LE CONCILE DE VATICAN II : «EGLISE, ...
Ouvert le 11 octobre 1962 pour se clôturer
solennellement le 8 décembre 1965, le Concile œcuménique de
Vatican II a rassemblé près de 2400 « Pères du Concile »
(cardinaux, patriarches, évêques, supérieurs d’ordre) et de
nombreux experts ou invités (environ 200 théologiens,
canonistes, observateurs non-catholiques, auditeurs et auditrices
laïcs). Marque-t-il une rupture dans l’histoire de l'Église ?
Pas totalement. Il y a certes un avant et un après, mais il faut se
garder d’une lecture alternative grossière : croire que tout était
« noir » avant et « blanc » après... ou l’inverse !
Le dernier concile œcuménique, celui de Vatican I
(1869-1870), n’avait eu le temps d’aborder en profondeur que la
seule question de l’infaillibilité pontificale, avant son
interruption brutale (prise de Rome par les troupes du roi
d’Italie, Victor-Emmanuel II). L'Église était pourtant
confrontée à de nombreux défis : positivisme, socialisme,
libéralisme, etc. Condamnés en bloc par le Syllabus de Pie IX
(1864), ils sont néanmoins réexaminés à l’aune de l’« urgence de
la question sociale » proclamée par l’encyclique Rerum
Novarum de Léon XIII (1891). La naissance d’un syndicalisme
chrétien, l'engagement de croyants dans la vie politique,
l’expansion d’une presse catholique, le renouveau des
sciences religieuses n’évitent pas de nouvelles crises : antisémitisme et affaire Dreyfus, laïcité et séparation de
l'Église et de l'État, rejet du « modernisme », condamnation du Sillon puis de l’Action française. Après le
traumatisme de la Première guerre mondiale, l'Église doit faire face à la montée des totalitarismes en Europe et en
outre se positionner face à de nouveaux enjeux : émergence d’un clergé indigène dans les colonies,
développement de l’Action catholique et du scoutisme, engagement dans le dialogue œcuménique.
Les interrogations consécutives au bilan de la Deuxième guerre mondiale - déportation et
extermination de populations entières [la ‘‘Shoah’’], destructions dues aux bombardements, prisonniers et pertes
civiles, usage de l’arme atomique, etc. - n’épargnent pas non plus l'Église. L’expérience douloureuse des prêtres-
ouvriers, dans un contexte de raidissement du pape Pie XII à la fin de son pontificat, sert de révélateur pour de
nombreuses consciences catholiques. Déjà alerté par le livre retentissant des abbés Godin et Daniel, France, pays
de mission ? (1943) qui révélait l’ampleur de la non-christianisation de certains milieux, le Cardinal Suhard,
archevêque de Paris, résumait ainsi le défi qui se posait à l'Église : « se raidir pour tout sauvegarder » ou bien
« s’incarner pour tout conquérir ». Une alternative toujours d’actualité...
L'Église devait donc
procéder à une actualisation, une
(re)mise à jour de sa mission (un
aggiornamento) selon l’heureux
mot du pape Jean XXIII. C’est en ce
sens que celui-ci annonce le 25
janvier 1959, soit trois mois après
son élection, son intention de
convoquer un Concile œcuménique.
Celui-ci peut a posteriori se relire
selon un schéma dual : un axe
vertical, plutôt « théologal et
spirituel », traite de l’Église ad
intra ; un axe horizontal, plus
« missionnaire et relationnel »
présente l'Église ad extra. A
l’intersection, un pôle dessine un
portrait de l'Église elle-même.
Paroisses Saint-Joseph IM & Saint-Philippe (Marseille 6° arrondissement)- Exposition sur le CONCILE VATICAN II - Printemps/Été 2010
(
Source : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/banque-mondiale-fmi/carte-idh-2001.shtml)
... QUE DIS-TU DE TOI MÊME ? »
Paroisses Saint-Joseph IM & Saint-Philippe (Marseille 6° arrondissement)- Exposition sur le CONCILE VATICAN II - Printemps/Été 2010
UN CLIMAT UNIQUE ANIME PAR DE VRAIS DEBATS
Très vite, au fil de sessions, les participants au Concile se sont partagés en deux
courants.
Une minorité entend prioritairement sauvegarder le dépôt de la foi. Méfiante vis-à-vis
de l’esprit d’ouverture exprimé par Jean XIII, elle craint que la foi catholique soit affadie
voire altérée par une modification de ses formes et de ses expressions, par exemple
en ce qui concerne la liturgie. Elle défend son attachement à la stabilité de l'Église et
manifeste sa préférence pour le centralisme romain dans les décisions.
Une majori veut relever le défi d’une plus grande attention aux réalités du
monde et ressent le besoin pour l'Église de s’adapter afin de faire parvenir l'Évangile à
tous les hommes. Elle souhaite donner un témoignage d’unité des chrétiens et
enraciner davantage la vie ecclésiale et la théologie dans l'Écriture sainte.
Les traces d’arbitrage entre ces deux tendances sont assez lisibles dans
l’affadissement de certaines expressions : mais ils ont aussi le mérite de dégager un
consensus très large sur les sujets débattus. L’effet est donc double : formulation
plus rigoureuse de certains énoncés et édulcoration de passages trop audacieux pour
ménager la minorité conservatrice.
UN CONCILE BIENVEILLANT QUI NE VEUT PAS CONDAMNER
« Notre devoir n’est pas seulement de garder ce précieux trésor comme si nous
n’avions souci que du passé, mais de nous consacrer, résolument et sans crainte,
à l'œuvre que réclame notre époque, poursuivant ainsi le chemin que l'Église
parcourt depuis 20 siècles. L’objet essentiel de ce Concile n’est donc pas une
discussion sur tel ou tel article de la doctrine fondamentale de l'Église. [...] L’esprit
chrétien, catholique et apostolique, attend dans le monde entier un bond en avant
vers une pénétration doctrinale et une formation des consciences [...] suivant les
méthodes de recherche et la présentation dont use la pensée moderne. Autre
est la substance de la doctrine antique contenue dans le dépôt de la foi, autre la
formulation dont on la revêt, en se réglant, pour les formes et les proportions, sur les
besoins d’un magistère à caractère surtout pastoral. [...] Aujourd’hui [...], l'Épouse du
Christ préfère user du remède la miséricorde plutôt que de la sévérité. »
(Jean XXIII, Discours d’ouverture du Concile, 11 octobre 1962)
I
nsistance sur la "Table de la Parole"
Souci des plus "pauvres" et "petits"
QUATRE « CONSTITUTIONS », NEUF « DECRETS » & TROIS « DECLARATIONS »...
L'œuvre de Vatican II est considérable par la teneur des 16 documents publiés, auquel pourrait s’ajouter le dernier
Message du Concile au monde, emprunt de solidarité, d’espérance et de paix. L'Église s’est mise en lumière comme
communion d'Églises locales et particulières, travaillant dans une collégialité épiscopale, sous la conduite du
successeur de l’apôtre Pierre mais ouverte à la recherche œcuménique. Sa définition comme Peuple de Dieu conduit
par le Fils stimule les responsabilités de tout baptisé, et entraîne la restauration, la rénovation ou l’innovation de
nombreuses pratiques : liturgie déployée autour du mystère pascal, attention bienveillante à l’époque, diaconat permanent,
synode des évêques, dialogue inter-religieux, etc.
Le Père Congar, au moment de se séparer et de faire passer les orientations conciliaires dans la vie ecclésiale
avait
eu ce mot : « L’ouvrage réalisé est fantastique. Et pourtant tout reste à faire ! ». Aussi trouverez-vous sur les pages
suivantes, un essai de synthèse des discussions, documents et décisions débattus au Concile...
Ordination au diaconat permanent
Concélébration de l’Eucharistie
« Il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve
écho dans le cœur des disciples du Christ. »
[Gaudium & Spes, § 1]
«
L'Église, en vertu de l'Évangile
qui lui a été confié, proclame les
droits de l’homme. »
[Gaudium & Spes, § 41]
UNE METHODE DE TRAVAIL PATIENTE ET ORIGINALE
Craignant d’être débordée par la volonté de dialogue et de rénovation réclamée par
Jean XXIII, la Curie romaine a eu la main haute sur la préparation et l’organisation du
Concile. Ses services ont mis en place dix commissions préparatoires et deux
secrétariats chargés d’élaborer 70 projets appelés « schémas » pour être soumis à
l’approbation des participants. Presque tous sont renvoyés pour une refonte dans
des commissions de travail, dont les Pères exigent d’ailleurs, par la voie éclatante du
Cardinal Liénard, qu’elles puissent se constituer librement plutôt qu’en avalisant des
listes déjà constituées. Par la suite, les quatre sessions (durant le quatrième trimestre
de chaque année 1962, 1963, 1964 et 1965) voient alterner travaux en commissions
conciliaires, sessions plénières avec vote et amendements, promulgation de
documents (décrets, déclarations ou constitutions), certains Pères continuant même
d’échanger entre eux le reste de l’année lors des intersessions.
Semaine de l'Unité des Chrétiens
Thèmes
débattus
Des jalons
préparatoires ?
Avant
le Concile...
L’EGLISE,
PEUPLE DE
DIEU
- Publication par Pie XII de
lencyclique Mystici Corporis
(1943) : les croyants sont unis au
corps mystique du Christ dans
l'Église dont il est la tête.
- Reprise des images bibliques de
l'Église.
- LÉglise est une société parfaite
mais inégale
- Cest une hiérarchie cléricale,
uniforme, servant le plus souvent
de caution à lordre social : « Dieu
a destiné les uns à commander,
les autres à obéir » (Grégoire XVI)
L’ÉGLISE DANS
LE MONDE DE
CE TEMPS
- Essai dune théologie de la
culture (Paul Tillich)
- Teilhard de Chardin : tout est
milieu divin, le monde peut être
transformé, lhistoire est le devenir
de Dieu.
- LÉglise apparaît aux historiens
assiégée par la modernité et
repliée dans sa forteresse.
- Le christianisme est superposé à
la vie réelle plus quincarné comme
« levain dans la pâte ».
LA
REVELATION
- Relecture assidue des Pères de
l'Église.
- Développement et renouveau des
études patristiques (collection
Sources Chrétiennes fondée en
1944 par Daniélou et de Lubac).
- Rénovation des pratiques de la
catéchèse.
- Dieu nous est connu par des
doctrines à croire, des dogmes à
professer.
- La Révélation est surtout
psentée comme un corpus
informatif, un enseignement sur les
choses de la religion.
LA LITURGIE
- Premières messes en plein air
(scoutisme).
- Restauration de la Vigile Pascale
(1951) puis de la Semaine Sainte
(1955).
- Encyclique de Pie XII, Mediator
Dei (1943), présentant le
renouveau liturgique.
- Évolution de la forme des missels.
- Le célébrant est dos au peuple,
dans une liturgie principalement en
latin, etc.
- La vie spirituelle du croyant est
parfois cantonnée à la seule
participation aux offices.
- Des efforts sont engagés pour
faire passer lassemblée de
lassistance à la participation.
LA CHARGE
PASTORALE
DES EVEQUES
------------
LE MINISTERE
ET LA
FORMATION
DES PRETRES
- Courants gallican et ultramontain
débattant du rôle des Églises
nationales.
- Expérience originale des prêtres-
ouvriers.
- Création de la Mission de France
(1941) pour lévangélisation des
milieux et des régions marqués par
lincroyance.
- LÉglise présente une structure
pyramidale, lévêque décide dans
une situation de quasi-féodalité.
- Le prêtre « détient et donne le
sacré ». Il est « sacerdos » par
héritage (Ancien Testament).
- Être prêtre est un état plus quune
mission.
Paroisses Saint-Joseph IM & Saint-Philippe (Marseille 6° arrondissement)- Exposition sur le CONCILE VATICAN II - Printemps/Été 2010
Actes Après
le Concile...
De nouvelles expressions
ou formulations :
Constitution
LUMEN
GENTIUM
L'Église se reconnaît comme un
peuple communautaire et organisé,
rassemblé par Dieu mais ne le
possédant pas. Elle est tendue vers un
avenir de rencontre avec Lui. Les
ministères laïcs sont développés.
L'Église se finit comme sacrement
(signe et moyen) de la rencontre de
Dieu avec l’humanité.
Il y a diversité des membres de même
dignité dans une variété de missions.
La charge des évêques est de
sanctifier, enseigner et gouverner.
Constitution
GAUDIUM ET
SPES
L’Église est plus engagée et plus
ouverte au monde. Elle s’engage dans
le dialogue sur toutes les questions
relatives au sort de l’humanité :
personne, société, culture, économie,
politique, paix, etc.
Les catholiques doivent être attentifs
aux « signes des temps ».
Par sa dignité, la conscience morale
est un espace inviolable (§16).
L’universalité du salut est
formellement affirmée.
Constitution
DEI VERBUM
Dieu se révèle en [une] personne : il
« s’auto-communique ».
Le rapport vital à la Parole de Dieu
est rappelé et l’équilibre
Écriture/Tradition/ Magistère est mis
en valeur.
La foi est libre engagement, réponse
volontaire à la Parole de Dieu. Dieu
parle non par des vérités à croire,
mais dans une authentique rencontre
avec l’humanité.
L’Écriture ‘‘est’’ la Parole de Dieu,
la Tradition la ‘‘transmet’’ assistée
par l’Esprit.
Constitution
SACRO-
SANCTUM
CONCILIUM
Un seul préside, mais tous les fidèles
célèbrent dans une « participation
pleine, consciente et active ».
La liturgie, étymologiquement, est
l’« acte d’un peuple » : d’où la mise
ne avant de la concélébration, de
l’usage des langues vernaculaires, de
la prière universelle.
La communion sous les espèces est
autorisée.
Trois prières eucharistiques sont
ajoutées, ainsi que de nouvelles
préfaces et un lectionnaire élargi, une
3° lecture est introduite.
Les « deux tables » de la liturgie, celle
de la Parole et celle de l’Eucharistie,
sont mises en valeur.
Décrets
Christus
Dominus -
Presbyte-
rum Ordinis
- (Optatum
Totius)
Le service épiscopal est pen en
collégialité.
Le ministère du prêtre est
(sub)ordonné à l’annonce de
l'Évangile dans le monde.
Réapparition des diacres permanents,
insistance sur la formation biblique/
patristique.
L'Église est toute entière ministérielle
et missionnaire.
Le prêtre est « envo pour annoncer
l'Évangile » de toutes les manières et
à tous les hommes. « Presbyteros »
par élection (Nouveau Testament), il
conduit une équipe de laïcs.
Être prêtre est une mission plus qu’un
état.
Paroisses Saint-Joseph IM & Saint-Philippe (Marseille 6° arrondissement)- Exposition sur le CONCILE VATICAN II - Printemps/Été 2010
Thèmes
débattus
Des jalons
préparatoires ?
Avant
le Concile...
L’APOSTOLAT
DES LAICS
------------
LA VIE
RELIGIEUSE
- Fondation des Petits Frères
et Petites sœurs de Jésus
(1933) dans lesprit de
Charles de Foucauld.
- Reconnaissance de la forme
des Instituts dits séculiers par
le Saint-Siège.
- Développement de lAction
Catholique.
- Le laïcat est en plein déploiement
- Secours Catholique (1946), Équipes
Notre-Dame (1947) - mais les simples
fidèles sont « des brebis soumises » à
lautorité dun berger.
- Une hiérarchie des états de vie
demeure.
- On parle détat religieux plus que
dappel.
L’ŒCUMENIS-
ME
------------
LES EGLISES
ORIENTALES
- Groupe des Dombes fondé
(1937) par labbé Paul
Couturier (dialogue de
théologiens catholiques et
protestants).
- Fondation du monastère
inter-confessionnel de Taizé
(1940).
- La perspective est celle de
lUnionisme, retour final de tous les
chrétiens dans le giron catholique, sous
lautorité exclusive du pape.
- Un Sectariat pour l’Unité des
Chrétiens est ce par Jean XXII en
1960.
L’ACTIVITE
MISSIONNAIRE
------------
LA COMMUNI-
CATION
------------
L’EDUCATION
- Démarches pionnières des
pères Vincent Lebbe ou Jules
Monchanin.
- Maximum Illud de Benoît
XV (1919) ou Fidei Donum de
Pie XII (1957) traitent des
moyens pour propager la foi.
- Le père Chenu parle dune
« Église en état de mission ».
- Les instituts missionnaires, plutôt
conservateurs, sappuient sur un clergé
local subordonné.
- La mission est comprise surtout
comme extra-européenne et cède
parfois à une tentation quantitative.
- Les systèmes scolaires sont en
opposition.
LA LIBERTE
RELIGIEUSE
- Oppositions au Syllabus de
1864 (qui condamnait des
erreurs philosophiques, des
conceptions sur lglise, le
relativisme de la morale, la
limitation du pouvoir papal,
etc.).
- Le modernisme est condamné (droits
de lhomme, place de la raison, liberté
de pensée).
- La liberté de croire est subordonnée à
la vérité catholique.
LES
RELIGIONS
NON-
CHRETIENNES
- Le père Congar parle de
réconciliation des religions
mais sans reddition.
- Perspective dun accomplis-
sement des religions appelées
à sintégrer dans le catho-
licisme (« inclusivisme »).
- Une pression « exclusiviste » réclame
que le salut des croyants dune autre
religion passe nécessairement par le
bapme.
- De nombreuses ambiguïtés
antisémites entretiennent une « culture
du pris ».
Paroisses Saint-Joseph IM & Saint-Philippe (Marseille 6° arrondissement)- Exposition sur le CONCILE VATICAN II - Printemps/Été 2010
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