Monica Baciu – projet FFRE 2008 CARTOGRAPHIE FONCTIONNELLE DU LANGAGE ET DE LA MEMOIRE POUR EVALUER LA PLASTICITE CEREBRALE CHEZ LES EPILEPTIQUES. EXPLORATION PAR IRM FONCTIONNELLE Résumé du projet Ce projet de recherche a pour but la mise en œuvre d’un protocole expérimental IRMf pour cartographier des opérations langagières et mnésiques. Le but est celui de mettre en œuvre une batterie de tests permettant l’évaluation de la réorganisation cérébrale (plasticité) du langage et de la mémoire chez des patients susceptibles de présenter ce phénomène. Il s’agit notamment des patients qui présentent des lésions cérébrales chroniques qui se développent lentement et qui génèrent, par rapport aux sujets sains, une organisation différente des réseaux cérébraux fonctionnels. Une pathologie susceptible d’être concernée par ce type d’exploration est l’épilepsie focale (révélant une anomalie cérébrale régionale structurelle et/ou fonctionnelle). L’épilepsie focale temporale gauche (ETG) est la forme d’épilepsie la plus fréquemment rencontrée chez l’adulte. Chez les patients qui présentent une dominance hémisphérique gauche du langage et de la mémoire, une réorganisation cérébrale de ces fonctions pourrait avoir lieu, du fait de la présence de la zone épileptogène génératrice des crises au sein de cet hémisphère. Il a été montré que certains facteurs (âge de début de crises, genre, préférence manuelle, sclérose hippocampique) jouent un rôle particulier sur la plasticité cérébrale. Lors de ce travail nous nous proposons dans un premier temps de mettre en œuvre et tester un protocole d’activation langage et mémoire chez les sujets sains en utilisant IRMf. Ensuite nous aimerions valider sa robustesse en explorant des épileptiques avec une épilepsie focale temporale gauche. Chez ces patients il a été montré que selon les variables mentionnées précédemment, on peut détecter des patterns spécifiques de réorganisation cérébrale du langage et de la mémoire. Nos résultats seront ainsi comparés avec ceux mentionnés dans la littérature à ce propos et cette comparaison nous permettra ou non de valider nos tâches et notre protocole expérimental pour explorer la plasticité cérébrale. Résumé « grand public » du projet Les fonctions cognitives telles que le langage et la mémoire sont prises en charge par des régions spécifiques de notre cerveau. Généralement, un réseau d’aires cérébrales est responsable d’une fonction donnée. Pourtant, cette organisation n’est pas figée une fois pour tout, c'est-à-dire que le cerveau reste, jusqu’à des âges assez avancés, capable de se réorganiser. Plus précisément, une lésion qui détruit une région cérébrale qui a une fonction particulière, déterminera un déficit pour cette fonction. Par exemple, une lésion d’une partie du cortex inférieur gauche responsable de la parole, induit une impossibilité de produire oralement les mots. Mais chez ces patients, suite à une rééducation fonctionnelle ou tout simplement suite à la thérapie suivie, une récupération au moins partielle de la fonction, reste possible. Comment ceci est possible étant donné que la région dont cette fonction dépend, est détruite ? La seule réponse possible est le fait que le cerveau est capable de se réorganiser, il est « plastique ». D’autres régions cérébrales saines qui n’étaient initialement pas dédiées à assurer la fonction déficitaire, pourraient désormais prendre en charge une nouvelle fonction. Nous nous proposons donc d’étudier la plasticité cérébrale dans une population qui se prête à l’évaluation de ce phénomène, les épileptiques avec épilepsie focale et pharmaco résistante. Chez ces patients la zone qui génère les crises d’épilepsie de développe très lentement pendant des longues années, ce qui perturbe le fonctionnement normal des aires cérébrales où cette zone se développe. Puisque ces patients ne présentent pas de déficit fonctionnel malgré la présence de la lésion dans leur cerveau, on peut supposer qu’un phénomène de plasticité a lieu. Par ailleurs, certains de ces patients doivent être opérés pour arrêter les crises d’épilepsie, le traitement médicamenteux n’ayant plus d’effet (c’est pourquoi on les appelle pharmaco résistantes). Lors de l’intervention chirurgicale on enlève la zone qui déclanche les crises, pour les arrêter. Après quelques mois de l’intervention chirurgicale, une plasticité/réorganisation cérébrale peut avoir lieu également, cette fois-ci en relation avec l’intervention chirurgicale qui peut aussi perturber le fonctionnement cérébral normal. Dans ce projet nous étudierons le phénomène de plasticité cérébrale pour le langage et la mémoire, avant et après intervention chirurgicale. Nous allons observer si certains facteurs comme l’âge de début de l’épilepsie, le sexe, la préférence manuelle ou autres, font que les « patterns » (les modèles) de 2 Monica Baciu – projet FFRE 2008 plasticité soient différents entre patients. Les résultats obtenus nous permettrons non seulement de mieux comprendre le phénomène de plasticité cérébrale, mais également de mettre au point des méthodes de rééducation fonctionnelle qui permettront de récupérer plus facilement et plus complètement un déficit cognitif. Pour ce faire, nous allons utiliser une méthode non invasive qui se base sur des propriétés intrinsèques du sang, donc qui ne nécessite pas injection au niveau vasculaire. Il s’agit de l’IRMf (Imagerie fonctionnelle par Résonance Magnétique), technique qui permet de cartographier toute fonction cognitive chez l’homme. Présentation générale de l’équipe de recherche qui effectue ce projet Une grande partie des recherches effectuées précédemment par notre équipe en utilisant l’IRM fonctionnelle, avait pour objectif la cartographie de certains aspects du langage chez des patients épileptiques dans le cadre de leur évaluation pré-chirurgicale. Nous nous sommes intéressés dans un premier temps à l’évaluation de la spécialisation/dominance hémisphérique du langage chez des patients épileptiques avec épilepsie focale et pharmaco-résistante. Dans ce but nous avons suivi un protocole original qui est actuellement couramment utilisé dans notre environnement clinique (1). L’évaluation de la représentation cérébrale des opérations langagières a préalablement été effectuée par notre équipe chez les sujets sains (2, 3). Parallèlement, nous avons évalué plusieurs méthodes de quantification de la dominance hémisphérique identifiée par IRMf, chez des sujets sains et chez des patients épileptiques (4, 5). Dans le cadre de ce travail nous avons travaillé en étroite collaboration avec les Dr Jeff Ojemann (University of Washington, Seattle, USA) et Jason Watson (actuellement à The Brain Institute, University of Utah, Salt Lake City, USA). Notre travail commun sur la cartographie du langage chez les patients épileptiques a donné lieu à deux publications (6, 7). Globalement, nos travaux ont montré que l’IRMf s’avère un outil robuste d’évaluation pré-chirurgicale du langage chez les patients épileptiques. Si nos recherches précédentes ont porté notamment sur la spécialisation hémisphérique du langage, nous aimerions continuer nos recherches en évaluant la plasticité cérébrale qui découlerait de la présence de la zone épileptogène. Grâce à des tâches spécifiques, nous aimerions identifier les réseaux neuroanatomiques sous-jacents à des opérations de langage telles que la sémantique et la phonologie mais également des aspects mnésiques qui ont été peu explorées par notre équipe jusqu’à maintenant. Dans une étude récente (8) nous avons obtenu des résultats préliminaires intéressants chez les patients épileptiques qui suggèrent le fait que le type de réorganisation cérébrale dépend d’un certain nombre de facteurs tels que l’âge de début de crises, localisation hémisphérique de la lésion, association de la sclérose hippocampique. Par ailleurs, la combinaison des données fournies par l’IRMf et par l’EEG intracérébrale (stéréo-EEG) chez les patients épileptiques implantées dans un but diagnostic, nous a permis de valider certaines de nos tâches cognitives (9, 10, 11). 1. Baciu, M., Kahane, P., Minotti, L., Charnallet, A., David, D., Le Bas, J. and Segebarth, C. (2001). FMRI assessment of hemispheric dominance for language in epileptic patients by using a phonological task. Epileptic Disorders, 3(3), 117-124. 2. Baciu, M., Rubin, C., Décorps, M. and Segebarth, C. (1999). Hemispheric language dominance testing by means of fMRI. Journal of Neuroimaging, 9, 246-247. 3. Baciu, M., Rubin, C., Décorps, M. and Segebarth, C. (1999). fMRI assessment of hemispheric language dominance testing using a simple inner speech paradigm. NMR in Biomedicine, 12, 293-298. 4. Baciu, M., Juphard, A., Cousin, E., Le Bas, J. F. (2005). Evaluating fMRI methods for assessing hemispheric language dominance in healthy subjects. European Journal of Radiology, 55(2), 209-218. 5. Cousin, E., Peyrin, C., Pichat, C., Lamalle, L., Le Bas, J.F., Baciu, M. (2007). Functional MRI method for mapping phonology and semantics in healthy subjects. European Journal of Radiology, 63(2):274-85. 6. Baciu, M.V., Watson, J.M., Maccotta, L., McDermott, K.B., Buckner, R.L., Gillian, F.G., Ojemann, J.G. (2005). Evaluating fMRI procedures for assessing hemispheric language dominance in neurosurgical patients. Neuroradiology, 47: 835-844. 7. Baciu, M., Watson, J.M., McDermott, K.B., Wetzel, R.D., Attarian, H., Moran, C.J., Ojemann, J.G. (2003). Functional MRI reveals inter-hemispheric dissociation of frontal and temporal regions correlated with lexical processing in a patient with frontal lobe epilepsy. Epilepsy & Behaviour, Vol 4 (6), pp 776-780. 8. Cousin, E., Baciu, M., Pichat, C., Kahane, P. (2008) Functional MRI evidence for language plasticity in adult epileptic patients. Preliminary results. Neuropsychiatric Disease and Treatment, 4(1), 235-246. 9. Mainy, N., Jung, J., Baciu, M., Kahane, P., Schoendorff, B., Minotti, L., Hoffmann, D., Bertrand, O., Lachaux, JP. (2007). Cortical dynamics of word recognition. Human Brain Mapping, epub. 10. Lachaux, J.P., Jung, J., Mainy, N., Dreher, J.C., Bertrand, O., Baciu, M., Minotti, L., Hoffmann, D., Kahane, P. (2007). Silence is golden: transient neural deactivation in the Prefrontal Cortex during attentive reading. Cerebral Cortex, epub. 11. Lachaux, JP., Fonlupt, P., Kahane, P., Minotti, L., Hoffmann, D., Bertrand, O., Baciu, M. (2007). On the relationship between task-related Gamma oscillations and BOLD signal: new insights from combined fMRI and intracranial EEG. Human Brain Mapping, 28(12):1368-75. 2