Fiche SFR EBM - Dépistage organisé du cancer du sein

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Fiche SFR‐ Evidence‐Based Medicine (EBM)
DEPISTAGE ORGANISÉ DU CANCER DU SEIN : PERFORMANCES ACTUELLES ET
ÉVOLUTIONS POTENTIELLES
Rédacteur : Armonie Devillers ‐ [email protected]
Relecteur : Luc Ceugnart ‐ [email protected]
D’après la Séance de cours organisée aux JFR 2014
Dépistage organisé du cancer du sein : performances actuelles et évolutions
potentielles
Vendredi 17 octobre – 14h00‐15h15 – Amphithéâtre Havane
Responsables : Luc Ceugnart et Brigitte Seradour (SIFEM)
Points essentiels et recommandations
•
Le taux de dépistage de cancer du sein est supérieur avec la
mammographie numérique (avec notamment une supériorité des
systèmes numériques plein champ, comparés aux plaques) par rapport à
l’analogique, et des performances inverses concernant les clichés
techniquement insuffisants.
•
Rédaction d’un contrôle qualité par l’EUREF pour la tomosynthèse dans le
dépistage du cancer du sein avec une validation définitive prévue en 2015.
•
Importance d’une auto-évaluation de sa pratique professionnelle et de la
formation médicale continue en mammographie.
•
Pas de justification clinique quant à la réalisation systématique d’une
échographie mammaire, dans le cadre du dépistage (excepté dans les seins
denses BI-RADS III/IV).
1) Enquêtes sur les performances actuelles de la mammographie dans le
dépistage organisé du cancer du sein F. Lançon (Paris)
Le dépistage organisé du cancer du sein (DOCS) a été généralisé en France en 2004
pour l’utilisation de la mammographie analogique. En 2008, la mammographie
numérique a été introduite dans le programme de dépistage, elle regroupe deux types
de technologie différents :
 les systèmes numériques plein champ (DR pour « digital radiography ») ;
 les systèmes numériques utilisant des écrans radio-luminescents à mémoire ou
système à plaques (CR pour « computed radiography »).
En 2009, certaines structures de gestion constatent une moindre détection de cancer
du sein avec les systèmes numériques, notamment avec les plaques CR.
L’Institut national du cancer (INCa) a mené une enquête déclarative auprès des
structures de gestion, en 2010, 2011 [1], répétée en 2014 (sur la période de 2011
jusqu’au premier trimestre de 2013) auprès des structures de gestion. Ses conclusions
sont :
 Une migration intensive vers les systèmes numériques (92% du DOCS en 2013)
avec une prépondérance pour le DR ;
 Une meilleure détection des cancers, notamment pour les cancers in situ, par les
systèmes numériques DR par rapport à la CR, elle-même supérieure à la
mammographie analogique, avec en parallèle des résultats inverses pour les
clichés classés techniquement insuffisants ;
 Une variabilité de la performance des systèmes numériques en termes de
détection pour les CR mais aussi les DR, entre les différents constructeurs.
Ces variations de performance ne peuvent peut-être pas être expliquées seulement par
les différences technologiques mais par l’ensemble de la chaîne mammographique :
radiologues, mammographes, consoles d’interprétation etc.
2) La tomosynthèse dans le dépistage du cancer du sein : bilan et perspectives
futures P. Heid (Marseille)
 La tomosynthèse : une nouvelle technologie d’imagerie du sein [2]
La tomosynthèse est un saut technologique colossal comparé au passage du système
mammographique analogique au numérique. L’évolution de l’analogique au numérique
ne comprend qu’un changement de détecteur alors que dans la tomosynthèse c’est toute
la technique qui est modifiée : l’acquisition, le mammographe, la dosimétrie, l’algorithme
de reconstruction. La tomosynthèse permettrait de lever les problèmes d’interprétation
liés à la superposition d’image et d’améliorer à la fois :
- la sensibilité (meilleure détection des cancers notamment dans les seins denses) ;
- la spécificité (diminution des faux positifs engendrés par les superpositions fibroglandulaires).
 La tomosynthèse : principes physiques et paramètres techniques
L’appareil de tomosynthèse comprend un détecteur (mammographe numérique adapté)
et un tube à rayons X, ce dernier effectue lors de sa rotation un nombre n de projections
2D sous n angles différents. Les images 2D brutes sont reconstruites via un algorithme
sous la forme d’image plan de tomosynthèse 3D d’épaisseur millimétrique, rendant
possible l’exploration du volume mammaire.
 La concrétisation d’un protocole de contrôle qualité par l’EUREF (« European
Reference Organisation for Quality Assured Breast Screening and Diagnostic
Services ») [3].
Dans la tomosynthèse, de multiples paramètres (couverture angulaire, nombre et
répartition d’expositions, détecteurs, type de rotation du tube à RX) vont directement
influencer la qualité de l’image et la dosimétrie ; ces choix techniques différents d’un
constructeur à un autre, sont difficiles à évaluer par un contrôle qualité.
Depuis 2013, l’INCa finance un projet de recherche pour aider à la rédaction d’un
protocole de contrôle qualité européen par l’EUREF : effectué sur cinq machines, finalisé
en juin 2014, il sera présenté au RSNA en décembre 2014, et après de nouveaux tests en
conditions cliniques réelles, une version définitive sera publiée au printemps 2015.
3) Suivi et devenir des mammographies classées ACR 3
M-O. Ribrag (Vannes) nous a présenté une étude rétrospective, réalisée dans le
Morbihan, sur 10 ans, reprenant le devenir des lésions classées ACR3.
Elle concerne trois types d’image mammographique : masse, microcalcifications et
asymétrie de densité avec une probabilité de malignité (VPP) faible (inférieure ou égale
à 2%) pour lesquelles il est recommandé, classiquement, une surveillance à court terme
[4]. Le taux de participation de la population cible du DOCS était de 64,3%, soit 343 327
mammographies, sans critère d’exclusion lié aux antécédents personnels et familiaux de
cancer du sein. Après la première lecture, 8492 mammographies (2,5%) ont été
classées ACR3. Les résultats sont bons :
- Le taux d’ACR3 : une relation significative entre l’activité en mammographie du
radiologue et le taux retrouvé (plus l’activité est forte, plus le taux d’ACR3 est
faible) ;
- Les cancers dépistés : 277 cancers ont été diagnostiqués avec un délai moyen de
6 mois, avec globalement des facteurs pronostiques meilleurs que les cancers
classés ACR4 et ACR5 ;
- La VPP : est donc légèrement plus élevée que celle recommandée (3, 3%) mais
variable selon le type d’image et l’activité du radiologue (liée à des erreurs de
classification, et peut-être à la non exclusion des patientes ayant des antécédents
de néoplasie mammaire).
D’où l’importance d’un bilan complet pour bien classer une image, d’une évaluation de
sa pratique professionnelle personnelle et de la formation continue en l’absence de
relecture systématique par le L2 des images classées ACR3 en L1.
4) Échographies sur mammographies négatives (ACR 1 et 2) dans le cadre du
DOCS
M. Deghaye (Lieusaint – 77) nous a exposé une étude rétrospective
observationnelle sur les échographies réalisées pour les mammographies ACR 1 et 2
dans le DOCS, dans six départements, sur une période d’un an, à partir des fiches de
lecture.
Elle prenait en compte 607 062 dossiers de dépistage avec 561 925
mammographies négatives (92,6%) après première lecture. Les indications d’une
échographie complémentaire étaient : des seins denses, une anomalie échographique
ancienne, des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein, la demande des
correspondants.
Sur les 101 972 échographies réalisées sur mammographie normale (18%), 2788
(2,7%) ont été considérées comme « suspectes », 600 (21%) ont eu un prélèvement
biopsique dont 501 connus, permettant de découvrir 119 cancers échographiques sur
mammographie négative, soit 2,2% de l’ensemble des cancers du sein, avec une nette
prédominance de ceux-ci dans les seins de densité BI-RADS III/IV. Par ailleurs, aucun
cancer n’a été dépisté en échographie dans les seins de densité de type 1[5].
1. INCa. Synthèse d’enquête sur la performance de la mammographie dans le
dépistage organisé du cancer du sein [En ligne]. 2014. Disponible :
http://www.e-cancer.fr/rss-depistage/8921-depistage-organise-du-cancer-dusein-publication-dun-rapport-de-synthese-denquete-sur-la-performance-de-lamammographie
2. Park JM, Franken EA, Jr, Garg M, Fajardo LL, Niklason LT. Breast tomosynthesis:
present considerations and future applications. Radiographics 2007;27:S231–40
3. EUREF. Protocole de contrôle qualité européen pour la tomosynthèse mammaire
[En ligne]. 2014. Disponible :
http://www.euref.org/downloads?download=47:euref-tomo-protocol-version015
4. D’Orsi CJ, Sickles EA, Mendelson EB, Morris EA et al. ACR BI-RADS® Atlas, Breast
Imaging Reporting and Data System. Reston, VA, American College of Radiology;
2013.
5. Gartlehner G, Thaler K, Chapman A, Kaminski-Hartenthaler A, Berzaczy D, Van
Noord MG, Helbich TH. Mammography in combination with breast
ultrasonography versus mammography for breast cancer screening in women at
average risk. Cochrane Database Syst Rev. 2013;4:CD009632.
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