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Recherches sur les notions de création et éternité du
monde. (UNIA - 2015-2016 - 5 janvier 2016) - Richard Beaud.
II L'éternité du monde : Aristote - Averroès.
Introduction.
Notre cours porte cette année, sur les notions importantes de "création" et "d'éternité" du
monde. Je vous ai donné les raisons du choix de ce thème au début de notre dernier cours qui
était le premier de cette série. Cette raison est liée aux magnifiques et extraordinaires
découvertes de l'astrophysique qui nous apprend que notre cosmos remonte à environ
14 milliards d'années. C'est également le commencement du temps dans lequel nous sommes
d'après les astrophysiciens. Innombrables sont les affirmations et les déclarations des
créationnistes qui veulent identifier le Big Bang et l'acte créateur dont parle La Genèse. Notre
première rencontre nous a permis de comprendre que cette identification est un non-sens. Les
textes bibliques s'interrogent sur l'identité de l'homme, et leurs auteurs tentent de se donner
des réponses en se référant à la transcendance du Dieu unique dont ils postulent l'existence.
Leur conclusion est que l'homme dans son contexte de vie, plonge ses racines dans la
transcendance de Dieu dont il est l'image et la ressemblance. Il a à mener sa vie et à
l'organiser en se fondant sur sa raison ouverte, dans cette transcendance, à Dieu qui est son
partenaire dans l'Alliance. La Bible se situe donc au niveau philosophique et théologique et
non pas au niveau de la recherche scientifique.
Mais la raison humaine ne peut pas ne pas s'interroger sur la question du "comment" tout ce
qui existe a commencé d'exister. C'est un besoin pour l'homme de se chercher des réponses à
ses questions. Telle est la raison de la quête scientifique basée sur l'observation. La science est
un besoin pour l'homme, car il ne peut pas ne pas se poser des questions et ne pas essayer de
se donner des réponses. Dans cette optique, l'homme a su, dès le départ, distinguer les deux
domaines qui sont celui de la foi et du sens d'un côté et celui de la question et de la recherche
scientifiques, de l'autre. Les vrais penseurs et les vrais scientifiques ont toujours su distinguer
les deux domaines, sans court-circuiter l'un des domaines par l'autre, ce qui ne peut qu'aboutir
à des catastrophes. Que de dégâts ont été causés au cours de l'histoire !...
Notre rencontre d'aujourd'hui nous conduit à la position d'Aristote et à celle d'Averroès.
L'un et l'autre tiennent à l'éternité du monde. Ce qu'il m'intéresse d'étudier aujourd'hui, dans
cette question, ce sont les raisons qui les conduisent à cette position, et ce que signifie, dans
leurs positions respectives, ce terme "éternité" du monde. Car si cette position peut se
comprendre pour Aristote, elle est moins évidente pour Averroès qui est un croyant
musulman. De ce fait, pour lui, la notion de "création" est liée à sa foi. Comment peut-il, dans
ce cas, se faire le défenseur de "l'éternité du monde" ? Telles sont les questions que nous
allons aborder aujourd'hui. Nous allons diviser notre exposé en deux parties : d'abord, la
position d'Aristote, puis ensuite celle d'Averroès.
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I -- La question de l'éternité du monde chez Aristote.
1 -- Quelques éléments de la vie d'Aristote et résude sa théorie sur l'éternité du
monde.
--> L'année dernière, dans notre étude sur Aristote et ses relectures chez quelques
philosophes ultérieurs, nous nous sommes longuement arrêtés à la biographie d'Aristote. De
ce fait, je ne fais que rappeler quelques dates importantes et marquantes. Aristote est
originaire du nord de la Grèce. Il vit le jour en 384 avant JC., à Stagire, sur la côte
septentrionale de l'Egée, à l'est de la Chalcidique de Thrace. Cette ville était une ancienne
colonie grecque. A partir de 359 avant JC, l'équilibre entre la Macédoine au nord et les villes
du sud, Athènes, Sparte et Thèbes qui se disputaient entre elles l'hégémonie sur les autres, va
être bousculée car Athènes va perdre ses colonies de Chalcidique d'où Aristote était
originaire. C'est dans ce contexte politique qu'Aristote va vivre et développer sa philosophie.
La première période de sa vie philosophique, il la mène à Athènes il vient s'inscrire à
l'Académie que Platon a fondée en 387 avant notre ère. Il y arrive en 367, il est alors âgé de
dix huit ans. Il y restera jusqu'à la mort de Platon en 348. Ainsi, la première période
philosophique d'Aristote est celle de son compagnonnage avec Platon dont la thèse principale
est celle de la préexistence des Idées qui sont la seule véritable réalité. Ce sont ces
Formes-Idées que l'âme a contemplées avant sa chute dans la matérialité. De ce fait, la
connaissance est une réminiscence provoquée par le contact en ce monde, avec quelque chose
de beau, de vrai, de bon.
La deuxième période philosophique d'Aristote va de la mort de Platon (348) à sa propre
mort en 322. Aristote va séjourner quelques temps à Assos auprès de son ami Hermias qu'il
connut à l'Académie de Platon. Mais il sera appelé par Philippe de Macédoine, à la cour, afin
d'assurer l'éducation de son fils Alexandre qui devait lui succéder (342-334). C'est en 336 que
meurt Philippe. Ce fait change une nouvelle fois le cours de la vie d'Aristote. Il revient à
Athènes où il fondera, en 355, son école de philosophie, le Lycée. Mais la mort d'Alexandre le
Grand en 323, l'oblige à s'éloigner d'Athènes où, étant originaire du nord, sa sécurité n'était
plus assurée. Il se réfugie à Chalcis d'où sa mère était originaire, et où, par héritage, il
possédait une propriété. Il y mourra en 322, âgé de 62 ans.
Durant sa période d'enseignement au Lycée (335-323), Aristote développe sa propre
philosophie. Pour lui, ce qui existe, ce sont les choses concrètes du monde. De ce fait, elles
doivent avoir en elles-mêmes leur principe d'existence. Ainsi Aristote rejette la théorie des
Idées-Formes de Platon. D'autre part, les choses du monde changent ; elles croissent et
diminuent. De ce fait, c'est à l'intérieur de ces choses que doivent se trouver les principes de
ces changements. Aristote, pour expliquer ce fait, développe la théorie de la puissance et de
l'acte, puis celle de la matière première et de la force substantielle. Ainsi, le refus de la théorie
platonicienne des Idées-Formes, amène Aristote à se tourner vers ce monde, à essayer de le
comprendre. D'où ses longues descriptions sur les sphères qui composent le ciel, les parties
des animaux, ses traités d'histoire naturelle, des météorologiques. Comprendre le monde
commence par l'étude de la botanique, de la zoologie. Mais, c'est aussi s'interroger sur ce qui
fait que telle chose est telle. C'est aussi essayer de comprendre comment et sur la base de quoi
le Tout qui existe, subsiste. C'est ainsi que naîtront les grandes œuvres philosophiques
d'Aristote dont le fondement repose sur les quatre causes (matérielle, formelle, efficiente et
finale) et sur la théorie de la substance et des accidents. Ce retour aux choses effectives,
concrètes, fait que la philosophie d'Aristote est appelée "réaliste", à la différence de celle de
Platon appelée "idéaliste". Aristote sera amené à s'interroger sur la vie concrète de l'homme,
sur l'ethicité de ses actes. Il écrira alors L'Ethique à Nicomaque et L'Ethique à Eudême.
Puis, il s'interrogera sur l'organisation de la cité, puisque l'homme ne peut vivre qu'en
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communauté. C'est ainsi qu'il écrira Les Politiques. Ses deux œuvres philosophiques majeures
sont La Physique et La Métaphysique. Ce sont elles auxquelles nous allons nous référer
aujourd'hui pour notre travail sur la question de l'éternité u monde.
--> Mais avant de commencer l'étude des textes, voici, en bref, la position d'Aristote quant à
l'éternité du monde. Ce qui nous intéressera, par la suite, ce seront les raisons qui conduisent
Aristote à cette position. Pour Aristote, le monde est là. Ce qui le caractérise, c'est le
mouvement. Effectivement, tout bouge dans le cosmos dans lequel nous sommes : alternance
des saisons, mouvements des astres, alternance du jour et de la nuit. Le monde s'étend dans le
temps et l’espace. Ainsi, ses deux caractéristiques sont le mouvement et la temporalité.
Puisque le mouvement est sa première marque, il faut bien en expliquer l'origine. Pour
Aristote, ce mouvement, sur la base de l'unité des quatre causes, ne peut provenir que d'un
premier Moteur immobile et éternel. Celui-ci meut immédiatement, à titre de cause efficiente,
sans qu’il le touche, sans réciprocité et sans être lui-même touché, la Sphère des étoiles fixes
et lui imprime un mouvement uniforme, continu et éternel, mouvement le plus voisin de
l'immobilité de l'Acte pur, et qui ressemble le plus parfaitement au mouvement propre de la
pensée par la rigoureuse identité que conservent ses relations essentielles. Les autres Sphères,
au contact à leur tour avec la première Sphère, soit directement, soit par les Sphères
intermédiaires, sont animées aussi d'un mouvement éternel et continu mais qui n'est plus
uniforme en raison du nombre croissant d'intermédiaires qui les séparent du premier Moteur.
La dégradation du mouvement se poursuit jusqu'à la Sphère du monde sublunaire où la
révolution circulaire fait place aux transformations cycliques, dans la durée, des quatre
éléments, ainsi qu'aux mouvements des êtres animés et de l'homme, dans la génération, la
destruction, l'accroissement, le décroissement et l'altération. Chaque chose tend vers l'être le
plus pleinement possible, aspire à l'éternité. Mais les individus du Monde sublunaire, trop
éloignés du premier Moteur, autrement dit trop engagés dans la matière et trop imprégnés de
puissance, sont dans l'impossibilité d'atteindre cette éternité qui reste le privilège des Sphères
supérieures. Leur destinée risquerait d'être manquée si la nature n'avait paré à ce danger en
attribuant l'éternité à l'espèce même, et non plus à l'individu, au moyen de la continuité et de
la perpétuité de la génération. Ainsi se trouve assurées la perfection du cosmos et, d'une
certaine manière, la participation à la vie divine dont l'action se fait sentir, quoique
indirectement, sur tous les points de l'univers, et qui est la fin et l'aboutissement de tout le
système. La transformation indéfinie des quatre éléments l'un dans l'autre imite aussi, à sa
manière, la continuité et l'éternité du premier Moteur et atteint à la causalité analytique. Le
devenir du monde se déroule ainsi dans une imitation mobile de l'éternité par le moyen du
mouvement qui procède selon le nombre. Le monde sublunaire des choses qui naissent et
disparaissent se réduit à une imitation imparfaite des réalités éternelles. Donc pour Aristote, il
y a, au centre du Tout, notre terre qui est le monde changeant marqué par la génération et la
corruption. Cette terre est la plus éloignée du premier Moteur. Cette terre est enveloppée dans
le monde sublunaire se trouvent le soleil et la lune. Puis, au-dessus se trouvent les sphères
avec les étoiles et les planètes. Ces sphères s'élèvent au nombre de 55. Chacune a son propre
mouvement, s'emboitant les uns dans les autres. Leur cohérence est assurée par la forme
circulaire du mouvement. C'est le premier Moteur qui, dans son immobili donne le
mouvement. Comme le premier Moteur est éternel, le mouvement qu'il impulse est éternel.
De ce fait, le cosmos est, lui-même, éternel. Telle est la vision aristotélicienne. Quels sont les
présupposés de cette théorie ? C'est ce que nous allons voir en lisant et en étudiant les textes
d'Aristote. Il s'agit du Livre VIII de sa Physique, puis des chapitres 6-8 du Livre 12 (

de sa
Métaphysique. Nous prenons d'abord les textes de la Physique, puis ensuite ceux de la
Métaphysique.
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2 -- Les textes de la Physique, Livre VIII 1
Nous venons de voir que l'observation fondamentale d'Aristote consiste à dire que tout est
toujours en mouvement, et cela à tous les niveaux des différentes sphères qui composent le
cosmos. Au niveau le plus bas, c'est à dire celui de la terre, le mouvement s'exprime par la
génération et la corruption. Deux autres observations s'ajoutent à la première :
-- d'abord celle qui consiste à dire que si une chose est mue, celle-ci doit l'être par un moteur
qui la meut. Regardant le monde, on observe que tout et par une succession de moteurs
repérables. Or, en bout de la chaîne, il n'est pas possible de ne pas conclure à l'existence d'un
premier Moteur qui met toujours tout en mouvement.
-- une deuxième observation s'ajoute à celle-ci : le premier Moteur ne peut par lui-même être
mobile, car la mobilité implique une certaine imperfection. En effet, comment un premier
Moteur qui serait lui-même mobile, pourrait-il être cause de la mobilité du tout ? S'il était
mobile, il aurait besoin d'un autre moteur qui devrait le mouvoir. On comprend dans ce cas
que le premier Moteur doit nécessairement être immobile. C'est à cette conclusion
qu'aboutissent les analyses du Livre VII de la Physique, mais qu'Aristote reprend, comme
nous allons le voir, tout au long du Livre VIII. Sur cette base, nous pouvons suivre la
démarche d'Aristote qui le conduit à l'affirmation de l'éternité du monde. Nous procédons
selon le plan suivant :
1 -- Réflexion sur le mouvement et le temps.
2 -- L'éternité du mouvement.
3 -- L'affirmation de la nécessité d'un Moteur.
4 -- Comment le premier Moteur meut-il ? Son immobilité.
5 -- Qu'en est-il du premier Moteur ?
2.1 -- Réflexion sur le mouvement et le temps.
Nous venons de voir que ce qui frappe Aristote dans son observation du monde, c'est le
mouvement. Tout est toujours en mouvement (génération, corruption) sur notre terre, puis
mouvement des sphères. D'autre part, le mouvement qui, nécessairement, va d'un point à un
autre point, est lié au temps; ainsi mouvement et temps sont liés. De ce fait, notre question qui
est l'éternité du cosmos est intimement liée à celle du temps et du mouvement. C'est donc sur
la conception du mouvement d'Aristote et sur la conception du temps qui y est liée, que
repose sa démarche qui le conduit à l'affirmation de l'éternité du monde. C'est donc par un
arrêt sur la conception aristotélicienne du mouvement et du temps qu'il faut commencer.
- (1) La première question est donc "Qu'est-ce que le mouvement ? " Aristote étudie cette
question au Livre III de la Physique, chap. 1-4 ; les chapitres 5-8 sont consacrés à l'infini.
Voici la définition qu'il donne du mouvement : "Etant donné la distinction en chaque genre, de ce
qui est en entéléchie et de ce qui est en puissance, l'entéléchie de ce qui est en puissance, en tant que tel,
voilà le mouvement" ' (Phys. III, 1, 201a 9--11). Essayons de comprendre. Dans cette définition, il
a trois mots importants : "entéléchie", "puissance" et "mouvement". Les deux premiers mots
fonctionnent ensemble, en ce sens qu'ils déterminent ce qui caractérise tout existant. Chaque
être tend vers la plénitude de sa forme. Il y a donc une tension dans tout existant. Il tend vers
sa fin. Voilà le sens du mot "entéléchie". De ce fait, tout existant est en puissance d'être plus
que ce qu'il est. Le mot "puissance" exprime la possibilité passive d'être plus, mais en un
deuxième sens, il exprime comme le mot "entéléchie", la tension vers ce plus. Le mot
"puissance" a, de ce fait, les deux sens. Le terme "mouvement" (Kinésis) exprime
l'effectuation du passage de cet existant vers le plus être auquel il tend. D'une certaine
1 La citation des textes de la Physique est faite d'après la traduction de Henri Carteron, Paris, Les Belles
Lettres, Guillaume Budé, vol. 1 (chap. 1-4), 1983 ; volume 2 (chap. 5-8), 1986.
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manière, cet existant monte vers un plus-être. Il se produit en lui-même un changement, ou un
saut qualitatif. Entre l'étant d'avant et celui d'après, il y a une progression et un
approfondissement. Eh bien, si cette réflexion d'Aristote sur le mouvement entre dans les
fondements de sa réflexion sur l'éternité du monde, c'est parce que le "mécanisme" interne de
cet acte plonge ses racines dans les profondeurs de l'être qui porte tous les existants. Ce qui
est impliqué dans l'acte dépasse cet acte. Cet acte qui est l'acte de cet existant, n'est pas que
l'acte de cet existant, mais dans cet acte, c'est tout l'être qui se donne une effectuation, et, en
ce sens, cet acte qui est le mouvement fait participer celui-ci à l'éternité de l'être qui est
continuel surgissement à l'existence concrète. Mouvement et éternité sont inséparables. C'est
parce qu'il y a mouvement qu'il y a éternité. Ainsi, on comprend qu'une réflexion sur l'éternité
du monde implique préalablement une réflexion sur le mouvement qui est en même temps
continuité et infinité. -- (2) Cela va devenir encore plus évident dans la réflexion d'Aristote
sur le temps qui est le deuxième élément sur lequel nous avons à réfléchir. Qu'est-ce que le
temps ? C'est au Livre IV de la Physique, chapitre 10-14, qu'Aristote étudie cette question,
mais elle est présente également dans les Livres V, consacré au thème "Le Mouvement et ses
espèces", et VI, consacré au thème "Le Mouvement et ses parties". Partons de la célèbre
définition du temps que donne Aristote au Livre IV de la Physique : "Le nombre du mouvement
selon l'antérieur postérieur, voilà ce qu'est le temps" (IV, 11, 219,b,1). Surprenante définition !
Arrêtons-nous d'abord au mot "nombre". Aristote écrit, à la suite de cette définition : "Le temps
n'est donc pas mouvement, mais n'est qu'en tant que le mouvement comporte un nombre" (IV, 11,
219,b,2). Qu'est-ce qu'un nombre ? La réponse est claire : le nombre est ce qui permet dans une
énumération de calculer la somme des éléments présents ici. Il y a ici 10 livres. Voilà ce
qu'est le nombre. Mais Aristote apporte encore une précision en distinguant entre le nombre
"nombrable" et le nombre "nombré". Cette distinction est très fine. Aristote veut dire que si le
nombre est le moyen de compter les éléments en présence, c'est parce qu'ils sont
"nombrables" et le résultat de l'opération de nombrer est que les choses sont, de ce fait,
"nombrées". Si cela est clair pour toutes les choses matérielles comme des pommes ou des
livres qui se trouveraient (il serait facile de les compter), cela n'est pas si clair pour le
temps. Et c'est précisément cela qu'il faut essayer de comprendre. Il est également "nombré"
et "nombrable". Expliquons cela : quand on parle du temps, il y a nécessairement "l'antérieur"
et le "postérieur", c'est à dire "l'avant" et "l'après". De ce fait, le temps est "nombrable" et il
est aussi "nombré" car "l'antérieur" existe, d'une certaine façon par rapport au "postérieur".
Ceci nous amène à dire que le temps a une dimension objective et réaliste. Chaque chose et
chaque être ont commencé d'être et finissent, un jour, d'être. Donc, on peut parler d'objectivité
du temps. Par rapport au mouvement dont nous avons parlé ci-dessus, on peut dire que le
temps est le cadre dans lequel se déroule le mouvement. Mais cette déclaration suppose que le
temps et le mouvement sont deux éléments qui s'emboitent l'un dans l'autre. Or, cela ne peut
être le cas, car il faut une unité antérieure qui les fonde l'un et l'autre; C'est qu'intervient la
matérialité. C'est elle qui fait que les choses existent concrètement. Pourquoi ne pas dire alors
que la "matérialité" est la concrétisation dans l'espace, de la "temporalité". La matérialité des
choses n'est rien d'autre que leur temporalité rendue visible et palpable. Ceci nous amène à
dire que le mouvement est la temporalité en devenir dans la matérialité, et c'est de ce
mouvement que nait l'espace. Ainsi, tant qu'il y aura des choses, il y aura toujours temporalité
et mouvement. Et du fait qu'il y a des choses, il n'est pas possible de penser qu'elles ne
puissent être. Et c'est cela qui fonde l'éternité de la temporalité et de la matière qui, dans son
mouvement, passe toujours de la puissance à l'acte de manière éternelle et indéfinie. Ceci
constitue ce qu'on peut nommer "l'objectivité" du temps.
Mais Aristote, creuse encore plus profondément du côté de ce qu'on peut appeler "la
subjectivité" du temps. Voyons deux passages de son texte : le premier texte précède
immédiatement la définition que nous venons d'analyser ; le voici : "Quand donc nous sentons
l'instant comme unique au lieu de le sentir ou bien comme antérieur et postérieur dans le mouvement, ou
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