10 Thermodynamique v6 1 Chaleur Historiquement, on a considéré longtemps la "chaleur" comme un fluide qui passait d'un corps à un autre. Aujourd'hui, "flux de chaleur" est synonyme de "flux d'énergie". La quantité d'énergie transférée sera appelée "chaleur". Joule avait mesuré dans un "calorimètre" l'augmentation de température d'un liquide qui était brassé par un petit moulin. Il avait donc déterminé l'équivalence entre travail mécanique et "chaleur". La thermodynamique est née des tentatives de convertir la chaleur en travail, par des machines thermiques. 2 Buts et principes de la thermodynamique La thermodynamique cherche à décrire les échanges de chaleur et de travail entre systèmes. Elle se base sur 3 principes qui expriment: I La conservation de l'énergie II L'impossibilité de transformer toute la "chaleur" d'un réservoir en travail. L'évolution d'un système est dans le sens ordre → désordre. III Plus un corps est froid, plus il est difficile à refroidir. On ne peut pas arriver au zéro absolu. 3 Travail sur un fluide Considérons un fluide compressible (ex.: air). On fournit du travail W au système en agissant sur un piston (ex.: pompe à vélo). Si on laisse ensuite le fluide libre, il restitue alors une partie de ce travail au monde extérieur. En thermodynamique, on a la convention suivante: W>0 quand c'est le système qui produit du travail. P La force exercée par le gaz sur le piston de surface S est F = SP, où P est la pression. S Si le piston se déplace d'une petite longueur δx, le travail correspondant sera δW = δx F = δx S P = δV P où δV est le (petit) changement de volume. Lors de cette transformation, on néglige le changement de pression... 4 Travail sur un fluide .2 Si l'on connaît comment P varie avec V, on peut calculer le travail total pour une transformation finie entre les volumes Vf initial et final: W= " P(V)dV Vi Pi Le travail est donné par l'aire en-dessous des courbes. Pf Pf Pi P ! Vi Vf V Vf >Vi W>0 le système fait du travail Vi V Vf Vf<Vi W<0 le système reçoit du travail 5 Travail sur un fluide, transformation isobare Transformation "isobare", P = cte : W = P(Vf - Vi) = surface du rectangle P P Vi Vf V Cylindre avec gaz et piston à frottement nul. On chauffe et on laisse le gaz se dilater de ΔV à P = cte. Le travail est W = P ΔV > 0 Le système fait le travail ! En effet, on a fourni de la chaleur... P manomètre 6 L'énergie interne Nous avons vu que l'énergie cinétique totale de N molécules d'un gaz parfait, à la température T, vaut 3 U = Nk BT 2 En thermodynamique, ce type d'énergie, qui exprime l'état de mouvement des molécule d'un corps, est appelée énergie interne = U. ! Physiquement, on devrait prendre U = 0 quand toutes les molécules sont au repos (zéro absolu). Toutefois, on est généralement intéressés aux changements de U. Donc U est souvent référé à une origine arbitraire (un peu comme l'énergie potentielle gravifique). 7 La détente de Joule Joule avait déduit que l'énergie interne était liée exclusivement à la température par l'expérience suivante. Un calorimètre contient 2 réservoirs liés par une vanne. Dans un des deux, il y a de l'air à 27 atm. La température initiale vaut T. On ouvre la vanne et on constate que T est presque inchangé. T vanne Calorimètre On admet que dans le cas d'un gaz parfait ΔT = 0. Aucun travail ni échange de chaleur n'a eu lieu: l'état énergétique du système est inchangé. Seulement des apports externes d'énergie changent T. 8 Le premier principe de la thermodynamique Considérons le cas d'un gaz dans un cylindre avec piston. Etudions les variations de l'énergie interne U pour les cas suivants: On fournit une quantité de chaleur (énergie) Q>0 au système et le piston est bloqué (aucun travail possible, V=cte). Inspirés par le principe de conservation de l'énergie, nous allons écrire: P quand W = 0 Uf = Ui + Q De même, si le système est bien isolé (dans un "thermos") et aucun échange de chaleur n'est possible avec l'extérieur P et le système fait (reçoit) un travail W>0 (W<0) quand Q = 0 Uf = Ui - W positif quand système reçoit de l'énergie ! 9 Le premier principe de la thermodynamique .2 Uf = Ui + Q - W Cette équation dit qu'il y a équivalence entre travail et chaleur et qu'un même état d'énergie interne U peut être atteint par échange de travail ou par échange de chaleur (ou par une combinaison des deux). Dans le cas de la détente de Joule on n'a apporté ni de la chaleur, Q = 0, ni du travail, W = 0. Donc ΔU = 0. 10 Types de transformations V = cte isochore (pas de travail) P = cte isobare T = cte isotherme Pas d'échange de chaleur Q = 0 adiabatique P isobare P isobare isotherme isochore V T 11 Le deuxième principe Considérons une "machine thermique" (ex. machine à vapeur). Le premier principe nous dit que Ufinal = Uinitial + Q - W On pourrait envisager un processus qui ramène l'énergie interne à son état initial et qui transforme Q en W: Q W = Q ? ... non: rendement < 100% ! 12 Le moteur thermique Considérons une machine cyclique, un moteur comme la machine à vapeur ou le moteur à explosion. On peut idéaliser en disant que la machine absorbe une certaine quantité de chaleur Q et elle le transforme en travail mécanique W, avec un rendement: e = W/Q Sadi Carnot a montré en1824 que une machine thermique a forcement un rendement e < 1. La conversion de chaleur en travail n'a qu'une ressemblance apparente avec p. ex. la conversion E potentielle ↔ E cinétique que l'on a rencontrée avec la gravitation ou avec les mouvements oscillatoires. 13 Les processus réversibles Un processus est dit réversible si l'on peut revenir à l'état initial sans modification du système ou de l'entourage. Ex.: compression adiabatique d'un gaz, très lente, sans turbulence ni frottement ou modification de la composition chimique. Un certain travail W est fourni au système lors de cette opération. Si on laisse le gaz se détendre, il revient à l'état initial en restituant le travail W. on fournit un travail W au système Pf Pi on récupère un travail W Pi Pf Vf Vi V Vi Vf V 14 Réversibilité .2 Dans la réalité on n'a jamais un processus parfaitement réversible. La machine de Carnot (1796-1832) est l'idéalisation d'un moteur thermique, sans frottement, pas de dispersion, processus réversibles. 15 Le cycle de Carnot Il s'agit du cycle qui se réalise dans une machine à "4 temps". On peut considérer un cylindre qui contient un fluide. Le travail est fait vers l'extérieur par un piston. � On peut mettre le cylindre en contact avec des bains à température T1 ou T2, T2>T1, et effectuer des transformations isothermes. T2 T1 � Ou bien on peut isoler thermiquement le système et effectuer des transformation adiabatiques. Pour simplifier, considérons un gaz parfait pour le fluide. L'idée est de le faire dilater puis contracter en le mettant en contact avec les réservoirs de chaleur. 16 Carnot .1 T2 a P b a T2 1) gaz en contact avec T2 b Le gaz parcourt un isotherme de a à b, en absorbant une quantité de chaleur Q2. Une quantité de travail est faite par l'expansion du gaz. V 17 Carnot .2 b P c a T2 2) on isole le système b On exécute une détente adiabatique de b à c, sans échange de chaleur. Une quantité de travail est faite par l'expansion du gaz. c V 18 Carnot .3 T1 c P d 3) on refroidit en mettant en contact avec T1 a b d T1 c V On exécute une compression isotherme de c à d, avec échange de chaleur Q1 vers le réservoir. Une quantité de travail est rendue par la contraction du gaz. 19 Carnot .4 d P a a T2 4) on isole le système b d T1 c V On exécute une compression adiabatique de d à a. Une quantité de travail est rendue par la contraction du gaz. 20 Carnot .5 En conclusion, le système a absorbé la chaleur Q2 - Q1 P Puisqu'on est retourné à l'état de départ, l'énergie interne U est inchangée (pas de réaction chimique ou autre...). Le premier principe nous permet de calculer W: W = Q2 - Q1 a T2 d T1 Q1 Q2 b c V 21 Carnot .6 Le système a absorbé la chaleur Q2 - Q1 P en rouge: le système fait du travail en bleu: il reçoit du travail a T2 b d W = Q2 - Q1 Q2 T1 Q1 c V W correspond à la surface dans abcd. 22 Le rendement La machine de Carnot prend une certaine quantité Q2 de chaleur d'une source chaude, elle effectue un travail et elle rend Q1 à la source froide. La source chaude est, p. ex., une bougie. La froide est, p. ex., l'air, ou de l'eau. La chaleur Q1 n'est plus utilisable. Le rendement de la machine vaut e = W / Q2 travail obtenu T2 Q2 W énergie fournie par la source chaude W Q 2 " Q1 Q1 e= = = 1" Q2 Q2 Q2 Q1 T1 Comment prédire la valeur de e ? 23 Le rendement .2 S. Carnot considérait la chaleur comme un fluide. Le passage de chaleur d'un corps chaud à un froid est comparé à la chute de l'eau d'un niveau h2 à h1. L'énergie disponible par le moulin est proportionnelle à h2-h1. Or, si l'on ne peut pas mettre le moulin ras le sol, h1>0. La fraction d'énergie disponible est donc f = (h2-h1)/ h2 Par analogie, on peut en déduire le rendement d'un moteur idéal, qui, selon de Carnot vaut: h2 h1 0 eC = (T2-T1)/ T2 24 Le rendement .3 eC = (T2-T1)/ T2 = 1- T1/ T2 James Watt implique qu'il existe une température T1= 0 pour laquelle le rendement est maximal, eC=1. C'est une définition du zéro absolu. Pour toute autre température eC<1. Ex.: machine à vapeur à 200°C, réservoir froid=air à 20°C eC = 1-293/473 = 38 % mais la valeur réelle est bien inférieure ! http://www.history.rochester.edu/steam/thurston/1878/ 25 Réfrigérateur Un réfrigérateur a pour fonction de soustraire de la chaleur à un réservoir pour le refroidir. Q1 T1 réfrigérateur Q2 T2 W Un travail W doit être injecté (W<0) pour transférer la chaleur Q1 de la source à température T1 au réservoir à T2, avec T2 > T1. Le Coefficient de Performance du Réfrigérateur: CPR = Q1/(-W) Le signe moins rend CPR>0. De -W = Q2-Q1 CPR = Q1/(Q2-Q1) CPR est > 1 et doit être maximalisé. 26 Réfrigérateur .2 On peut utiliser une machine de Carnot comme réfrigérateur idéale, en lui fournissant du travail. Q1 Q2 Le cycle est inversé. T1 T2 P W En suivant le même raisonnement que pour la machine, on tire a T2 CPR = T1/(T2-T1) dans un réfrigérateur idéal. d T1 Q1 Q2 b c V Dans le cas réel CPR vaut typiquement 5 27 Pompe à chaleur C'est un système qui sert à refroidir ou chauffer une maison. T1 Q1 Pompe Q2 T2 W Le Coefficient de Performance de la Pompe: CPP = | Q2/W | Ici Q2 est la chaleur cédée au réservoir avec la température la plus élevée T2. CPP est > 1 et doit être maximalisé. Cas idéal : CPP = T2/ | T2-T1 | Cas réels CPP vaut entre 2 et 4. 28 RESUME: Rendement d'un moteur: e = W/Q Coefficient de performance d'un réfrigérateur: CPR = |Q2/W| Coefficient de performance d'une pompe à chaleur : CPP = |Q1/W| T2 Q2 Q2 W W Q1 Q1 T1 moteur T2 T2 T1 réfrigérateur Q2 W Q1 T1 pompe à chaleur 29 Le deuxième principe: point de vue macroscopique Lord Kelvin: il est impossible de transformer la chaleur en travail par un processus qui n'a pas d'autre effet sur le système. R. Clausius: aucun processus ne permet de transférer de la chaleur d'une source froide à une chaude sans aucune autre altération du système. Il est impossible de construire une machine cyclique qui produise du travail en utilisant la chaleur d'une source sans en transférer une partie à une source plus froide. Cela indique l'impossibilité de concevoir un dispositif en mouvement perpétuel, même dans le respect du premier principe. 30 Le deuxième principe: point de vue macroscopique .2 On peut comparer l'expression du rendement pour la machine de Carnot W Q 2 " Q1 Q1 e= = = 1" Q2 Q2 Q2 et celle déduite par l'analogie avec la chute des fluides T2 " T1 T1 eC = = 1" ! T2 T2 Si l'on a bien raisonné, on en tire que, dans la machine idéale de Carnot: T1/ T2 = Q1/ Q2 où Q1 /T1 = Q2 /T2 ! Q 2 Q1 " =0 Donc, lors du cycle de Carnot: T2 T1 Dans le cas non idéal, non réversible, on n'a pas zéro. ! 31 Le deuxième principe: point de vue macroscopique .3 En 1865 Clausius introduit le concept d'entropie pour donner une description mathématique à l'irréversibilité. Comme on l'a vu, un processus est parfois irréalisable même si l'on respecte le premier principe. ? A→B on renverse le temps: B→A Exemple: on ouvre une bouteille de parfum qui se répand dans l'air. On renverse le temps: le parfum retourne dans la bouteille. Il n'y a pas de violation du premier principe,... C'est le problème de la flèche du temps ! 32 Le deuxième principe et entropie L'entropie S est une grandeur qui (comme l'énergie interne U) dépend de l'état du système. (point de vue microscopique: U est associée à l'énergie cinétique des molécules et S, on le verra plus loin, à la probabilité de la configuration) Deuxième principe: L'entropie d'un système tend vers une valeur maximum. 33 Le deuxième principe et entropie .2 Considérons un système quelconque qui se trouve à température T. On lui transfert une petite quantité de chaleur δQ (positive s' il la reçoit, négative s'il la donne), lors d'un processus réversible. On définit le changement d'entropie du système par: δS = δQ/T en régime réversible. Donc δS a le même signe que δQ: S du système croît quand on lui apporte de la chaleur. Pour une transformation finie réversible sur le système: Tf dQ "S= # Ti T 34 Le deuxième principe et entropie .3 La quantité de chaleur Q absorbée par le sous-système B à température TB provient d'un sous-système A à température TA> TB. On considère que les deux températures restent pratiquement inchangées. Il s'agit en soi d'un processus irréversible. système TA A Q chaud froid TB B On peut considérer deux processus indépendants "réversibles", l'un qui absorbe Q de A de façon isotherme, l'autre qui donne Q à B aussi de façon isotherme. La variation totale d'entropie vaut (avec Q>0) $ TA # TB ' Q Q "S = # + = Q& ) TA TB % TA TB ( La variation d'entropie est positive. 35 Le deuxième principe et entropie .4 On trouve donc que dans tout système isolé (A+B de l'exemple précédent), l'entropie ne Q A peut qu'augmenter. B La variation est nulle seulement dans le cas limite d'une transformation réversible. Cela justifie la formulation suivante du deuxième principe: L'entropie d'un système tend vers une valeur maximum. L'entropie de l'Univers augmente. Quand la T de l'Univers sera identique partout, il n'y aura plus de travail possible. 36 Le point de vue microscopique Considérons un gaz à température T. La vitesse quadratique moyenne est calculable par (approximation: gaz parfait) 3" R % 3 K = $ 'T = k BT 2 # NA & 2 La valeur de la vitesse de chaque molécule est une variable ! aléatoire distribuée autour de la valeur moyenne. La direction est aussi aléatoire. Considérons 5 molécules proches et prenons quelques photos à des instants différents... 37 Le point de vue microscopique .2 5 1 2 U = " mv i i=1 2 9 photos de 5 molécules avec leur vecteur vitesse Toutes les configurations ont ~ la même énergie interne U 1 2 ! 3 4 5 6 7 8 9 Quelle est la probabilité que ces configurations se réalisent dans un gaz ? 38 Le point de vue microscopique .3 Il est intuitif que les configurations "désordonnées" sont globalement plus probables. On peut énumérer les "possibilités" (nombre de "microétats") de réaliser une configuration ("macroétat") d'un certain type Exemple (à 1D) de 3 molécules (U = cte): 2 comme ça 6 comme ça beaucoup comme ça 39 Point de vue microscopique .4 Il est intuitif que le macroétat évolue vers la configuration la plus probable: celle ou le nombre de microétats est la plus grande. Donc vers le plus grand désordre. On prend un gaz et on aligne les vitesses (par une buse) à l'intérieur d'un récipient initialement vide. Après un certain temps les molécules auront occupé tout l'espace et auront des vitesses distribuées selon la loi de Boltzmann. 40 Probabilité et entropie Probabilité d'un macroétat ∝ nombre de microétats Boltzmann propose la formule suivante: S = kB ln(nombre de microétats) Donc l'évolution vers l'état de S maximale correspond à l'évolution vers une configuration à plus grande probabilité. 41 Le troisième principe La science du froid est la "cryogénie". On arrive à des températures d'environ 1 K par des réfrigérateurs qui s'inspirent de la détente de "Joule-Thomson" (un gaz traverse une paroi poreuse). Pour aller plus bas, on utilise la "démagnétisation adiabatique" des sels, et on arrive à <10-5 K par la démagnétisation nucléaire. Toutefois une analyse détaillée des expériences, même idéalisées, montre que: Il est impossible d'atteindre le zéro absolu par un nombre fini de cycles. 42 Moteur Stirling L'idée est de réchauffer et refroidir alternativement un gaz pour qu'il se dilate et se comprime dans un mouvement cyclique, entre deux températures T2>T1. Rendement de Carnot = 1-T1/T2. Le cycle se fait avec deux isochores et deux isothermes. Pour ne pas devoir allumer T2 et éteindre les réservoirs T1 de chaleur, on utilise un "déplaceur" du gaz qui l'amène alternativement en contact avec T1 et avec T2. 43 Comment fonctionne-t-il 1 2 2 1 On chauffe à gauche et le piston 1 descend 1 1 2 2 Le piston 2 est poussé vers le bas et le coté 1 se vide. Le gaz se refroidit. Le gaz retourne dans 1 et se chauffe 44