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Euro fort, Euro faible: approche par les mécanismes économiques
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Résumé :
- Une dépréciation a un effet positif sur l’économie, sous-condition que le solde extérieur ne se dégrade pas
et que l’on observe une stabilité des composantes les plus volatiles de l’indice des prix.
- Une appréciation de l’euro a un effet négatif sur l’économie si elle est durable et susceptible de dégrader
structurellement le solde courant.
- L’impact des variations de l’euro sur les économies est difficilement quantifiable en raison des effets de
long terme des phases d’appréciation et de dépréciation de l’euro.
- Les variations de l’euro ont un impact de court terme sur la gestion de trésorerie ce qui relève des
mécanismes financiers et non économiques.
L’effet change de l’euro sur les économies de la zone euro est un mécanisme qui peine à être correctement défini
alors même que le sujet est au cœur de l’actualité. Deux politiques économiques sont étudiées : la politique
monétaire et la politique de croissance. La politique monétaire renvoie aux politiques de change dont l’objectif
est un soutien à la croissance économique et/ou la stabilité des prix. Ces deux objectifs définissent les conditions
d’application des politiques de croissance: une stratégie conjoncturelle de relance par les exportations ou une
stratégie de stabilisation de l'inflation favorisant une reprise structurelle des économies. En cela, le concept de
« guerre des changes » est un terme spécifique selon les cibles de la politique monétaire et la relation entre les
décideurs des stratégies de croissance et les banques centrales.
Mais quels sont les vrais effets d’une variation du taux de change effectif réel de l’euro ? L’article propose, par
une analyse portant uniquement sur les mécanismes économiques, une mise en perspective des moyens de
mesure de l’effet change en zone euro, avant de préciser les avantages d’une dépréciation et d’une appréciation
de l’euro fort.
L’effet change en zone euro : perspectives
Une appréciation de l’euro face à une monnaie dégraderait la compétitivité prix de nos exportations hors zone
euro et diminuerait le coût des importations. Une dépréciation de l’euro augmenterait le coût des importations
donc des consommations intermédiaires et in finepourrait diminuer ou ralentir la croissance de la valeur ajoutée
(valeur de la production-les consommationsintermédiaires). Mais ces relations peuvent être exploitées sous-
condition :
- de connaître la part de nos exportations échangées dans une autre monnaie: si la part est faiblement
significative alors l’effet négatif de l’appréciation de l’euro face à cette monnaie sur nos exportations aurait
moins d’effet sur l’économie
- de connaître la part de l’activité liée aux exportations. Si les entreprises exportatrices sont pleinement exposées
à l’effet change sur leurs exportations et sur les importations nécessaires à leur activité, les entreprises non
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exportatrices seront seulement sensibles à l’évolution du coût des importations. Ainsi, si 80% de l’économie
dépend des entreprises non exportatrices alors une appréciation de l’euro serait préférable.
On évoque souvent l’évolution de la devise euro-dollar comme indicateur de l’effet-change, en raison de
l’importance des échanges commerciaux internationaux libellés en dollars. La zone euro est un cas particulier
puisque la part des échanges commerciaux libellés en euros est importante pour les exportations (63% en
Allemagne, 52% en France) et les importations (55% en Allemagne, 45% en France), ce qui contraste avec des
pays dont le commerce extérieur est lié aux échanges libellés en dollars autant pour les exportations (90% en
Chine,, 91% au Brésil) que pour les importations (93% en Chine, 92% au Brésil). Le Japon, disposant d’une
monnaie échangée sur les marchés internationaux n’a que 48% de ces exportations libellés en dollars mais reste
exposé sur ses importations (68%). Ainsi, le suivi de la devise euro-dollar est inévitable puisque concentrant
le principal risque de change pour la France.
On retiendra comme mesure du risque de change le taux de change effectif réel qui tient compte du taux de
change nominal et du rapport des prix à l’exportation de la zone euro avec les pays extra-zone. Le taux de
change effectif réel est une mesure significative de l’effet change global de l’euro sur le marché
international.
La Banque Centrale Européenne (BCE) tient compte de l’effet change comme variable cible de son objectif de
stabilité des prix qui lui permet, in fine, de terminer le niveau du taux directeur en zone euro. Une
appréciation de l’euro face au dollar pourrait alimenter une contraction des prix des biens importés, puisque 40 à
60% des importations sont libellées en dollar selon les pays. Or, une baisse des prix des biens importés augmente
la probabilité d’un risque désinflationniste par deux mécanismes :
- rendre le canal du taux d’intérêt inefficace si le taux d’inflation est trop faible en niveau: les injections de
liquidité sont sans effet sur l’activité économique puisqu’il n’y a plus d’arbitrage entre monnaie et titre (situation
de « trappe à liquidité »).
- ne pas s'accompagner d'un ajustement à la baisse et dans les mêmes proportions des prix à la consommation :
les entreprises ne pouvant pas ajuster suffisamment la masse salariale à la baisse, leur capacité à répercuter
l’ensemble de la baisse des prix sur une contraction de leur marge de profit demeure limitée. Les prix à la
consommation des biens et services produits en zone euro diminuent dans une proportion moindre à la baisse des
prix des biens importés d’où une pression concurrentielle plus importante des biens produits à l’étranger sur les
marchés de biens et services en zone euro.
Sous quelles conditions une dépréciation de l’euro est profitable pour une économie en zone euro?
La dépréciation de l’euro peut profiter aux entreprises exportatrices de deux manières :
- soit elles gagnent des parts de marché sur le marché international : la hausse de la demande extérieure
augmente leurs exportations en volume.
- soit elles augmentent leurs marges dans une proportion égale à l’effet change : les prix des biens exportés
restent inchangés. La hausse des recettes sera utilisée pour investir et améliorer la production.
Ces effets favorables aux entreprises exportatrices sont possibles sous deux conditions :
- la première est que la hausse des prix des biens importés ne soit pas aussi importante que la baisse des prix des
biens exportés, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas dégradation du solde extérieur.
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- la seconde est que la hausse des coûts énergétiques (8% de l’indice des prix français hors tabac) et d’autres
biens et services nécessairement importés n’augmente pas excessivement le coût des consommations
intermédiaires des entreprises et n’affecte pas durablement le pouvoir d’achat de la demande privé interne. Les
entreprises non exportatrices souffriraient alors de cette baisse de la demande interne. Seules les entreprises
dont l’activité est fortement orientée vers la demande extérieure, si possible hors zone euro, profiteraient
d’une forte dépréciation de l’euro face aux autres monnaies.
Sous quelles conditions une appréciation de l’euro est profitable pour une économie en zone euro?
Une appréciation de l’euro peut également s’avérer avantageuse pour les consommateurs français et les
entreprises exportatrices sous la condition que l’appréciation de l’euro diminue le coût de production (baisse du
prix de l’énergie) d’un bien,dans une proportion supérieure à la hausse du prix relatif de ce même bien sur le
marché international.
Il s’agit d’un effet à long terme qui se construit en trois étapes :
1ère étape L’appréciation de l’euro améliore les termes de l’échange (prix des exportations / prix des
importations) car le prix des biens importés diminue plus rapidement en valeur absolueque la hausse du prix des
biens exportés. Le solde courant s’améliore si le ratio en volume des importations sur les exportations reste
supérieur au ratio de la variation des prix des importations sur la variation des prix des exportations.
2nd étape En monnaie étrangère, les exportations sont moins compétitives : elles diminuent en volume. Les
importations en volume augmentent. Pour conserver leur part de marché, les entreprises diminuent leurs marges
à l’exportation d’où une diminution du solde courant ;
3ème étape Le prix des importations diminue d’où une inflation importée moindre qui ralentitla hausse des prix
des biens produits en zone euro.Cela renforce les termes de l’échange : les exportations augmentent en volume.
Ces effets sont positifs à court terme mais négatifs à long terme. Ainsi, une appréciation de l’euro a un effet
négatif sur l’économie si elle est durable et susceptible de dégrader structurellement le solde courant.
Ce raisonnement repose sur deux hypothèses :
- la stabilité des prix des actifs financiers énergétiques, l’une des composantes les plus volatiles de l’indice des
prix.
- Une résistance du solde commercial qui ne se dégraderait pas. Cette condition suppose que la somme de
l’élasticité prix des importations et des exportations au taux de change effectif réel est inférieure à 1. Ainsi, une
somme d’élasticité supérieure à 1 ne rendrait pas profitable une appréciation du taux de change effectif réel face
aux autres monnaies.
L’impact des dépréciations et des appréciations sont difficilement quantifiables
L’identification des mécanismes économiques n’est utile que si l’on détermine la durée et l’importance des effets
d’une variation du taux de change effectif réel de l’euro.
En ce sens, le modèle Interlink de l’OCDE a apporté un contribution majeure pour montrer qu’une appréciation
de 10% de l’euro en 2008, contre toutes les monnaies,réduit le PIB en zone euro de 1,7 pointsur les quatre
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années suivantes, tandis que les exportations et les importations se contractent sur la même période et
respectivement de 4,6 et 3,1 points.
La limite du modèle est de ne pas distinguer les échanges intra-zones et extra-zones, en somme de ne pas
prendre directement en compte l’effet d’une variation du taux de change effectif de l’euro sur les exportations
vers les marchés hors zone euro et les importations en provenance de pays hors zone euro.
Ce modèle justifie aussi que l’effet d’une appréciation de l’euro se diffuse dans le temps et sur plusieurs
années. L’effet négatif sur le PIB d’une appréciation de l’euro pourrait ainsi très bien être compensé en partie
par les effets d’une dépréciation antérieure de l’euro.
Il est ainsi très complexe de quantifier précisément l’impact d’une variation du taux de change effectif réel de
l’euro sur les composantes d’une économie, particulièrement en zone euro.
Conclusion
La quantification de mécanismes économiques est complexe et l’estimation des effets sur le PIB reste incertaine.
Les effets d’une appréciation du taux de change effectif réel de l’euro sur le PIB et par des mécanismes
économiques doivent être suivis mais leurs analyses ne présentent aucune certitude.
Si le taux de change effectif réel ne porte pas un effet négatif certain et direct sur les niveaux de production, ses
effets sur la gestion de trésorerie des entreprises exportatrices est inévitables. Les scénarios économiques et
financiers établis par les directions financières de ces structures conditionnent l’importance d’une appréciation
ou d’une dépréciation du taux de change effectif réel de l’euro par rapport à un niveau cible.
Arthur Jurus
Référence :
« Combien nous coûte l’appréciation de l’euro », Département Analyse et Prévision de l’OFCE, Avril 2004.
« Les effets de l’appréciation de l’euro sur l’économie française », Franck Cachia, Division synthèse
conjoncturelle de l’INSEE, Juin 2008.
« Comment prévoir le taux de change dollar/euro à long terme ? », Patrick Artus, Natixis, 15 avril 2010.
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