Cours de circulation océanique de Claude Frankignoul 2012-2013
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6. COURANTS EQUATORIAUX
6.1 Dynamique équatoriale
La dynamique des courants marins change lorsqu'on s'approche de l'équateur. En effet,
quand la force de Coriolis tend vers zéro, la contrainte géostrophique se relâche. Un gradient
horizontal de pression ne peut plus être équilibré par l’accélération de Coriolis. Les termes non
linéaires deviennent plus importants et un gradient horizontal de pression peut dès lors donner
lieu de fortes accélérations. Près de l’équateur le nombre de Rossby
R
0
=U
fL
, qui mesure le
rapport entre l’accélération relative et l’accélération de Coriolis, devient dans l’approximation
du plan
β
équatorial
R
0
=U
β
L
2
si l’échelle méridienne du mouvement est L. Lorsqu’on se
rapproche de l’équateur, L est petit et
R0
devient d’ordre 1. Comme
R
0
=U
β
L
2
est également
une mesure du rapport entre le gradient de vorticité relative et le gradient de vorticité planétaire
(relation 4.34), l’advection de vorticité relative devient importante et la relation de Sverdrup
n’est plus valable. Il y a donc une zone équatoriale la dynamique est différente de celle des
latitudes extratropicales.
En outre, la diminution de f entraine une diminution du temps caractéristique des ondes
de Rossby, qui se propagent plus rapidement, et l'apparition de nouveaux types d'ondes, en
particulier les ondes de Kelvin, qui se propagent très rapidement vers l’est le long de
l'équateur. Un premier mode barocline traverse l'océan Pacifique en 2 mois (ondes de Kelvin)
ou en 6 mois (ondes longues de Rossby équatoriales), aussi le temps d'ajustement de l'océan à
l'équateur est-il beaucoup plus court qu'aux latitudes tempérées. L'océan équatorial peut être à
peu près en équilibre saisonnier avec la tension de vent dans l’Atlantique, plus étroit que le
Pacifique, mais pas dans ce dernier. Néanmoins, on observe de fortes variations saisonnières et
interannuelles dans tous les systèmes de courants équatoriaux. Sauf près de l'équateur, les
courants et leurs variations peuvent être aisément expliquées par le champ de rotationnel du
vent et la dynamique des courants n'a rien de particulier, comme le montre la transport de
Sverdrup qui reproduit raisonnablement bien la structure des courants observés (Fig. 6.1).
Les observations montrent que la structure des courants change au voisinage de
l’équateur, faisant apparaître un ensemble de courants essentiellement zonaux allant
alternativement vers l’est et vers l’ouest et s’étendant sur tout le bassin. Une esquisse du
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système de courants (Philander 1990) dans l’océan Pacifique est reproduite ci-dessous. Le
courant équatorial nord est un courant allant vers l’ouest qui correspond en partie à la branche
sud de la gyre subtropicale. Entre 10°N et 3°N, il y a un fort courant, le contre-courant Nord
équatorial qui va dans le sens opposé au vent local et atteint typiquement 50 cm/s. Ce vent
résulte de la forme particulière du rotationnel de la tension de vent au voisinage de l’équateur.
Entre 3°N et 10°S, on trouve le courant équatorial sud, avec un jet vers l’ouest atteignant 1 m/s
juste au nord de l’équateur. Tous ces courants sont concentrés près de la surface et représentent
la circulation due au vent. Le sous-courant équatorial (EUC, equatorial undercurrent) est la
manifestation la plus spectaculaire de la particularité équatoriale. C'est un courant très rapide
(1 m/s) en forme de jet étroit (200 m d’épaisseur, 300 km de largeur) qui est dirigé vers l'est,
sous le courant équatorial sud. On l’observe le long de l'équateur à une profondeur de 100 ou
150 m dans les océans Atlantique et Pacifique. Le courant est plus profond à l'ouest de l'océan
et moins profond à l'est, il est également moins rapide. Il est toujours situé dans la partie
stratifiée, au-dessous de la couche de surface. Il est également observé dans l'océan Indien
Fig. 6.1 Tension de vent et contours représentant sa grandeur (en dyne/cm2), rotationnel de la tension de
vent basés sur les vents FSU (1979 1981) et transport de Sverdrup correspondant (d’après Landsteiner et al.,
JGR 1981).
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lorsqu'on est en régime de vent d'est. Outre le sous-courant équatorial, on notera le caractère
tridimensionnel de la circulation avec une étroite cellule de circulation méridienne centrée sur
l’équateur qui résulte de la divergence superficielle et de l’upwelling engendrés par les vents
alizés (transport d’Ekman à droite du vent dans l’hémisphère nord et à gauche dans
l’hémisphère sud). L’upwelling équatorial est très intense, amenant des eaux de subsurface à un
taux voisin de 50 m par mois, avec un maximum d’intensité à environ 50 m de profondeur. Le
courant de retour se trouve sous la thermocline, mais reste assez proche de la surface. La
section méridienne du courant géostrophique zonal, de la température et de la salinité près de
154°W (Wyrtki et Kilonsky JPO 1984) montre que la thermocline se rapproche de la surface
vers l’équateur, comme le prévoit la conservation de la vorticité potentielle et qu’un
élargissement de celle-ci est observée au niveau l’EUC, vu le fort cisaillement vertical du jet
équatorial. L’EUC est un courant zonal centré sur l’équateur; on verra qu’il est en équilibre
géostrophique, en bonne approximation. Le courant zonal représenté sur la Fig. 2 a du reste été
calculé à partir de données hydrographiques, en supposant un niveau de référence à 1000 m.
Les observations récentes montrent qu’il y a aussi de faibles jets zonaux quasi - stationnaires à
plus grande profondeur, les jets équatoriaux profonds. On note que le courant de surface est
vers l’ouest, dans la direction des vents alizés, vu qu’à l’équateur la force de Coriolis ne peut
pas équilibrer la tension turbulente. La salinité reflète la circulation tridimensionnelle de
l’océan et, en particulier, la cellule méridienne subtropicale discutée plus loin. Les variations
saisonnières des courants reflètent leur réponse aux changements saisonniers des vents alizés.
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Dans l’Atlantique, le système de courants est semblable, sauf qu’il y a un courant de
bord ouest le long de l’Amérique du sud (le courant nord du Brésil) qui reflète en partie la
branche chaude de la circulation thermohaline (Chapitre 7). Les variations saisonnières
s’expliquent largement par le cycle annuel du rotationnel de la tension de vent, mais on notera
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que le contre-courant équatorial nord n’apparaît qu’une partie de l’année, au contraire du
Pacifique où il est permanent.
La structure thermique le long de l’équateur fait apparaître un fort gradient zonal qui est
à l’action des vents alizés. En effet, la tension turbulente engendrée par le vent est
principalement équilibrée par un gradient zonal de pression dans la partie supérieure de
l’océan. En moyenne, l’ouest du Pacifique est environ 40 cm plus haut que l’est. Le gradient de
l’élévation du niveau de la mer est compensé par une pente opposée de la thermocline, qui est
profonde à l’ouest, atteignant typiquement 150 m, mais proche de la surface à l’est (Fig.1 de
Watanabe JCLI 2008). Une couche profonde de température constante (mais avec une légère
stratification en salinité) et chaude est observée à l'ouest, tandis qu'à l'est, la thermocline est
très proche de la surface et il n'y a pratiquement pas de couche superficielle bien mélangée.
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