Pour alimenter ma réexion, j’entrepris la lecture de textes émanant
d’horizons scientiques divers – anthropologie, ethnologie, sociologie,
sciences politiques, éthique, histoire, et même neurologie –, consciente ce-
pendant des limites quantitatives de cette démarche, d’autant plus que celle-ci
se superposait à une prise de connaissance de travaux dans les domaines précis
de la musicologie, de la linguistique, de la muséologie, de l’analyse des médias
et du tourisme.
Finalité
Mon hypothèse de base est que, confrontées à la mondialisation, les com-
munautés socioculturelles, communautés de taille et de composition variables
dans le temps et l’espace,expriment un besoin d’identication qui pourrait
être en grande partie comblé par une transmission trans-générationnelle d’un
patrimoine culturel immatériel propre, apte à leur procurer une «ethnicité»
positive, et donc à sociabiliser, davantage qu’à isoler. Pour éviter toute dérive
nationaliste, il importe de bannir de cette politique toute hiérarchisation des
cultures et tout refus de métissage. Mon but est de conduire la réexion théo-
rique aussi loin que possible et de susciter une prise de conscience à la fois chez
les acteurs du patrimoine, les médiateurs culturels et les décideurs politiques,
sans toutefois proposer des mesures de protection et de sauvegarde dénitives
et universelles, «désincarnées» d’une réalité vécue. L’évolution, permanente,
des valeurs véhiculées par le patrimoine culturel est en eet fonction du
contexte politique, social et économique dans lequel il se transmet. Il est vain
d’encadrer politiquement la transmission de ce patrimoine si elle n’est pas
prise en charge, consciemment ou non, par des «porteurs» ou des «média-
teurs» ayant la conance des détenteurs légitimes. À l’aide de situations ob-
servées sur le terrain, je m’eorcerai de déterminer les modes de transmission
du patrimoine immatériel qui en assurent la pérennité tout en lui garantissant
une faculté d’adaptation aux modes de vie actualisés, et de détecter les défor-
mations naturelles, les dérives, voire les manipulations qui modient les
contenus transmis ou menacent leur transmission.
. Dans l’étude des phénomènes de mémorisation et de conscientisation des transmis-
sions.
. J’emprunte ce concept à Marco MARTINIELLO, L’ethnicité dans les sciences sociales
contemporaines, Paris, Presses universitaires de France, .