Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
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au premier des quatre traités pseudo-dionysien, la Hiérarchie céleste, sous le nom de In
Ierarchiam, qui nous est conservé dans 119 manuscrits, originaires de toute l’Europe.
Hugues prend contact avec le pseudo-Denys dans les terres d’empire d’où il est
originaire, peut-être dans la région de la Meuse et du Rhin au cours de ses études.
L’étude des manuscrits conservés et certains indices internes montrent qu’il a dû
commencer son commentaire vers 1125, sans doute avec l’intention de traiter
l’ensemble des quatre traités, et qu’il continue jusqu’à sa mort en 1141, avec des pauses,
mais en approfondissant et en faisant évoluer sa méthode, ce qui l’amène à en faire une
réflexion sur le symbolisme et les relations entre la philosophie païenne et la foi
chrétienne. C’est le seul de ses commentaires qui ne soit pas biblique ; comme les autres,
qu’il travaillait parallèlement au fil de son enseignement, il garde l’aspect d’un travail en
cours, pas totalement revu à sa mort ; Hugues n’a en fait commenté que le premier traité
de ce qu’il considérait, dans son principe d’explication triadique, comme une triade sur
les anges, les hommes et Dieu.
Rien n’était plus différent de la large prose limpide et rythmée du victorin que
l’hermétisme de son point de départ. Maître de l’inconnaissable et de la théologie
négative, il est expliqué par le plus clair et serein des exégètes, qui parfois se prend à
douter de la légitimité de son entreprise pour clarifier ce qui n’a pas à l’être. Cela
l’amène à prendre conscience de la dialectique du voilant et du dévoilant dionysien, de
la multiplicité des mots et de l’unité du sens, et à conceptualiser sa propre méthode.
Ce faisant, il prépare une transformation profonde de l’angélologie, qui nous vaut
sans doute les anges de nos cathédrales : les anges promus par Denys, rangés en ordres
ayant chacun sa mission, sont le modèle d’une église ordonnée et hiérarchisée, qui
investit le monde pour le christianiser, devenant modèles du sacerdoce et de
l’enseignement, plus que les modèles de la vie monastique qu’ils étaient auparavant. Il
apporte aussi une métaphysique de la lumière, qui influence sans doute Suger, même si
c’est superficiellement. Mais encore plus, il permet l’établissement d’une théologie
symbolique ; au contact de Denys Hugues approfondit la notion de symbole, il l’élargit et
l’étend aux créatures visibles et aux sacrements liturgiques, ce qui lui permet de donner
une grille de lecture à l’ensemble de sa propre doctrine.