Politique monétaire de la BCE et taux d’intérêt directeur négatif
Le jeudi 10 mars 2016, le Conseil des Gouverneurs de la BCE à francfort/Main (ALL) sous la
présidence de l’italien Mario Draghi a pris de nouvelles mesures pour tenter de relancer la
croissance économique trop faible en zone euro et l’inflation (- 0.2 % en février 2016 après +
0.3 % en janvier). Il porte le programme de rachats mensuels d’actifs (Quantitative Easing ou
QE) à 80 milliards d’euros au lieu de 60 précédemment (article du 25 mars 2015 sur ce blog)
et il baisse encore un peu les taux d’intérêt directeurs. Le taux de refinancement devient
nul (emprunter à la BCE devient gratuit pour les banques) et le taux de rémunération des
dépôts des banques à la BCE est de plus en plus négatif (- 0.40 %). Placer des liquidités à la
BCE est une sanction. C’est « le monde à l’envers ». Dans un premier temps, nous montrerons
la signification de cette mesure puis dans un second temps, nous évoquerons certaines limites.
I) Rappel : le rôle de la BCE dans la politique monétaire.
A) Dans la zone euro, chacun des 19 Etats membres reste maître de sa politique budgétaire
sous 2 conditions (traité de Maastricht : le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3% du PIB
et la dette publique totale ne doit pas dépasser 60 % du PIB (en 2015, France : 3.5 % et 95,7
%, selon l’Insee, 25 mars 2016). Par contre, chaque pays délègue sa politique monétaire à la
BCE (la Banque de France n’est plus qu’un intermédiaire auprès de la BCE). L’objectif
affiché de la BCE est de maintenir le taux d’inflation autour de 2%. Or depuis la crise de
2008, et surtout depuis la chute des cours des matières premières et notamment du pétrole,
l’inflation est quasi nulle en zone euro (- 0.2 % en février 2016) et la déflation menace. De
plus la reprise est faible, la croissance économique reste insuffisante, en particulier en
France (+ 1.2 % en 2015 selon l’Insee) pour baisser durablement le chômage. Du fait des
faibles marges de manœuvre de la politique budgétaire (politiques d’austérité appliquées pour
réduire les déficits et l’endettement), il faut donc jouer sur la politique monétaire. La BCE
dispose d’instruments traditionnels tels qu’agir sur le taux du refinancement des banques sur
le marché monétaire interbancaire (voir le paragraphe B2) ou agir sur les taux plafond et
plancher du refinancement direct des banques auprès de la BCE (voir le paragraphe B3) ou
agir sur le montant et le taux des réserves obligatoires que les banques doivent constituer à la
BCE (point non évoqué ici). Cependant, elle a mis en œuvre aussi en 2015 la politique de
« Quantitative Easing » (article du 25 mars 2015).
B) L’action sur le taux d’intérêt
1) Qu’est-ce qu’un taux directeur de la banque centrale, à quoi sert-il ?
D’une façon générale, le taux d’intérêt a deux visages. D’une part, c’est le prix à payer pour
« louer », emprunter de la monnaie (court terme) ou des capitaux (long terme) à une banque.
C’est le « loyer de l’argent » ou coût du crédit bancaire pour l’emprunteur (ménage,
entreprise). Mais c’est aussi pour l’épargnant, la rémunération des fonds placés à la banque.
La banque sert d’intermédiaire entre prêteurs et emprunteurs et se rémunère sur la différence
entre le taux demandé à l’emprunteur et le taux versé à l’épargnant. Cependant, les banques
ne peuvent fixer ces taux tout à fait librement. D’une part, elles doivent tenir compte de la
concurrence donc du marché, et d’autre part, elles sont « guidées » par la politique monétaire
de la banque centrale. Celle-ci « donne le ton » en fonction de son objectif du moment :
relever les taux si l’objectif est de lutter contre l’inflation, baisser les taux si l’objectif est de
relancer l’activité économique et lutter contre le chômage. La BCE se sert pour cela de son
taux directeur ou plutôt de ses taux directeurs, car il y en a trois, taux qu’elle fixe elle-même