2. Les fondements de base
Mon propos n’est pas de revisiter l’ensemble des concepts fondamentaux du droit
international. Cependant, j’aimerais revenir sur trois fondements de base du système de
justice canadien dans lequel évolue la Cour d’appel.
Le système judiciaire canadien, en matière de droit international, est un système
dualiste. Théoriquement, cela signifie que les normes internationales et les normes de
droit interne évoluent dans des univers distincts. Concrètement, cela a pour effet que si
l’exécutif du gouvernement détient le pouvoir de signer et de ratifier des accords
internationaux, ceux-ci n’ont pas de force obligatoire à moins d’être mis en œuvre par le
Parlement
. Cela ne veut pas dire que les traités n’ont pas force légale. En fait, le
Canada peut, d’un côté, avoir des obligations envers la communauté internationale,
mais de l’autre, les ignorer en omettant d’adopter une loi qui les mette en œuvre en
droit canadien. Il va de soi qu’en pareil cas, le Canada s’exposerait à une
responsabilité sur le plan international. Dans une situation où le Canada violerait un
engagement international, l’absence de concrétisation de cet engagement en droit
interne ne lui serait d’aucun secours. C’est d’ailleurs de là que vient le terme de
système « dualiste » pour décrire deux régimes juridiques qui opèrent dans leur sphère
distincte, le même acte pouvant violer le droit dans l’une, mais non dans l’autre.
Ce que cela veut dire, en pratique, c’est que la ou le juge n’a pas à prendre en
compte, dans sa décision, les accords pourtant conclus par le Canada qui ne se
retrouvent pas en droit interne.
Il existe toutefois plusieurs tempéraments à cette règle du dualisme. L’un de ces
tempéraments est l’application du droit international coutumier même en l’absence
S.A. Louis Dreyfus & Cie c. Holding Tusculum B.V., [1998] R.J.Q. 1722, 1729-1730 (C.A.). Notons qu’il
existe une relation entre ces concepts. Le fait que la sphère législative soit exclue du processus de
ratification des traités amène une réticence nécessaire à inclure des actes purement exécutifs dans
le droit interne. Voir René Provost, « Le juge mondialisé : légitimité judiciaire et droit international au