Prévoir l’évolution tumorale pour chaque patient est un enjeu majeur de
cancérologie. Repérer les patients susceptibles de développer des
métastases, évaluer la réponse aux chimiothérapies… autant d’informations
pronostiques qui améliorent la prise en charge des malades atteints de cancer.
A l’Institut Curie, l’équipe de Geneviève Almouzni, directrice de recherche
au CNRS, vient de découvrir un nouveau marqueur pronostique de
l’évolution des cancers du sein, et probablement d’autres cancers : la
protéine HP1α. Plus cette protéine est présente en quantité dans les
tumeurs du sein, plus le risque de développer rapidement des métastases
est élevé. En outre, cette protéine, qui gère la compaction du matériel
génétique dans les cellules et donc l’expression des gènes, semble un marqueur pronostique
significativement plus informatif que les marqueurs actuellement utilisés. D’autres études sont en cours
pour compléter ces premiers résultats très prometteurs publiés dans EMBO Molecular Medicine et faire
bénéficier ainsi rapidement les patientes de ces avancées.
Mots-clés : Traitement sur mesure – Epigénétique – Evolution tumorale – Marqueur pronostique – Cancer du
sein – Recherche préclinique
Les cancers résultent d’une succession d’altérations génétiques. Toutefois la génétique peine à expliquer la très grande
diversité des cancers. C’est pourquoi les modifications des facteurs épigénétiques sont de plus en plus souvent
impliquées en cancérogenèse : il peut s’agir de modifications chimiques (fixation de groupements chimiques, méthyl,
phosphate, acétyl) sur l’ADN et sur les protéines qui lui sont associées, les histones, ou de perturbations de
l’organisation de l’ADN au cœur de la cellule (voir pour en savoir plus sur l’épigénétique p. 2).
Les facteurs épigénétiques « commandent » l’activation ou la désactivation de certains gènes dans la cellule.
C’est grâce à eux si, à partir d’un même capital génétique, les cellules acquièrent des spécificités et forment par
exemple un neurone ou un globule blanc.
Et si ces facteurs épigénétiques, dont la perturbation a déjà été montrée dans les cellules cancéreuses, pouvaient
renseigner les cliniciens sur les évolutions tumorales possibles ? C’est la question que s’est posée l’équipe de
Geneviève Almouzni1 à l’Institut Curie. Et pour y répondre, les chercheurs se sont intéressés à la protéine HP1α,
connue pour son rôle dans la compaction de l’ADN et qui, par conséquent, a un rôle sur l’activation ou la
désactivation des gènes dans les cellules.
Première découverte : la protéine HP1α est surreprésentée dans les cellules tumorales et son absence
provoque des perturbations dans la division cellulaire.
La seconde partie de l’étude, effectuée sur du tissu tumoral, a été réalisée grâce au Centre de ressources
biologiques de l’Institut Curie, initié en 1988 par le Dr Xavier Sastre-Garau, chef du département de Biologie des
tumeurs. Les chercheurs ont ainsi pu étudier les niveaux d’expression de HP1α dans 86 échantillons qui avaient
été prélevés en 1995 chez des patientes atteintes de cancer du sein, dont l’évolution est ainsi connue sur plus de
10 ans. Il s’agissait principalement de tumeurs de petite taille sans envahissement métastatique, ni ganglionnaire.
Or, précise Geneviève Almouzni, « plus la quantité de HP1
α
est élevée, plus les patientes avaient développé des
métastases en grand nombre et rapidement ; il existe donc un parallèle significatif entre l’expression de cette protéine et
la survie des patientes. »
1 Geneviève Almouzni est directrice de recherche au CNRS et directrice de l’unité « Dynamique nucléaire et plasticité du génome » Institut Curie/
UMR 218 CNRS. Elle a reçu la Médaille d'argent du CNRS en 2000, le Prix du Comité Départemental des Yvelines de La Ligue contre le Cancer en
2003 et le Grand prix de la Fondation Simone et Cino del Duca de l’Institut de France en 2006. Elle est aussi directrice déléguée à l’enseignement
auprès du directeur du Centre de Recherche de l’Institut Curie. Son équipe est par ailleurs membre coordonnateur du Réseau d'excellence
Epigénome, responsable de la communauté de recherche européenne sur l'épigénétique.