visible – s’il n’a pas été martelé par quelque vertueux. La statue du Dieu peut souvent, 
le plus souvent même, se réduire à son phallus, le linga, généralement représenté enga-
gé dans l’organe féminin, la yoni, ou vulve, vagin. Et là encore, il faut veiller à ce que 
les traductions demeurent exactes dans leur franchise. Le linga est le plus souvent dis-
posé dans l’endroit le plus sacré et le plus sombre de l’édifice ; il est donc peu visible 
mais c’est le Dieu qui est caché et non sa représentation ithyphallique. Souvent, pour 
certaines raisons (cf. § 26), le Dieu ou la Déesse, quelles que soient les formes qu’on 
leur prête, peuvent même demeurer invisibles aux dévots, a fortiori aux visiteurs. Mais, 
faisant le tour du temple, en levant les yeux, ou sur les piliers des salles hypostyles, les 
dévots et les visiteurs verront beaucoup de femmes, nymphes, etc., aux charmes et au 
sexe bien évidents, souvent soulignés par quelque couleur rouge ou noire ; parfois elles 
sont en galante compagnie, se faisant prendre avec un sourire béat par quelque 
homme membru, quand ils ne se mettent pas à plusieurs… L’étreinte est celle des 
dieux ou des rois. Même si la position n’est pas amoureuse, elle peut être très érotique 
et suggestive. Éventuellement, nos pèlerins rendront un culte à l’une de ces statues : 
sur les piliers des temples, le Dieu s’incarne dans la pierre et on le vénère en versant 
sur son corps de pierre du lait, du beurre clarifié, etc., en le parant de couleurs et de 
guirlandes, en psalmodiant quelque vieux texte sanskrit, parfois traduit ou adapté dans 
une langue vernaculaire – hindi, tamoul, etc. La pureté des intentions, des âmes et des 
cœurs est manifeste et, pour nous, contraste violemment avec certains des objets du 
culte où la sexualité est souvent clairement affirmée.
4. Le site de Khajuraho
          Si, pour l’instant, on se limite à la sculpture érotique, le plus visible et le plus 
accessible de ces arts, on constate qu’il est inégalement réparti dans l’espace. Certes, 
depuis que les conquérants, les voyageurs – missionnaires, marchands, militaires et en-
fin les visiteurs – parcourent l’Inde, ils sont confrontés constamment à de telles images 
– 
des mithouna ou accouplement
 – mais, dans la majorité des cas, cela se limite à quel-
ques statues ; elles étaient autrefois plus nombreuses car ce sont elles qui en priorité 
ont fait les frais des destructions massives commises par les musulmans. Certains tem-
ples à la gloire des dieux et de Dieu comprennent seulement quelques statues de 
mithouna ; d’autres demeurent des anthologies des positions d’amour où hommes et 
femmes, hommes et hommes, femmes et femmes, hommes et bêtes se disposent 
sexuellement avec une franchise surprenante ; il en allait déjà ainsi autrefois, malgré les 
destructions intervenues, preuve que l’érotisme a occupé dans la conscience des uns et 
des autres une place différente selon les lieux et les époques. 
          Parmi les temples en partie épargnés, puis oubliés, ceux de Khajuraho notam-
ment (Madhya Pradesh) sont les plus connus – mais il n’y a pas que des temples 
d’amour à Khajuraho. L’histoire du site vaut d’être contée. Dans son passé préislami-
que, l’Inde n’était qu’un ensemble de royaumes guerriers, constamment en lutte et di-
rigés par des dynasties éphémères. La constitution des grands États dirigés par des sul-
tans musulmans (XIe siècle), notamment l’empire moghol (XVIe siècle), ne mit pas fin 
à l’état de guerre endémique : guerres de succession, révoltes des princes feudataires 
ou des souverains déchus… Souvent les capitales de ces royaumes, glorieuses de la 
gloire des rois, redevenaient, une fois le souverain défait, une simple bourgade. Ujjayinî 
(alias Avanti), Vijayanagar devenu Hampi en sont les cas les plus connus. Toutes les 
plus grandes villes de l’Inde contemporaine sont des créations musulmanes comme 
Delhi, ou coloniales comme Bombay, Calcutta ou Madras. Leur changement de nom