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humaine, qui reproduit la vio-
lence sans un vrai détournement
créatif, qui se contente de faire
résonner ses doutes sans porter
en lui une forme de reconstruc-
tion, de résilience. Sans vouloir
additionner les raisons ou les
non-raisons d’avoir confiance,
il pose la confiance comme
un postulat : la peur ne doit pas
mener les artistes. Les situations
sans solution sont résolues
par les fous, les enfants et les
amoureux comme Claudel.
Il aurait pu faire sienne la devise
de Schiller : « Vivez votre siècle,
mais ne soyez pas sa créature ».
de Claudel
mise en scène Yves Beaunesne
adaptation et dramaturgie Marion
Bernède scénographie Damien
Caille-Perret lumières Joël Hourbeigt
création musicale Camille Rocailleux
costumes Jean-Daniel Vuillermoz
maquillages /coiffures Catherine
Saint-Sever assistanat à la mise
en scène Marie Clavaguera Pratx
et Amélie Chalmey
distribution Damien Bigourdan,
Judith Chemla, Thomas Condemine,
Jean-Claude Drouot, Fabienne
Lucchetti, Julie-Marie Parmentier
et trois musiciens
production Comédie Poitou-Charentes –
Centre Dramatique National avec le soutien
de la Drac Poitou-Charentes, de la Région
Poitou-Charentes et de la Ville de Poitiers
coproducteurs Le Théâtre d’Angoulême,
Le Moulin du Roc à Niort en partenariat
avec Les Bouffes du Nord
19 › 21.03.14
TAP, Poitiers
l’annonce
faite à marie
création
Claudel est un de ces cavaliers
qui firent, dès le début du xxe
siècle, le grand écart sur les
côtés de l’échiquier littéraire.
Immense voyageur, c’est un
écrivain qui est sorti toute sa
vie de sa chambre. Il y a chez
lui comme une navigation sur
une mer démontée. Il a inventé
une langue capable de tenir
le passé, le présent et le futur
ensemble, il a redonné à la
langue française des dérapages,
du brut, de l’horizon lointain.
Je me rappelle ce professeur
qui, à la lecture de Animus et
anima de Claudel, nous montrait
la chair de poule qui couvrait
son avant-bras : « Voilà, disait-il,
à quoi on reconnaît le théâtre
vital ». Sa parole est la chair
et le sang donné aux tigres.
Première pièce de Claudel
à être jouée, elle a été amorcée
dès 1892 sous le titre La Jeune
fille Violaine, puis remaniée
en 1911 pour donner L’Annonce
faite à Marie. Au départ, il y
a comme un drame domestique
autour de la rivalité de deux
sœurs : le père soutient Violaine,
l’aînée, la mère, Mara, la cadette,
qui prend à l’aînée son fiancé.
Mais il se passe que Violaine,
malgré la déchéance survenue
après un baiser donné à un lé-
preux, prête assistance à sa sœur,
et c’est là que tout commence.
Poème inspiré par l’enfance
orageuse de l’auteur, germé
dans la glaise et la tourbe de
son Tardenois natal, écrit avec
ses tourments charnels autant
que mystiques, L’Annonce faite
à Marie est le « drame de la
possession d’une âme par le
surnaturel ». Claudel n’est jamais
franchement dans l’orthodoxie
religieuse, son catholicisme est
beaucoup plus imbibé de rhum
qu’on ne le pense, il y a chez
lui quelque chose d’hérétique
dans le dialogue de la chair
et de la tentation. Et au-delà
de la tragédie familiale, il y a,
comme dans la tradition
hébraïque, le sens caché :
Claudel a cherché l’irruption
du divin dans l’humain
et il l’a trouvée dans l’ébriété
divine de Violaine, touchée
par la passion du Christ.
Claudel n’est pas un défenseur
du « théâtre des symptômes »,
un théâtre du constat qui fait
état surtout de la seule misère
l’annonce
faite
à marie