
Document de travail du GDAE No. 13-03: Population, Ressources, et Energies dans l’Economie Mondiale
Population, Ressources et Énergies dans l’Économie
Mondiale: Herman Daly avait raison…
Par Jonathan M. Harris
Introduction
Précurseur de la macroéconomie de l’environnement (Daly, 1973, 1991a et b, 1996), Herman Daly est célèbre
pour avoir affirmé que nous sommes passés d’une “planète vide” en ressources abondantes à une “planète pleine” en
énergies et ressources limitées1. Cependant, ses idées ont généralement été rejetées ou ignorées par la plupart des
économistes “orthodoxes”. Selon les néo-classiques, la croissance économique exponentielle à long terme ne peut
être affectée par les pénuries de ressources car celles-ci sont remédiables grâce à l’existence de marchés
concurrentiels et de biens substituts. En l'absence de crise immédiate, l'approche économique standard a adopté ce
point de vue "optimiste", rejetant ainsi l’idée que la population, les ressources et énergies puissent être épuisables.
Toutefois, contrairement au courant orthodoxe, l’évolution des faits économiques de la première décennie du 21e
siècle a donné raison à Daly et l’approche qu’il a proposée influencera de manière significative l'orientation des
politiques économiques dans le siècle à venir.
Un examen des tendances mondiales en matière de croissance démographique, de disponibilité de ressources
alimentaires, et d’environnement tel que les questions de changement climatique, de ressources renouvelables et non
renouvelables indique que la situation a considérablement changé au cours de la première décennie du 21e siècle.
Pour preuve, il est impossible à ce jour de remettre en cause l’existence des pénuries de ressources et les effets de la
dégradation de l’environnement comme ce fut le cas avant l’an 2000. Parmi les économistes, cette polémique trouve
tout son sens dans l'évolution des prix. Durant la controverse relative aux ressources environnementales épuisables
dans la seconde moitié du 20è siècle, le cheval de bataille des néo-classiques a toujours été d'affirmer que les prix
des denrées alimentaires, des ressources non renouvelables et de l'énergie restent généralement stables ou tendent
même à baisser. Cela, soutenaient-ils, montrait que l’existence de biens substituts, l’innovation et la découverte de
nouvelles ressources prendraient à défaut le pessimisme de Daly, et que ce processus se poursuivrait indéfiniment.
Point n’était donc besoin d’anticiper des tendances à la baisse des prix dans le futur. Néanmoins il est aujourd’hui
évident que ces tendances de prix se sont résolument inversées.
La contrainte environnementale la plus évidente et pressante est le changement climatique. En raison du
changement climatique, certains économistes néo-classiques comme Nicholas Stern (2007) ont conclu à la nécessité
de modifier en profondeur les modèles de croissance économique. Cependant, les conséquences de l’abandon de la
dépendance en énergie fossile n’ont pas encore été totalement explorées. Comme Daly l’avait prédit, une économie
tournée vers l’efficience et utilisant des énergies renouvelables ne pourra guère emprunter le sentier de croissance
économique exponentielle caractéristique des économies du 20e siècle dépendantes des combustibles fossiles.
Les enjeux vont bien au-delà du secteur énergétique. La croissance démographique et l'approvisionnement en
ressources alimentaires sont tout aussi cruciaux. Il existe de nombreuses interactions entre l’agriculture et les
systèmes énergétiques ; en plus de l’utilisation intensive de l'énergie dans l’agriculture, la demande de biocarburants
réduit l'offre disponible de terres agricoles. Les récentes flambées des prix des denrées alimentaires, de l’énergie et
des minéraux mettent en évidence les pressions énormes imposées à l'écosystème mondial par la combinaison de la
croissance démographique et économique de pays comme la Chine et l’Inde. Ces flambées de prix soulèvent
également des questions fondamentales d'équité car les populations pauvres en sont affectées de manière
disproportionnée.
Il sera impossible de faire face à ces contraintes environnementales en utilisant simplement les mécanismes du
marché. Il apparaît clairement qu’un interventionnisme étatique global sera nécessaire pour répondre aux défis
imposés par les changements climatiques. A l'échelle mondiale des problèmes similaires affectent les systèmes
1 Voir Daly et Farley, 2011, Chapitre 7: “ D’une Planète Vide à une Planète Pleine ”.