui remonte au I King (le livre des transformations) et à la culture chinoise ancestrale (1). Au début, j’étais très sceptique, considérant tout cela comme de la superstition. Rinpoché m’a dit : « c’est juste [la relation entre] causes et effets ». La loi de cause à effet est l’un des fondements du bouddhisme : selon les actions que vous accomplissez, vous récoltez certains résultats. Une bonne intention amènera des résultats favorables, une action négative associée à une intention nuisible produira des résultats défavorables, un peu comme lorsque vous lancez un boomerang. Par exemple, une action généreuse accomplie avec une intention bienveillante sera la cause pour obtenir la richesse. Mais, ce qui fait que le résultat va se manifester ou non, ce sont les conditions coopératives. Cela inclut les gens que vous fréquentez et votre environnement. Et c’est là que le feng-shui intervient ! Le feng-shui est un ensemble de techniques destinées à améliorer les conditions environnementales afin de permettre aux karmas positifs de mûrir et d’empêcher les karmas négatifs de produire leurs résultats. Cela dépend aussi de vous, de votre état d’esprit, de votre santé, de votre énergie. Si vous êtes paresseux, vous passez à côté de l’opportunité. Le feng-shui a de nombreuses techniques pour améliorer la richesse, les relations, les études, les enfants, les mentors, la santé, la carrière, la réputation. L’environnement est empli d’énergie subtile, le chi. Nous pouvons harmoniser notre chi intérieur avec le chi extérieur. C’est ce que fait également le chi gong, l’acupuncture, la médecine chinoise ou tibétaine. Cette compréhension s’est développée il y a 5000 ans environ à partir d’observations et d’expérimentation. 25 siècles avant J.-C., le I King a posé les bases théoriques de l’équilibre du yin et du yang, et expliqué la façon dont cet équilibre peut changer selon des cycles dans le temps. 2000 ans plus tard, Confucius, un contemporain du Bouddha, a poussé ces observations. C’est très scientifique. Malheureusement, nous ne pouvons pas encore établir une approche purement scientifique [au sens occidental du terme] car le yin, le yang, le chi sont trop subtils. La zone de recouvrement entre le feng-shui et le bouddhisme se situe probablement au niveau du tantra de Kalachakra. Les seules façons que nous avons de détecter ces énergies subtiles sont intuitives ou consistent à observer les champs magnétiques terrestres et les formes des paysages (couper le dragon). C’est pourquoi il est important de préserver notre environnement, de ne pas modifier négativement le paysage [en rasant des collines, creusant des carrières, etc.]. Le révérend Hong Schoon, un maître de feng-shui de Singapour, dit souvent que l’esprit affecte le paysage et vice-versa : des gens bons influencent l’environnement, à l’inverse un paysage imprègne l’esprit des habitants. Quel est le rapport entre l’énergie interne et l’énergie externe ? L’orientation de votre maison par rapport aux directions cardinales permet l’introduction de plus ou moins d’énergie. Une fois que l’énergie est rentrée, il faut la canaliser. Il ne faut pas qu’elle pénètre trop rapidement. On dirige et on équilibre l’énergie en utilisant les 5 éléments : l’eau, le bois, le feu, la terre et le métal. Si vous mettez l’élément approprié au bon endroit, cela attire le chi et crée naturellement l’harmonie. A la naissance, notre chi intérieur est orienté dans une direction cardinale particulière. Il y en a 4 bonnes et 4 mauvaises. La méthode la plus simple pour changer votre vie est de connaître votre chiffre gua et votre groupe (généralement « est » ou « ouest »). Dormir dans la bonne direction, s’asseoir dans la bonne direction, entrer par la bonne porte, voilà des façons pour transformer facilement votre vie. C’est si simple. Mais cela change. Il y a des cycles d’un mois, d’un an, de vingt ans. C’est le sujet de mon prochain livre sur l’école de l’Etoile Volante. En tant que moine bouddhiste ma tâche principale consiste à aider les gens. D’abord vient le bouddhisme, ensuite la géomancie. Créer l’équilibre énergétique permet le développement spirituel. Depuis plus de 5 ans que je fais des consultations, je ne suis plus du tout sceptique car plus je pratique, plus je vois que cela fonctionne vraiment. J’en suis à mon troisième tour du monde annuel, de Suisse à Tahiti en passant par… je ne demeure pas plus de 3 semaines au même endroit. Désormais, je suis vraiment un moine errant (rires). Propos recueillis et traduits par Michel Henry Photos et illustrations, Michel Henry Note : 1. Lire Yi King Bouddhiste de Chih-Hsu Ou-i (1599-1655), publié aux Editions Librairie de Médicis. Apparemment, la seule interprétation qu’un maître bouddhiste ait donné du Yi King,