Séminaire de philosophie politique contemporaine 08-09 :
« Le capitalisme comme objet pour la philosophie »
L’activité prendra la forme d’un séminaire assuré par les membres du Service de philosophie 
morale et politique, et accessible à tous les auditeurs intéressés par le sujet. La publicité sera 
assurée par un affichage sur le site du Service. Il aura lieu un vendredi sur deux, de 14h00 à 
16h00. Séance inaugurale le 5 décembre. 
Que notre monde socio-historique soit celui de l'extension maximale de l'économie capitaliste 
relève aujourd'hui de ce que la philosophie pourrait appeler "l'évidence naturelle". La "réalité" 
du capitalisme — dans sa détermination vague de "société de marché", d'"économie libérale" 
ou de "société du profit" — constitue le présupposé, tant de nombreux discours savants que 
des discours politiques. A  titre d'hypothèse, on peut avancer que, maintenue à l'état de 
présupposé d'une évidence naturelle, la "réalité" du capitalisme marche de concert avec sa 
naturalisation comme formation sociale (ou forme socio-économique).  Posé comme réalité 
donnée ou naturelle, "en soi" — à tout le moins, historiquement indépassable et totalisante — 
le capitalisme pourrait tout au plus être perçu dans ses lois cycliques, dans sa rationalité omni-
englobante, ou, dans une veine hayekienne, comme le seul accompagnement possible de 
l'infinie complexité de  la réalité socio-économique. Chaque fois, le  capitalisme  apparaît 
comme une réalité autonome, qui prive les sujets de toute possibilité d'agir sur lui, sauf en se 
réclamant d’une situation de pure extériorité. "Système sorcier" dit Isabelle Stengers, pour 
désigner l'objet de ces analyses, qui paralysent la pensée et l'action.
A rebours de cette "naturalisation", nous entendons rappeler que le capital  et, par suite, le 
capitalisme ont fait et peuvent encore faire l'objet d'une élaboration discursive, mais aussi 
proprement théorique. L'idée que le capital constitue une réalité autonome obéissant à des lois 
spécifiques, et que le capitalisme est une formation sociale dotée d'une rationalité propre a 
d'abord   fait   le   centre   d'un   débat   théorique   dont   les   conséquences   étaient   clairement 
idéologiques et politiques. Ainsi chez Marx, dont l'effort théorique vise à produire, voire à 
constituer l'intelligibilité de l'objet "Capital", avant de poser le capitalisme comme la réalité 
ultime des rapport sociaux de la modernité.
C'est  à  ce   niveau   que   le  "capitalisme"   (et   le  capital)   peuvent   faire   l'objet   d'un   intérêt 
proprement philosophique. A côté des données de fait fournies par les sciences sociales, 
économiques ou politiques et sans prétendre se substituer à ces sciences, il reste nécessaire 
d'interroger de façon critique les modalités discursives sous lesquelles capital et capitalisme 
ont été et sont aujourd'hui encore constitués en objets de savoir. Il s'agira de réactiver, par-
delà sa dérive économiciste, ce que l'héritage marxiste a su produire comme critique théorique 
et pratique du monde socio-historique. Comment le marxisme a-t-il constitué le capital en 
objet de science ? Le "capitalisme" et  le "capital" restent-ils des concepts  pertinents et 
adéquats pour comprendre le  monde  contemporain  ?  Quels  sont les nouveaux  concepts 
apportés aujourd'hui par les théoriciens marxistes et postmarxistes ? Modifient-ils, ou non, les 
problématisations   classiques   ?   Que   signifie   "penser",   "connaître"   le   capitalisme   ?   Le 
"capitalisme", pour être pensable, doit-il être pensé comme un tout englobant et homogène ? 
La contradiction demeure-t-elle la crux de l'intelligibilité du capitalisme ?