NOTRE PEUR DE N`êTRE - Centre culturel de Namur

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DOSSIER PEDAGOGIQUE
notre peur de
n’être
© Jean-Louis Fernandez
Fabrice Murgia
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
notre peur de n’être
Fabrice Murgia
Intention
Ce dossier est un dossier d’accompagnement, il a pour but de donner des «clés de lecture» du spectacle aux enseignants,
et ce afin de mieux préparer les élèves, les étudiants, à comprendre la démarche artistique.
Découpage
I .Le travail de Fabrice Murgia : parcours & univers
1. Parcours
2. Univers
II. Notre peur de n’être
L’histoire
Les thématiques du spectacle
1. La génération Y ou 2.0
2. Exister à travers un monde virtuel
2.1 .La sphère de l’intime et identité virtuelle : éléments d’analyse
- le concept d’extimité et la construction de soi
- L’homme et ses besoins
- Mise en scène de la vie quotidienne : théâtralité
III. Fragilité de l’être humain
IV. Le point de vue d’un artiste
- Rencontre avec le philosophe Michel Serres
V. Pour approfondir le sujet
VI. Références bibliographiques
VII. Annexes dossier de presse
Dossier réalisé par le Centre Culturel Théâtre de Namur – Magali Company / Marine Haulot
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DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
I. Le travail de Fabrice murgia
1. PARCOURS
Fabrice Murgia est né en 1983 à Verviers, il s’inscrit au
Conservatoire de Liège au cours de Jacques Delcuvellerie,
il travaille comme acteur pour le théâtre, le cinéma et la
télévision. Aujourd’hui, il exerce en tant qu’auteur, metteur
en scène, et comédien. Il a sa propre compagnie « Artara »
contraction d’Artaud pour Antonin Artaud et de Sankara.
En 2009, il écrit et met en scène son premier spectacle, Le
chagrin des Ogres, issu de son projet de fin d’étude, qu’il
présente au Festival de Liège et qui deviendra un énorme
succès. Il sera joué plus 300 fois, et cela même au Chili.
En 2009, il devient artiste associé du Théâtre National à
Bruxelles. C’est dans ce cadre, et en coproduction avec
le Festival de Liège, l’Ancre et la Maison de la Culture de
Tournai qu’il créé ses deux spectacles suivants : LIFE:RESET /
Chronique d’une ville épuisée, - une étrange pièce muette -,
et Dieu est un DJ, adapté du texte homonyme de Falk Richter.
En trois spectacles, Fabrice Murgia pose les jalons d’un
travail singulier : actualité des langages scéniques, tons
et problématiques, points de vue originaux sur des
thèmes générationnels, spectacles hyper-sensoriels
combinant narration et jeu d’acteurs avec les ressources
des technologies avancées du son et de l’image.
Septembre 2012, GhostRoad
Gost Road voit le jour au Rotterdamse Schouwburg : un opus
poétique et chanté sur les lieux en déréliction, les choix de
vie « hors monde » et la question du vieillissement.
Pour Notre peur de n’être, création pour le Festival d’Avignon
2014, Fabrice Murgia questionne les malaises, les crises
et les aliénations propres à notre époque. Il se penche,
entre autre sur les Hikikomori au Japon : des personnes qui
refusent tout contact avec la société et avec les humains.
Solitude voulue, souhaitée, par tous ceux qui ne supportent
pas la pression sociale trop lourde, trop contraignante.
Août 2014, Fabrice Murgia se voit décerner, par la Biennale
de Venise, un Lion d’argent. L’auteur et metteur en scène est
récompensé pour le caractère innovant de son théâtre.
A 31 ans, Fabrice Murgia a déjà à son actif quelques mises en
scènes considérées comme cultes dont le Chagrin des Ogres.
Cette pièce est particulièrement plébiscitée par un public
jeune.
La Cie Artara rassemble des performeurs, vidéastes,
plasticiens et musiciens autour des pièces de Fabrice Murgia,
dans le souci de témoigner du monde avec le regard et le
langage de leur génération.
En janvier 2012, Fabrice dévoile Exils, création ouvrant
l’ambitieux projet européen Villes en scène / Cities on
stage initié par le Théâtre National (7 metteurs en scène
européens travaillent la question du «vivre ensemble» et de
la multiculturalité dans les villes européennes). En même
temps que l’exil au sens politique, c’est le «sentiment d’exil»
qui est exploré, exil hors d’ «une vie et d’une pensée à soi»
lorsque la soumission aux injonctions du système devient
trop anesthésiante.
En avril 2012, Les enfants de Jéhovah est créé au Théâtre
Vidy-Lausanne. Inspiré par une lointaine histoire familiale,
le spectacle questionne la mécanique et les effets de
l’endoctrinement notamment chez les groupes religieux à
tendance sectaire tels les Témoins de Jéhovah.
Photo – Focus Vif
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
2. UNIVERS
Fabrice Murgia pose un regard singulier sur le monde
qui l’entoure, en choisissant le théâtre comme mode
d’expression, il explore la théâtralité en un langage
qui fait échos à sa génération, celle qu’on nomme la
génération Y ou 2.0., une génération née avec les nouvelles
technologies.
Dans ses créations, il thématise les nouveaux médias :
l’utilisation du net, les réseaux sociaux, la vidéo, la musique
électronique. Il se sert précisément de ces moyens
technologiques pour questionner l’impact aliénant de la
technologie virtuelle sur sa génération, surtout du point de
vue des relations sociales, il montre que cette technologie
estompe les frontières entre l’être et le paraître. Ses mises
En janvier 2012, Fabrice dévoile Exils © Cie Artara/F.Murgia
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en scène sont volontairement exacerbées. Par l’utilisation
de ces technologies le spectateur est plongé non pas dans
un seul mode de lecture, mais plusieurs, où sont multipliés
les effets : gros plan fixe sur des visages, effets sonores
frôlant parfois l’intolérable, l’induction d’une distance entre
le spectateur et le comédien en projection par web cam.
Fabrice Murgia propose un univers sensitif, il crée des
images oniriques pour nous raconter des histoires, il joue
avec l’esthétique par les nouvelles technologies pour
emmener le spectateur dans un récit contemporain qui
nous renvoi à la fragilité de l’être humain.
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Notre peur de n'être
II. Notre peur de n’être
L’histoire
Le spectacle montre le trajet de 4 personnages : celui d’un
homme veuf, il vient de perdre sa femme, ou sa femme l’a
quitté, le spectacle ne le dit pas, chacun y trouvera son
interprétation. Il se trouve dans la difficile acceptation de
sa solitude et va chercher refuge dans un dialogue avec une
application de son smartphone.
Hiki, le garçon devenu adulte qui s’est retiré dans sa
chambre et refuse de se confronter au monde extérieur.
C’est par l’intermédiaire des images filmées qu’il pourra
tenter une ouverture vers le monde extérieur.
Et puis il y a sa mère, une immigrée italienne qui vit comme
une tragédie la mise entre parenthèses de son fils, sa raison
de vivre et d’espérer. Elle n’a plus que ses souvenirs d’un
pays et d’une famille éloignés et hors d’atteinte.
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Et enfin, il y a Sarah, une jeune étudiante en communication
qui parle au monde et se parle à elle-même à travers un
dictaphone.
Ces quatre personnages sont accompagnés par des « anges
gardiens », deux figures féminines, habillées de noir qui
racontent les trajectoires des différents protagonistes mais
qui leur parlent aussi, donnent leur avis, dialoguent sur un
ton qui oscille entre le sarcasme et l’attention maternelle.
Elles font le lien entre les différents personnages murés
dans leur monologue existentiel.
→ Dans la majorité de ses spectacles, F. Murgia raconte
des histoires d’errance d’individus, de solitude, d’êtres
hypers connectés et pourtant seul. Il pose un regard
sur le type de relations humaines que nous avons
aujourd’hui, sur une génération qui doit fonctionner
avec d’autres repères, d’autres rêves, d’autres
croyances, d’autres besoins.
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DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
Les thématiques du spectacle
1. La génération y ou 2.0
La génération Y regroupe des personnes nées
approximativement entre le début des années 1980 et le
début des années 2000. L’origine de ce nom a plusieurs
attributions : pour les uns il vient du « Y » que trace le fil de
leur baladeur sur leur torse ; pour d’autres ce nom vient de
la génération précédente, nommée génération X ; enfin, il
pourrait venir de la phonétique anglaise de l’expression «Y»
(prononcer wa), signifiant «pourquoi» N 1,1. D’autres termes
équivalents existent, dont enfants du millénaire ou les
diminutifs GenY et Yers. Les Américains utilisent également
l’expression digital natives ou net generation pour pointer le
fait que ces enfants ont grandi dans un monde où l’ordinateur
personnel, le jeu vidéo et Internet sont devenus de plus en
plus importants.
Comme toute génération, son identité se construit autour
des apports culturels reçus dès le plus jeune âge. Cette
génération a largement grandi devant la télévision, et a vu
l’arrivée en masse des séries d’animation japonaises. La vente
de coffrets vidéo, ou d’articles de merchandising concernant
les séries datant d’une vingtaine d’années témoigne du
véritable phénomène d’engouement.
Cette génération est considérée comme naturellement
plus à l’aise que les précédentes avec les technologies
de l’information, et Internet en particulier. Elle peut être
associée à l’ensemble des technologies et applications que
l’on nomme aujourd’hui le Web 2.0.
Chacun a accès à des outils de création et de
communication dont les générations précédentes ne
pouvaient que rêver. Ainsi, par exemple, écrire un livre
dans les années 1970 nécessitait de le taper à l’aide
d’une machine à écrire et à démarcher des éditeurs, ce
qui rendait la diffusion des ouvrages plutôt incertaine.
Aujourd’hui, on peut écrire sur son site web personnel
(blog ou autre) depuis n’importe quel ordinateur, la
diffusion du contenu étant immédiate.
La génération précédente a pu s’extasier devant les progrès
constants réalisés par l’industrie audiovisuelle et ses effets
spéciaux. Pour la génération Y, qui est née après des films
cultes tels que Star Wars, et était jeune pour d’autres plus
récents comme Matrix, ces progrès vont de soi, et plus rien
ne peut être graphiquement « étonnant », dans la mesure où
« tout est possible », d’un dinosaure à la destruction d’une
planète.
Les dates admises pour la génération Y correspondent à
l’arrivée des jeux vidéo dans les foyers des pays développés;
c’est la première génération à en avoir profité dès le plus
jeune âge. Elle a donc grandi avec les effets positifs et
négatifs liés à leur pratique.
2. Exister à travers un monde virtuel
Dans Notre peur de n’être, se déroule plusieurs histoires
d’individus d’âges différents, chacun est confiné dans une
solitude : une mère et son fils seuls qui ne communiquent
plus, une jeune étudiante en communication, en recherche
d’un emploi et qui s’enregistre sur un dictaphone pour
se donner de l’assurance sur son existence sinon elle
angoisse, un homme veuf d’une quarantaine d’année, qui,
pour compenser sa solitude, vit accompagné d’une voix
synthétique, une application de son smart phone.
Fabrice Murgia nous montre que les nouvelles technologies
peuvent cacher de vraies solitudes, malgré notre hyper
connectivité qui crée l’illusion du « être ensemble » nous
sommes finalement chacun seul face à un objet permettant
la communication. De plus, ce face à face avec les outils
des réseaux sociaux et non avec nos alter-ego permet
plus facilement à chacun de se créer une vie idéale et pas
forcement le reflet de notre réalité.
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
2.1. La sphère de l’intime et identité virtuelle :
éléments d’analyse
Le concept « d’extimité » et la construction de soi
Définition de l’intimité : l’intimité c est ce qu’on ne partage
pas, ou alors rarement et dans des circonstances bien
précises. Elle s’oppose à l’espace public où tout ce qui
apparait l’est potentiellement au su de tous (…)
L’extimité , (concept développé par le psychiatre et
psychanalyste Serge Tisseron spécialisé dans la question
des images et des médias) est ce processus par lequel on
est amené à exposer un peu de son intimité vers l’extérieur
en la communiquant. Ce processus s’accompagne d’une
réappropriation de ces éléments de l’intimité après qu’ils
aient été soumis à l’opinion des autres et évalué à l’occasion
de cette circulation (…)
Une condition fondamentale à l’expression de l’intime est le
fait de croire que l’interlocuteur partage le même système de
valeurs que soi. Il faut d’abord identifier l’autre à soi-même
et évaluer qu’il fait bien partie du même groupe, de la même
bande, qu’on a les mêmes codes, qu’on puisse être accepté
par son jugement.
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reprend la pyramide des besoins de Maslow : qui est
constituée de cinq niveaux principaux, nous recherchons
d’abord, à satisfaire chaque besoin d’un niveau donné avant
de penser aux besoins situés au niveau immédiatement
supérieur de la pyramide.
On recherche par exemple à satisfaire les besoins
physiologiques avant les besoins de sécurité : c’est pour cela
que dans une situation où notre survie serait en jeu, nous
sommes prêts à prendre des risques.
Parmi tous ces besoins, celui d’appartenance semble être,
en psychologie sociale en tout cas, l’un des plus marquant
pour un individu, car ce serait lors d’interactions sociales
de groupe (contacts «Nous»/ «Eux») que se joueraient
tout un tas de phénomènes de groupe pouvant aboutir à
des adaptations individuelles et collectives ; par influence
sociale: «c ‘est au contact de l’Autre que Je me modifie».
Ce processus de quête de soi est particulièrement important
à l’adolescence, âge où l’identité se construit, et très
largement dans un rapport au groupe d’amis (« sa tribu »).
Adolescence et tribu
L’usage massif des outils de communication à l’adolescence
est certainement motivé par les possibilités qu’ils ont
d’entretenir cette relation avec leur communauté (les amis,
la tribu).
L’usage du GSM, des sms, l’usage intensif des systèmes de
chat, puis le développement du blogging, et de facebook…
tous ces modes de communication qui n’ont de cesse que
de se succéder en sur développant – surenchérissant ce
phénomène d’extimité.
L’homme et ses besoins
N’oublions pas que derrière ces modes de communication,
il y a des enjeux marketing, et que nos comportements sont
des comportements de consommateurs, Facebook est coté
en bourse ne soyons pas dupe.
Nous sommes ici dans une triangulation entre l’homme,
son besoin de sociabilisation, et facebook, qu’on considère
comme l’internet aujourd’hui, facebook répond en quelque
sorte est une réponse à l’évolution de ce besoin. Si on
→ Les modes de communications actuels répondent donc
bien à des besoins de lien social et nous avons le choix de
les utiliser ou non.
Mise en scène de la vie quotidienne : théâtralité.
En 1950, le sociologue américain Erving Goffman publie
«La mise en scène de la vie quotidienne», qui propose
une analyse des rapports qu’entretiennent les gens sur
base d’observations dans diverses situations courantes. Sa
perspective était celle de la dramaturgie : chaque rapport
entre une personne et un groupe peut se concevoir comme
un moment de mise en scène qui répond à des conventions
et des habitudes.
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
En utilisant la référence au théâtre (il parlait de
«théâtralité du quotidien»), Goffman proposait une grille
de lecture des relations sociales.
Grille de lecture :
L’acteur : c’est la personne en représentation. Elle doit
donner une expression d’elle-même qui produit une
impression sur le public.
La façade : c’est l’attitude de l’acteur, adaptée à la situation
dans laquelle il interagit (comme un masque, une persona).
La façade peut s’étendre à l’univers où se déroule la
représentation (le décor).
Le rôle : c’est l’attitude que l’acteur doit adopter pour
correspondre à la situation. Cette attitude relève d’une routine
lorsqu’elle est formatée par les conventions du milieu concerné.
Elle doit aussi renforcer la représentation : il faut y croire.
Le public : l’acteur s’adresse à un public qui renvoie
tacitement un accord sur la relation qui s’instaure. Il y a un
échange permanent entre l’acteur et le public.
La représentation : l’ensemble des actes par lesquels
un acteur tente d’influencer le public. Ces actes
communicationnels peuvent être explicites (exprimées
intelligiblement, comme par la parole) ou implicites
(symboliques, via l’habillement par exemple). La
représentation est interactive : elle implique des échanges.
La scène, la région : c’est l’espace clos où se déroule la
représentation. Leur nature peut définir les conventions de la
représentation (un restaurant, une église).
L’accord, le consensus : c’est le contrat tacite qui unit les
acteurs et le public autour du cadre de la représentation
(la scène) : on sait de quoi on parle et comment on doit en
parler, ainsi que la place de chacun dans la représentation.
Les coulisses : les acteurs peuvent agir différemment en
coulisses - les zones postérieures des régions - à l’insu du
public, par exemple pour préparer la représentation.
Exemple : dans un restaurant chic, la salle où sont attablés
les clients constitue l’espace de la représentation. Le
maître d’hôtel adopte un comportement qui a pour but de
satisfaire les clients et de les encadrer. Le rôle qu’adopte le
serveur est conforme à la région spécifique où se déroule
la représentation (ici, la catégorie « restaurant chic »). La
façade est constituée à la fois des éléments de décor (la
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vaisselle en argent, les nappes blanches) et de l’attitude
déférente du serveur, les différentes phrases types qu’il
peut prononcer et qui sont de l’ordre de la routine. La
représentation constitue l’ensemble des interactions entre
le maître d’hôtel et les clients. Notons que les clients
s’adaptent à la région/scène et adopteront les attitudes
requises. Les coulisses seraient les cuisines où le personnel
parle des clients d’une manière bien moins conventionnelle
et où la représentation se prépare.
Aujourd’hui, on peut utiliser cette grille pour analyser les
comportements sur les réseaux sociaux, même si Goffman
ne les a pas connus de son vivant, les comportements de vie
sociale sont transposables.
Tous les internautes ont différents profils où ils se présentent
selon les codes en vigueur dans le milieu concerné. Ainsi,
ce que l’on affichera sur son profil Facebook différera de la
manière dont on se présentera sur LinkedIn.com (réseau
social professionnel), sur Twitter ou encore sur parano.be,
site où les internautes sont invités à emprunter un pseudo
et à développer une présentation de soi sophistiquée et non
formatée.
Les façades que les internautes adoptent, via les profils ou
les avatars, correspondent bien souvent à la manière dont ils
évaluent un milieu, et les codes d’usages relatifs à celui-ci,
et adaptent ainsi leurs réactions au contexte et, finalement,
interagiront en conséquence.
La création des profils sur les réseaux sociaux est bien
souvent formatée pour convenir aux conventions et aux
objectifs du site. Sur un réseau de rencontres amoureuses
comme Meetic ou Rendez-vous.be, on est invité à produire
des informations qui correspondent aux conventions de la
«région» concernée.
Situations de rupture
Les situations de rupture décrites par Erving Goffman
s’observent également sur les réseaux sociaux. C’est ce
qui se produit lorsque l’acteur interprète mal son rôle,
lorsque les spectateurs ne participent pas comme il faut à la
représentation, ou lorsque le cadre général des conventions
est mal interprété.
Comme une apparence négligée interdira l’entrée au
restaurant chic, un comportement inapproprié dans les
réseaux sociaux peut entraîner l’exclusion de la scène et crée
un malaise général.
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
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III.La fragilité de l’être
humain
personnages en errance, en quête de sens, ils remplissent
leurs vies, leurs manques affectifs en se racontant une vie
dans laquelle ils croient se projeter un futur, qu’il soit virtuel,
ou non.
La fragilité de l’être humain, est un thème qui revient
souvent dans les créations de F.Murgia, l’homme depuis la
nuit des temps tente de trouver un sens à sa vie, une quête
existentielle.
Dans le théâtre de Murgia on retrouve cette question
existentielle, elle est en filigrane, comment l’homme fait-il
aujourd’hui pour se rassurer dans le monde dans lequel il vit?
Quelles sont ses croyances ? Dans un monde où tout va de
plus en vite, qui est cet homme ?
Si F. Murgia nous raconte des histoires contemporaines où
onirisme et références mythologiques ou bibliques ( Cfr : Le
Chagrin des Ogres / Les enfants de Jéhovah) c’est aussi pour
questionner le monde d’aujourd’hui, quels sont les rêves de
l’homme, comment s’invente-il des histoires ? qu’est-ce qui le
rassure ? L’effraye ?
Cette question existentielle on la retrouve dans le titre de
Notre peur de n’être, un jeu de mot qui évoque la naissance,
mais aussi l’envie de ne pas exister.
Donner du sens : dans Notre peur de n’être, on voit des
L’homme est par essence une espèce fabulatrice :
« L’homme ne peut tout simplement pas comprendre ce qui
l’entoure sans le mettre en forme, l’interpréter, le façonner
en images, en mots, en récits déployant pour lui un sens, à la
fois signification et direction. Seul parmi les autres espèces
vivantes, les humains savent qu’ils sont nés et qu’ils vont
mourir. Ils ont consciences de qu’est une vie entière, avec un
début, des péripéties et une fin. » Nancy Huston- L’espèce
fabulatrice – Actes sud
A ces questions existentielles, Murgia pointe du doigt nos
croyances d’aujourd’hui, celles qui sont nécessaires à
l’homme pour se construire une identité, et donner un sens
à sa vie, il montre dans ses spectacles que l’humain préfère
croire à n’importe quoi plutôt qu’à rien.
La croyance, le mythe, qu’il soit contemporain ( Dieu est un
DJ) ou séculaire, sont récurrents chez Murgia, l’éducation
Jéhovah qu’il a reçue, et l’aspect sectaire de cette doctrine, a
sans doute amené une réflexion particulière dans son travail.
© Jean Louis Fernandez
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
Dans Notre peur de n’être – Murgia nous parle d’isolement
poussé à l’extrême – le phénomène Hikikomori
Le phénomène Hikikomori vient du japon, c’est une
pathologie psychosociale et familiale qui touche
principalement des adolescents ou de jeunes adultes,
majoritairement des garçons. Ils vivent coupés du monde et
des autres, cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans
leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années,
en refusant toute communication, même avec leur famille,
et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins
corporels, d’après les spécialistes.
Ni grabataires, ni autistes, ni retardés mentaux, ils se
sentent accablés par la société. Ils ont le sentiment de ne
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pas pouvoir accomplir leurs objectifs de vie et réagissent en
s’isolant de la société.
( wikipedia)
Pour expliquer cette forme impressionnante de repli sur soi,
les spécialistes mettent souvent l’accent sur la rigidité de la
société japonaise, qui exerce une pression que beaucoup de
jeunes adultes ne supportent pas, et qui préférent se replier
sur le monde.
En somme, c’est une déconnexion du monde, qui leur
permettrait de gérer les inquiétudes liées à l’avenir.
Par ailleurs, ces adolescents n’ont généralement pas
conscience de leur condition anormale et ne souhaitent pas
en changer. Ref : www.carnetsdepsycho.net
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DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
IV. LE POINT DE VUE D’ UN ARTISTE….
Le travail d’un artiste est de rendre par une démarche
artistique, une interprétation personnelle, un point de vue ;
c’est un regard qu’il pose sur le monde.
Le théâtre contemporain, un théâtre d’idées, de textes
nouveaux, qui prend racine dans notre monde d’aujourd’hui.
Toute définition du théâtre contemporain court le risque
d’être trop réductrice, voire fausse. Notons cependant que,
se détournant des règles classiques, le drame moderne –
surtout d’avant-garde – a souvent pris pour sujet principal la
parole elle-même et la difficulté de communication.
Il se caractérise entre autres par :
- une importance moindre accordée à l’intrigue et au personnage
- un dialogue dévitalisé (traitement simultané de divers sujets, dialogue de sourds, banalités et lieux communs)
- une chronologie bouleversée (anticipations et retours en arrière, traitement fantastique du temps, mélange du présent, du passé et du futur)
- un décor indéfini (banalisation, surimpression de
plusieurs espaces par des techniques audiovisuelles, etc.)
Ces choix chronologiques et spatiaux sont destinés à traduire l’absurde et l’angoisse de la condition humaine, privée de repères :
- le corps physique considéré comme un véritable langage
- une importance particulière accordée à la mise en scène : le metteur en scène co-crée la pièce avec l’auteur dramatique.
Pour chaque auteur, le travail d’écriture nécessite une grande
part de réflexion, souvent au départ d’éléments déclencheurs
qui nourrissent la fiction. Par exemple, dans Le Chagrin
des Ogres, l’affaire Natacha Kumpush, l’affaire Geneviève
l’Hermite ont alimentés son propos.
Pour Notre peur de n’être, F. Murgia s’est notemment nourrit
du livre de Michel Serres Petite poucette.
Petite poucette : le point de vue du philosophe Michel
Serres sur le monde numérique
Agé de 84 ans, le philosophe et historien des sciences, à
travers son livre Petite Poucette, porte un regard résolument
optimiste sur le monde numérique et sur les nouvelles
générations qui le portent – les petit(e)s poucet(te)s ( en
référence au titre).
Michel Serres réclame l’indulgence pour les jeunes, obligés
de tout réinventer dans une société bouleversée par les
nouvelles technologies
LE PHILOSOPHE MICHEL SERRES
Michel Serres, diplômé de l’Ecole navale et de Normale Sup,
a visité le monde avant de l’expliquer à des générations
d’étudiants. Historien des sciences et agrégé de philosophie,
ancien compagnon de Michel Foucault, avec qui il a créé le
Centre universitaire expérimental de Vincennes en 1968, il a
suivi René Girard aux Etats-Unis, où il enseigne toujours, à
plus de 80 ans. Ce prof baroudeur, académicien pas tout à
fait comme les autres, scrute les transformations du monde
et des hommes de son œil bleu et bienveillant. Son sujet de
prédilection : la jeune génération, qui grandit dans un monde
bouleversé, en proie à des changements comparables à ceux
de la fin de l’Antiquité. La planète change, ils changent aussi,
ont tout à réinventer. «SOYONS INDULGENTS AVEC EUX, CE
SONT DES MUTANTS», implore Michel Serres, par ailleurs
sévère sur sa génération et la suivante, qui laisseront les
sociétés occidentales en friche.
Quelques extraits des premiers chapitres de Petite
Poucette.
En 1900, la majorité des humains, sur la planète, travaillait
au labour et à la pâture. En 2011, on ne compte plus que un
pour cent de paysans dans les populations. (…) Le nouvel
écolier, la jeune étudiante, n’a plus la même vie physique, ni
le même monde en nombre, la démographie ayant soudain,
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DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
pendant la durée d’une seule vie humaine, bondi de deux
vers sept milliards ; il habite un monde plein.
Alors que leurs prédécesseurs se réunissaient dans des
classes ou des amphis homogènes culturellement, les jeunes
étudient au sein d’un collectif où se côtoient désormais
plusieurs religions, langues, provenances et mœurs. Pour eux
et leurs enseignants, le multiculturalisme est de règle. (…)
Ils n’ont plus le même monde mondial, ils n’ont plus le même
monde humain. Autour d’eux, les filles et les fils d’immigrés,
venue de pays moins nantis, ont vécu des expériences vitales
inverses des leurs.
Ces enfants habitent (…) le virtuel. Les sciences cognitives
montrent que l’usage de la Toile, la lecture ou l’écriture au
pouce des messages, la consultation de Wikipedia ou de
facebook n’excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes
zones corticales que l’usage du livre, de l’ardoise ou du
cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois.
Ils ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme
nous. (…)
Ils n’ont plus la même tête.
Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes ;
par GPS, en tous lieux ; par la Toile, à tout savoir : ils hantent
donc un espace topologique de voisinages, alors que nous
vivions dans un espace métrique, référé par des distances.
Ils n’habitent plus le même espace.
(…) N’ayant plus la même tête que celle de ses parents, il ou
elle connaît autrement. Il ou elle écrit autrement.
(…) Ils ne parlent plus la même langue. (…) L’Académie
française publie, à peu près tous les 20 ans, le Dictionnaire
(de la langue française). Aux siècles précédents, la différence
entre deux publications s’établissait autour de 4 à 5000
mots, chiffre à peu près constant ; entre la précédente et la
prochaine, elle sera de trente-mille environ.
Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la Toile,
disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais,
tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre?
Voilà, c’est fait.
V. Pour approfondir le sujet
Pour aller plus loin :
Le film «Disconnect» Le film «Her»
Action Ciné Média Jeunes : organisation de jeunesse
d’Education aux médias http://www.acmj.be/ Action Ciné
Médias Jeunes / Place l’Ilon, 13 - 5000 Namur – Belgique
Média Animation : http://www.media-animation.be/Education-permanente-.html
Facebook ou le monde expliqué aux vieux – Fabien Benoit,
éditions 10/18
DOSSIER PéDAGOGIQUE
Notre peur de n'être
VI. Références bibliographiques
- Média Animation : D’après Bonvoisin «L’extimité,
s’exposer pour se construire», décembre 2012 –
www.media-animation.be
- Erving Goffman La mise en scène de la vie quotidienne
- Petite Poucette – Michel Serres aux éditions Le pommier !
- Sciences et Vie – L’homme et les mythes
-www.theatrecontemporain.net
- Le Théâtre National de Bruxelles
- Canopée Editions
- www.intellego.fr/communauté du savoir scolaire
-Wikipédia
- Les Inrockuptibles : La génération Y prend le pouvoir
(février 2012)
- Les Inrockuptibles : article sur le phénomène Disconnect Nov 2014
VI. Annexes
dossier de presse
- Intervieuw de Fabrice Murgia
- L’angoisse de la déconnexion (Les Inrockuptibles / 19.11.2014)
- La génération Y prend le pouvoir (Les Inrockuptibles / 15.02.2012)
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