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qu’une « société qui se globalise, qui améliore la communication entre les hommes ne
débouche pas sur l’« horreur économique » », mais à une création d’un monde nouveau.
Il ne s’agit pas pour lui de renoncer aux changements qui s’imposent : licenciement,
fermeture d’entreprise, et cela ne signifie pas que « quand tout va bien on est gentil avec
les gens, on s’en occupe, et quand ça va mal on devient brutal (dit-il) », mais il s’agit de
passer au crible de la raison éthique ce qu’il a à faire. L’homme d’affaire est appelé à
anticiper. Du point de vue de l’éthique des affaires, le mal ne se situe pas, au
licenciement ou à la fermeture des entreprises, il se situe plutôt dans le manque
d’anticipation. Le mal c’est le mépris des agents licenciés ou des gens qui travaillent
dans l’entreprise qui ferme. Ce mépris se traduit par
« le fait que l’on n’anticipe pas, que l’on
n’a pas réfléchi d’avance pour essayer d’éviter les problèmes, que l’on informe pas les gens, ou que l’on
leur cache ce qui va se passer, que l’on n’est pas sincère, ni honnête dans le dialogue et finalement que
l’on ne s’occupe pas des hommes quand ils sont frappés et victimes du changement économique »
(Audoyer, 2002).
Cette position n’est pas partagée par tous. Ricœur pense que l’éthique des affaires ne
peut être qu’une subtilité de l’idéologie productiviste lorsqu’elle est couplée à la
demande d’adhésion à des valeurs d’entreprise définies par la direction. Pour Ballot en
2005, « Le discours éthique sur l’entreprise ou l’éthique d’entreprise me laisse
sceptique. Et en particulier cette idée que l’éthique améliore le climat de l’entreprise,
permet de gagner en productivité et améliore la qualité du produit ». En effet, l’éthique
des affaires n’est pas un acquis. Beaucoup pensent que l’éthique des affaires est un
moyen pour faire adhérer les employés à la cause de l’entreprise :
« L’éthique des affaires
est (…) un moyen d’obtenir du personnel un dévouement, une discipline, d’aboutir à une technique
d’intégration salariale. L’éthique correspond dans ce cadre à une nouvelle forme de culture d’entreprise
visant à modeler les comportements » (Ballet, Bry, 2001), ou que l’éthique des affaires est un instrument
de manipulation des employés « dans le système de valeurs le plus compatible avec la compétitivité de
l’entreprise » (Mercier, 2004)
.
Malgré ces controverses autour de l’éthique des affaires, l’attitude des trois managers
ci-dessus laisse penser qu’un management en cohérence avec l’éthique développe les
affaires, accroît les profits, et crée des conditions favorables pour l’épanouissement de
l’homme. Percevoir les affaires sous le seul angle économique ou de la compétitivité
comporte des risques, et met en danger l’équilibre humain. Peut-on au vue des
perceptions négatives que certains ont de l’éthique des affaires, penser qu’en conciliant
« action de bienfaisance » et « action commerciale », l’éthique pourrait-elle offrir des
atouts aux affaires ?
Les croyances dans ce domaine inclineraient plus vers la négative. Pourtant, la position
des managers ci-dessus démontre le contraire. L’éthique en combinant « action de
bienfaisance » et « action commerciale », apporterait beaucoup de la plus value aux
affaires. Ce qui incite à mener une réflexion pour voir dans quelle mesure l’éthique peut
arriver à combiner « action de bienfaisance » et « action commerciale » pour créer de la
valeur, dans le respect des règles de la gestion. Une telle réflexion offrira de nouvelles
perspectives à la croissance des affaires.
Il est difficile de concilier éthique et affaires. Associée aux affaires, l’éthique comprend
deux versants opposés : le versant de bienfaisance (l’éthique sert et aide les personnes
nécessiteuses. Elle fait respecter la dignité de tout homme dans les affaires), et le
versant du calcul économique (l’éthique rentabilise les actions en faveur des
nécessiteux, en créant des valeurs commerciales qui profitent aux affaires).
Cet article s’articulera sur deux piliers. Le premier pilier traitera de l’éthique à l’éthique
des affaires : comment l’éthique qui au départ ne concernait que l’homme, s’est étendue
aux affaires. Le second s’attellera à analyser le pourquoi de l’éthique dans les affaires,
et tentera de montrer comment elle arrive à combiner « action de bienfaisance » et
« action commerciale » pour créer un peu plus de valeur et accroître le profit.