Un trio de terres à 40 années-lumière ?
Juin 2016
Des astrophysiciens liégeois ont découvert trois planètes de la taille de la
Terre autour d’une petite étoile située à 40 années-lumière. Ces planètes
pourraient présenter des conditions habitables à leurs surfaces. De plus, les
futurs télescopes seront capables de les étudier en détail et d’y détecter de
la vie !
À l’aide du télescope TRAPPIST, des astrophysiciens de l’Université de Liège ont décou-
vert autour d’une «naine rouge ultrafroide», une étoile à peine plus grande que Jupi-
ter, un nouveau système planétaire formé de trois planètes de la taille de la Terre. Ces
planètes, bien que proches de leur hôte, ne sont pas soumises à des températures très
élevées et pourraient abriter des zones propices à la vie sur une partie de leurs surfaces.
Le nouveau système planétaire ne se trouve qu’à 40 années lumière de la Terre. Cette
proximité devrait permettre à la future génération de grands télescopes d’étudier avec
précision l’atmosphère des planètes. Il s’agit à ce jour des meilleures candidates pour
la détection de l’eau liquide, voire de la vie, en-dehors du système solaire. Alors que la
nouvelle vient d’être publiée dans la revue Nature, il y a fort à parier que les équipes
d’astrophysiciens du monde entier se bousculeront pour étudier ce système planétaire
extraordinaire. En attendant, l’équipe à l’origine de la surprenante découverte n’a plus
d’yeux que pour la petite étoile.
La nouvelle est incroyable. Michaël Gillon et Emmanuël Jehin, chercheurs qualiés FNRS au La-
boratoire sur les Origines en Cosmologie et Astrophysique de l’Université de Liège, ne brident
d’ailleurs ni leur joie ni leur engouement. Ils sont à la tête du projet TRAPPIST qui vient de dé-
couvrir un nouveau système comprenant trois planètes d’une taille similaire à celle de la Terre
(1). Mieux, ces planètes pourraient tout à fait être habitables et sont à l’heure actuelle les can-
didates à la détection de vie extrasolaire les plus sérieuses que nous connaissons.
200 ans de recherches scientifiques
Cette découverte est une très bonne nouvelle
pour les astronomes liégeois car elle est d’ex-
cellente augure pour leur nouveau projet SPE-
CULOOS qui sera lancé ociellement en 2017.
Financée majoritairement par l’Europe, cette ex-
périence unique dirigée par Michaël Gillon sui-
vra une intuition déjà prometteuse, et pourtant
à contre-courant des croyances actuelles : les
naines rouges ultrafroides, des étoiles bien plus
petites, froides, et fréquentes que les analogues
du Soleil, pourraient abriter des systèmes plané-
taires riches, complexes et nombreux. SPECU-
LOOS consiste en quatre télescopes robotiques
de 1 mètre de diamètre qui observeront pen-
dant plusieurs années environ 500 de ces petites
étoiles froides situées dans le voisinage solaire,
c’est-à-dire à moins de 100 années-lumière. En
phase préliminaire de cette mission, l’équipe
d’astronomes observe depuis 2011 une cinquan-
taine de cibles à l’aide de TRAPPIST, le télescope
de l’ULg basé au Chili. Cette préparation devait
fournir une base statistique pour déterminer si
cette idée avait des chances de succès. Après
5 ans, ce qui est très rapide en raison du petit
Naine rouge
Les naines rouges forment un type d’étoiles
peu massives et de températures nettement
inférieures à celle du Soleil. Une telle étoile
a une masse et une taille comprises entre
environ 8% et 50% de celles du Soleil. Bien
qu’elles dominent la population de la galaxie,
aucune naine rouge n’est visible à l’oeil nu en
raison de leurs faibles luminosités. Les plus
petites et les plus froides des naines rouges,
comme TRAPPIST-1, font partie de la catégorie
des «naines ultrafroides», qui regroupent les
étoiles les plus légères (<10% de la masse du
soleil) et les naines brunes.
Année-lumière
En astrophysique, l’année-lumière est une
unité de distance. Elle correspond à la dis-
tance parcourue par la lumière en une année.
Puisque la lumière se propage à une vitesse
d’environ 300.000 km/s, une année-lumière
vaut approximativement 9.500 milliards de ki-
lomètres.
nombre d’étoiles surveillées, trois planètes ont oert aux chercheurs leur transit autour d’une
de ces étoiles, qui se trouve à seulement 40 années-lumière de la Terre dans la constellation du
Verseau. Elle se nomme 2MASS J23062928-0502285. Suite à la découverte, elle est maintenant
également connue sous le nom ociel de TRAPPIST-1.
Des systèmes planétaires encore inconnus
Il peut paraître étonnant que les systèmes planétaires des naines rouges ultrafroides n’aient
pas été recherchés plus tôt, d’autant que ces étoiles sont très fréquentes dans la Galaxie, bien
plus que les étoiles de type solaire. En eet la plupart des nouvelles étoiles qui se forment
dans l’univers sont de petites tailles, bien plus petites que le Soleil. De plus, les étoiles ont une
durée de vie qui est d’autant plus grande qu’elles sont petites et peu massives. Les étoiles pro-
duisent en eet elles-mêmes leur énergie, par fusion nucléaire en leur cœur. Les plus petites
étoiles sont sujettes à des pressions et des températures internes bien plus faibles, et de ce
fait, consomment leur carburant nucléaire beaucoup moins vite. À titre de comparaison, le so-
leil tiendra environ 10 milliards d’années alors qu’une naine rouge ultrafroide peut vivre plus
de 100 fois plus. Autre intérêt de taille, ces étoiles sont moins lumineuses, et leur zone habi-
table est donc beaucoup plus proche de leur surface. Une planète pourrait orbiter autour en
quelques jours à peine tout en orant une température clémente. Or, une grande fréquence
orbitale augmente drastiquement la chance de débusquer une planète puisqu’il y aura d’au-
tant plus de transits. Et les transits de planètes orbitant autour de ces petits formats seront
plus faciles à détecter, vu qu’une fraction plus importante du disque stellaire sera occultée lors
du passage de la planète entre-elle et la Terre.
Mais c’est aussi une des dicultés. Ces étoiles n’émettent que très peu de lumière, la plupart
du temps détectable uniquement dans l’infrarouge par les instruments les plus performants.
Les plus proches de la Terre commencent à peine à pouvoir être étudiées et l’étoile TRAPPIST-1
elle-même n’a été découverte que récemment. Au-delà d’une centaine d’années lumières, elles
restent inobservables, alors que les étoiles plus massives comme le Soleil émettent un signal
visible de plusieurs milliers d’années-lumière de distance. « Donc, explique Emmanuël Jehin, il y
a beaucoup moins de naines rouges ultrafroides connues que de plus grosses étoiles, vu qu’on
ne détecte que les plus proches. Jusqu’ici, les campagnes de recherche ont surtout visé à dé-
tecter le plus d’exoplanètes possible, en sondant de larges portions du ciel sans discriminer le
type d’étoiles. Ce qui permet de surveiller des milliers d’étoiles en même temps et donc d’aug-
menter les chances de détection, mais n’incluait quasi pas de naine rouge ultrafroide.» Enn, la
communauté scientique a jusqu’ici dépeint ces mini-étoiles comme trop actives, à l’émission
lumineuse trop variable pour qu’on puisse espérer y discerner des transits planétaires, dont
la présence était de toute façon plus que douteuse selon les résultats de nombreux modèles..
En bref, ces étoiles, étaient globalement considérées sans grand intérêt pour la recherche de
planètes car trop diérentes du Soleil.
Les chercheurs liégeois pensent eux tout le contraire et estiment que ces étoiles cachent
presque toutes un système planétaire comme semble le conrmer cette première décou-
verte. Aller voir ce qui se passe du côté des naines rouges ultrafroides semble donc être une
démarche très prometteuse. « De plus, ajoute Michaël Gillon, les grands télescopes du futur
comme le JWST, le prochain télescope spatial de la NASA, auront un degré de précision leur per-
mettant d’étudier l’atmosphère de planètes de type terrestre, et même d’y trouver des traces
de vies, mais seulement autour d’étoiles parmi les plus proches et les plus petites. Pour de plus
grosses étoiles plus éloignées, il faudra attendre des instruments encore plus performants. »
Un début de projet exceptionnel
Pour le projet SPECULOOS, l’enjeu sera donc d’observer une à une toutes les naines rouges
ultrafroides proches de la Terre. « Au total, nous avons répertorié un millier d’étoiles susam-
ment proches pour qu’on puisse entamer des études atmosphériques d’éventuelles planètes
de taille terrestre les transitant, intervient Michaël Gillon. Elles sont réparties un peu partout
sur le ciel et on n’a quasiment aucune chance d’en avoir deux dans le même champ. Là où, par
exemple, le télescope spatial Kepler de la NASA peut sonder des milliers d’étoiles en même
temps, nous devons les étudier une par une, en les observant chacune à leur tour pendant une
dizaine de nuits en moyenne. C’est un processus très lent, ce qui nous oblige à utiliser plusieurs
télescopes pour nir le projet en un temps raisonnable.» Un inconvénient pratique lié à une
diculté supplémentaire. Pour détecter un transit, il faut qu’une planète passe exactement
devant son étoile vue depuis la Terre, ce qui statistiquement n’arrive pas souvent. « Dans cette
réalité, ponctue Emmanuël Jehin, les télescopes de relativement grande taille sont bien trop
sollicités pour pouvoir se focaliser sur une seule étoile à la fois pendant de nombreuses nuits.
Sauf bien entendu s’il s’agit d’une étoile autour de laquelle on a déjà découvert des planètes qui
méritent qu’on s’y attarde. Avoir nos propres télescopes était donc vital pour le projet. Nous
pouvons nous permettre de consacrer à ces recherches tout le temps nécessaire. C’est un pari
et un risque que nous pouvons nous autoriser. »
Avant de pleinement lancer le projet SPECULOOS, il fallait s’assurer de la viabilité d’une intui-
tion aussi folle et en lancer une version prototype. « Le projet est ambitieux, reconnaît Michaël
Gillon qui est à la tête et à l’origine du projet, et vu la réputation de ces étoiles, nous devions
être sûrs que nous avions des chances de détecter des planètes de type terrestre. Nous savions
que TRAPPIST était trop petit pour assumer seul l’observation d’un échantillon susamment
grand. Mais il pouvait très bien observer les plus brillantes et les plus proches d’entre elles.
Nous avons donc sélectionné cinquante cibles, ce qui était assez pour tirer des conclusions
statistiques avant d’aller plus loin.»
En dénitive, la chance a souri aux audacieux et le télescope TRAPPIST a ni par trouver son
Graal avant même que l’observation des cinquante candidates soit terminée. Une première dé-
couverte exceptionnelle qui termine de démontrer le potentiel du projet. Début 2017, ce sont
donc quatre télescopes bien plus grands et plus puissants qui seront opérationnels depuis
le fameux observatoire européen du mont Paranal dans le désert d’Acatama au Chili. Un des
meilleurs sites astronomique au monde se réjouit Emmanuël Jehin. Un télescope jumeau de
TRAPPIST nancé par l’ULg sera aussi installé très prochainement au Maroc donnant ainsi ac-
cès également aux étoiles naines rouges ultrafroides les plus brillantes de l’hémisphère Nord.
« Dans les prochaines années, se réjouissent les deux chercheurs, nous allons sonder 20 fois
plus de planètes que celles observées jusqu’à aujourd’hui. On peut espérer trouver beaucoup
plus de systèmes planétaires, à moins qu’on ait eu une chance incroyable sur ce coup-ci, ce qui
est un peu dicile à croire. Cette découverte est le fruit d’un premier travail de cinq années, et
cela semble indiquer que la présence de petites planètes est très fréquente autour de ce type
d’étoiles ! »
Kelvin
Le kelvin (K) est une unité de température,
comme le degré Celsius (°C) que nous utili-
sons traditionnellement. La température de
0K est égale à -273.15°C et correspond au
zéro absolu, c’est-à-dire à la température la
plus basse que l’on peut atteindre dans l’Uni-
vers.
Des planètes de tailles comparables à la Terre
TRAPPIST-1 est une étoile à peine plus grande
que Jupiter (1,2 fois son rayon). Son émission lu-
mineuse n’a été détectée pour la première fois
qu’en 2000, au cours d’un programme d’observa-
tion systématique du ciel en infrarouge. Sa masse
est 80 fois plus élevée que celle de la géante ga-
zeuse, mais reste 12 fois plus faible que celle du
Soleil. Sa température en surface de seulement
2550 Kelvin, est à peine la moitié de la tempéra-
ture de notre étoile.
Quand un système planétaire est découvert et que l’étoile revêt le nom du programme, elle
est ensuite chirée et suivie de manière tacite le plus souvent de la lette A. Les planètes,
par ordre de proximité, sont baptisées du nom de l’étoile et d’une lettre suivant l’ordre alpha-
bétique. Les trois planètes orbitant autour de TRAPPIST-1 sont donc TRAPPIST-1 b, TRAPPIST-1
c et TRAPPIST-1 d. Le système est très diérent du nôtre, puisque les orbites de ces planètes
sont très courtes. Ceci en est une version miniature, dont la structure rappelle plutôt celle de
Jupiter et de ses satellites.
Autour de l’étoile TRAPPIST-1, trois planètes comparables en taille à la nôtre ont été décou-
vertes. Deux d’entre-elles ont un rayon de 110% de la Terre, la troisième, de 100%. La grande
inconnue reste leur masse. « C’est un gros challenge, mais on va y arriver, témoignent les as-
trophysiciens. Il y a deux méthodes possibles. Par la technique dite « des vitesses radiales » qui
est la plus courante et où on essaye d’observer le très petit déplacement de l’étoile autour du
centre de masse du système en raison de l’attraction des planètes qui tournent autour. Mais
TRAPPIST-1 est si faiblement lumineuse dans le spectre visible qu’il faudrait un spectrographe
de haute précision en IR. Un premier instrument de ce type est disponible en Espagne, mais
il n’a pas encore fait ses preuves. Notre meilleure chance réside plutôt dans la présence de
plusieurs planètes dans ce système. Ces planètes se perturbent en eet les unes les autres.
Ainsi les interactions gravitationnelles entre elles vont inuencer leurs périodes orbitales en
fonction de leurs masses respectives. En observant des dizaines de transits et les petites va-
riations des instants où ils se produisent, nous allons pouvoir déduire la masse de chacune de
ces planètes. Nous pourrons alors avoir une bien meilleure idée de leur composition : planètes
rocheuses comme la Terre, ou plutôt riches en métaux comme Mercure, voir planète riche en
glace à la manière des lunes de Jupiter. »
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