Béérshéba» (Genèse 21, 33) où Isaac bâtit ensuite un autel (Genèse 26, 25); «Josué prend une
grande pierre qu'il fait dresser là sous le chêne, dans le sanctuaire de Yahwéh» (Josué 24, 26).
L'archéologie confirme ce culte des stèles, non seulement à l'époque du bronze moyen (Gézer,
Sichem) ou récent (Hazor), mais encore à l'époque royale israélite. On a ainsi retrouvé deux
pierres dressées dans la cella du temple yahwiste d'Arad (Négev), tandis que les restes d'un grand
autel à cornes, en pierre taillée, ont été mis au jour à Béérshéba.
Le culte israélite ancien s'exprimait surtout à l'occasion de deux grandes fêtes de la pleine lune:
celle du printemps (la Pâque, liée à l'Exode) et celle de l'automne (fête de la récolte). Elles étaient
l'occasion d'un repas festif avec sacrifice d'un animal. Après l'installation en Canaan, elles furent
célébrées dans divers sanctuaires locaux, en particulier à Silo, dont le sacerdoce élide se rattachait
à la descendance d'Aharon.
Le yahwisme, dont le groupe mosaïque était porteur, s'est peu à peu étendu à d'autres groupes
semblables. C'est le sens de l'alliance de Sichem où Josué demande à d'autres immigrants de
rejeter leurs dieux d'au-delà du fleuve et de ne reconnaître que Yahwéh (Josué, 24), avec un
minimum de règles cultuelles et sociales, probablement une forme primitive du Décalogue.
L'évolution de la religion yahwiste durant l'époque royale (XIe-VIe siècles)
La construction du temple de Salomon à Jérusalem va d'abord officialiser le culte de Yahwéh
comme dieu national rassemblant Israël et Juda. Un moment concurrencé par le sanctuaire de
Béthel et celui de Dan, dont on peut voir encore aujourd'hui quelques restes, ce temple célèbre,
duquel nous a peut-être été conservée une partie du mur de soutènement oriental, rassemblera à
nouveau Israélites et Judéens pour les «fêtes de pèlerinage», après la chute de Samarie en 722.
Durant cette période, la personnalité du dieu d'Israël s'enrichit en assimilant des fonctions
caractéristiques d'autres divinités. À l'origine, Yahwéh/Yahwoh était un dieu guerrier: Yahwéh
Sabaot, «Yahwéh des armées», celui qui libère son peuple d'Égypte; c'était aussi un dieu de
montagne et orage. En s'installant en Cisjordanie, il va absorber les divinités ancestrales de la
région – dans la Bible, on dit que le dieu des ancêtres a révélé maintenant son nom: Yahwéh.
C'est en particulier le cas pour les théonymes patriarcaux composés de El. Par là même, Yahwéh
assume les fonctions que la population locale attribuait à El, plus particulièrement El Elyôn «Dieu
Très-Haut», créateur du ciel et de la terre, comme le montre la comparaison de Genèse 14, 19 et
22.
Cette absorption des fonctions des autres grands dieux témoigne non seulement de la supériorité
de Yahwéh sur eux, mais aussi du fait qu'ils deviennent inutiles!
Par ailleurs, le yahwisme monolâtrique de l'époque monarchique s'est heurté au culte de plusieurs
dieux étrangers. Ainsi, sous le règne d'Achab, le culte exclusif de Yahwéh en Israël est-il menacé
par la diffusion de celui du Baal de Tyr. La réaction du prophète Élie se manifeste lors de la joute
du mont Carmel, à la frontière entre Israël et le royaume phénicien de Tyr; le peuple doit choisir
son dieu: Yahwéh ou Baal (1 Rois 18, 21). L'exclusivisme officiel du culte de Yahwéh sera
rétabli lors du coup d'État de Jéhu en 841 (2 Rois 10, 27), illustré aujourd'hui par la stèle
araméenne de Tel Dan, suivi, en 835, de celui du prêtre Yehoyada contre Athalie, à Jérusalem.
Au VIIesiècle, la domination assyro-araméenne entraîne la diffusion du culte des astres, attesté
dans la sigillographie et dans la Bible. Le roi Manassé lui-même «se prosterna devant toute
l'armée des cieux qu'il servit… et bâtit des autels à toute l'armée des cieux dans les deux parvis du
temple de Yahwéh» (2 Rois 21, 3-5). Cependant, avec la disparition de la domination assyrienne,
la réforme de Josias réagit et «supprima ceux qui brûlaient de l'encens en l'honneur du soleil, de
la lune, des constellations et de toute l'armée des cieux» (2 Rois 23, 5).
Le péril pouvait aussi venir d'Israël lui-même avec deux tendances: la sacralisation exagérée de
certains objets cultuels et la diversité des sanctuaires traditionnels.