corridorinfo 44 les abeilles sauvages

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Numéro
Rédaction : Jean-Louis Wattez Lestrem Nature
Guillaume Lemoine Société Entomologique du
Nord de la France
44
Septembre 2016
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Les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés...
Si Apis mellifera, l’Abeille mellifère des ruches, ou Abeille domestique, est bien connue du grand public, on ignore
souvent qu’elle n’est qu’une des 1000 espèces d’abeilles recensées en France, des 2000 en Europe et plus de 20 000 dans
le monde. La grande majorité des abeilles sauvages sont des espèces solitaires dont la présence attire peu l’attention. La
région Hauts-de-France accueille près de 3OO espèces.
Les abeilles sauvages jouent aussi un rôle central dans le maintien de la biodiversité de nos territoires. Elles sont
garantes de la stabilité des écosystèmes en participant à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées. Alors que l’on
a longtemps considéré que seule l’Abeille domestique pollinisait efficacement les cultures, des études récentes tendent à
prouver le rôle complémentaire voire indispensable des pollinisateurs sauvages notamment des abeilles.
Pas d’excès de ruches dans les milieux naturels
Mettre des abeilles domestiques en grand nombre dans les espaces naturels, c’est introduire un
concurrent très efficace vis-à-vis des autres espèces. L’arrivée momentanée (transhumance) ou
durable de dix ruches sur un site va apporter dans le milieu, en période de miellée, entre 300 000
et 600 000 abeilles qui ne seront probablement pas sans effet sur l’accès aux ressources
alimentaires pour les autres espèces . Dans les lieux où l’on installe des abeilles domestiques, elles
supplantent aussitôt les espèces sensibles. Dans un jardin botanique, il a été constaté que le nombre d’abeilles solitaires
avait très vite doublé après le retrait des colonies d’abeilles domestiques.
Qu’est ce qu’une abeille?
Les abeilles sont des Hyménoptères, ordre d’insectes caractérisés par deux paires
d’ailes membraneuses reliées entre elles par un système de couplage.
Elles possèdent 6 pattes, 2 antennes , 4 ailes et un corps formé de 3 parties
distinctes : tête, thorax et abdomen.
L’abdomen est séparé du thorax par un étranglement caractéristique.
Fourmis, Guêpes, Tenthrèdes, Ichneumons sont aussi des Hyménoptères tandis que
mouches et syrphes, n’ayant que deux ailes, sont des Diptères.
Les abeilles ont une nourriture exclusivement végétale (nectar pour les adultes et
pâtée pollinique [nectar et pollen] ou miel pour les larves alors que la nourriture des larves de guêpes est carnée.
Abeilles sociales, abeilles solitaires
Parmi les abeilles sauvages, environ 20 % vivent en colonie avec
une reine et des ouvrières (dont les bourdons) et la majorité
(80 %) sont solitaires.
Certaines espèces solitaires, comme l’Abeille du lierre (Colletes
hederae), peuvent se regrouper en « bourgade » en construisant
leurs nids individuels (galeries dans le sol) côte-à-côte.
Mégachile
Solitaire
Bourdon
Sociale
Langues courtes, langues longues
Il existe des abeilles à langue « longue » et d’autres à langue « courte ». La taille de
la langue est souvent directement corrélée à la profondeur de la corolle de
certaines fleurs qui vont être dépendantes de l’espèce d’abeille associée pour leur
reproduction.
Le Bourdon des champs fait partie de la famille des Apidae et a une langue longue
qui lui permet de butiner les fleurs de trèfle.
Les six familles présentes en Europe se répartissent en 2 groupes: Megachilidae et
Apidae à langue longue et Melittidae, Andrenidae, Halictidae et Colletidae
à langue courte.
Nidification : dans la terre, le sable, les tiges creuses….
Il existe plusieurs modes de nidification : les terricoles creusent des petits puits dans la
terre nue ou le sable, d’autres creusent des galeries dans la moelle des tiges de certaines
plantes (ronces, sureau, etc). Certaines abeilles n’iront pondre que dans des cavités
prééxistantes, comme des tiges creuses ou des trous d’aération dans les murs ou
fenêtres comme l’Osmie cornue. Certaines vont même jusqu’à pondre dans des
coquilles d’escargots vides !
75 % des abeilles sauvages nichent dans le sol et sont donc terricoles!
Abeilles coucous
20 % des espèces d’abeilles solitaires n’aménagent pas de nids et ne récoltent pas de
pollen. Ces abeilles appelées « abeilles coucous » sont des parasites. Elles profitent de la
récolte de leur hôte au bénéfice de leur progéniture. Ces espèces pénètrent dans des nids
approvisionnés ou en cours d’approvisionnement et vont pondre leurs oeufs à la place de
ceux de l’hôte sur la pâtée pollinique ainsi stockée. L’oeuf de l’hôte est détruit par la
femelle d’abeille coucou, ou par la jeune larve issue de sa ponte, car son développement
est souvent plus rapide que celui de l’hôte parasité.
Nid d’Abeille sabulicole
Nid d’Abeille hélicicole
Mode de récolte du pollen et distance de butinage
Brosse ventrale d’une Mégachile
La structure de récolte du pollen chez les femelles est différente selon les
espèces : la plupart ont de nombreux poils qui « capturent » les grains de
pollen sur les pattes postérieures. La famille des Mégachiles possède une
brosse ventrale caractéristique, sous l’abdomen.
Les distances de butinage que les abeilles sont capables de parcourir dépendent
du poids et de la taille des espèces d’abeilles concernées. Bien que de
nombreuses espèces puissent se déplacer à plus d’un kilomètre, la plupart des
individus butinent dans un rayon de 100 à 300 mètres pour les petites espèces
et 400 à 800 mètres pour les plus grosses comme les bourdons
Cycle de vie: les femelles ne rencontrent pas leur progéniture...
Une abeille sauvage vit environ une année. Elle traverse 4 stades de développement ( œuf, larve, nymphe, adulte)
dont la durée varie selon l’espèce. Dès qu’une jeune femelle sort du nid, elle se fait aborder par les mâles qui
patrouillent dans l’environnement immédiat. Ensuite, pendant les quelques semaines que durera son existence sous
forme imago, elle se consacrera entièrement à la confection d’un nid, à la ponte d’une dizaine d’oeufs, au butinage et
à la provision de nourriture pour la future génération (pollen et nectar).
Quelques espèces locales d’abeilles sauvages.
Les Bourdons des pollinisateurs vigoureux
Il existe plusieurs espèces de bourdons, que l'on regroupe
généralement en deux grands groupes. Les bourdons à langues
courtes pourront butiner de petites fleurs : le bourdon
terrestre (B. terrestris), le bourdon des arbres (B. hypnorum),
le bourdon des prés (B. pratorum), le bourdon à queue blanche
(B. lucorum).Les bourdons à langues longues pourront butiner
de longues fleurs (comme le chèvrefeuille) : le bourdon des
Bourdon des champs
Bourdon terrestre
jardins (B. hortorum), le bourdon des champs (B. pascuorum),
Bombus pascuorum
Bombus terrestris
le bourdon des pierres (B. lapidarius) ou le bourdon grisé
(B. sylvarum).
Fort velus et beaucoup plus résistants au froid que toutes leurs cousines, les bourdons se permettent de sortir plus tôt
dans la journée, et plus tôt dans la saison, ils sont donc importants pour la pollinisation des toutes premières fleurs de
l’année. Ils sont aussi les seuls à pouvoir émettre un « buzz », une onde capable de décrocher le pollen de certaines
plantes, notamment les Solanacées : tomates, pommes-de-terre, aubergines, poivrons, piments.
Megachile rotundata: abeille coupeuse de feuilles
C’est une abeille « découpeuse ». Ces abeilles construisent des loges à
partir de morceaux de feuilles découpées de (luzernes, troènes,
acacias...) où elles déposeront leurs œufs. Une de ses particularités est
de découper avec une méthode spectaculaire des morceaux de feuilles
tendres (découpe circulaire à ovale aux bords nets, toujours en bordure
de feuille) qu’elle transporte ensuite en vol afin de confectionner son
nid constitué de feuilles enroulées (aspect cigare). Les dégâts créés par
Megachile rotundata Lestrem Juillet 2015
l’abeille découpeuse ne nuisent pas aux plantes. Aucune méthode de
contrôle n’est donc justifiée. Les abeilles découpeuses jouent un rôle écologique essentiel en assurant la pollinisation
de plusieurs plantes.
Elles sont considérées comme pollinisateur très efficace notamment de la luzerne, des carottes, et de nombreuses légumineuses (Fabacées) cultivées, ou de baies (Myrtilles).
L’Osmie cornue ( Osmia cornuta )
Les Osmies, dites aussi "abeilles maçonnes" sont des abeilles solitaires dont les plus
précoces sont actives dés les premiers beaux jours du printemps, courant mars, et ce
même par mauvais temps alors que les abeilles domestiques se gardent bien de mettre
le nez dehors. Pollinisatrices efficaces, elles sont très peu farouches et se laissent
observer sans aucun problème, même de près. Certaines osmies cohabitent facilement
avec l’homme. Elles ont jeté leur dévolu sur les trous d’évacuations de nos fenêtres, et
tous ce qui ressemble à une cavité à leurs tailles. La femelle osmie y dépose une réserve
faite de nectar et de pollen, puis y pond un œuf. Elle bouche ensuite l’orifice avec un
bouchon de terre ou d'autres matières qu’elle malaxe avec de la salive. Une fois la “loge” terminée, elle en fabrique
une autre, environ une tous les deux centimètres. Les larves qui vont naître consommeront la pâtée pollinique faite à
base de pollen (source de protéines) et le nectar (source d’énergie), puis se transformeront en nymphes.
Le Colette du lierre ( Colletes hederae ) inféodée à une seule plante
Cette abeille sauvage est strictement inféodée au Lierre grimpant. C’est une
petite abeille solitaire, reconnaissable à ses longues antennes, sa tête et son
thorax recouverts d’une longue pilosité rousse, et son abdomen allongé et annelé de
jaune et de noir.
Contrairement à l’Abeille domestique, capable de visiter une très grande
diversité de plantes mellifères, cette espèce s’est spécialisée au cours de
l’évolution : en effet, elle récolte exclusivement le nectar et le pollen du Lierre afin
de nourrir ses larves, et son cycle de reproduction est synchronisé avec celui du
Lierre. C’est une abeille d’automne. Le nom scientifique de cette espèce, Colletes hederae, reflète d’ailleurs l’exclusivité de sa relation avec le lierre (genre Hedera en latin).
Les abeilles sauvages: un groupe d’espèces menacées!
Sur la liste rouge européenne IUCN:
9,2 % des espèces sont menacées d’extinction, 5,2% des espèces sont menacées dans un futur proche , 56,7 % des espèces n’ont pas pu être évaluées.
De multiples causes pour expliquer leur régression:
- l’exposition aux produits chimiques : Les pesticides, notamment les
neurotoxiques désorientent les abeilles, modifient leur comportement et
fragilisent leurs systèmes immunitaires. L’utilisation régulière d’herbicides
sélectifs dans les grandes cultures entraîne une perte des communautés
adventices et messicoles.
- la perte des ressources alimentaires: la diminution de la biodiversité dans les espaces agricoles, liée notamment
à la monoculture et la régression extrême des cultures fourragères (luzerne, sainfoin, trèfle) a pour conséquence
une réduction du nombre d’espèces de plantes disponibles et un raccourcissement de leur temps de floraison .
- la modification des paysages: la fragmentation du paysage entraîne une
réduction croissante des espaces fleuris et des petits biotopes avec pour
conséquences des distances plus importantes à parcourir entre les zones de
reproduction et celles de butinage pour des abeilles qui ont un rayon d’action
relativement réduit : de 100 à 800 mètres.
- La destruction des habitats de nidification: affleurements de sable, de limons,
des talus.
- Le nettoyage exagéré des friches et des bords de route prive les abeilles
sauvages de ressources alimentaires.
Que faire pour protéger les abeilles sauvages?
- arrêter l’usage généralisé des pesticides
- restaurer les ressources florales: arrêter le broyage systématique des bords de
routes, les délaissés, les zones d’activités… maintenir des ronciers , maintenir
des surfaces de Fabacées (sainfoin, luzerne, trèfle, lotier…)
développer des prairies fleuries (espèces locales) et la gestion différenciée ,
arrêter de la tonte intensive en espaces urbains et périurbains
- créer des niches favorables diversifiées (haies, ronciers, bosquets, zones de
dépôt de bois morts,..)
- Préserver lez zones où elle nichent (bourgades)
- mettre en place un substrat qui permet leur nidification (apports de sable et
graviers) , maintenir des zones de terre nue et tassées , convertir certains
espaces (talus) en friches herbacées non tondues et non fauchées, même en hiver pour les bourdons qui nichent au
printemps dans les herbes denses
Sources:
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Lemoine G. (2015) Les carrières de sable : une opportunité pour les abeilles sauvages EPF Nord Pas de Calais et Union
Nationale des Producteurs de granulats Paris 140 pages
Les abeilles sauvages Guillaume Lemoine conférence à Lestrem le 2 juin 2016
Suivi Participatif des Abeilles association ARTHROPOLOGIA
Guide de gestion écologique pour favoriser les abeilles sauvages URBANBEES.
Site internet aramel.free.fr
Réalisé avec l’aide de
Imprimé sur papier recyclé
1 tonne de papier recyclé économise
17 arbres, 1m3 d'espace en décharge,
30 kg de polluants atmosphériques,
consomme 6 fois moins d'énergie et 9
fois moins d'eau pure.
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