Quelle place donnée aux musiciens amateurs ? L`exemple de la

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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE l’OUEST - ANGERS
Institut d’Arts, Lettres et Histoire
Quelle place donnée aux musiciens amateurs ?
L’exemple de la Fête de la Musique à Angers
Simon PRIAROLLO
Sous la direction de
Monsieur Philippe AUDUBERT
Master Management du patrimoine, des arts et de la culture
Spécialité « Patrimoine, spectacle vivant et action culturelle »
Septembre 2007
Résumé
On sait l’engouement que crée la Fête de la Musique en
France et dans le monde aujourd’hui. Elle constitue, en
termes de population investie, la plus formidable
illustration de l’importance de la musique.
Plus particulièrement, elle donne une belle place aux
musiciens amateurs, en leur offrant ce soir là un espace
privilégié. Qui sont ces « amateurs » ? Quelle situation
actuelle ?
De plus, quelle est l’influence de la Fête de la Musique sur
la pratique de ces amateurs ?
Cette étude s’appuie sur l’édition 2007 de la Fête de la
Musique dans la ville d’Angers (49).
Mots-­clés
Fête de la Musique, pratique musicale amateur, Maurice
Fleuret, enseignement de la musique, musiques actuelles,
Angers.
Summary
Everybody knows the passion caused by the “Fête de
la Musique” in France and in the world today. In
terms of invested population, it constitutes the most
fantastic illustration of music importance.
Particularly, it offers the best place to the amateur
musicians, by offering them a privileged space this
evening. Who are those “amateurs”? Which current
situation?
Moreover, which is the influence of the “Fête de la
Musique” on the practice of these amateurs?
This work is supported by the 2007 edition of the
“Fête de la Musique” in the town of Angers (49).
Key words
Fête de la Musique, practice music as amateur, Maurice
Fleuret, musical education, « current » musics (« musiques
actuelles » in french), Angers.
2
Sommaire
Lexique____________________________________________________________________4
Introduction________________________________________________________________5
1.
Qu’est-­ce que la Fête de la Musique ?_______________________________________7
1.1.
Contexte de naissance ________________________________________________ 7
1.1.1.
Avant 1959 ____________________________________________________ 7
1.1.2.
De 1959 à 1981 _________________________________________________ 7
1.1.3.
Après 1981_____________________________________________________ 8
1.2.
Vers le lancement d’une « Fête de la Musique »…_________________________ 10
1.3.
Le concept de Fête de la Musique ______________________________________ 12
2.
La pratique musicale amateur en France___________________________________13
2.1.
Qu’est ce qu’un amateur ? ____________________________________________
2.2.
La formation ______________________________________________________
2.2.1.
En établissements scolaires : sensibilisation __________________________
2.2.2.
En établissements dédiés : approfondissement ou professionnalisation _____
2.3.
Le cas des musiques actuelles _________________________________________
2.4.
La vie musicale de l’amateur__________________________________________
13
16
16
18
21
24
3. Quelle influence de la Fête de la Musique sur la pratique amateur ? Cas particulier
des musiques actuelles sur la Ville d’Angers ____________________________________27
3.1.
La place donnée à l’amateur à Angers __________________________________
3.1.1.
A Angers, quels sont les besoins de l’amateur ? _______________________
3.1.2.
Quelles sont les solutions existantes et imaginables ?___________________
3.2.
Les rapports entre les objectifs de départ de la Fête de la Musique et la pratique
musicale actuelle _________________________________________________________
3.2.1.
Jouer ________________________________________________________
3.2.2.
« Montrer » la musique __________________________________________
3.2.3.
Le cas particulier du chant________________________________________
3.2.4.
Et le public ? __________________________________________________
3.2.5.
L’effacement des classes sociales et la non-hiérarchie des styles musicaux__
27
28
30
33
34
35
38
39
40
Conclusion ________________________________________________________________41
Table des annexes __________________________________________________________43
Références bibliographiques _________________________________________________67
3
Lexique
ADCEP
Association pour le Développement de la Création, Etudes et Projets
ADDM
Association Départementale pour le Développement de la Musique (et de la
Danse)
CEFEDEM CEntre de Formation à l'Enseignement de la Danse Et de la Musique
CENAM
Centre National de l’Action Musicale
CNDC
Centre National de Danse Contemporaine
CNSMD
Conservatoire National de Musique et de Danse
CRR
Conservatoire à Rayonnement Régional
CSMA
Conseil Supérieur des Musiques Actuelles
DEPS
Département des Etudes, de la Prospective et des Statistiques
DMDTS
Direction de la Musique, de la Danse et des Spectacles
NTA
Nouveau Théâtre d’Angers
NDT
Note du transcripteur (entretiens)
4
Introduction
« Fête de la Musique, Faites de la Musique ! »
C’est par ce slogan que Maurice Fleuret lance, en 1982, la première Fête de la Musique. Dans quel
dessein ? Il précisera lors d’une interview : « pour montrer que la France est musicienne avant que
d’être mélomane1 ». En effet, il croit profondément en la musique, tout d’abord comme moyen
d’épanouissement personnel.
On sait l’engouement que crée cet événement aujourd’hui. Curieusement, parmi tous les arts, seule la
musique réussit ce tour de force de réunir autant de personnes le jour de sa fête : depuis sa création en
1982, 79 % des français ont participé à au moins une édition2.
Il n’existe pas pour les autres arts, que sont la danse, le cinéma, la peinture, la sculpture, l’architecture
ou encore la poésie, d’événement qui les célèbre de cette façon. On peut citer en exemple la « Fête du
Cinéma », qui a lieu fin juin. Cet événement attire un nombre conséquent de spectateurs depuis 23
éditions, mais reste en deçà de l’ampleur de la Fête de la Musique. Il est intéressant de chercher
pourquoi leurs impacts sont différents. D’autres exemples se développent, comme « Lire en fête », ou
la « Fête de la Danse », ou encore la « Fête de la Peinture » (existe dans quelques régions seulement).
Pourquoi la Fête de la Musique remporte-t-elle un tel succès ? Est-ce la musique seule qui plaît ? Ou
bien est-ce la dimension festive ?
Maurice Fleuret croit ensuite en la musique comme vecteur de lien social.
Posons-nous la question : qu’est ce qu’une fête ? Selon le dictionnaire, il s’agit d’un « ensemble de
réjouissances collectives destinées à commémorer périodiquement un événement : […] la fête s'élabore
autour d'un thème mythique particulier et organise, sinon un désordre, du moins des dérogations à
l'ordre, pour obtenir ou réactualiser dans la conscience collective l'assentiment à l'ordre préconisé3 ».
Le jour de la Fête de la Musique est un jour où l’ordre musical n’existe plus. Chacun peut descendre
dans la rue, sur la voie publique, et jouer de la musique, jusque tard dans la nuit.
L’idée de faire une fête en l’honneur de la musique a rendu celle-ci populaire, dans le bon sens du
terme. La musique s’est démocratisée. Bien entendu, ce constat et le bon accueil que les français
réservent à la Fête de la Musique vont de pair, et s’amplifient l’un l’autre.
De plus, à l’heure actuelle, on sait combien les musiques sont hiérarchisées : il y a une musique
« noble » en France, qui résiste, et il y a les autres musiques. Ces dernières n’ont pas la reconnaissance
accordée depuis longtemps à la « grande » musique, c'est-à-dire à la musique classique. C’est une
question qui mérite une large réflexion, et nous ne nous lancerons pas aujourd’hui dans le débat.
Toujours est-il que le jour de la Fête de la Musique, cette hiérarchisation des musiques est largement
effacée. C’est la Musique au sens le plus vaste qui est reine, et tous les styles sont égaux.
Maurice Fleuret a voulu, enfin, donner une réelle place à la pratique musicale : « Tous les Français qui
font de la musique, quelque musique que ce soit, et de quelque manière qu’ils la fassent, descendront
1
Entretien télévisé de Maurice Fleuret par Philippe Caloni. INA. http://www.ina.fr/actualite/evenements/18-62003.fr.html. Entretien complet en Annexe 1.
2
DONNAT Olivier. « Les français et la Fête de la Musique, résultats d’une enquête menée fin juin 2000 ».
Département des Etudes et de la Prospective du Ministère de la Culture et de la Communication. 2000, 10 p.
Disponible sur http://www.fetedelamusique.culture.fr/fr/presse/enquete.pdf . (Consulté le 10/04/2007).
3
Définition tirée du site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. http://www.cnrtl.fr
5
dans la rue, en faire ensemble4 ». Plus particulièrement, il donne une belle place aux musiciens
amateurs.
Nous nous demanderons qui sont ces « amateurs » ? Puis nous nous pencherons sur leur situation.
Comment devient-on musicien amateur ? Le reste-t-on ?
Dans le cadre de mon stage j’ai été chargé de la coordination de la Fête de la Musique 2007 sur la ville
d’Angers. J’ai pu ainsi être en contact quotidien avec de nombreux groupes amateurs désireux de
participer à l’événement, afin de recenser leur programme et trouver ensemble un lieu qui convienne à
leur style musical, leur puissance sonore, leurs horaires et leur effectif. A mesure que mon stage
avançait, et donc que l’on se rapprochait du 21 juin, de plus en plus de musiciens se manifestaient
auprès du service Action Culturelle, dont je faisais partie, pour demander un lieu ou simplement pour
des renseignements.
Quel peut être, du point de vue de l’amateur, l’intérêt de participer à la Fête de la Musique ? Pourquoi
tant de musiciens se mobilisent-ils ce jour là ?
Je tenterai de répondre à ces questions au travers de mon expérience de coordinateur de la Fête de la
Musique à Angers. Ce sera l’occasion de dresser un état des lieux de la situation des musiciens
amateurs dans cette ville : quels sont leurs besoins ? Que proposent les acteurs angevins en faveur de
ces amateurs ?
Nous chercherons enfin quels peuvent être les rapports entre les objectifs de départ de la Fête de la
Musique et la pratique musicale d’aujourd’hui.
Si cette étude traite de toutes les musiques et de toutes les pratiques musicales, en troisième partie
l’accent sera mis sur les musiques dites « actuelles ». Après avoir défini ce terme peu évocateur, nous
verrons comment ces musiques présentent des spécificités en matière de formation, de besoins, de
« façons de vivre la musique ».
4
Cf. note 1.
6
1.
Qu’est-­ce que la Fête de la Musique ?
1.1. Contexte de naissance
Afin de comprendre le contexte dans lequel est née la Fête de la Musique il est important de revenir de
manière brève sur la place de la Culture dans l’histoire de la France.
De manière très schématique, on peut distinguer 3 grandes périodes : avant 1959, de 1959 à 1981, et
après 1981.
1.1.1. Avant 1959
A l’aube de la Troisième République, dans les années 1870, la culture ne s’identifie pas comme telle,
elle est assimilée aux « Beaux-arts ». Ceux-ci dépendent directement du Ministère de l’Education
Nationale, tout comme le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris.
Deux catégories d’artistes coexistent alors : ceux reconnus comme académiques… et les autres ! La
culture officielle s’adresse seulement à une élite.
Parallèlement, l’industrialisation en plein essor modifie la société, qui voit apparaître une classe
ouvrière à l’importance croissante. Cette émergence donne naissance à une culture dite populaire, qui
s’oppose naturellement à la culture dite académique. Toute cette période est fortement marquée par
cette dualité : d’un côté l’Etat, les arts « nobles », réservés à une partie seulement de la population, et
de l’autre, des associations qui développent leurs propres activités culturelles, ainsi que les
« mouvements d’éducation populaire », les futures MJC (Maisons des Jeunes et de la Culture).
1.1.2. De 1959 à 1981
Lorsque Charles de Gaulle est au pouvoir, il crée le Ministère des Affaires Culturelles et nomme André
Malraux à sa tête. Ce dernier nourrit le projet d’une « démocratie culturelle », dont le décret du 24
juillet 1959 définit la teneur :
« Le ministère chargé des Affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les uvres
capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ;;
d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des uvres de
l’art de l’esprit qui l’enrichissent ».
Cette volonté de démocratisation de la culture s’incarne notamment dans la création des Maisons de la
Culture, dont Malraux est à l’initiative. Celles-ci doivent permettre aux personnes d’accéder
directement aux uvres. Selon Malraux, la démocratisation culturelle « passait non par une éducation
spécifiquement culturelle ou par l’apprentissage des pratiques artistiques, mais par une mise en
présence de l’art, des uvres comme des artistes, et des publics qui n’avaient pas l’habitude d’une
telle rencontre5 ».
5
URFALINO Philippe. « L’invention de la politique culturelle ». Comité d’histoire du ministère de la culture,
Paris, 1996, p 36.
7
Dans cette conception d’accès à la culture, le ministère écarte l’idée d’une quelconque médiation par
l’apprentissage ou la pédagogie. Or, suffit-il d’être en présence d’une uvre d’art pour la comprendre
et savoir l’apprécier ? Ainsi, la démocratisation voulue par Malraux est comprise comme une
démocratisation de l’accès aux uvres – et encore à un certain type d’ uvres –, et par conséquent
réservée a une population « éduquée », qui les « comprend ».
1.1.3. Après 1981
L'arrivée de la gauche au pouvoir marque plus une amplification de la politique de Malraux qu'une
rupture avec celle-ci. Jack Lang se distingue d’emblée par une politique très offensive puisqu’il
parvient à doubler le budget de l’Etat alloué à la Culture, en atteignant la barrière significative de 1%.
De plus, Jack Lang ne se satisfait pas de cette distinction « artistes officiels » et « artistes marginaux ».
On intègre ainsi au ministère des disciplines culturelles nouvelles comme le rock, la bande dessinée, le
graff, ou le spectacle de rue. Le ministre dote ces formes plus populaires et mineures de moyens réels
pour exister, de la même façon que les arts académiques. La création est aussi favorisée.
Ainsi le décret du 10 mai 1982, relatif à l’organisation du ministère précise : « Le ministère chargé de
la culture a pour mission : de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de
créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ;; de
préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit
commun de la collectivité tout entière ;; de favoriser la création des uvres de l’art et de l’esprit et de
leur donner la plus vaste audience ;; de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français
dans le libre dialogue des cultures du monde6 ».
Pour évoquer le traitement réservé à la musique en particulier, il convient de se reporter quelques
années auparavant.
A la fin des années soixante-dix, la musique est devenue un fait de société. Il s’agit, selon l’expression
de Jacques Doucelin7 , d’un véritable « boom musical », résultat d’une politique musicale active et d’un
accès à la musique facilité par les médias audiovisuels et les moyens d’enregistrement. La vie musicale
n’est plus seulement l’affaire des musiciens ou d’un public distingué ; elle s’impose comme un
domaine culturel qui concerne, d’une manière ou d’une autre, l’ensemble de la population.
La perspective des élections présidentielles de 1981 accentue ce phénomène : elle contribue à inclure la
musique dans le projet culturel de l’opposition. Valéry Giscard d’Estaing (Parti Républicain) est alors
au pouvoir, et François Mitterrand (Parti Socialiste) convoite son poste depuis les élections de 1974.
Deux études viennent nourrir le débat. En novembre 1980, le Conseil économique et social fait rédiger
un rapport de trois cent pages, dit « Rapport Moreau ». Celui-ci constitue une importante source de
données en tous genres sur l’état musical de la France, et propose des recommandations pour palier les
manques mis en évidence, par exemple en matière d’éducation musicale populaire, de budget, ou de
développement de « lieux d’expression musicale et chorale ». Le rapport est approuvé par le Conseil à
143 voix sur 150.
6
7
Article « Ministère de la culture (France) », encyclopédie Wikipédia.
DOUCELIN Jacques. « L’enseignement musical en France, crise de croissance ». Diapason, mai 1978.
8
Dans le même temps, le gouvernement présente en une vingtaine de pages, le bilan d’une « politique de
la musique pour la France8 ». La publication quasi simultanée de ces études fait entrer la musique dans
la campagne électorale.
François Mitterrand élu, un homme, Maurice Fleuret, va entrer en scène et jouer un rôle primordial
dans la démocratisation de la musique, puisqu’il sera, au sein du cabinet de Jack Lang, l’initiateur de la
Fête de la Musique.
Maurice Fleuret (1932-1990) était compositeur, journaliste, critique musical, organisateur de festivals,
et occupera le poste de Directeur de la musique au ministère de la Culture de 1981 à 1986.
Obsédé par le souci de faire comprendre et apprécier la musique contemporaine du plus grand nombre,
il devient en 1961 journaliste musical au Nouvel Observateur en précisant d’emblée qu’il ne s’y « fera
pas l’écho des concerts qui font entendre à longueur de soirées les trois B : Brahms, Bach,
Beethoven9 ». Il souhaite « créer une nouvelle critique musicale, une chronique d’initiation à la
musique contemporaine et non de compte-­rendu 10 ».
Mais il ne peut se contenter de critiquer les idées des autres et leur façon d’aborder – ou de ne pas
aborder – la musique contemporaine sans agir lui même. En 1967, il abandonne ses articles et ses
conférences pour se consacrer à faire pénétrer la musique qu'il aime dans de nouveaux milieux. De
1967 à 1974, il organise ainsi avec succès des entreprises aussi différentes, ambitieuses et originales
que les Journées de musique contemporaine de Paris, le Festival Stockhausen de Chiraz-Persépolis ou
le Festival Xenakis de Bonn.
Producteur à partir de 1974 d’un magazine hebdomadaire (Evénements-Musique) à la radio, il
abandonne trois ans plus tard ses responsabilités au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, qu’il
occupait depuis 1967, pour se consacrer au Festival de Lille où Pierre Mauroy (Parti Socialiste) vient
d’être élu maire.
S’y faisant apprécier, il est ainsi nommé en novembre 1981 sous le gouvernement de ce dernier,
premier ministre de François Mitterrand, au poste de Directeur de la musique et de la danse au
ministère de la Culture.
Il insuffle à la France une réelle politique démocratique de la musique. La « démocratie musicale »,
pour lui et pour le Parti Socialiste de la fin des années 70, « ce n’est pas permettre à tous d’accéder à
la Musique (avec une majuscule), mais placer la musique au c ur de la vie sociale11 » :
« Expérimenter la démocratie serait redonner leurs responsabilités individuelles et collectives aux
élèves, aux interprètes, aux créateurs, créer d’autres rapports entre eux et le public, les amateurs, les
organisateurs, les médias12. »
8
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION. « Une politique de la musique pour la
France, 1974-1981 ». Actualités-documents.
9
DANIEL Jean. « Cet étranger qui me ressemble ». Paris, Grasset, 2004, p. 34.
10
DANIEL Jean. « La Blessure (1992) » in « uvres Autobiographiques ». Paris, Grasset et Fasquelle, 2003,
p. 430.
11
VEITL Anne et Noémi DUCHEMIN. « Maurice Fleuret, Une politique démocratique de la musique ».
Collection du Comité d’histoire de la culture et de la communication, Paris, 2000, p 63.
12
RENCONTRE NATIONALE DE LA CULTURE. « L’Etat et les musiques ». Organisée par la Fédération de la
Charente-Maritime et le Secrétariat national à l’action culturelle du Parti Socialiste, La Rochelle, 23 et 24 avril
1977.
9
1.2. Vers le lancement d’une « Fête de la Musique »…
Dès la fin des années soixante-dix, Maurice Fleuret, comme journaliste, se disait frappé par
l’importance du changement qui s’était produit en France au cours de la décennie : jamais les Français
n’avaient autant écouté et pratiqué la musique.
Dans ses articles, il s’était montré soucieux de saisir et de rendre compte de cette dynamique nouvelle
de la vie musicale. Dans le même temps, en tant que responsable de festivals, il avait tenu à associer
tous les musiciens, amateurs et professionnels, à des manifestations musicales ancrées dans une ville et
une région ; il avait notamment organisé à Lille des « concerts-promenades » dans les rues où chacun
pouvait écouter de lieu en lieu de courtes auditions.
On trouve ici des intuitions qui ont été reprises dans le projet Fête de la Musique. Celle-ci vit le jour
pour la première fois le 21 juin 1982, jour du solstice d’été.
Sa paternité n’est pas clairement établie13, mais un point fait consensus : cette manifestation musicale
correspondait à la personnalité du nouveau directeur de la musique et à la politique qu’il commençait
alors à mettre en uvre.
Annoncée aux médias au début du mois de juin 1982, l’idée aurait germé au cours d’une réunion entre
le ministre Jack Lang, Christian Dupavillon (membre du cabinet du ministre) et Maurice Fleuret, au
moment des délicats arbitrages budgétaires pour le budget de 1983. Tous trois étaient alors soucieux de
mettre en place des actions qui pourraient démontrer l’importance de la musique en France. Le projet
d’une telle fête serait né après qu’ils eurent pris connaissance des résultats d’une étude sur les pratiques
culturelles des Français : elle montrait que près de cinq millions de personnes pratiquaient la musique
occasionnellement et qu’un jeune sur deux avait une activité musicale à un moment ou à un autre14. Par
ailleurs, cette étude révélait qu’un Français sur trois possédait chez lui au moins un instrument de
musique !
Dès lors, pourquoi ne pas inviter, à l’arrivée de l’été, le soir du plus long jour de l’année, tous ces
musiciens à descendre dans la rue pour se faire entendre et rendre ainsi plus manifeste un tel
phénomène musical ?
L’extrait qui suit est une interview télévisée de Maurice Fleuret par Philippe Caloni à la Direction de la
Musique, quelques jours avant le 21 juin 1982. On sent de manière claire le renversement de Culture
que veut permettre Maurice Fleuret.
Maurice Fleuret : Tous les Français qui font de la musique, quelque musique que ce soit, et de
quelque manière qu’ils la fassent, descendront dans la rue, en faire ensemble, pour se
connaître, et – je crois – pour montrer que la France est musicienne avant que d’être
mélomane.
Philippe Caloni : Et alors, ça signifie que vous allez faire sortir quoi ? Cinquante millions de
Français dans la rue ?
M.F. : Au moins cinq millions, puisqu’il y en a cinq millions qui font de la musique. Il y a un
Français sur trois qui possède au moins un instrument de musique… c’est déjà beaucoup.
13
Elle aurait trois pères, au moins : Jack Lang, Christian Dupavillon et Maurice Fleuret.
Il s’agit de la deuxième grande enquête sur les pratiques culturelles menée par le service des études et de la
recherche du ministère de la Culture, publiée en 1982.
14
10
P.C. : Oui, mais Maurice Fleuret, le fait que des Français, enfin un Français sur trois possède
un instrument de musique, signifie-­t-­il qu’ils font de la musique ? Et d’abord qu’est-­ce que ça
veut dire que faire de la musique ?
M.F. : Et bien c’est faire plus que d’en écouter. Ecouter de la musique, ce n’est pas suffisant.
Nous sommes dotés de tout ce qu’il faut pour faire de la musique. Nous avons tous une voix,
nous avons tous des bras, des mains, pour faire sonner les corps sonores.
Alors si nous ne produisons pas des sons par nous même, nous ne devenons… que de grandes
oreilles ! Et ce peuple Français, à qui on a dit, à qui on a répété depuis toujours qu’il n’était
pas musicien, à côté des Allemands, à côté des Italiens, et même des Anglais aujourd’hui, ce
peuple Français est un peuple musicien, et pas seulement mélomane !
P.C. : Et alors qu’est-­ce qui va se passer ? Qu’est-­ce que vous souhaitez qu’il se passe ?
M.F. : Nous savons déjà qu’il va se passer beaucoup de choses, car les collectivités locales, les
municipalités, les départements, les régions ont répondu à notre appel. Les institutions, les
associations, les individus… Et je peux vous assurer qu’on verra et entendra des choses
étranges. Bien sûr les grandes institutions sortiront, joueront sur le parvis, mais il y aura aussi
des gens qui descendront jouer de l’accordéon. Il y aura dans des villes comme Angoulême ou
Besançon les cloches des églises qui sonneront à toute volée ;; dans le port de Marseille les
sirènes des bateaux… Tout ce qui fait musique fera musique ce soir là sur l’ensemble du
territoire15.
Au départ, l’idée, prudente, consiste à organiser un concert de rue géant, et ce seulement entre 20 h et
20 h 30, mais les réponses à l’appel lancé par le ministère (« Faites de la musique ! ») dépassent très
vite les prévisions les plus optimistes. Des milliers d’initiatives dans toute la France sont recensées et
annoncées16, venues de tous les acteurs du monde musical, en partenariat avec les collectivités locales,
l’Éducation nationale, les médias audiovisuels, mais aussi l’armée, le clergé, la SNCF, etc.
Néanmoins, la veille du lundi 21 juin 1982, il est intéressant de noter combien le projet suscite encore
interrogations et sourires amusés tant chez les musiciens professionnels que chez les observateurs de la
vie musicale. On peut lire dans Le Monde :
« Idée géniale ou saugrenue ? Le "plus grand événement musical jamais organisé", comme il est
écrit dans le dossier de presse, ou grosse fête patronage ? Une idée assez folle – qui peut nier le
côté démesuré de cette explosion de sons sur toute la France ? – pas tout à fait nouvelle
(l’expérience a déjà été tentée en 1976 puis en 1977 par France-­Musique), un peu hâtive peut
être – elle remonte à une vingtaine de jours à peine, – très loin d’une certaine conception de la
fête populaire, rituel qui se prépare longuement. Une idée un peu à la manière du ministre de la
Culture, bousculante.
[…] Pourquoi au fait ? Pour éveiller les Français à la musique ? Quelles musiques ? S’agit-­il
d’amuser le peuple ? Pourquoi ce grand rassemblement ? Une idée de Mai 68, l’art dans la rue,
la musique pour tous – et par tous – la grande différence étant que la demande ici vient du
pouvoir, que le chahut est organisé d’en haut. Qu’importe, dira-­t-­on, la demande a eu de
l’écho17 ».
15
Entretien télévisé de Maurice Fleuret par Philippe Caloni. INA. http://www.ina.fr/actualite/evenements/18-62003.fr.html. Entretien complet en Annexe 1.
16
Une cellule, pilotée par Camille Roy, coresponsable du département de l’action musicale, et composée de
membres du Cenam (Centre National de l’Action Musicale), est chargée de l’organisation de la première édition
de cette fête.
17
HUMBLOT Catherine. « Le Monde ». 20-21 juin 1982.
11
A d’autres endroits, certains observateurs doutent de la pérennité de l’entreprise.
Dès le lendemain, le diagnostic est différent. Si l’impact réel de la fête reste encore difficile à évaluer et
si des questions subsistent, le sens partagé de cette fête apparaît plus clairement. Car le résultat est bien
là : les gens se sont mobilisés en masse et interrogés. A travers cette invitation à la fête, une manière de
vivre et de penser jusque là la musique est mise à l’épreuve de la réalité.
1.3. Le concept de Fête de la Musique
Depuis sa première édition, la Fête de la Musique satisfait à ses quatre principes fondateurs :
Valorisation des amateurs et de leur pratique musicale, illustrée par la formule de
Maurice Fleuret : « Montrer que la France est musicienne avant d’être mélomane » ;
Gratuité ;
Expression de toutes les musiques, sans hiérarchie de genres ;
Extension à l’ensemble du territoire : décentraliser la culture, afin que du centre-ville
aux banlieues et aux campagnes, « la musique [soit] partout et le concert nulle
part », toujours selon Maurice Fleuret.
Elle a donc été voulue comme une fête populaire, gratuite, nationale, qui célèbrerait toutes les
musiques et mettrait en valeur la diversité des pratiques musicales. Force est de constater que ce
concept a fonctionné sans doute au-delà des espérances de ses créateurs, illustrant un fort appétit de
jouer et d’écouter de la musique.
Une étude datant de 1998 présente des chiffres qu’il faut mettre en lien avec le succès croissant de la
Fête de la Musique : 32% des français de 15 ans et plus ont joué d’un instrument ou fait du chant à un
moment de leur vie, et 18% l’ont fait au cours des 12 derniers mois18. Aujourd’hui en 2007, on peut
imaginer sans se tromper que les 32% ont été dépassés.
La simplicité de l’événement contribue à sa notoriété. Bien sûr, certains lieux s’organisent plusieurs
semaines voire plusieurs mois en amont, louent du matériel coûteux, travaillent la communication,
voient leurs artistes répéter de longs mois…
Mais d’autres lieux accueillent des initiatives spontanées et improvisées, sans aucun moyen matériel
particulier, et qui plaisent tout autant. C’est cette coexistence des genres et cette non-hiérarchie des
musiques qui font la spécificité de la Fête de la Musique.
Autre singularité : l’événement appartient d’abord à ceux qui le font, plus qu’au public. La pratique y
est reine.
A partir de 1985, Année Européenne de la Musique, la Fête s’internationalise (20 pays cette année là),
jusqu’à toucher environ 130 pays et 400 villes en 2007.
18
MINISTERE DE LA CULTURE. « Enquête Pratiques culturelles des Français ». DEP, 1998.
12
2.
La pratique musicale amateur en France
« Ces vingt dernières années, les pratiques n'ont cessé de s'étendre et de se diversifier. Surtout,
elles participent aujourd'hui d'un mouvement qui s'est inscrit soudainement dans la création de
nouvelles esthétiques : à côté du rock ou des musiques traditionnelles, en perpétuelle recherche,
le hip hop, le rap et la techno, tous issus de pratiques amateurs, ont inventé des formes
d'écriture, des langages et une vision du monde aussi neuve que profondément ancrée dans notre
société »19.
Tout d’abord, qui sont les musiciens amateurs ?
2.1. Qu’est ce qu’un amateur ?
Si l’on se réfère au dictionnaire, le terme « amateur » désigne quelqu'un qui s’intéresse à un art ou à
une science pour son plaisir. Dans une acception plus péjorative du mot, on parle de quelqu’un qui
manque de zèle ou de compétences dans ce qu’il fait. Mais ce deuxième aspect ne sera pas développé
ici.
Un postulat de départ s’impose : pour qu’il y ait « amateur », il faut qu’il y ait « professionnel ».
« L'idée d'une pratique artistique amateur ne prend sens que dans une culture où des artistes se
revendiquent comme professionnels et où les institutions les reconnaissent comme tels. Notons au
passage qu'on ne parle jamais de pratiques professionnelles, et rarement d'artistes amateurs » 20.
Dans le domaine qui nous occupe, celui de la musique, un amateur se présente comme un musicien en
voie de professionnalisation… ou pas du tout. C’est une première nuance importante. La pratique
musicale amateur constitue une activité qui se suffit à elle-même, qui ne vise pas forcément un autre
statut. Un professionnel passe toujours par ce stade, et en sort. Mais l’amateur peut aussi y rester.
Une pratique amateur est donc une pratique non professionnelle, autrement dit, les musiciens amateurs
ne vivent pas de la musique.
Le statut du musicien professionnel peut être assez facilement défini : il s’agit soit d’un intermittent du
spectacle, soit d’un enseignant (en conservatoires, en écoles de musique, en collèges, en lycées, à
l’université), soit d’un intervenant (en écoles primaires et maternelles, en maisons de quartier, en
crèches, en hôpitaux,…), soit encore d’un salarié (en orchestres nationaux,…).
Le musicien amateur, quant à lui, possède un statut plus difficile à circonscrire. C’est d’ailleurs là toute
sa richesse.
« Parmi ceux qui sont aujourd'hui en activité, on observe une grande diversité (probablement
croissante) des références musicales, des modalités de pratique et des rapports au monde des
professionnels, même au sein des amateurs d’un même instrument. Deux attitudes, elles-­mêmes
plurielles, bornent le monde éclaté des musiciens amateurs : celle des minorités de semi-­
professionnels, d’aspirants professionnels ou d’amateurs passionnés et celle des pratiquants qui
19
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION. « La pratique musicale amateur ». Lettre
d’information, 26 avril 2000.
20
HILLIOT Dana. « Professionnels versus amateur ». 2006. Article en ligne, disponible sur
http://www.covertprestige.info/2006/07/29/66-dana-hilliot-professionnels-versus-amateurs.
13
considèrent la musique comme une simple activité de détente ou de sociabilité, éphémère ou
épisodique. Entre les deux, coexistent et fréquemment s’ignorent les multiples manières de vivre
son intérêt pour la musique21 ».
L’amateur, au sens étymologique, c’est celui qui aime. Cela dit, « on ne peut tout de même pas refuser
au professionnel d’être un amateur dans l’âme (c'est-­à-­dire d’aimer ce qu’il fait) et de demeurer un
amateur… comme les autres ! 22 »
Souvent, une idée associe la notion d’amateur à celle d’adulte. Les jeunes dans les écoles de musique
seraient des apprenants. Ils ne sont ni enseignants, ni amateurs occupant leurs loisirs à leur activité
favorite.
Pourtant, s’il existe une différence entre les adultes et les jeunes, au sujet de leur statut social, ces
derniers ne recherchent-ils pas également un loisir dans la pratique musicale ? A moins que pour
certains, ce choix ne soit pas délibéré, mais uniquement contraint par l’éducation des parents.
Dans cette situation où le jeune qui suit des cours n’est pas assimilable à un amateur, le vrai amateur
est considéré comme un musicien autonome. C'est-à-dire quelqu’un ayant suffisamment de maîtrise
pour se débrouiller seul avec son instrument. Quelqu’un qui peut prendre en main sa vie musicale, qui
sait quel style de musique il souhaite pratiquer et qui est capable de s’informer des endroits où il peut
jouer. « Une certaine forme de professionnalisme en somme »23.
Ceci étant dit, pour la suite du travail nous ne tiendrons pas compte de cette notion d’âge, et nous
considèrerons que tous les musiciens qui ne sont pas professionnels sont des amateurs.
Nous pouvons conclure ce bref aperçu de l’amateur en notant qu’il possède un statut difficile à cerner
de manière claire.
D’un point de vue juridique
D’un point de vue juridique, le statut de l’amateur notamment dans le domaine des musiques
actuelles24, est devenu obsolète car il repose sur un décret datant du 19 décembre 1953, qui n’a pas été
mis à jour depuis. Le Conseil Supérieur des Musiques Actuelles (CSMA)25 mis en place en 2006 a
permis de constituer quatre commissions, donc une qui traite justement de la musique en amateur.
Le site de l’IRMA26 fait le point sur ce que l’on sait aujourd’hui :
« Amateur ou professionnel ?
Dans l’état actuel des textes, les amateurs dans le spectacle sont définis dans le droit français
comme des personnes qui « ne reçoivent [...] aucune rémunération, mais tirent leurs moyens
habituels d'existence de salaires ou de revenus étrangers aux diverses activités artistiques des
professions du spectacle » (Décret n° 53-1253 du 19 décembre 1953). […] Seul le
21
MINISTERE DE LA CULTURE. « La musique en amateur », in « Développement Culturel ». Direction de
l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, N° 107, juin 1995.
22
ARIAM ILE DE France. « Citoyen musicien ». Les pratiques instrumentales amateurs, mai 1995.
23
Ibid.
24
Le cas particulier des musiques actuelles : voir 2.3.
25
Idem.
26
Le centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) est un organisme conventionné
par le ministère de la Culture et de la Communication, ouvert à tous les acteurs des musiques actuelles pour leur
information, leur orientation, leur conseil ou leur formation. http://www.irma.asso.fr/
14
remboursement sur justificatifs des frais réellement engagés pour cette prestation ou cette activité
est possible.
Il n’existe pas de définition du professionnel. Par contre, le Code du travail précise que « Tout
contrat par lequel une personne morale ou physique s'assure, moyennant rémunération, le
concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail
dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant
son inscription au registre du commerce. » (Article L. 762-1). Le mode de rémunération doit se
faire sous la forme de salaire avec remise d’un bulletin de paie. C’est ce qu’on appelle la «
présomption de salariat » qui s’applique pour toutes les activités du spectacle (concert, bal,
animations...).
Attention ! Le parallèle entre les deux textes montre que toute rémunération versée à un
chanteur, un musicien ou un danseur implique un salaire et un bulletin de paie, quelle que soit,
par ailleurs, la profession qu’il exerce habituellement — et donc qu’il soit professionnel ou
non... »
L’idée, proposée par Jérôme Bouët déjà en 2004, est « un texte législatif, qui pourrait être un cadre de
la loi d’orientation sur le spectacle vivant, [qui] doit donner aux amateurs un cadre clair concernant
leur participation à des spectacles publics, en préservant l’emploi culturel de la concurrence abusive
du travail insuffisamment ou non rémunéré. Seraient notamment mobilisés structures de diffusion,
conservatoires et écoles de musiques. Les pratiques amateurs seraient soutenues et encouragées, en
particulier dans les festivals amateurs et dans le monde de l’entreprise27 ».
Voici, en résumé, quelques points à retenir :
Contrairement au professionnel, qui a choisi une activité musicale dont il dépend financièrement,
l’amateur pratique la musique par plaisir uniquement. Il exerce un loisir de son plein gré en dehors de
son activité principale – professionnelle ou scolaire.
Amateur est synonyme de diversité. Il n’existe pas de stéréotype, mais un ensemble d’individus avec
autant de niveaux instrumentaux, de milieux, de cultures musicales, de goûts, d’âges, et de statuts
sociaux différents.
De manière transversale, on peut toutefois s’interroger : comment l’amateur devient-il amateur ? De
quels moyens dispose-t-il pour se former ? Ces formations sont elles indispensables ?
27
BOUËT Jérôme. « Propositions pour préparer l’avenir du spectacle vivant ». Rapport rédigé en 2004 alors qu’il
était Directeur de la DMDTS. Extrait tiré du magazine « La Scène », n°35, décembre 2004, page 30.
15
2.2. La formation
28
En guise d’introduction, voici quelques chiffres .
Ont appris la musique (plusieurs réponses possibles)…
. avec un professeur particulier
. dans une école de musique ou un conservatoire
. au collège, au lycée, en université
. seul, sans aucune aide
. avec des membres de leur famille
. avec des amis
. dans une association, une M.J.C.
Sur 100 musiciens
amateurs en activité
32
29
26
16
10
11
9
2.2.1. En établissements scolaires : sensibilisation
« Apporter des connaissances sur la musique et le sonore d’une part, développer des compétences
pour écouter et produire la musique d’autre part », forment les deux axes pédagogiques majeurs de
l’éducation musicale dans l’enseignement scolaire29.
En maternelle et en primaire (élèves de 3 à 10 ans environ), des intervenants, souvent titulaires du
DUMI (Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant), éveillent les enfants à la musique de manière
ponctuelle ou tout au long de l’année.
Plus les enfants sont jeunes, plus les activités proposées sont tournées vers une découverte concrète de
la musique. L’enseignement se caractérise par « la recherche d’un équilibre entre activités visant le
plaisir de faire de la musique et activités mises au services d’apprentissages précis »30.
Ainsi, l’objectif est de « conduire tous les élèves à une émission vocale dont les différents aspects sont
progressivement contrôlés, à la mise en uvre de plus en plus consciente et volontaire des conditions
d’une écoute active et adaptée à différents contextes, à l’appropriation de traits spécifiques des
différents chants du répertoire, à l’identification des caractéristiques saillantes de musiques
appartenant à des contextes culturels diversifiés, et au recours à une langue de plus en plus précise
pour exprimer ses sensations et émotions, ses choix et ses goûts »31.
La musique joue aussi un rôle dans la façon d’appréhender une nouvelle langue, étrangère, régionale,
ou même maternelle. On y prend en compte le corps. Il s’agit de « fixer l’acquisition de la pulsation et
du tempo, parvenir à une meilleure maîtrise des gestes dans les activités d’accompagnement et
28
Ceux-ci datent malheureusement de 1995. MINISTERE DE LA CULTURE. « La musique en amateur ».
Direction de l’administration générale, Bulletin du Département des études et de la prospective, N°107, juin
1995, page 5.
29
Site EDUCNET. Rubrique Education musicale. http://www.educnet.education.fr/musique/index.htm . (Mis à
jour toutes les semaines, consulté le 12/06/2007).
30
MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE. « Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? ». Page 135.
31
Ibid.
16
renforcer l’exactitude rythmique »32. La voix est largement utilisée, ainsi que des instruments simples
et robustes.
La pratique musicale à proprement parler n’est donc pas prioritaire, l’enfant apprend d’abord à
« ressentir » la musique.
Au collège (élèves de 10 à 15 ans environ, cours obligatoire), des enseignants titulaires du CAPES
travaillent une heure par semaine avec chaque classe. Le programme décrit une pluralité d’activités
possibles pendant le cours, orientées autour de ces quatre axes : chanter, écouter, jouer, inventer.
« Une production sonore riche de diversités et propice au sentiment partagé de plaisir musical
demeure l'objectif prioritaire de l'ensemble des activités33 ».
La classe de 3ème , dernier palier de la formation musicale obligatoire dans le système scolaire, se doit
de synthétiser l’ensemble des apprentissages et des contenus disciplinaires dispensés depuis l’école
élémentaire, et de préparer ceux des élèves qui le souhaitent à l’enseignement optionnel proposé au
lycée. « Il importe que les élèves quittent l’enseignement obligatoire de la musique avec le sentiment
d’avoir découvert – et peut-­être aimé – des univers musicaux multiples leur permettant d’exercer au
mieux leurs propres choix34 ».
La légendaire flûte à bec n’est pas systématique, mais elle est peu onéreuse, facilement transportable, et
assez simple d’utilisation. C’est pour ces raisons qu’elle est souvent choisie.
Au lycée (élèves de 15 à 18 ans environ, cours optionnel), « l'enseignement de la musique se situe dans
la continuité de celui dispensé au collège au titre de l'éducation musicale obligatoire. Il y ajoute une
dimension technique et culturelle renforcée. Il est constamment irrigué par des pratiques créatives
exigeantes et des échanges avec le monde artistique » 35.
L’option musique peut être présentée au Baccalauréat, au même titre que l’option Sports, Arts
Plastiques, TPE, Européenne, etc. Les élèves qui soutiennent l’épreuve ont pour la plupart suivi
l’option depuis la seconde, mais certains la passent en tant que candidats libres. Dans les deux cas,
l’épreuve consiste en un commentaire comparé d’une uvre étudiée avec une autre moins connue,
ainsi qu’en une prestation instrumentale : le candidat interprète avec son instrument, ce peut être le
chant, une pièce qu’il aura préalablement introduite et qui devra avoir un lien avec l’un des
compositeurs étudiés dans l’année.
Au cours de la scolarité, en plus des cours d’éducation musicale décrits ci-dessus, peuvent se glisser
des actions temporaires en lien avec la musique. C’est le cas du programme « Musique au collège » de
l’association Musique et Danse 44 (ex-ADDM 44), qui se présente ainsi :
« De la simple rencontre musicale au parcours artistique, voici donc une série de propositions pour
accompagner et alimenter vos projets de classe, pour ouvrir grandes les portes du collège à la musique
vivante et à la rencontre avec des artistes engagés dans la transmission » 36. Ces actions peuvent
épauler les enseignants en leur proposant des travaux à réaliser en dehors de la classe, pouvant servir
d’appui à un projet mené sur toute l’année par exemple.
32
Ibid.
Site EDUCNET. Rubrique Education musicale au collège. http://www.educnet.education.fr/musique/index.htm
. (Mis à jour toutes les semaines, consulté le 12/06/2007).
34
Ibid.
35
Ibid., rubrique Education musicale au lycée.
36
Présentation de la programmation "Musique au collège" 2007/2008, site de Musique et Danse 44.
33
17
La musique à l’école occupe un espace restreint si l’on compare son volume horaire à celui des autres
cours. En revanche, elle est obligatoire, et le nombre d’heures effectuées sur les quatre années que dure
le collège est relativement consistant.
Au lycée, l’élève choisit de continuer dans le cadre d’une spécialité. Par conséquent le nombre
d’heures augmente, mais la quantité d’élèves qui en profite diminue fortement.
Ainsi, dans l’ensemble, la pratique instrumentale reste minimale dans le milieu scolaire. En maternelle
et primaire elle consiste en une initiation aux sons. De cette imprégnation à la musique on avance vers
une théorisation progressive. La pratique, quant à elle, puisqu’elle doit réunir tous les élèves, est d’une
manière générale relativement simplifiée.
Cela dit, la musique à l’école n’a pas pour vocation de former des musiciens confirmés. Elle cherche à
sensibiliser tous les élèves à l’écoute de la musique, à son histoire, aux différents courants musicaux, et
aussi à leur faire goûter à la pratique d’un instrument.
Quoi qu’il en soit, le maintien de la musique à l’école est défendu ardemment par certains car elle
constitue une ouverture d’esprit à une forme artistique, et est considérée comme indispensable à la
culture « générale » des futurs adultes.
La liberté appartient aux élèves d’approfondir par la suite, ou en parallèle de ces cours « découverte »,
en suivant des cours de musique en établissements dédiés.
2.2.2. En établissements dédiés : approfondissement ou
professionnalisation
Pour faire suite à l’initiation à la pratique musicale proposée à l’école, ou bien de manière tout à fait
indépendante, il est possible de suivre des cours de musique dans des contextes dédiés à cette activité.
Il est difficile de les présenter de manière claire et ordonnée tant leur diversité est grande.
L’enseignement classique « traditionnel »
On distingue dans cette catégorie l’enseignement supérieur de l’enseignement non supérieur37.
L’enseignement supérieur est assuré par les Conservatoires Nationaux Supérieurs de Musique et de
Danse (C.N.S.M.D.) de Lyon et de Paris. Ils relèvent de deux ministères, le Ministère de l’Education
Nationale (plus particulièrement pour les enseignements théoriques et musicologiques) et le Ministère
de la Culture (plus particulièrement pour la formation des praticiens : interprètes, compositeurs, etc.). Il
s’agit de structures professionnelles d'enseignement dont la mission première est de former les artistes
de demain, accessibles sur concours. L'obtention du diplôme (DFS à Paris et DNESM à Lyon),
homologué à bac+4, vient sanctionner le parcours de l’étudiant. Il existe également un cycle de
perfectionnement n'offrant pas de diplôme homologué, mais une certification par les deux
établissements. En plus de la pratique de l’instrument, ces établissements forment aussi à la pédagogie,
à travers le Certificat d’Aptitude (CA).
37
Encyclopédie Wikipédia. « Enseignement spécialisé de la musique en France ».
18
L’enseignement non supérieur, quant à lui, peut être public ou privé :
Public :
Le réseau des établissements d'enseignement musical, chorégraphique et théâtral spécialisé contrôlés
par l'État est constitué de 36 Conservatoires à Rayonnement Régional (CRR), de 104 Conservatoires à
Rayonnement Départemental (CRD) et de 245 Conservatoires à Rayonnement Communal ou
Intercommunal (CRC/CRI). Ces établissements sont dans leur quasi-totalité des services municipaux
gérés en régie directe. L'enseignement y est organisé en cycles, le passage d'un cycle à l'autre se faisant
par un examen.
Les « écoles de musique » publiques n’existent plus en théorie et portent depuis le décret du 12 octobre
200638 le nom de « conservatoires ».
Privé :
On distingue trois types de structures :
Les écoles de musique associatives : elles sont parfois subventionnées par les
municipalités ne souhaitant pas ou ne pouvant pas avoir de structure municipale, ou
financées par des cotisations et des frais de scolarité. Par leur statut d’association,
elles sont dispensées de l’appellation « conservatoire ». Elles étaient au nombre de 3
322 en 200639.
Les cours privés : il n'existe pas de règles qualitatives régissant cet enseignement ;
n'importe qui peut proposer des cours privés, à condition d'être en conformité avec le
code du travail et la fiscalité. J’y reviens dans la partie suivante.
Les grandes écoles de musique privées : ce sont des établissements prestigieux qui ne
délivrent par de diplômes « homologués » mais dont la qualité est incontestée. Elles
sont peu nombreuses dans ce cas. Exemples : l’école Normal Alfred Cortot de Paris,
ou l’American School of Modern Music of Paris.
Les organisations parallèles
Les cours privés
Assurés par des professeurs indépendants ou regroupés au sein d’une structure, il est difficile d’évaluer
la place que prennent les cours particuliers en France aujourd’hui. A qui s’adressent-ils ? Des pages
internet présentant ces offres annoncent « un enseignement sans contraintes », « sur mesure », ailleurs
« des solutions souples et compatibles avec votre rythme », « pour que l’apprentissage de la musique
ne soit plus une contrainte »…
Un passage évoque les raisons pouvant amener les familles à utiliser ces formules :
« Ces familles se heurtaient à la difficulté d’identifier les professeurs compétents pour leurs enfants,
aux contraintes de déplacement nécessaire pour amener les enfants chez leur professeur de musique et
à la rigidité de l’enseignement dispensé. » 40
38
Décret n° 2006-1248 du 12 octobre 2006 relatif au classement des établissements d'enseignement public de la
musique, de la danse et de l'art dramatique. Il précise : « Le classement prend en compte, notamment, la nature et
le niveau des enseignements dispensés, les qualifications du personnel enseignant et la participation de
l'établissement à l'action éducative et culturelle locale ».
39
« Mini chiffres-clés 2006 », site du ministère de la Culture, rubrique « Musique et danse ».
40
Site « Allegro Musique », rubrique Qui sommes nous ? http://www.allegromusique.fr/quisommesnous.html
19
Ces offres se présentent elles-mêmes comme une alternative à l’enseignement classique des
conservatoires, mettant en avant le plaisir, la souplesse, par opposition à ces lieux qui seraient
synonymes de rigidité, et susceptibles de susciter un malaise chez les enfants.
On constate des tarifs plutôt élevés pour un « accompagnement adapté », qui donne à l’élève « des
compétences utilisables immédiatement », car le but recherché est de pouvoir jouer rapidement, voire
tout de suite (le nom Allegro Musique est bien choisi). Il est évident que c’est ce que souhaite tout
établissement d’enseignement de la musique. Mais, autant les conservatoires sont réputés pour leur
rigueur, pour l’importance qu’ils donnent au travail et à la théorie, autant les cours privés, dans la
lignée de ceux proposés par Allegro Musique, mettent en avant le plaisir de jouer, avec le minimum de
contraintes, et sans formation théorique laborieuse.
Les stages
Les stages offrent un moyen de sortir des disciplines traditionnelles sans pour autant intégrer d’école
spécialisée. Ils se tiennent souvent lors des vacances scolaires. Selon la structure organisatrice ils
s’ouvrent aux musiciens débutants ou aux confirmés, aux élèves inscrits dans l’année, aux adultes
désireux de se (re)mettre à la musique... Il peut s’agir de travailler intensivement une discipline suivie
au long de l’année, ou bien de découvrir une discipline qui n’est pas dispensée d’habitude, ou encore
d’approfondir un volet peu exploré de l’enseignement habituel.
Par exemple, à Angers cette année a lieu le deuxième « Stage d’été du Jazz », organisé au CRR
d’Angers par des intervenants pour la plupart issus de l’école « Jazz à Tours ». L’enseignement
dispensé dans le stage se rapproche de celui dispensé dans cette école, d’autant que celle-ci propose
dans l’année des cours d’initiation jazz. Mais les jeunes peuvent le découvrir sans s’engager pour une
année. Il s’agit d’une sorte de mise en bouche, qui rencontre du succès puisque l’expérience se
reconduit cette année, avec quelques améliorations.
Cours privés et stages constituent des moyens précieux de garder au sein de l’enseignement de la
musique en France une réelle ouverture aux « autres musiques », comme les musiques dites
« actuelles », concept que nous décrivons ci-après.
En effet, il faut admettre que les musiques « classiques » prennent énormément de place dans les
conservatoires et écoles de musique. Ce point soulève un certain nombre de questions.
Denise Zoogones, ex-étudiante au CEFEDEM de Lyon, s’interroge dans son mémoire de fin d’étude
sur les « musiques exclues » : « peut-­on dire que les autres musiques venant d’esthétiques différentes
ont, elles aussi, droit de cité dans les conservatoires ? » Elle constate combien les « autres » musiques
sont souvent absentes de ces établissements. Pour elle, ce problème vient de la « hiérarchisation des
cultures musicales » ou des « conceptions différentes de la notion de Culture ».
« Comment sont vues des musiques telles que le rap, la techno ou la musique électroacoustique du
point de vue de l’institution ? On retrouve cette même hiérarchisation dans les couches de la
population ». Ainsi, Pourrait-on affirmer qu’à une couche de la population correspondrait un type de
musique ? Et que par conséquent, si l’on ouvrait les conservatoires à toutes les musiques, on y
retrouverait toutes les couches sociales ?
Ce dernier point met le doigt sur l’élitisme persistant des établissements d’enseignement de la musique.
Ouvrir l’institution aux « autres » musiques serait ouvrir aux classes plus défavorisées une culture et
des enseignements réservés jusqu’alors à une faible part de la population, la part la plus favorisée.
20
Un exemple angevin d’ouverture à de nouvelles esthétiques musicales : la création du
département « Musiques Actuelles » au CRR en septembre 2007
L’extrait qui suit présente une décision du conseil municipal pour la création du département Musiques
Actuelles au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Angers. Il définit les conditions de sa création.
« Le Ministère prône une ouverture des Conservatoires aux musiques actuelles. Un diplôme
spécifique a même été créé. Quelques établissements d’enseignements se sont donc positionnés
sur les musiques actuelles comme l’école Nationale de Musique, de Danse et d’Art Dramatique
de Cholet. Ce n’est pas le cas d’Angers.
Les spécificités des musiques actuelles : mode de transmission et de pratique collective
privilégiant l’oralité (absence de partitions), capacité de création collective, minimisation des
questions de virtuosité et d’excellence… Sans vouloir faire s’opposer caricaturalement
"académisme" d’un côté et "autodidactie" de l’autre, il s’agit de développer les expériences
d’apprentissage et de pratique d’ateliers menées par le secteur des musiques actuelles ».
Ce département ne va pas contenter tous les musiciens angevins pratiquant les musiques actuelles en
amateurs, mais il va apporter une formation solide à une partie d’entre eux, notamment les jeunes.
Les contenus d’enseignement dans cette branche du conservatoire seront assurés par deux intervenants
diplômés en Jazz et en Musiques Actuelles, sur un total de 20 heures de cours par semaine pour
l’instant. Deux studios de répétition ainsi qu’une salle MAO (Musique assistée par ordinateur) sont en
cours d’aménagement.
2.3. Le cas des musiques actuelles
Le terme « musiques actuelles » est déroutant. On entend par là de nombreux styles musicaux, qui vont
du rock à la techno, en passant par le hip-hop, la chanson et les musiques expérimentales. C’est un
véritable monde sonore, un « fourre-tout » dont il est difficile de faire le tour.
De plus ces musiques évoluent en permanence, comme toutes les musiques qui vivent. Elles
s’influencent les unes les autres, et les styles se multiplient…
On pourrait parler de pratique non-académique ou encore de culture populaire, de loisirs. Son
apprentissage se fonde moins sur l’écriture et plus sur l’oralité. L’autodidactie y est très présente.
Des structures dédiées à cet apprentissage proposent des « cours » qui s’apparentent davantage à un
« accompagnement », car ces musiques ne se transmettent pas comme le répertoire classique.
Les causes du développement de la pratique musicale et des musiques actuelles
L'accélération de l'accès des Français aux pratiques artistiques a débuté avec les années 70.
De plus, les premiers pas artistiques des amateurs restent précoces : 7 musiciens ou danseurs sur 10 ont
débuté avant l'âge de 15 ans. Seuls le chant et le théâtre arrivent à recruter parmi les adultes.
C'est également parce que ces pratiques, contractées principalement pendant l'enfance, perdurent en
partie à l'âge adulte qu'elles s'accroissent dans la population totale. Sur les 47% de Français ayant eu
une activité artistique, un quart seulement a aujourd'hui abandonné.
L'accroissement du temps libre par la réduction du temps de travail (35 heures, temps partiel), par le
prolongement de la vie « pré-active », mais aussi, de manière plus subie, par la précarisation de
21
l'emploi (chômage prolongé ou intermittence), contribue donc sans aucun doute à la pérennisation des
pratiques amateurs.
Parmi les autres facteurs on notera le développement de l'offre en terme de cours, d'équipements pour
les accueillir, d'encadrement par des professionnels etc. ; la valorisation des pratiques artistiques dans
leur ensemble par la société ; la « désacralisation » de l'art, car ce qui paraissait hier intouchable parce
que réservé à une minorité « talentueuse », semble de plus en plus abordé de manière décomplexée par
la population ; la reconnaissance par les politiques culturelles de la légitimité des pratiques amateurs et
de leur nécessaire prise en compte.
D’autres facteurs peuvent expliquer cet engouement récent pour les musiques actuelles. Nous l’avons
mentionné, ce sont des musiques qui ne nécessitent pas un long apprentissage préalable41.
De plus un argument non négligeable est la baisse des coûts du matériel, liée aux évolutions
technologiques, à l’accroissement des marchés, à l’arrivée de fabricants très compétitifs (Asie
principalement), à l’abondant marché de l’occasion, etc.
Enfin, il me semble que la part de rêve que véhiculent ce type de musique, entretenue par leur
médiatisation et par la diffusion croissante des pratiques professionnelles, est un autre facteur
important.
Toujours est-il que ces musiques n’ont pas souvent leur place dans les grandes institutions. Toutefois,
la situation évolue, et de grandes améliorations ont eu lieu : le secteur, encore jeune, se structure et
investit progressivement les institutions, ou se crée les siennes.
Hélène Menanteau, étudiante à l’université d’Angers en 2004, s’interroge sur l’opportunité d’amener
les musiques actuelles au conservatoire42.
Tout d’abord, cette intégration est-elle réellement nécessaire ? « Ne serait-­il pas préférable de laisser
ce secteur à des structures privées qui ont depuis des années pris une large avance dans ce domaine et
qui ont des méthodes de transmission de ces musiques bien plus adaptées que les écoles
"traditionnelles" ? »
Elle met ensuite le doigt sur le taux d'échec et d’abandon des écoles contrôlées ou agréées, et
s’interroge : « où sont passés les élèves ? »
Les raisons objectives généralement évoquées pour justifier ces échecs et abandons qui reviennent le
plus souvent sont « l'intensification des études à l'adolescence », et/ou « le choix de la pratique du
sport ». Elle parle d’« un écrémage naturel en quelque sorte ».
Elle s’appuie ensuite sur l'étude menée par Antoine Hennion, Françoise Martinat et Jean-Pierre
Vignolle43 en 1983, qui propose d'autres explications, comme « l'inadéquation du répertoire
41
On peut parler de musiques populaires, dans le sens où elles se développent souvent dans des milieux, des
familles, où la pratique instrumentale fait son apparition : « Parmi les premières générations [de pratiquants
amateurs amplifiés], près de 90% des pratiquants sont les premiers dans leur famille (depuis les grands-parents) à
jouer d’un instrument ». Des familles qui se trouvent donc « contaminées » durablement par la pratique musicale,
puisque la même étude constate : « on observe de la part de ces nouveaux entrants dans le champ des pratiques
musicales un phénomène de transmission de leur passion vers leurs propres enfants ». [Citations de Marc Touche
- Ingénieur sociologue CRIV-CNRS, « Quelques constats et réflexions sur les pratiques musicales amplifiées »,
magazine Tam-Tam n°3, septembre 1994, page 5. Disponible sur http://www.fdn.fr/~musical/info-frame.html]
42
MENANTEAU Hélène. « L’intégration des musiques actuelles dans les écoles de musique contrôlées et
agréées : difficultés et enjeux » [en ligne]. DESS Direction d’équipements et de projets dans le secteur des
musiques actuelles et amplifiées, université d’Angers, centre universitaire de formation continue, septembre
2004, 127 p. Disponible sur http://www.la-fedurok.org/documents/Memoire2004DESS_Helene_Menenteau.pdf .
(Consulté le 10/06/2007).
22
enseigné », « l'orientation trop professionnelle des enseignements », ou bien « le manque de pratiques
collectives et d'éveil à la curiosité » ou même « une ambiance peu amicale » au sein de ces
établissements.
Enfin Hélène Menanteau fait le rapprochement entre la déception de ces élèves « qui n'ont pas trouvé
ce qu'ils étaient venus chercher » et « l'omniprésence dans notre environnement quotidien des
musiques actuelles » qui représentent tout de même plus de 95% de la musique diffusée aujourd'hui…
Comment les établissements d’enseignement de la musique pourraient-ils continuer à se fermer à ces
esthétiques ?
La formation des enseignants
Par ailleurs, plusieurs diplômes (CA, DE, DUMI) ou dispositifs (VAE) existent dorénavant pour
valider la formation des enseignants dans ces disciplines :
Le DE permet l’accession au poste d’assistant spécialisé et le CA à celui de professeur, voire de chef
de département dans les Conservatoires à Rayonnement Régional Départemental, Communal et
Intercommunal.
Un CA de professeur-coordonnateur des musiques actuelles/amplifiées et un DE musiques
actuelles/amplifiées ont été créés. Par son rôle et sa connaissance du terrain, le diplômé se situe en
intermédiaire entre les différents partenaires de la collectivité où il intervient.
Le DUMI (Diplôme universitaire de musicien intervenant) forme aussi les musiciens à enseigner aux
côtés des professeurs d’école et à mettre en uvre des projets musicaux en lien et en cohérence avec
les projets des écoles.
Depuis 2000, la Validation des acquis de l’expérience (VAE) permet de faire valoir une expérience
dans un domaine professionnel afin d’obtenir le diplôme correspondant aux acquis. La VAE ouvre
ainsi la possibilité aux musiciens enseignants non diplômés de demander le DE ou le CA44.
Le Conseil Supérieur des Musiques Actuelles
Comme nous l’avons mentionné en partie 2)A), en 2006 a été créé le Conseil Supérieur des musiques
actuelles (CSMA). Il s’agit d’une instance tripartite d’une trentaine de membres, comprenant des
représentants des collectivités territoriales, de l’Etat et des professionnels des musiques actuelles. Il est
chargé par le ministre de la Culture de faire des propositions et des recommandations dans le domaine
des politiques en faveur des musiques actuelles.
Cette instance comporte quatre commissions qui animent ses travaux. « Elles recouvrent des
45
thématiques spécialisées dont l’enjeu nécessite des analyses approfondies ».
-
Commission 1 : Structuration économique et sociale des musiques actuelles
Commission 2 : Pratiques en amateurs. Cette commission s’intéresse et réfléchit au
sens des pratiques musicales en amateur dans notre société, mettant en parallèle les
réalités du terrain et les réglementations en vigueur (et en négociation) en regard des
différentes étapes de la pratique artistique, de la formation initiale à la
professionnalisation pour certains.
43
HENNION Antoine, Françoise MARTINAT, Jean-Pierre VIGNOLLE. « Les conservatoires et leurs élèves :
rapport sur les élèves des écoles de musique agréées par l’Etat ». Paris. La Documentation Française, Ministère
de la Culture, Ecole des Mines de Paris, Centre de sociologie de l'innovation. 1983, 267 p.
44
Site de l'IRMA « Enseigner les musiques actuelles », fiche pratique n°6.
45
Site d’information sur le CSMA. http://www.csma-info.fr/pages/1
23
-
Commission 3 : Développement territorial (Plan pour des politiques nationales et
territoriales en faveur des musiques actuelles)
Commission 4 : Evolution de la filière musicale et nouvelles technologies
Ces 4 commissions ont pour objectif d’apporter des éléments de connaissance et d’aide à la décision.
Elles font remonter les avis d’experts et peuvent faire appel à des personnalités extérieures au CSMA.
Le CSMA prend place dans un contexte où le statut de l’amateur dans le domaine des musiques
actuelles est un important sujet d’actualité.
A l’échelle de notre département, l’ADDM 49 a recensé 500 groupes de musiques actuelles dans
l’ensemble du Maine et Loire, dont 200 sur Angers et son agglomération.
C’est notamment au vu de ses résultats qu’est née l’étude réalisée en 2004/2005 sur les musiciens
amateurs à Angers (voir partie 3).
2.4. La vie musicale de l’amateur
Que fait le musicien amateur en dehors de cet enseignement, et surtout quand il en sort ?
Dans le paysage extrêmement diversifié des amateurs, la musique constitue un pôle dominant. C’est à
la fois le domaine dans lequel l’intervention des pouvoirs publics est la plus importante à travers,
notamment, nous l’avons vu, les conservatoires, et celui où le nombre de participants est le plus élevé,
car la pratique instrumentale est souvent très précoce. D’autres activités sont plus facilement
découvertes au moment de l’adolescence, comme le montre Olivier Donnat : « certaines, tel le théâtre,
s’inscrivent dans la sociabilité amicale de cette période de vie, d’autres comme la peinture et surtout
l’écriture, participent plus d’une recherche identitaire individuelle46 ».
Un début souvent précoce...
Sept musiciens sur dix ont débuté avant 15 ans.
Les pianistes et les amateurs de cordes, vents et
bois sont les plus précoces, tandis que les
guitaristes se distinguent par une découverte plus
tardive, souvent à la période adolescente. Cette
initiation précoce à la musique correspond
souvent à une attitude incitative sinon
franchement contraignante de la part des parents :
plus de la moitié des musiciens parmi ceux qui ont débuté enfants indiquent que leurs parents les
encourageaient à pratiquer, 21% estimant même que ce sont leurs parents qui voulaient qu’ils jouent
d’un instrument. Les pianistes sont les plus nombreux à avoir connu cette situation : près de sept
pianistes sur dix déclarent que leurs parents les encourageaient à faire de la musique, dont un tiers les y
poussaient fortement.
46
DONNAT Olivier. Définition de l’ « amateur », dans Dictionnaire des politiques culturelles, dirigé par E.
Waresquiel, Larousse, Edition CNRS, p.16.
24
Deux musiciens sur dix ont commencé entre 15 et 24 ans. Jouer de la guitare ou des percussions fait
partie, au même titre que l’écriture d’un journal intime par exemple, des activités artistiques qu’on
découvre plus facilement adolescent qu’enfant.
Enfin, seulement un musicien sur dix (11%) a débuté à l’âge adulte. Ce fait qui est exceptionnel dans le
cas de la pratique instrumentale est en revanche de plus en plus courant dans le cas du chant : 42% des
chanteurs actuellement en activité ont débuté après 24 ans, contre seulement 12% des instrumentistes.
...mais beaucoup abandonnent jeunes
Si on commence le plus souvent la musique au moment de l’enfance, on l’abandonne fréquemment au
moment où on en sort, c’est-à-dire lors de l’adolescence et de la période qui précède l’installation d ans
la vie professionnelle et familiale adulte. Pour s’en convaincre, il suffit de reprendre les résultats des
15-19 ans sur le graphique 1 : sur les 40% qui ont joué d’un instrument, seulement 18% poursuivent
l'activité, ce qui signifie que plus de la moitié d’entre eux ont cessé toute activité musicale dès cet âge.
Ce taux d’abandon (amateurs ayant cessé de pratiquer/total des amateurs) continue d’augmenter très
rapidement puisqu’il passe à 64% pour les 20-24
ans avant de se stabiliser autour de 75% pour les
instrumentistes plus âgés. Toutes générations
confondues, plus de la moitié des anciens
musiciens (53%) ont arrêté entre 15 et 24 ans, un
sur cinq ayant même abandonné avant d’être
parvenu à l’âge de 15 ans.
Il est intéressant de remarquer combien le chant
n’épouse pas du tout la même courbe (graphique
2).
En résumé, le mode d'inscription le plus courant des activités musicales dans le cycle de vie des
Français consiste à débuter enfant, souvent très jeune sur l’incitation plus ou moins insistante des
parents, pour abandonner soit rapidement avant 15 ans, soit au moment de l’adolescence.
Toutefois, si la musique perd beaucoup de ses amateurs très tôt, elle sait aussi en conserver une partie
très longtemps : plus d’un tiers des musiciens en activité ont plus de 25 ans de pratique derrière eux.
Ceux qui ont débuté enfant, quand ils franchissent le cap de l’installation dans la vie adulte, lui restent
en effet dans la majorité des cas longtemps fidèles et contribuent plus que les amateurs des autres
secteurs artistiques, à faire de la musique « l’activité de toute une vie »47.
Plusieurs possibilités s’offrent au musicien pour vivre sa vie d’amateur.
Sur 100 amateurs en activité, 59 pratiquent la musique seuls 48. Si l’on considère la spécificité des
musiciens, on note que sur 100 pianistes, 79 pratiquent seul, tout comme les guitaristes (81 sur 100),
mais que sur 100 chanteurs, 5 seulement pratiquent seul. C’est donc très variable selon les instruments.
Le chant n’est à priori pas une discipline que l’on pratique en solitaire, à la différence du piano.
47
Chiffres issus de « Développement culturel », Ministère de la Culture, Direction de l'administration générale,
Bulletin du Département des études et de la prospective, N° 107, juin 1995.
48
Chiffres : « La pratique musicale amateur », dossier du Ministère de la culture et de la communication,
bimensuel, 26 avril 2000, n°65.
25
Ceux pour qui « le plaisir de la musique n’est pas total s’il reste solitaire 49 » vont se rassembler pour
jouer ensemble. De nombreuses possibilités existent, en sachant qu’ils peuvent créer leurs propres
moyens de jouer collectivement. 72 chanteurs sur 100 font partie d’une chorale ou d’un ensemble
vocal. Toutes disciplines confondues (y compris le chant), 8 musiciens sur 100 chantent ou jouent d’un
instrument dans une fanfare, une harmonie ou un groupe de musique traditionnelle, 8 le font au sein
d’un cours, quel qu’il soit, et 5 le font dans un groupe, une formation musicale.
Si pour 57 musiciens sur 100 le principal lieu de pratique reste au domicile, pour 34 autres c’est un
local municipal ou associatif.
Qu’ils jouent de la musique seuls ou groupes, 68 amateurs sur 100 ont participé à une représentation
pendant l’année 1996.
Un étudiant de CEFEDEM s’est intéressé en 2002 à ce que faisaient des élèves d’une école de musique
en dehors de leurs cours hebdomadaires, et à ce qu’ils voulaient faire une fois qu’ils en seraient sortis 50.
« Une proportion de 15% des élèves interrogés jouent leur instrument à l’extérieur de l’école de
musique. Il y a autant de propositions que de formes de pratiques et de lieux différents.
Animation liturgique, orchestre extérieur à l’école de musique, chorale amateur, groupe entre
amis, recherche sur Internet, etc.
Ces choix ont été pris par chacun, sans concertation avec les professeurs. A l’exception d’une
hautboïste expérimentée qui cherchait un ensemble et qui a pu intégrer une "bande de
hautbois" ».
L’auteur dénonce le fait que les contextes de pratique musicale de l’élève soient hermétiques l’un par
rapport à l’autre, alors qu’il faudrait, selon lui, qu’ils se complètent et travaillent ensemble. Ceci est un
autre sujet.
« Pour continuer, mon questionnaire portait sur des objectifs à plus long terme, au sujet d’une
pratique amateur, après le cursus des élèves à l’école de musique.
9 élèves sur 10 veulent maintenir leur inscription le plus longtemps possible pour obtenir une
certaine autonomie. Les 10% restants sont pour la plupart des grands élèves très pris par leurs
études, mais volontaires pour jouer dans un ensemble sans prendre de cours. A noter, 2 élèves
souhaitant devenir professionnels.
Il est surprenant de constater que 99% désirent poursuivre la pratique instrumentale après leur
passage dans l’institution. Mettant en valeur un loisir qu’ils apprécient et une forte envie de ne
pas laisser tomber tant d’années de travail ».
Cet élément est fondamental, car il s’agit du projet de l’apprenant lui-même, d’une volonté réelle
de devenir amateur.
« La pratique instrumentale est envisagée dans un ensemble pour la plupart, mais tout de même
40% des élèves souhaitent jouer seuls, bien que certains d’entre eux aient aussi le désir de
rejoindre un atelier collectif.
49
Un trompettiste interrogé, musicien amateur à Amiens.
MAUPAS Olivier. « La pratique instrumentale amateur : un objectif d’enseignement » [en ligne]. CEFEDEM
Rhône-Alpes, promotion 2000-2002, 31 p. Disponible sur http://www.cefedemrhonealpes.org/documentation/memoires.pdf/memoires%202002%20drome/Maupas.pdf . (Consulté le
2/06/2007). L’étude porte sur une Ecole de Musique Municipale Agréée, de 400 élèves environ située à proximité
d’une grande ville. Il s’agit d’un milieu urbain plutôt aisé.
50
26
[…] Si la pratique instrumentale souhaite être conservée par les apprenants, les deux tiers
d’entre eux ont un avis quant au style de musique qu’ils désirent aborder après l’école de
musique. En effet, 20% veulent conserver une pratique qu’ils connaissent en intégrant un
ensemble classique (musique savante). Pratiquement un tiers s’orienterait vers un autre style
(musique actuelle amplifiée, jazz, musique folklorique). Enfin, 15% voudraient jouer un peu de
tout ».
3. Quelle influence de la Fête de la Musique sur la
pratique amateur ? Cas particulier des musiques actuelles
sur la Ville d’Angers.
Je vais me focaliser sur la Ville d’Angers pour deux raisons : tout d’abord parce qu’il serait prétentieux
de vouloir dresser un portrait de la musique amateur dans la France entière dans ce type travail, et
ensuite parce qu’il s’agit de mon terrain de stage.
Par ailleurs, cette troisième partie se concentre surtout sur les musiques actuelles, car ce sont celles qui
réunissent la plus grande quantité de musiciens d’amateurs. Les autres musiques – je pense à la
musique classique – ont-elles aussi des spécificités et des besoins, mais l’accent n’y sera pas porté dans
ce travail.
3.1. La place donnée à l’amateur à Angers
Angevin depuis septembre 2006, j’avais avant mon stage un a priori très positif sur la situation des
musiciens amateurs à Angers.
En effet j’ai découvert tout au long de l’année la multitude de projets mis en uvre dans la ville pour le
développement de la culture. Il se peut que j’aie été rendu sensible à tout cela par la formation que je
suis, en lien avec ce milieu.
Tout ce que j’ai pu relever et qui n’avait pas forcément de lien direct avec la pratique musicale amateur
m’a favorablement impressionné : les Accroche-c urs51 (dont j’ai vu des traces – roses – en arrivant),
un cinéma Arts et Essais, un grand théâtre fort actif, deux autres cinémas, un autre théâtre (le NTA)
dont j’ai mis du temps à comprendre l’action, ce projet grandiose du Quai qui laissait présager de
grandes réalisations, la bibliothèque Toussaint, et surtout d’apprendre qu’il en existait neuf autres, le
Chabada et sa programmation riche, les tarifs pratiqués par l’ensemble de ces acteurs... Plus tard dans
l’année j’ai découvert Tour de Scènes – entièrement gratuit – ainsi que la Fête de la Musique, que je
préparais sans en connaître l’ampleur ici à Angers.
En conclusion, depuis septembre je n’ai cessé d’être épaté par le foisonnement, la qualité et
l’accessibilité financière de la culture à Angers.
51
Festival d’arts de la rue organisé par la Compagnie Jo Bithume et la Ville d’Angers, sur trois jours en
septembre.
27
Ainsi, lorsque je me suis posé la question de la place que cette ville si active donnait aux musiciens, la
réponse me semblait évidente.
Grâce à mon stage au service Action Culturelle, croisement de toute les « actions culturelles »
d’Angers, j’ai pu rencontrer les acteurs, qui m’ont fait part de la situation, chacun de son point de vue,
et j’ai finalement nuancé mon jugement, découvrant une réalité plus complexe.
Je précise avant de commencer que les manques que je relève ci-après en matière de pratique amateur
ne doivent pas enlever à la Ville d’Angers sa réussite culturelle. En effet, le fait d’être à un bon niveau
ne doit pas dispenser pas de s’améliorer…
Afin de comprendre ce qu’apporte la Fête de la Musique à la pratique musicale amateur, il importe de
savoir ce dont l’amateur a besoin pour vivre sa vie d’amateur.
3.1.1. A Angers, quels sont les besoins de l’amateur ?
Les données présentées dans cette partie proviennent d’une étude réalisée en 2004/2005 par trois
acteurs en collaboration : la Ville, le Chabada et Musica (association angevine de promotion des
musiques actuelles, elle assure la direction artistique du festival Tour de Scènes). Tous trois ont mené
une enquête de terrain auprès de 11 maisons de quartier et 19 groupes de musique locaux, dans le but
d’établir un diagnostic de leurs situations et d’apporter un certain nombre de réponses.
Trois catégories de groupes ont été distinguées :
1 : Amateurs « loisir » / Les groupes dont l'activité relève de la pratique de loisir : leur objectif
principal est le rassemblement entre amis et le plaisir né de la pratique collective de la musique. Ces
groupes ne font pas de concerts ou très peu. Ils disposent rarement d’un enregistrement.
2 : Amateurs « loisir principal » / Ces groupes possèdent une démarche plus structurée et
s’investissent davantage, consacrant l'essentiel de leur temps libre à leur pratique. Ce sont des
passionnés prêts à se produire sur scène si l’occasion se présente. Ils sont dans une démarche
d'amélioration constante de leur projet.
3 : Amateurs « structurés » / Il s'agit de groupes qui consacrent l’intégralité de leur temps libre à leur
pratique artistique. Ils se produisent sur scène dès qu’ils le peuvent et s’impliquent souvent dans la vie
musicale locale. Leur investissement dans leur pratique, leurs modes de fonctionnement et
d'organisation, sont souvent proches de ce que l'on peut observer chez les professionnels.
La durée d’existence moyenne des groupes sondés est de trois à quatre ans. Le groupe le plus récent
ayant un mois d’existence, le plus ancien dix ans.
La totalité des groupes rencontrés a insisté sur le fait que c'est bien la passion qui est le moteur
indispensable de leur pratique artistique. Tous ont également mentionné l’esprit de débrouillardise
nécessaire à l'avancement de leur projet.
Une partie de l’étude porte sur les styles musicaux, la fréquence et les lieux de répétition des groupes.
28
Puis sont mis en avant les « problèmes » mentionnés par les groupes. Les voici par ordre
d’importance :
-
La diffusion
La répétition
L’enregistrement
La formation
L’information
La diffusion et le domaine qui pose le plus problème, celui pour lequel la demande est très forte et
unanime de la part des groupes interrogés. « La première chose que veut faire un musicien si vous lui
posez la question, c’est jouer, ce n’est pas enregistrer son morceau, ou répéter impérativement 4 fois
par semaine… même si c’est absolument nécessaire52 ». Les groupes mettent en avant le décalage entre
l’augmentation du nombre de pratiquants et la stagnation voire la diminution du nombre de lieux de
diffusion à Angers.
En termes de chiffres, 75% des groupes des groupes interrogés cherchent à se produire, et 100% des
groupes estiment que les possibilités de jouer à Angers sont insuffisantes. Par conséquent, les groupes
cherchent à jouer ailleurs dans le département, ou même en dehors du département.
La répétition est un autre élément important mis en avant par les musiciens. Sur les 19 groupes
interrogés, 3 utilisent les locaux de la Cerclère (celle-ci est présentée plus bas), 3 sont accueillis par une
maison de quartier, et les autres répètent dans un local personnel.
Les groupes souhaitent un local de répétition sans contraintes horaires, sans contraintes d’espace ou
d’insonorisation, et où le matériel peut être laissé en place : pas de perte de temps en installation. Les
lieux comme les maisons de quartier et la Cerclère sont, d’après les musiciens, relativement
contraignants sur le plan des horaires, manquent de matériel, d’encadrement. Un atout : le faible prix
demandé par les maisons de quartier.
Par ailleurs, la Cerclère est saturée – 70 groupes par an environ – et les maisons de quartiers sont
inadaptées pour la plupart. Des travaux sont imaginés pour améliorer l’insonorisation de ces dernières.
L’enregistrement : disposer d’un enregistrement est une nécessité pour tous les groupes sondés. Ceuxci le considèrent comme un outil de promotion pour contacter les programmateurs, un outil de travail et
d’évaluation pour progresser, témoin aussi de l’existence du groupe, mais rarement comme un outil
destiné à la vente.
84% des groupes interrogés déclarent disposer d’un enregistrement. Ce sont souvent des
enregistrements de qualité moyenne car réalisés en « home studio », c'est-à-dire du matériel
d’enregistrement personnel.
Pour obtenir un enregistrement de qualité, il faut recourir à du matériel adéquat, micros, tables de
mixage, enceintes…, et surtout, de la prise de son jusqu’au mixage final, un enregistrement demande
un savoir-faire que les musiciens ne possèdent pas forcément. En outre, leurs moyens financiers ne
leurs permettent pas nécessairement de louer ce matériel et les compétences qui vont avec.
Selon les groupes, l’idéal serait un/des lieu(x) proposant des tarifs abordables, et ils mentionnent le
besoin d’un accompagnement dispensé par un technicien. Ils citent souvent en exemple le Studioscope
52
Entretien avec Emmanuelle Chollet-Antoine, responsable de la cellule Médiation et responsable administrative
du festival Tour de Scènes au Service Action Culturelle de la Ville d’Angers. Entretien complet en Annexe 2.
29
(studio privé basé à Montreuil-Juigné) et celui de Musica, qui proposent un bon accompagnement et
prix abordables.
La Ville travaille sur l’idée de mettre à la disposition des groupes un professionnel, quelqu’un « du
métier », qui pourrait les aiguiller, les conseiller, les accompagner de manière personnalisée. Ceci
pourrait être mis en place au sein du conservatoire, ou bien à travers le projet Tostaky, présenté ciaprès.
La formation : 25% des groupes sondés disent avoir besoin d’être formés pour la structuration de leur
groupe et d’un appui en terme juridique : cachets, droits d’auteur, législation sur la diffusion… Le
reste, 75% des groupes, ne se sent pas concerné par la formation.
Par ailleurs, tous les groupes sondés montrent un fort intérêt pour la rencontre avec des professionnels
(échanges formels ou informels, sur l’artistique ou la technique…).
Sur Angers des structures existent : Musica, Le Chabada, l’ADRAMA, l’ADDM sont cités par 80%
des groupes, mais ceux-ci dénoncent un manque de lisibilité sur leurs missions. Les 20% restants
ignorent l’existence de ces structures.
Nous l’avons vu précédemment, la création d’un département Musiques Actuelles au CRR d’Angers à
partir de septembre 2007 apporte une solution au manque de lieux de formation.
Enfin, l’information : 68% des groupes estiment ne pas avoir de besoins dans ce domaine, mais 32%
auraient besoin d’un lieu dédié aux pratiques amateurs : mise à disposition d’annuaires, référencement
de tous les groupes amateurs pour les programmateurs. L’idéal serait un lieu associé à une structure ou
une salle en rapport avec la diffusion de musiques. Le site de Zicorama est souvent cité comme point
central des informations musicales sur Angers.
Le sujet de cette étude étant la Fête de la Musique, je vais pour la suite me limiter au problème de
diffusion mis en avant par les groupes. En effet cet événement n’a pas pour vocation de faciliter
l’activité des musiciens en termes de répétition, d’information ou d’enregistrement.
De plus, le problème de la diffusion est le problème dominant soulevé par les groupes.
3.1.2. Quelles sont les solutions existantes et imaginables ?
Les opportunités de jouer et de se faire connaître apparaissent donc comme faisant cruellement défaut à
Angers, selon les musiciens amateurs.
Quand on leur demande d’imaginer des solutions, les groupes énoncent l’idée d’une salle avec une
jauge de 150 à 200 places, gérée par un collectif d’acteurs locaux. Ils parlent aussi des cafés concerts
qui ont quasiment disparu d’Angers. Ceux-ci ont besoin du soutien des institutions pour exister.
Quelles sont les solutions existantes à ce problème ? Quels projets pour la suite ?
Nous avons commencé à lister quelques éléments. Voici une description plus détaillée de ce qui existe
et des projets en cours.
Le festival « Tour de Scènes »
Créé en 1997, gratuit, le festival s’organise aujourd’hui autour de trois lieux, Quai Ligny, Cloître
Toussaint et Place Imbach, et attire 30 000 personnes dans le centre ville sur trois soirs à la fin du mois
de mai.
30
Voici comment se présente lui-même ce festival :
« Un des axes de la politique culturelle de la Ville d’angers est le soutien aux musiciens
amateurs. Tour de Scènes répond ainsi à la première attente exprimée par ces musiciens : jouer
devant un public.
Co-­organisé par la Ville d’Angers et l'association Musica, Tour de Scènes vise à offrir à des
artistes émergents, musiciens régionaux pour la plupart, les espaces et les conditions mêmes
d'une diffusion professionnelle. C’est dans ce cadre que le festival annonce sa 10ème édition.
Tour de Scènes poursuit ces trois missions :
• Soutenir les jeunes artistes locaux
« Le festival s'attache à promouvoir les pratiques artistiques émergentes. La mise à disposition
de moyens et d’un encadrement de qualité permet ainsi d'encourager le travail des musiciens
amateurs et en voie de professionnalisation ».
• Offrir un événement gratuit et accessible
« En se tenant au c ur de la ville, la culture véhiculée par Tour de Scènes est accessible à tous
les Angevins. Depuis son lancement, le festival accueille plus de 30 000 spectateurs chaque
année. La moitié est constituée de jeunes de 18 à 25 ans. Mais tous les publics sont attendus ;; les
familles y sont d'ailleurs de plus en plus présentes ».
• Impliquer les associations locales
« Tour de Scènes contribue au croisement des idées et des projets favorisant l'enrichissement de
la vie sociale et citoyenne d’Angers. Les jeunes sont nombreux à s'impliquer dans la préparation
et la mise en uvre de cet événement. Les organisateurs souhaitent maintenir le caractère
convivial du festival et promouvoir les échanges et la valorisation des savoir-­faire de chacun ».
Spontanéité et échanges sont les deux leitmotiv soutenus par la Ville et l'association Musica53 ».
Le principe fondateur, « offrir une scène à des groupes amateurs et émergents », ne peut contenter tous
les musiciens amateurs de la ville ! Tous n’ont pas une place sur scène lors de l’événement.
Par ailleurs, ce phénomène est amplifié par un choix de programmation : la moitié seulement des
groupes accueillis sont amateurs. Le reste est professionnel.
Pour différentes raison, depuis 2 ans, l’avenir du festival Tour de Scènes est en réflexion. C’est en
partie pour cela qu’a été lancée l’étude sur les musiciens amateurs à Angers. « Nous nous sommes
demandé s’il ne serait pas intéressant de redéployer les moyens, pour faire autre chose, arrêter
l’événement annuel, et faire, pourquoi pas, de la diffusion toute l’année dans différents lieux ? 54 »
Toutefois, il ne s’agit en aucun cas de le supprimer. « On sait qu’il a du succès, qu’il est utile
notamment autour de la création musicale amateur… Le maire et les élus […] voient 30 000 jeunes
dans la ville une seule fois par an. Ils savent que c’est un festival attendu et qui a tout son intérêt sur le
plan artistique55. »
53
Dossier de presse du festival Tour de Scènes 2007, http://www.tourdescenes.com/tour-scenes2007/pdf/dossier-presse%202007.pdf
54
Entretien avec Emmanuelle Chollet-Antoine, responsable de la cellule Médiation et responsable administrative
du festival Tour de Scènes au Service Action Culturelle de la Ville d’Angers. Entretien complet en Annexe 2.
55
Ibid.
31
L’ADRAMA -­ Chabada
Le Chabada est labellisé Scène de Musiques Actuelles (SMAC). Construit en 1994, sa gestion a été
confiée à l’Association pour le Développement du Rock et des Autres Musiques à Angers
(ADRAMA), créée en 1988.
Le Chabada, à travers cette association, propose un certain nombre d’actions en faveur des musiciens
amateurs. Le plus important est la « Cerclère », un parc de 10 studios de répétition qui accueille les
groupes locaux moyennant un abonnement annuel.
Outre son activité principale de diffusion de concerts de musiques actuelles, l’ADRAMA-Chabada
organise des résidences de groupes professionnels. Cela peut être l’occasion de mettre en place des
ateliers, ouverts à tous les musiciens qui le désirent. Les participants sont presque exclusivement des
amateurs. Ainsi, des ateliers de travail basse/batterie ont vu le jour lors de la résidence du groupe
Zenzile (dub).
De la même façon, des stages peuvent être organisés, dont le thème est choisi en fonction de la
demande des groupes.
La structure propose aussi quatre à cinq dans l’année des soirées « On Stage ». Celles-ci sont ouvertes
à des groupes réellement amateurs, choisis par un jury parmi un certain nombre de demandes. L’entrée
y est quasiment gratuite, et les conditions techniques équivalentes à un concert professionnel. C’est une
expérience riche pour les groupes sélectionnés.
Dans ce cadre, il arrive qu’un travail d’accompagnement des groupes soit effectué par des membres du
Chabada ou des intervenants externes en amont et en aval du concert, afin de conseiller et de faire
avancer les musiciens.
La Cerclère assure aussi le rôle de « Centre Infos ». Il s’agit de conseiller au quotidien les groupes sur
des sujets divers : organiser la production d’un disque, connaître la législation du spectacle vivant, le
statut des intermittents, etc. Le Centre Infos est en lien étroit avec le réseau d’information régional
appelé « Tohu Bohu ».
Un autre projet est en cours au Chabada, soutenu par la Ville d’Angers, il porte le nom temporaire de
« Projet Tostaky ». Il consiste à réaménager les locaux du Nouveau Théâtre d’Angers (NTA) et du
Centre National de Danse Contemporaine (CNDC) qui ont intégré le théâtre du Quai. Ces locaux
permettraient d’accroitre de manière significative les offres du Chabada : ateliers, stages, résidences,
accompagnement accru des musiciens locaux,…
Au sein de la Ville, l’aménagement d’une salle dans le quartier Belle Beille
Le projet, prévu normalement pour 2009, est de construire une salle de petite jauge, environ 300 places,
destinée à diffuser des groupes amateurs locaux et à accueillir des événements festifs de quartier.
Autres actions
Un autre projet, en sommeil pour l’instant, offrirait une opportunité nouvelle aux musiciens amateurs
de différents quartiers de la ville. Il s’agit de « L’épicerie musicale », proposé par Pierrick Menuau,
professeur de saxophone à Tours. L’idée est de constituer une fanfare inter amateurs / professionnels,
dont les musiciens seraient issus des maisons de quartier. Ce projet serait organisé sur deux années
entières, ce qui constitue une période conséquente pour un travail abouti, et serait encadré par 3
musiciens professionnels. Ce projet n’a pas vu le jour pour des raisons budgétaires.
32
Selon Emmanuelle Chollet, le projet « demandait de la médiation, car les artistes tout seuls ne sont pas
en mesure de la faire ». Elle souligne : « C’est d’ailleurs ce qui manque partout dans le projet global
d’une ville, des « maillons de la médiation », qui font participer réellement les gens à la vie culturelle,
des gens qui sachent faire passer les choses, être sur le terrain tout en sachant faire passer une
politique ».
3.2. Les rapports entre les objectifs de départ de la Fête de la
Musique et la pratique musicale actuelle
Pendant mon stage j’ai pu me rendre compte qu’à Angers, la Fête de la Musique se déroule dans le
respect des principes qui ont prévalu à son lancement en 1982. Certes, si l’on voulait réellement
respecter ses principes il faudrait ne rien organiser, ne rien coordonner du tout et laisser se dérouler la
fête. Or c’est précisément en quoi consistait ma mission de stage pendant trois mois ! Ce que je veux
dire, c’est que les responsabilités que prend la Ville notamment en matière de sécurité, de
communication et de conseil, ne nuisent pas selon moi à la spontanéité de l’événement – car la
spontanéité est le premier principe de base.
En pratique, dans mon travail autour de ces trois axes – sécurité, communication, conseil – j’ai toujours
gardé en tête l’intuition initiale de la Fête de la Musique. Il fallait que cela reste un événement
spontané, gratuit, populaire, ouvert à tout le monde et à toutes les musiques.
J’ai veillé à garder ma place, en n’imposant rien aux groupes que j’ai pu côtoyer. Ce jour là, rien
n’interdit à qui que ce soit de s’installer n’importe où et de faire de la musique… Si l’on voulait
respecter jusqu’au bout ce concept, il fallait permettre ce genre de pratiques. Toute la finesse du travail
a résidé dans cette habileté à orienter les groupes désireux de se produire vers des endroits adaptés. Ne
pas décider, mais prévenir les risques.
Evidemment, puisque la Ville, par l’intermédiaire du service voirie, interdit la circulation dans tout le
centre ville, les risques étaient minimisés. La sécurité des personnes étant assurée, les musiciens
pouvaient s’installer au milieu de la rue s’ils le voulaient. Nous avons du tout de même dû prévoir un
éventuel passage de véhicules de pompiers dans les grandes artères de la ville.
Par ailleurs, afin d’établir un dépliant-programme le plus exhaustif possible, j’ai du recenser un
maximum d’initiatives tout au long de mon stage, et particulièrement la dernière semaine. Dans tout
festival, les initiatives qui ont lieu sont toutes inscrites de manière plus ou moins précises dans un
programme, et vice versa, l’intégralité de ce qui est mentionné dans le programme doit avoir lieu (sauf
empêchements).
A Angers pour la Fête de la Musique, le fait qu’un programme existe n’empêche aucunement les
initiatives non recensées. Cette fête laisse de la place à tout le monde. Ensuite viennent des questions
très pratiques de répartition géographique des initiatives dans un périmètre qui n’est pas illimité…
Mais au moins, dans la théorie, le principe d’ouverture à tous est respecté.
Ainsi, à Angers il semble que les principes de base soient appliqués. L’édition 2007 de la Fête de la
Musique dans cette ville, que j’ai pu suivre de près, va donc nous servir d’exemple et de base à la
réflexion.
Quels peuvent être les rapports entre les objectifs de départ de cet événement et la pratique amateur
actuelle ?
Qu’apporte la Fête de la Musique aux amateurs précédemment décrits ?
33
3.2.1. Jouer
C’est la raison pour laquelle cet événement à été créé : « Faites de la musique ! »
De manière tout à fait logique, c’est pour cette raison que les musiciens y participent. Pour jouer de la
musique.
Je citerais en premier les vrais amateurs, au sens littéral. Les musiciens qui aiment la musique et qui
jouent juste pour leur plaisir. Chacun d’entre eux commence la musique d’une manière ou d’une autre,
et joue d’abord pour lui. Il découvre le plaisir de pratiquer, s’entraîne, sans forcément de but. Il peut
s’associer à d’autres dans son cas.
Le soir de la Fête de la Musique, une occasion leur est offerte de sortir de chez eux, de se produire où
bon leur semble et d’être confrontés à un public. Même s’il n’est pas facile d’oser, de se lancer hors de
son garage et du cercle familial (sans caricaturer, c’est souvent le cas), ce jour là tout est permis, et
surtout, en principe, la critique n’a pas lieu d’être.
« Pourquoi jouez-­vous à la Fête de la Musique ?
Bah parce que tout le monde peut jouer à la Fête de la Musique, parce que les amateurs sont les
bienvenus. Donc qu’il y ait une erreur ou pas, c’est pas très grave. Nous, là, à des moments y’a
eu des petits problèmes mais c’est pas grave, c’est la Fête de la Musique.
Moi je pars du principe qu’à la Fête de la Musique on vient pour écouter de la musique, donc
pas forcément des professionnels… […]
Qu’est ce qui vous plaît dans ce concept ?
Ce qui nous plaît c’est la musique. On fête la musique, c’est déjà pas mal.
Un autre : on aime la musique ! Nous c’est notre première en tant que musiciens. Avant moi
j’allais à la Fête de la Musique et j’adorais ça… C’est toujours un petit rêve quand on est
garçons, de dire "ah si on avait un groupe, on ferait la Fête de la Musique !". C’est quand même
un objectif qu’on veut atteindre56 ».
Un autre témoignage :
« Vous êtes musicien régulier ? Où pratiquez-­vous d’habitude ?
Je suis amateur. Pas professionnel, amateur, juste pour la plaisir quoi.
Pourquoi est-­ce que ce soir vous jouez ?
Et bien parce que c’est la Fête de la Musique !
Qu’est ce qui vous plait dans cette idée ?
La liberté.
Pour vous c’est un jour où tout est permis ?
Disons qu’il y a beaucoup de monde, c’est l’occasion de faire des rencontres, comme là… on se
connaît pas, on discute autour de la guitare. On fait des rencontres, car les gens sont disposés à
ça je crois. Les gens savent qu’ils vont rencontrer de la musique, ils sont ouverts à la musique
quoi.
Et vous avez l’habitude de vous produire le jour de la Fête de la Musique ?
Non c’est la première fois. [Il chante] « C’est ma première fois .. ! »
Qu’est ce qui vous a décidé ?
56
Extrait d’une discussion avec un groupe dont c’est le premier concert le 21 juin 2007 à Angers. Version
complète en Annexe 4.
34
Bah pour une fois je me suis dis « tiens je connais quelques morceaux, j’y vais quoi »… L’année
dernière j’en connaissais pas, ou mal. Et là je me dis pas que c’est super, mais je me dis « bon,
c’est potable, ça va, pour aller dans la rue c’est potable quoi… ça pourrait être mieux, mais
bon… » Alors c’est pour ça quoi57. »
Le 21 juin est donc un jour où sont levées les règles valables le reste de l’année. Ce jour là, les
musiciens sont « libres », selon le terme de ce guitariste.
Nombreux sont ceux qui ont joué pour la première fois lors de la Fête de la Musique. Elle constitue un
tremplin pour beaucoup, qui ont osé démarrer ce jour là, et qui ont pu perdurer.
« Et [la Fête de la Musique] comme tremplin pour de nouveaux musiciens ?
C’est un énorme avantage à ce niveau. Pourquoi ? Parce que la rue devient la scène, et la scène
de tout le monde. Il n’y a donc pas de sélection, pas de programmateur qui choisit et élimine. La
Fête de la Musique a été, est, et restera donc la première scène de tout le monde.
L’événement est largement louable dans ce sens58 ».
Une étude réalisée en 2000 par Olivier Donnat et Sabine Lacerenza, intitulée « Les français et la Fête
de la Musique59 », a révélé – entre autres choses très intéressantes – que 11% de la population française
de 15 ans et plus avait déjà participé à la Fête de la Musique en tant qu’acteur. Parmi ceux là, 74% y
ont participé 2 fois et plus.
La Fête de la Musique a donc le grand mérite de laisser une belle place aux amateurs. Une place
légitime, qui plus est sur la place publique. C’est un symbole fort.
De plus, des musiciens interrogés expliquent l’avantage pour eux que les villes d’une même
agglomération n’organisent pas leur Fête de la Musique toutes le même jour : les groupes peuvent ainsi
multiplier les dates. C’est ainsi qu’un membre d’un groupe nantais m’annonce qu’ils participent à « 2,
3 voire 4 ou 5 Fêtes de la Musique chaque année60 » !
Ainsi, pour ceux qui se « débrouillent bien », la Fête de la Musique constitue un important vivier de
dates.
3.2.2. « Montrer » la musique
Lors de cet événement, la musique s’entend, parfois trop peut être, mais surtout elle se voit. Le public
découvre la musique ; le mot convient bien, car souvent elle reste couverte…
Ce soir là constitue le plus grand et le plus accessible concert de l’année (même si Maurice Fleuret ne
voulait pas entendre parler de « concerts » le jour de la Fête). La Fête attire les foules. Si l’on en croit
les chiffres, le 21 juin 200061, « environ 800 000 personnes ont chanté ou joué d’un instrument et plus
de 10 millions ont assisté à un concert ou écouté de la musique dans la rue : au total, plus d’un quart
57
Extrait d’une autre discussion. Un guitariste amateur, jeudi 21 juin à Angers. Version complète en Annexe 5.
Cf. note 54.
59
DONNAT Olivier. « Les français et la Fête de la Musique, résultats d’une enquête menée fin juin 2000 ».
Département des Etudes et de la Prospective du Ministère de la Culture et de la Communication. 2000, 10 p.
Disponible sur http://www.fetedelamusique.culture.fr/fr/presse/enquete.pdf . (Consulté le 10/04/2007).
60
Brieuc, membre d’un groupe de rock festif à St-Herblain (44). Entretien par email le 27 juin 2007. Voir en
Annexe 6.
61
Cf. note 2.
58
35
des Français (28%) étaient dans une salle de concert ou dans la rue pour faire et/ou écouter de la
musique62 ».
Par leur installation à même le trottoir, les musiciens sont à portée de main, et leur musique est
accessible, physiquement même.
Pourtant, cette mise en valeur très sommaire de la musique pose deux questions.
La première est la question de l’authenticité : puisque les moyens mis en uvre sont minimaux, les
musiciens ne peuvent pas se cacher. Ils s’exposent en toute vérité, se « mettent à nu » en quelque sorte.
Et je pense que le passant est sensible aux initiatives authentiques, car il s’arrête devant ce qui le
touche, pas forcément devant ce qui déploie le plus de moyens et/ou qui cache sa médiocrité derrière.
Un des enjeux de l’organisateur va être de garder de la place à cette authenticité en n’écrasant pas les
« petites » (car souvent modestes) initiatives par des « grosses » scènes.
La seconde question me vient suite à cette remarque d’Emmanuelle Chollet : « Est-­ce que le musicien
s’y retrouve tant que ça ? ». Nous avons en effet une « succession – dans le sens géographique, même
– de groupes et d’initiatives qui ne sont pas dans des conditions qui leur permettent de sortir vraiment
d’eux-­mêmes, de donner la possibilité d’offrir à un public quelque chose de travaillé, de qualité,
d’affiné63. »
Les critiques que l’on peut entendre sur la façon dont se déroule la Fête de la Musique à Angers,
comme dans beaucoup d’endroits, c’est la cacophonie, la surenchère sonore, l’impossibilité d’entendre
correctement la musique, ou de faire entendre la sienne…
« Les centres villes des grandes villes sont invivables, et de plus en plus saturés par les vendeurs
de saucisses ! Les artistes fuient Nantes et vont jouer dans des petites villes ou village de
l’agglomération où la mairie a organisé les choses et les scènes, et où le public est bien
accueilli64. »
Que signifient « sortir du lot », « entendre correctement la musique », « …où le public est bien
accueilli » ?
Il semble que du point de vue de certains musiciens, il faille un certain nombre de conditions pour
parvenir à tout cela.
La Fête de la Musique donne une place aux amateurs, leur offre un lieu privilégié, un public
nombreux… Ce sont des qualités suffisantes pour le groupe de rock débutant65, mais il manque
certaines choses selon des musiciens plus confirmés.
« Une bonne organisation permet aux groupes de jouer sur une scène équipée correctement (son
et lumières) et gérée par une structure organisatrice extérieure…66 »
« S’il pouvait y avoir des améliorations, ce serait plutôt au niveau de l’accueil des artistes67 ».
62
L’étude précise : « Si l’on prend en compte les 19% de Français qui, dans la soirée du 21 juin, ont écouté une
émission relative à la Fête de la musique à la radio ou à la télévision, c’est au total près de la moitié de la
population française qui a été concernée par la dernière édition de la Fête ».
63
Entretien avec Emmanuelle Chollet-Antoine, responsable de la cellule Médiation et responsable administrative
du festival Tour de Scènes au Service Action Culturelle de la Ville d’Angers. Entretien complet en Annexe 2.
64
Brieuc, membre d’un groupe de rock festif à St-Herblain (44). Entretien par email le 27 juin. Voir en Annexe 6.
65
Cf. note 56.
66
Ibid.
67
Samuel, membre d’un groupe de rock électro semi-professionnel à Rezé (44). Entretien par email le 25 juin.
Voir en Annexe 7.
36
« Pour autant des scènes comme la scène Fnac, la scène jazz, etc. offrent quelque chose de plus
encadré, avec quelques conditions techniques quand même. De ce fait le public risque d’être
plus attentif68 ».
Depuis 2001, la Fnac propose une scène place du Ralliement avec 4 groupes. Une convention de
partenariat est d’ailleurs établie entre cette enseigne et la Ville d’Angers. De même, l’association
« Jazz pour Tous » a mis en place une scène place Ney où se sont succédés 5 groupes.
Ce type d’initiatives répond d’avantage aux conditions de diffusion que demandent les deux groupes
« habitués ». Cela dit, Emmanuelle Chollet, si elle encourage ce genre de choses, ajoute : « Après il
faut voir quelle est la programmation [de la scène Fnac, NDT], si celle-­ci est locale ». Donc une grosse
scène et des moyens, oui, mais à condition d’y faire jouer des locaux. C’est l’idée que défend le festival
Tour de Scènes.
« Car finalement le jour de la Fête de la Musique les conditions sont extra minimales, la
Musique est "mise à nue", est se présente devant le public de manière la plus simple.
C’est aussi le cas de Tour de Scènes, avec des moyens en plus, certes. Mais ce rapport de
proximité on le créé nous même, puisque la scène est dehors, c’est gratuit, et la musique est là –
c’est en général de la "bonne" musique, et le public peut en jouir et en profiter autant qu’il
veut…
La Fête de la Musique, à moins d’être un groupe qui a beaucoup d’argent, pour valoriser le
travail musical, c’est difficile. Donc ce rapport « authentique » je n’y crois pas. Personnellement
je n’ai pas de souvenir de truc extraordinaire, parce que les moyens mis en place étaient
minimaux.
Cependant, pour certains genres comme l’acoustique ou le travail de la voix sont plus propices à
trouver leur place dans la rue, paradoxalement d’ailleurs ! Mais le reste, essayer d’amplifier
dans la rue quand il n’y a pas les moyens, il n’y a rien de pire…
[…]Tu préfères donc lorsque la musique est bien présentée, bien mise en valeur ?
Oui, et ça n’empêche pas que ce soit dans la rue, Tour de Scènes est la preuve que c’est
possible ! On peut très bien mettre la musique dans la rue, et avoir ce rapport très proche des
gens/du public avec la musique. Tu parles d’" authentique", c’est tout à fait possible en y mettant
un peu de moyens69. »
Mais le fait de mobiliser du matériel ne contente pas tout le monde. Un musicien nantais qualifie de
« superbe arnaque » le fait que « les musiciens jouent souvent avec leur propre matériel de
sonorisation et lumières (ou parfois loué à leurs frais !), sans aucun défraiement ». Il ajoute : « Or la
musique, la culture n’est pas gratuite et la Fête de la Musique génère aussi de l’argent dans les
commerces…70 »
Ainsi, pour reprendre l’avant dernière citation, le contexte particulier dans lequel se déroule la Fête
offre une place intéressante à certains styles de musique. Le chant par exemple.
68
Cf. note 63.
Ibid.
70
Samuel, membre d’un groupe de rock électro semi-professionnel à Rezé (44). Entretien par email le 25 juin.
Voir en Annexe 7.
69
37
3.2.3. Le cas particulier du chant
Déambuler dans les rues peut donner envie de faire de la musique soi-même et de participer à la fête,
c’est le cas du groupe de rock débutant. Ce n’est pas seulement la Fête de la Musique qui les a fait
commencer la musique, mais cela a pu y contribuer… « C’est toujours un petit rêve quand on est
garçons…71 ».
C’est pour le public une occasion privilégiée de voir de près des instruments, de se rendre compte
aussi, à en voir certains, que ça n’a pas l’air si difficile…
Et sinon, pour les simples mélomanes – nombreux ce soir là – à qui il prend l’envie de faire de la
musique, il reste la possibilité de taper des mains, de danser, ou de chanter ! Le chant est pour tout le
monde le premier contact avec la pratique musicale. Le chant utilise la voix, utilisée et maîtrisée très
tôt dans la vie, bien avant l’éventuel apprentissage d’un instrument72. Tout le monde chante. Juste ou
faux, sous la douche ou en chorale, mais tout le monde sait fredonner quelque chose.
Selon une « enquête sur les activités artistiques des français »73, sur 100 amateurs en activité, 17% font
du chant – sans jouer d’instrument, ce qui laisse entrevoir un nombre total de chanteurs bien supérieur.
Et encore il s’agit des chiffres de1996, et lorsqu’on sait que le chant est une activité qui touche
majoritairement les séniors…
Ce chiffre étant, il est difficile d’estimer le nombre de personnes qui chantent quotidiennement, mais
celui-ci dépasser de loin le nombre de personnes pratiquant un instrument.
Le chant est donc la première activité musicale amateur. Et c’est un biais intéressant de participation à
la Fête de la Musique.
Voici en exemple l’Agence Culturelle de Saint Herblain (44), qui a judicieusement pris en compte cette
donnée puisqu’elle propose chaque année le 21 juin une animation intitulée « A vous d’chanter ! ».
Voici un extrait de la présentation :
« Les herblinois poussent la chansonnette !
L’idée principale du projet est d’inviter la population herblinoise au sens large à interpréter
ensemble lors de cette Fête de la Musique un répertoire de chansons francophones inscrites dans
les « mémoires collectives ». Le projet vise à élargir le public de la fête avec pour objectif
principal de restaurer l’idée initiale de « Faites de la musique ! »
Un livret de chant sera diffusé en nombre, en amont et le soir même. Des répétitions
accompagnées sont possibles à la demande sur les différents quartiers par des musiciens de
l’école de Musique et par des intervenants de Terminus 3 pendant la dizaine de jours précédant
le 21 juin. Ces rendez-­vous musicaux citoyens sur les quartiers se devront d’être une fête avant
la fête, un événement en soi, pour mobiliser le public et prendre plaisir avant le Jour J.
L’accompagnement des morceaux sera fait par les professeurs et les élèves de l’Ecole de
Musique, ainsi qu’en compagnie des intervenants de Terminus 3.
Le 21 juin, le rendez-­vous est donné à 19h pour chanter au Parc de la Bégraisière. Des livrets
des chansons seront distribués sur place à l’ensemble du public présent, vous pouvez également
les demander à l’Agence Culturelle ou à l’Ecole de Musique en amont. »
Je cite aussi un autre exemple : le lundi qui a suivi la Fête de la Musique à Angers, une personne m’a
appelé (elle avait trouvé le numéro dans le programme) car elle voulait connaître le nom du groupe
71
Cf. note 56.
Pour faciliter la compréhension, le terme « instrument de musique » désignera par la suite les instruments
physiques, même si le chant est un instrument à part entière.
73
DEP, Documentation française, 1996.
72
38
gospel installé rue du Mail. J’ai trouvé intéressante cette démarche, et suis ravi d’avoir pu lui donner le
contact de la responsable de ce groupe. Pour l’anecdote, il faut noter que cette chorale, les « Yeshua
Singles », n’était particulièrement pas mise en valeur, car très proche de la place du Pilori,
particulièrement surchargée ce soir là. Il semblerait que la cacophonie ambiante, dénoncée par certains,
n’ait pas gêné tout le monde…
3.2.4. Et le public ?
Le soir de la Fête de la Musique, le public est particulièrement disponible. La fin de l’année scolaire est
proche, c’est le premier jour de l’été, le jour le plus long, et il fait souvent beau temps. Que vient
chercher le public à la Fête de la Musique ? Pourquoi un tel engouement ? Même si ce n’est pas
exactement mon sujet, il est intéressant de se poser la question.
Avant tout il faut noter que dans notre société aujourd’hui, la musique est omniprésente. Elle est
écoutée, emportée, partagée partout. Les technologies en progression constante participent grandement
de ce phénomène. On parle d’une crise du disque, mais il ne faut pas la confondre avec une crise de la
musique, car les salles de concerts n’ont jamais été aussi remplies et le nombre de festivals (par
exemple) si grand. Bref, aujourd’hui, la musique est partout. Cet élément contribue à la bonne image
que véhicule la Fête de la Musique.
Pour une partie de la population, comme le décrit Emmanuelle Chollet, c’est « une occasion de sortir,
sauf si les gens ont repéré quelque chose d’intéressant dans la programmation, puisque la Ville a
décidé de faire un dépliant. Sinon ca reste essentiellement une occasion de sortie, tout comme – on
n’est pas dupes – Tour de Scènes ou les Accroche-­c urs. C’est aussi ça tout le plein air et le gratuit.
Une occasion de fête, de plaisir, de rencontres, d’être dehors, d’écouter "un tant soit peu" de
musique… ».
De la même façon une personne s’exprime sur le site Cityvox après l’événement : « Se balader avec
quelques amis, découvrir des groupes, boire un verre en terrasse sur fond rythmé, découvrir des styles
musicaux nouveaux pour nos oreilles, chanter un peu, danser aussi et surtout profiter de la soirée
entres amis...74 »
Ici aussi, la musique a plus le rôle de « fond rythmé » que d’unique raison de sortir.
Pour d’autres, comme le guitariste rencontré Boulevard Foch, qui venait autant pour jouer que pour se
promener, « c’est l’occasion de faire des rencontres ».
Selon l’un des musiciens nantais actifs, ce soir là les groupes arrivent « à se faire connaître auprès de
gens qui ne seraient pas venus en concert. […] C’est également l’occasion de rencontres entre
musiciens professionnels et amateurs, élèves d’école de musique, etc. »
74
Site CITYVOX. Rubrique Angers / Fête de la Musique 2007 / avis sur l’évènement. Disponible sur
http://www.fra.cityvox.fr/concert_angers/fete-de-la-musique_28669/AvisEvenement (consulté le 23/06/2007).
39
3.2.5. L’effacement des classes sociales et la non-­hiérarchie des styles
musicaux
Ces rencontres des publics entre eux, et des musiciens entre eux ou avec les publics, sont facilitées par
« le caractère très atténué des disparités sociales et géographiques75 ».
Olivier Donnat constate que les ruraux sont proportionnellement un peu plus nombreux à avoir
participé en tant qu’amateurs que les franciliens (13% contre 12%), de même que les agriculteurs et les
artisans/commerçants devancent les cadres supérieurs, « à la différence de ce qu’on observe
d’ordinaire en matière de fréquentation des équipements culturels ».
Ainsi, la Fête de la musique, du fait de son caractère festif et gratuit, « atténue les obstacles qui en
général entravent l’accès aux équipements et manifestations culturels » et présente de fait les
caractéristiques d' « une manifestation de masse où les différenciations sociales sont assez largement
effacées ».
Il ajoute : « Mais si le public de la Fête présente un visage si proche de celui de la société française
dans son ensemble, c’est probablement en raison de la diversité des genres de musique que la Fête
parvient à faire vivre ». Les résultats de l’étude montrent en effet que toutes les formes de musique ou
presque se sont exprimées au cours des éditions qui se sont succédées depuis 1982 : les variétés et
chansons françaises (33% des amateurs), les musiques traditionnelles ou du monde (27%), la musique
classique (24% ), le rock (environ 20%), le jazz (12%), mais aussi le rap, le punk, l’opéra, la techno…
Angers constitue pour cela un bel exemple.
75
Op. cit. Cf. notes 2 et 59. Les extraits du paragraphe en sont tous issus.
40
Conclusion
La Fête de la Musique contribue à « décorseter » la pratique musicale par sa simplicité, son
déroulement à même la rue, son ouverture à toutes les musiques et à toutes les cultures.
Mais il y a encore à faire pour démocratiser vraiment la musique, pour que toutes les générations s’en
saisissent.
Il est très important qu’elle continue à exister, à condition qu’il y ait « autre chose » en faveur des
musiciens amateurs. Cet événement, aussi formidable soit-il, ne suffit pas s’il est le seul. Il faut
continuer à développer en parallèle des actions qui permettent à ces amateurs de se produire, de
montrer leur travail, de faire vivre leur musique.
Un exemple intéressant est le dispositif « Bouge ta Ville », qui permet à de jeunes groupes de musique
amateurs de l’agglomération Nantes - Saint-Nazaire de se produire en concert dans des conditions
professionnelles. Cette action propose aussi une formation personnalisée, sous forme d’une résidence
pédagogique.
Par ailleurs, avant le 21 juin, une consultation des groupes est-elle réalisée ? Quels sont leurs besoins ?
Il est à mon sens important de connecter étroitement l’événement à ces « laboratoires » d’idées
nouvelles. De plus il serait intéressant d’opérer avec eux une relecture de la fête une fois celle-ci
passée.
La Fête de la Musique dans sa forme actuelle, à Angers par exemple, leur convient-elle ? Que faudrait76
il améliorer ? Fabrice Nau a évoqué sa peur d’une trop forte volonté d’améliorer l’événement. Le
risque est d’en arriver à trop cadrer l’organisation, avec pour conséquences une perte de spontanéité, de
la liberté des groupes, et même un risque que les organisateurs choisissent eux même les artistes, à la
manière d’un festival qui utilise de grands noms pour communiquer sur sa programmation…
La Fête de la Musique n’est justement pas un festival.
Il semble que, malgré sa « désorganisation » certaine, la Fête de la Musique intéresse plus que les
jeunes amateurs habitués à répéter dans leur garage. Nous l’avons vu, des groupes pourtant
« confirmés » profitent de l’occasion pour se produire plusieurs fois, en plusieurs lieux. En revanche,
pour ces derniers, cela n’est possible qu’avec un minimum de moyens, sans lesquels ils considèrent que
jouer n’est pas plaisant.
Pour des groupes débutants, la Fête de la Musique, même sans moyens techniques corrects, est un
véritable tremplin, un moyen idéal de se lancer devant un public.
Quelle réflexion imaginer au niveau régional et au niveau national sur la conduite de l’événement ? Le
Conseil Supérieur des Musiques Actuelles constitue un pôle de travail qui peut se saisir de cette
question.
A l’échelle d’une ville, d’un « pays », quels partenariats imaginer pour consolider le tissu social et
continuer les décloisonnements ? L’événement agit sur la façon d’appréhender la musique mais aussi
sur la société.
76
Entretien avec Fabrice Nau, Responsable des Locaux de Répétitions et du Centre Info Ressources et rédacteur
en Chef du Yéty. Entretien complet en Annexe 3.
41
Pour ce qui est de l’avenir de la Fête, n’y a-t-il pas à se tenir « sur le fil » entre le sérieux d’une
entreprise bien encadrée qui a maintenant 26 ans, un rite bien institué et attendu, et la part laissée à la
créativité, à l’initiative nouvelle de tout petits groupes ?
L’organisation détient ainsi un rôle important, car elle doit conserver la fraîcheur et l’inventivité de
cette fête, afin qu’un certain esprit non-commercial et non-standardisé soit préservé.
De ce côté-là, des éléments gênants, à mon avis, ont pu être observées au cours de l’histoire de la Fête
de la Musique. Je citerais d’abord en exemple ce 21 juin 2006 où une chaîne nationale a proposé une
émission en direct, invitant des artistes français à chanter pour la plupart… en playback !
Ensuite, dans un domaine proche, il me semble que les sponsors, souvent présents et très utiles lors de
festivals, devraient s’effacer le soir du 21 juin.
Ces deux éléments créent une dérive commerciale qui ne correspond nullement à l’esprit dans lequel la
Fête de la Musique a été imaginée. Ils lui enlèvent toute spontanéité et simplicité.
Dans le secteur musical en général, la télévision publique ne joue pas, à mon sens, son rôle éducatif.
Les styles musicaux présents à l’image restent peu nombreux, et ceux qui sont choisis sont
malheureusement loin de représenter la diversité musicale actuelle.
La Fête de la Musique, au contraire, fait naître des goûts musicaux variés. Elle pourrait même susciter
de fortes demandes pour les « autres musiques »… On pourrait ainsi imaginer que les médias, voulant
répondre à ces demandes, joueraient davantage leur rôle ?
42
Table des annexes
Annexe 1
Entretien télévisé de Maurice Fleuret par Philippe Caloni. Le 21 juin 1982.
Source : INA.
Annexe 2
Entretien avec Emmanuelle Chollet-Antoine. Le 11 juin 2007. Service Action
Culturelle, Mairie d’Angers.
Annexe 3
Entretien avec Fabrice Nau. Le mardi 3 juillet 2007. La Cerclère, Angers.
Annexe 4
Entretien dans la rue. Un groupe de rock “alternatif”. Jeudi 21 juin 2007, Place
St-Eloi.
Annexe 5
Entretien dans la rue. Un guitariste amateur. Jeudi 21 juin 2007, Angers, Bd
Foch.
Annexe 6
Brieuc, membre d’un groupe de rock festif à St-Herblain (44). Entretien par
email le 27 juin 2007.
Annexe 7
Samuel, membre d’un groupe de rock électro semi-professionnel à Rezé (44).
Entretien par email le 25 juin 2007.
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Annexe 1
Entretien télévisé de Maurice Fleuret par Philippe Caloni
Jardins de la Direction de la Musique
Quelques jours avant le 21 juin 1982. 4min 9sec.
Source : INA. http://www.ina.fr/actualite/evenements/18-6-2003.fr.html
Maurice Fleuret : Tous les Français qui font de la musique, quelque musique que ce soit, et de quelque
manière qu’ils la fassent, descendront dans la rue, en faire ensemble, pour se connaître, et – je crois –
pour montrer que la France est musicienne avant que d’être mélomane.
Philippe Caloni : Et alors, ça signifie que vous allez faire sortir quoi ? Cinquante millions de Français
dans la rue ?
M.F. : Au moins cinq millions, puisqu’il y en a cinq millions qui font de la musique. Il y a un Français
sur trois qui possède au moins un instrument de musique… c’est déjà beaucoup.
P.C. : Oui, mais Maurice Fleuret, le fait que des Français, enfin un français sur trois possède un
instrument de musique, signifie-t-il qu’ils font de la musique ? Et d’abord qu’est-ce que ça veut dire
que faire de la musique ?
M.F. : Et bien c’est faire plus que d’en écouter. Ecouter de la musique, ce n’est pas suffisant. Nous
sommes dotés de tout ce qu’il faut pour faire de la musique. Nous avons tous une voix, nous avons tous
des bras, des mains, pour faire sonner les corps sonores.
Alors si nous ne produisons pas des sons par nous même, nous ne devenons… que de grandes oreilles !
Et ce peuple Français, à qui on a dit, à qui on a répété depuis toujours qu’il n’était pas musicien, à côté
des allemands, à côté des italiens, et même des anglais aujourd’hui, ce peuple Français est un peuple
musicien, et pas seulement mélomane !
P.C. : Et alors qu’est-ce qui va se passer ? Qu’est-ce que vous souhaitez qu’il se passe ?
M.F. : Nous savons déjà qu’il va se passer beaucoup de choses, car les collectivités locales, les
municipalités, les départements, les régions ont répondu à notre appel. Les institutions, les associations,
les individus… Et je peux vous assurer qu’on verra et entendra des choses étranges. Bien sûr les
grandes institutions sortiront, joueront sur le parvis, mais il y aura aussi des gens qui descendront jouer
de l’accordéon. Il y aura dans des villes comme Angoulême ou Besançon les cloches des églises qui
sonneront à toute volée ; dans le port de Marseille les sirènes des bateaux… Tout ce qui fait musique
fera musique ce soir là sur l’ensemble du territoire.
P.C. : Maurice Fleuret, vous êtes directeur de la musique au ministère de la Culture. On sait très bien à
quel point pour vous la pratique musicale, à quelque niveau qu’elle se situe, même au plus humble, est
une chose importante. Mais est-ce que ce seul soir du 21 juin pourra remplacer ce gros problème qui se
pose en France, à savoir que, comme le disait Kodaly, l’éducation musicale commence neuf mois avant
la naissance…?
M.F. : Ecoutez, c’est d’abord une manifestation d’existence. Nous existons, nous, tous ceux pour qui
l’acte de musique est un acte de nécessité, un acte vital. Il faut le montrer, il faut le dire, il faut que ça
se sache, il faut que l’opinion soit informée. Partant de là tout est possible.
Nous travaillons ici depuis de nombreux mois à préparer, en relation avec le Ministère de l’Education
nationale, une réforme de l’enseignement – promise d’ailleurs par le président de la république – qui
doit faire entrer la musique et les disciplines artistiques dans l’enseignement général. Nous réformons
l’enseignement musical spécialisé. Bref nous agissons sur tous les terrains. Mais encore faut-il qu’il y
ait ce grand mouvement, ce grand mouvement de masse qui correspond à la réalité, et sans quoi notre
action n’aurait pas de sens.
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P.C. : Alors Maurice Fleuret il ne sera pas interdit demain de descendre dans la rue et de chanter faux,
pourquoi pas ?
M.F. : Il sera recommandé de chanter, faux ou juste, l’important est de chanter.
P.C. : Une dernière chose Maurice Fleuret, vous pratiquez la musique… Alors est-ce qu’on vous
trouvera, vous, en train de jouer de je ne sais quel instrument, pourquoi pas d’une cithare du Nigeria ?
M.F. : Ecoutez dans cette maison, dans ces jardins où nous sommes, à la direction de la musique, tous
mes collaborateurs, et pas seulement les artistiques, mais aussi les administratifs, mettront la main à la
pate. Il y aura musique dans la cour, dans le jardin, sur le trottoir de la rue Saint Dominique. Moimême, avec mes instruments africains ou asiatiques, qui sont l’environnement de ma vie quotidienne,
et bien je descendrais de mon appartement, je serais ici, aussi. Et je dois vous dire que je ne serais pas
seul, parce qu’il y aura beaucoup de responsables de la vie publique française qui vont aussi mettre la
main à la pate. Nous avons des ministres qui sont de bons musiciens, ou des musiciens tout court, qui
le montreront.
Je crois que ça c’est peut être le côté un peu exceptionnel, un peu spectaculaire. Le plus important, le
plus important c’est que telle dame qui joue du piano au quatrième étage ouvre sa fenêtre et
s’aperçoive tout à coup que la voisine du dessous joue de la flûte à bec, c’est ça le plus important.
P.C. : Donc on peut se réunir ?
M.F. : Il faut se réunir, il faut d’abord se connaître.
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Annexe 2
Entretien avec Emmanuelle Chollet-­Antoine
Le 11 juin 2007
Service Action Culturelle, Mairie d’Angers
Je souhaite parler avec toi de Tour de Scènes et de la pratique musicale des amateurs. Mais tout
d’abord, quel est exactement ton poste ici ? En quoi consiste ton travail ?
Une grosse partie de mon poste n’est pas dédiée au soutien à la pratique musicale amateur, mais plutôt
à l’accès des personnes en difficulté à l’activité culturelle de la ville. Donc toute la rencontre du volet
social et du volet culturel d’un projet politique municipal on va dire, une convergence de
préoccupations entre ce qui aurait trait à la lutte contre l’exclusion et ce qui aurait trait au
développement culturel, à la découverte culturelle. Donc en gros c’est quand même une grosse partie
de mon poste.
On travaille sur cette partie là avec un réseau d’environ 25 associations qui sont en lien avec les publics
en grande précarité : les « aigles » caritatifs, les associations de locataires, les associations d’insertion,
les associations d’habitants… et puis ce réseau là il est aussi constitué de la plupart des acteurs
culturels de la Ville, que ce soit les structures elles même, les évènements, comme Premier Plan,
Cinéma d’Afrique, Festival d’Anjou,… que les associations, comme Cinéma Parlant, qui travaille au
quotidien sur un accès à différentes formes culturelles et artistiques.
Donc en gros c’est ce réseau là qu’on anime, avec une grosse partie d’accès à l’offre de spectacle, qui
nous prend beaucoup de temps, et puis de réflexions générales sur comment on rapproche les publics
les plus éloignés, ou les plus traditionnellement éloignés de la culture.
C’est donc de l’action culturelle au sens propre.
Ah oui vraiment, complètement, tous les jours.
Donc c’est là ma mission première. C’est pour ça que je suis venu à l’action culturelle, pour ce poste là.
En gros je coordonne la charte, qui est un texte qui a été signé par tous ces acteurs dont je te parle, cette
Charte Culture et Solidarité, avec les élus bien sûr.
Et puis en parallèle je m’occupe du volet culturel « Contrat urbain de Cohésion Sociale ». C’est un
contrat établi entre l’Etat et la Ville pour – on va dire en généralisant – l’amélioration de la vie des
habitants de quartiers qui sont déterminés prioritaires sur la ville, touchés par la pauvreté, la précarité,
le chômage, par tous les aspects de dégradation d’une vie en fait : travail, logement, cadre de vie, etc.
Et donc ce Contrat Urbain de Cohésion Sociale il intègre une dimension culturelle bien évidemment,
car on considère quand même que la culture, ne serait-ce que par ce que je viens de te dire sur la Charte
Culture et Solidarité, joue un rôle très important dans l’épanouissement, le lien social, etc.
Donc en gros, ce contrat il est ici géré par une « Mission cohésion Sociale », et on plusieurs services –
service des sports, service insertion, service culturel, service santé – à être accroché à ce « CUCS »
pour lui donner un sens global, une cohérence.
Dans le cadre du CUCS il y a une très forte dimension éducative, qui est en corrélation avec le Projet
Educatif Local, qui est cette fois développé par le Service Education-Enfance. Le projet Educatif
Local, c’est effectivement comment la Ville se préoccupe de l’éducation dans toutes ses dimensions,
des jeunes de 0 à 20 ans à Angers, que ce soit à l’école, hors l’école, avec les parents, sans les parents,
etc.
Donc du coup je suis en lien avec les 2 dispositifs.
Le Projet éducatif local est donc un projet de la Ville, alors que le CUCS est national.
Tout à fait.
On dit sur mon poste que « Emmanuelle est chargée de tous les postes contractuels » dans le volet
culturel. Par exemple il y a dans le cadre du PEL les Contrats éducatifs locaux : la Ville est amenée à
mener des actions dans le cadre périscolaire et extra scolaire pour les enfants de 3 à 16 ans, dans les
domaines sportif et culturel. Donc ca veut que derrière il y a de l’argent, des acteurs culturels, des
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intervenants, le service éducation-enfance, l’école… et tout cela est animé par nos collègues de
l’éducation-enfance.
Le Contrat éducatif local est l’outil du PEL. Le PEL étant un grand projet politique. Il contient : aide à
la fonction parentale, aide à l’acquisition des langages, aide à l’autonomie, pour tous les enfants et
jeunes de la ville. Mai ce sont des grandes lignes politiques, qui font que derrière il faut faire des
choses, concrétiser. Le CEL est une concrétisation du PEL.
En gros quand on parle de « culture quartiers », ou de « culture précaire », en gros ça se passe autour de
chez nous, là… Ce que Maryvonne a appelé la cellule médiation, mais je préfère « développement
culturel » car pour moi la médiation est un moyen est pas une fin. Le Développement rejoint autant
l’accès à la culture que la valorisation des talents de chacun, l’idée qu’un projet culturel peut émaner de
la population. On n’est pas que sur l’accès à l’excellence artistique et culturelle, mais on peut être aussi
dans la valorisation du talent de chacun. On plus sur la démocratie culturelle. Qu’est ce qu’on peut
faire pour faire émerger des projets, des actions dans lesquels les personnes, les habitants de cette ville
seraient valorisés sur le plan de leur pratique. Le deux doivent se rejoindre.
Et puis dernière dimension de mon poste, qui est un peu particulier, puisque j’ai commencé à la mairie
en tant que chargée de mission jeunesse, et à ce titre, avec l’élu, on a été amenés à lancer un
évènement, qui s’appelle maintenant « Tour de Scènes », qui a pris ses origines à la mission jeunesse,
comme un évènement musical mais avec une finalité citoyenne, d’expression, d’animation de la ville,
et pas qu’une finalité culturelle, et à la rigueur on n’en parlait même pas à l’époque. Le but recherché
était qu’un évènement de la Ville permette l’expression des jeunes : l’expression sur scène des jeunes
musiciens, l’expression de jeunes dans la Ville qui avaient envie de dire « voilà on nous écoute on nous
donne de l’animation, la ville est à nous, c’est nous qui pouvons l’investir », et puis aussi l’expression
citoyenne dans le sens où on avait parié sur le bénévolat et su coup cet évènement là a vécu et vit
encore parce que des jeunes gens ont envie de s’investir sur le terrain pendant le festival.
Donc c’était vraiment un évènement avec une grande dimension citoyenne, et on se disait « il serait
bon d’y mettre un peu de qualité », donc on a vu comment on a pu recruter ou faire appel à des artistes
pour assurer une moindre qualité à cet évènement… Et finalement au bout d’un moment, la balance
s’est inversée ! Puisque les musiques émergentes sont devenues plus qu’un alibi et ont pris une place
importante… De fil en aiguille, et ça a posé des problèmes à la Ville, l’association Musica, notre
prestataire, s’est emparé des objectifs et a fait un véritable projet politique de ce festival, en disant qu’il
y avait de l’importance et des enjeux à soutenir la création émergente, et à donner voix à la pratique
musicale amateur. De ce fait c’est devenu un projet en tant que tel, et là la Ville a moins suivi, d’autant
plus qu’il y a eu un changement d’élu, et ça a fait que ça n’a pas été vraiment partagé par la Ville.
Aujourd’hui la Ville regrette un peu de ne pas s’être saisie du questionnement de Musica.
La Ville s’est demandé en 2004 si Tour de Scènes était suffisant pour les musiciens amateurs à Angers.
Les élus ont passé une commande pour rechercher s’il était important de ne pas faire que Tour de
Scènes, imaginer autre chose pour les musiciens amateurs. D’où une étude spécifique, qui
malheureusement n’a abouti à pas grand-chose… Ca touche beaucoup de choses, puisque c’est un
dossier de fond réellement, qui pose des questions très importantes mais bien plus fines que la
construction d’un bâtiment ou je ne sais quoi… Il faut vouloir s’emparer de cette question, en avoir la
volonté et l’énergie, et croire à l’utilité d’une vraie politique culturelle en faveur des amateurs. Il n’y a
pas beaucoup de villes qui réussissent. A Angers, très clairement il n’y en a pas. Aucun élu n’est
engagé là dedans.
Par ailleurs, pour faire un petit retour en arrière, lorsque je suis arrivé ici au service action culturelle les
élus m’ont demandé d’emmener avec moi mon festival ! Les élus et la Direction Générale l’époque ne
sont plus du tout ce qu’ils sont aujourd’hui. Ce n’est vraiment plus du tout les mêmes personnes. J’ai
donc hérité d’un truc qui n’a pas été choisi par tout le monde, et surtout pas par l’actuelle direction et
l’actuel corps politique… C’est ce qui fait tout le côté bancal de mon poste. Heureusement que ce n’est
qu’un volet de mon poste d’ailleurs, car sinon je ne sais pas comment je m’en sortirais. Donc peut être
pas toujours un appui politique suffisant. Et c’est vraiment la règle dans les collectivités : c’est une
bonne leçon pour moi, même si ça fait 10 ans que je suis là, mais plus jamais je ne recommencerais
quoi que ce soit sans avoir ce soutien politique annoncé et avéré.
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Aujourd’hui le festival perdure, est financé par la ville, alors qu’il n’est pas tellement voulu ?
On sait qu’il a du succès, qu’il est utile notamment autour de la création musicale amateur… Ca le
maire et les élus le savent ; ils voient 30 000 jeunes dans la ville une seule fois par an, le maire n’est
pas dupe et sait que c’est un festival attendu, qui a tout son intérêt sur le plan artistique, sur le plan du
public… Donc un public fidèle, une programmation de toutes façons dans les clous, « utile » (même si
je n’aime pas ce mot), qui a son sens.
A propos de la politique de la Ville en faveur des musiciens amateurs, comment vois-­tu les
choses ?
Il y en a toujours un peu, pas de réelle volonté affirmée. En 2004, et c’est paradoxal, les élus ont
commandé une étude qui ferait un état des lieux.
C’était la 7eme édition du festival, et il fallait penser à son avenir… On s’est demandé s’il ne serait pas
intéressant de redéployer les moyens, pour faire autre chose, d’arrêter l’événement annuel, de faire
pourquoi pas de la diffusion toute l’année dans des lieux…
Alors les élus ont voulu en savoir plus. On a mené une étude assez longue (trop longue ?), avec des
résultats, et puis derrière il y a eu des priorités – c’est toujours un peu la même chose – et le dossier
s’est un peu endormi… On est demandeurs d’argent et de moyens sur ce type de projet, il faut en
mobiliser de nouveaux. Et déjà en 2005/2006 on entendait « mais vous comprenez on est en fin de
mandat », ou encore « le Quai est en cours, c’est très important », etc.
Je crois que le projet du Quai, que je ne critique pas, je ne peux en dire que du bien, a vraiment
mobilisé beaucoup d’énergie et de moyens… Et on nous a vraiment fait comprendre qu’il n’était pas
opportun d’arriver avec une sollicitation de nouveaux moyens pour un « petit projet », car finalement
c’en était un.
La seule chose qu’on a réussi à faire, parce qu’il y avait un enjeu, c’était la création du département
Musiques Actuelles au Conservatoire. Parce que le Conservatoire a été inspecté, et il y a eu une petite
menace de perte du label « Conservatoire à Rayonnement Régional » (ancien « conservatoire national
de région »). Or ce label demande un certain nombre de garanties, que le Conservatoire actuellement ne
présente plus. Il y a donc une mobilisation forte autour de lui, et il est écrit dans les textes (lequel ?)
que la création d’un département Jazz ou Musiques Actuelles est une des garanties pour le maintien du
label.
Donc de manière très rapide des heures ont été votées pour que 2 personnes soient recrutées en jazz et
en musiques actuelles et soient en poste en septembre au conservatoire. Il reste à voir, maintenant, le
projet pédagogique, le contenu, l’émulation, etc.
Il y a plusieurs enjeux qui interviennent dans le maintien du label « à rayonnement régional », et ce
département jazz et musiques actuelles en fait partie. Il y a pas mal d’autres points importants.
As-­tu dans ton activité à travailler à faire découvrir la pratique de la musique à des gens qui ne
connaissent pas du tout ?
On en parle et c’est quelque chose qu’on essaie de faire émerger, mais en tout cas dans le domaine
musical, ça n’existe pas. Dans d’autres oui ça existe, comme par exemple en danse contemporaine : un
travail est mené depuis un an avec un petit groupe de 20 personnes, au CNDC toutes les semaines, qui
découvrent une pratique – on est donc plus dans une pratique que dans la révélation d’un talent ; c’est
un exemple d’expérience. On en tenté un atelier beat-boxing avec le Chabada, avec un petit groupe de
5 personnes, qui sont motivés et volontaires pour faire ça, découvrir cette pratique.
On a fait un projet dans un quartier dans lequel une compagnie de cirque était en résidence, ce qui a
permis à des gens de participer à des ateliers. C’est donc de la pratique, on est dans la pratique, et
moins dans l’émergence de quelque chose qui viendrait de la personne. C’est quelque chose de difficile
parce que ça demande beaucoup de moyens, et du temps. Pour réaliser cela, il faut l’intervention de
professionnels, de gens qui savent faire ça, faire émerger quelque chose, ou alors qui savent repérer par
exemple que là il y a un musicien amateur qui mériterait qu’on s’y attarde.
Alors il y a des projets de cette nature, qui sont dans les cartons, mais que les élus n’ont pas souhaité
voir se réaliser pour l’instant.
Le seul projet en lien avec la musique est celui de Pierrick Menuau : une fanfare inter amateurs /
professionnels, du nom de « L’épicerie musicale ». Ce projet a été imaginé par lui et ensuite proposé
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ici. L’idée était d’aller dans les maisons de quartier, d’y faire un appel aux musiciens et de réaliser
ensemble une création. L’idée était très bonne et très bien présentée. Ce travail serait encadré par 3
musiciens professionnels, et prévu sur 2 ans, ce qui est très intéressant et très juste car ceci demande
vraiment du temps.
Ce projet n’a pas vu le jour pour des raisons budgétaires, même si je ne le trouve pas extrêmement
cher : 8 000 .
Voilà le genre d’initiative que je trouverais intéressant de soutenir.
Ce projet te semblait réalisable ?
Oui tout à fait. Ca demandait de la médiation, car les artistes tout seuls ne sont pas en mesure de la
faire – c’est d’ailleurs ça qui manque partout dans le projet global d’une ville, des « maillons de la
médiation », qui font participer vraiment les gens à la vie culturelle, des gens qui sachent faire passer
les choses, être sur le terrain tout en sachant faire passer une politique.
Quelles peuvent être selon toi les difficultés que rencontrent les musiciens amateurs ? Quelles
sont les choses à améliorer ? (Notamment les observations faites suite à l’étude de 2005).
Il y a un premier gros problème, et ce n’est pas moi qui le dit, c’est la diffusion, c’est le fait de JOUER,
tout simplement. Ce que dit Marc Ségur, le programmateur de Musica [de Tour de Scènes, NDT], c’est
que la première chose que veut faire un musicien si vous lui posez la question, c’est jouer, ce n’est pas
enregistrer son morceau, ou répéter impérativement 4 fois par semaine… même si c’est absolument
nécessaire.
L’objectif premier c’est de jouer, devant un public. Et là aujourd’hui c’est clair qu’il y a un manque
criant de lieux de diffusion. Nous avions proposé la création d’un nouveau lieu – de manière naïve – en
disant « il manque à Angers un lieu central, de petite jauge (200 personnes), mais vraiment central où il
y aurait une programmation essentiellement amateur.
A la rigueur on pourrait l’avoir celui là, avec l’Espace Culturel de l’université, mais il n’est pas
envisageable de travailler avec cet espace là – pour ne pas dire avec ce monsieur là… Comme quoi, et
c’est bien malheureux, tout est question de personne.
Cette proposition d’un nouvel outil de diffusion à Angers a été refusée par les élus. Ceci certainement à
cause de la conjoncture, l’investissement énorme du Quai.
La réponse à ça : le Chabada, dans un nouveau projet, « Tostaky », qui est un projet de développement
des activités du Chabada en direction des musiciens amateurs. L’idée est d’utiliser ce lieu déjà existant
mais d’y adjoindre une nouvelle salle, qui est derrière le Chabada, auparavant destinée au NTA et au
CNDC, mais comme le Quai les « absorbe », la salle devrait être libérée pour le Chabada. Mais ça reste
au conditionnel car rien n’est sûr.
3 volets dans ce projet :
- Développer les résidences de pro, car pas suffisamment développé aujourd’hui. C’est un
volet que je maîtrise mal.
- Un volet action culturelle fort, en lien avec les résidences pro j’imagine, pour montrer le
volet résidences pro.
- Et le troisième volet : accompagnement des musiciens amateurs, autour d’ateliers, de master
classes, de présence en studios, etc.
Le premier résultat de notre diagnostic était la diffusion ; ce projet est censé y répondre, mais c’est
juste un élément de réponse, qui compenserait le refus de construire un nouveau lieu. A vérifier dans le
prochain mandat !
Deuxième élément de réponse : une salle qui va être construite en 2009 dans le quartier de Belle-Beille,
qui sera essentiellement destinée à des événements festifs de quartier, qui sera équipée, et d’une jauge
de 300/400 places je crois. Ce lieu pourra peut être accueillir la pratique musicale amateur, sachant
qu’il n’est pas central, c’est un point important.
Voici donc les 2 réponses des élus suite à la demande d’une nouvelle salle.
Le projet Tostaky, pour resituer, est un projet proposé par le Chabada, pas par la Ville, il y a 2 ans déjà,
mais il est resté un peu lettre morte. Je n’ai pas de nouvelles au jour d’aujourd'hui.
En revanche, le projet de salle à Belle-Beille est un projet Ville
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Concernant le problème mis en évidence de répétition (locaux de répétition), on n’a pas de réponse
directe. Il faut savoir que la Cerclere serait à multiplier par 2, car elle est complètement saturée. Le
début de réponse donné par les élus serait le développement des studios de répétition, ou l’amélioration
des conditions de répétitions de certains groupes dans la dizaine de maisons de quartiers d’Angers.
Puisque quelques studios de répétition existent dans les maisons de quartiers, qui sont pour la plupart
non insonorisés et non aménagés/non équipés, c'est-à-dire – en exagérant – que tu ne peux faire de la
musique qu’entre 3 et 4 heures de l’après midi, ce qui n’est pas pratique quand tu as 16 ans et que tu es
au lycée. L’idée est donc d’améliorer les existants et d’en créer de nouveaux.
Que sont exactement des « maisons de quartiers » ? Des maisons de la Culture ?
Oui c’est très proche, ça en est issu. Ce sont des équipements sociaux culturels, elles ont toutes leur
propre histoire. C’est très diversifié d’une ville à l’autre, ça peut être les centres sociaux, les centres
sociaux culturels, les MJC… et tout ça est rattaché à des fédérations d’éducation populaire, ou non.
Le projet d’aménagement de ces maisons de quartiers est en cours, par exemple au centre Jean Vilar
(en cours d’insonorisation), au Lac de Maine, ou encore aux Trois Mats. Mais tout cela nécessite argent
et forte volonté politique, et actuellement ce n’est pas prioritaire.
Le troisième volet, qui est la FORMATION, nous semblait à nous important, mais curieusement pas du
point de vue des musiciens. Pourtant c’est un vrai souci : un jeune guitariste de 15 ans qui veut se
mettre à la guitare électrique pour monter son petit groupe, où va-t-il ? Nulle part !
Sur la pratique ce n’est pas vraiment un problème – et encore – mais sur la dimension pratique
collective c’est un vrai problème, car c’est là le but de tout pratiquant de musiques actuelles.
A cela, 2 formes de réponses :
- Tostaky, qui revendique un volet formation,
- Le département « Musiques actuelles » du Conservatoire, en espérant que ce soit un vrai
projet et non une couverture. Mais je ne pense pas. Ce qui m’inquiète c’est que l’on
commence de manière modeste, donc j’ai peur qu’on s’arrête vite… On va avoir une
personne qui sera là 12h/semaine et une autre en jazz 8h/semaine, ce qui est peu… Toutefois
on aura vraiment l’équipement puisqu’il y aura 2 studios de répétition et une salle MAO
[Musique assistée par ordinateur, NDT] au sein du CRR [Conservatoire à rayonnement
régional, ancien CNR – Conservatoire National de Région, NDT]
Le quatrième volet serait l’ENREGISTREMENT, mais aujourd'hui ce n’est pas une nécessité puisque
beaucoup de musiciens ont un home-studio [matériel d’enregistrement personnel], la technologie
avance très vite. En revanche le volet pédagogique nous parait important. On va donc essayer de voir si
dans le cadre du conservatoire il n’est pas envisageable de soutenir ce volet là, c'est-à-dire par exemple
faire suivre par un professionnel l’enregistrement d’un morceau. Quelqu’un du métier, qui puisse
commenter ce travail, aiguiller, conseiller, accompagner le travail, et ce de façon personnalisée. Ceci
au sein du conservatoire ou de Tostaky.
Quelle est selon toi la progression historique de l’engagement des villes et des structures en
faveur de la pratique amateur ?
C’est quand même une préoccupation globale, prépondérante autant dans les équipements comme le
Chabada que dans les villes au sein des politiques culturelles que même maintenant au gouvernement.
Il y a eu – et j’espère que ca va durer – la création du Conseil Supérieur des Musiques Actuelles, par
l’ancien ministre, et à ce titre la mise en place de 4 commissions de travail, dont une dédiée à la
pratique amateur et au statut amateur. Le ministère devait donc (est-ce toujours d’actualité ?) « sortir
quelque chose de son chapeau » parce que c’est invraisemblable de voir comment personne n’arrive à
être en règle par rapport à ça… Nous, à Tour de Scènes, nous sommes totalement dans l’illégalité,
puisque 50% des gens programmés ne bénéficient pas d’un salaire tel qu’on l’appelle dans le domaine
du spectacle. On fait de plus en plus attention, mais on peut dire qu’on a encore 20% des musiciens qui
se produisent à Tour de Scènes qui ne sont pas salariés, et c’est illégal !
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Comment est-­ce que ça se passe exactement pour Tour de Scènes ?
En fait on a globalement 50% de professionnels, et 50% d’amateurs. On a avec certains artistes un
contrat de vente « normal », mais d’autres – qui sont sous un régime associatif – font une simple
facture de prestation à la Ville, mais qui ne fait en aucun cas office de salaire… Ca promeut l’activité
d’un groupe, mais ce n’est pas réglementaire du tout.
Excepté les 2 premières années, jamais les groupes qui participent à Tour de Scènes ne font leur
première scène. Nos intentions sont bonnes, mais ce n’est pas à ce point là du soutien aux amateurs !
Mais vous offrez quand même une belle scène à des groupes émergents.
Pour faire une bonne transition, sache que lorsque je contacte des bars ou restaurants pour la
Fête de la Musique, nombreux sont ceux qui me disent « on accueille pour la Fête de la Musique
untel, vous savez ! celui qui est passé à Tour de Scènes… », ça constitue une référence.
Il est clair que le fait d’y être passé constitue un plus pour les amateurs ici à Angers et autour, y
compris pour les gens en voie de professionnalisation. Ca peut donner une garantie de « quelque
chose ».
C’est le principe de « On Stage » au Chabada. Le concept est de faire passer 3 ou 4 groupes
préalablement sélectionnés, quelques soirs à la suite dans l’année. Ceci a lieu plusieurs fois par an, et
ca constitue l’activité emblématique du Chabada en faveur des amateurs. Et le Chabada n’a pas un rôle
facile car il est le seul lieu actif au niveau des musiques actuelles à Angers.
Au sujet de la Fête de la Musique, comment vois-­tu cet évènement par rapport à la musique en
amateur ? Quelle place donne t –il aux amateurs ?
Une simple date de plus…
J’exagère peut être un peu. Le concept initial a permis de dire que lorsqu’on est musicien on a peut être
une place reconnue quelque part, en public, sur la place publique, légitimée par les pouvoirs publics, et
je trouve ça très intéressant. Ca a donné une légitimité à la pratique amateur. « La rue nous appartient,
nous sommes des artistes qui avons notre voix ici à cet endroit, reconnue et attendue par tous ». Dans
l’idée, c’est donc très bien.
Et à Angers ?
J’ai vu comment petit à petit ça s’est organisé. Il y a toujours le concept de « scènes » comme celle de
la Fnac par exemple. Ca je trouve que c’est bien, qu’une grosse boite comme la Fnac s’empare de ça…
Après il faut voir quelle est la programmation, si celle-ci est locale. C’est un petit projet qui offre une
place aux amateurs dans un sens. J’espère que c’est ça leur idéologie.
Qu’est ce que trouves bien et pas bien dans le concept de Fête de la Musique ? Ou en tout cas
dans la façon dont ça se déroule ici à Angers ?
Je trouve que le problème c’est que quand tu es un « bon » musicien – de manière schématique – tu ne
peux pas sortir du lot. Finalement, je ne sais pas si le musicien et le public s’y retrouvent tant que ça. Je
ne sais pas si on réussit vraiment à faire valoir une pratique, à la valoriser autant que ça… Parce qu’on
a une succession – dans le sens géographique, même – de groupes et d’initiatives qui ne sont pas dans
des conditions qui leur permettent de sortir vraiment d’eux-mêmes, de donner la possibilité d’offrir à
un public quelque chose de travaillé, de qualité, d’affiné.
Pour autant des scènes comme la scène Fnac, la scène jazz, etc. offrent quelque chose de plus encadré,
avec quelques conditions techniques quand même. De ce fait le public risque d’être plus attentif.
Le fait que tout se déroule à même le trottoir, avec un public qui ne paye pas, qui déambule, tu
penses que ce n’est pas des conditions optimales ?
Non, je ne pense pas que ce soit les conditions optimales. Après, avec le jeu du hasard et de la chance,
il est toujours possible qu’un groupe sorte du lot et ait un succès fou, va faire que François Delaunay
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[Co-directeur et responsable du projet artistique du Chabada, NDT] va passer par là et être épaté, ou
encore que Marc Ségur [programmation et direction artistique de Tour de Scènes] va aller boire une
bière sur la terrasse d’un café et revenir en disant « j’ai vu quelque chose qui vaut le coup »… Mais
c’est vraiment la loterie plus qu’une certitude.
Mais comment expliques-­tu l’engouement pour cet évènement ? Tous les musiciens qui appellent
en voulant absolument s’y produire ?
Mais parce qu’il n’y a rien d’autre à côté ! A mon avis les gens ne jouent pas assez, et c’est une
opportunité.
De plus c’est important d’aller s’exporter dans la rue, de se confronter au monde... A ce niveau c’est
intéressant. Il est normal que des musiciens qui démarrent sautent sur la Fête de la Musique ; il n’y a
tellement rien pour eux, qu’ils ne peuvent pas manquer cette occasion, ce public – car le public est là :
on avoisine sinon dépasse les chiffres des Accroche-c urs, en un soir !
Et que peut y trouver le public ?
Une occasion de sortir, sauf si les gens ont repéré quelque chose d’intéressant dans la programmation,
puisque la Ville a décidé de faire un dépliant. Sinon ca reste essentiellement une occasion de sortie,
tout comme – on n’est pas dupes – Tour de Scènes ou les Accroche-c urs. C’est aussi ça tout le plein
air et le gratuit. Une occasion de fête, de plaisir, de rencontres, d’être dehors, d’écouter « un tant soit
peu » de musique…
Pour les musiciens : une occasion de jouer, une occasion de se faire connaître, notamment dans le cas
où la Fnac et d’autres s’en emparent, avec des conditions techniques appropriées, c’est l’idée
fondamentale d’avoir un public…
Je pense que c’est « tant mieux » si ça arrive, et « tant pis » si ça n’arrive pas. Et ça ne sera jamais le
cas pour Tour de Scènes ou quelconque festival encadré. La Fête de la Musique c’est tant mieux s’il y a
quelque chose, et tant pis s’il n’y a rien.
Et comme tremplin pour de nouveaux musiciens ?
C’est un énorme avantage à ce niveau. Pourquoi ? Parce que la rue devient la scène, et la scène de tout
le monde. Il n’y a donc pas de sélection, pas de programmateur qui choisit et élimine. La Fête de la
Musique a été, est, et restera donc la première scène de tout le monde.
L’évènement est largement louable dans ce sens. C’est juste que ça présente forcément quelques
travers, car ce n’est pas encadré, c’est une foire, une cacophonie, c’est les frites au milieu des
instruments… mais ça a vraiment son intérêt.
Penses-­tu que pour profiter de la Musique (avec une majuscule) il faut des intermédiaires, des
conditions, comme une scène, des micros, une vraie délimitation public/musiciens,… Car
finalement le jour de la Fête de la Musique les conditions sont extra minimales, la Musique est
« mise à nue », est se présente devant le public de manière la plus simple.
C’est aussi le cas de Tour de Scènes, avec des moyens en plus, certes. Mais ce rapport de proximité on
le créé nous même, puisque la scène est dehors, c’est gratuit, et la musique est là – c’est en général de
la « bonne » musique, et le public peut en jouir et en profiter autant qu’il veut…
La Fête de la Musique, à moins d’être un groupe qui a beaucoup d’argent, pour valoriser le travail
musical, c’est difficile. Donc ce rapport « authentique » je n’y crois pas. Personnellement je n’ai pas de
souvenir de truc extraordinaire, parce que les moyens mis en place étaient minimaux.
Cependant, pour certains genres comme l’acoustique ou la voix, le travail de la voix, sont plus propices
à trouver leur place dans la rue, paradoxalement d’ailleurs !
Mais le reste, essayer d’amplifier dans la rue quand il n’y a pas les moyens, il n’y a rien de pire… Et
j’ai une sorte de principe, qui est qu’on ne peut pas donner de la « soupe » aux gens, c’est peut être
critique face à un travail d’un groupe qui fait tout ce qu’il peut pour jouer bien, mais qui n’y arrive pas,
mais qui a quand même sa place dans la rue, et parce qu’il n’est pas bien accompagné ni encadré…
mais un jour il va y arriver.
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Personnellement je ne pense pas qu’il faille de l’authentique et de la proximité à tout prix. Mais c’est la
Fête de la Musique ! Il faut vivre avec ça. Moi j’ai un peu de mal à vivre avec ça, mais comme c’est
une fois par an je ne dois pas exagérer.
Toi tu préfères lorsque la musique est bien présentée, bien mise en valeur ?
Oui, et ça n’empêche pas que ce soit dans la rue, Tour de Scènes est la preuve que c’est possible ! On
peut très bien mettre la musique dans la rue, et avoir ce rapport très proche des gens/du public avec la
musique. Tu parles d’ « authentique », c’est tout à fait possible en y mettant un peu de moyens. Encore
une fois je ne suis pas contre la Fête de la Musique. Le concept c’est ça, on dit « le résultat n’est pas
important, il faut que ça ait lieu ». Moi personnellement ça ne me va plus, je n’ai plus envie de ça.
Quand j’avais 18 ans j’y allais en courant, et c’est normal, tant mieux que ce public l’aime.
Mais ce n’est pas un évènement qui a une grande valeur artistique, il ne faut pas y aller en cherchant
une grande valeur artistique. Et tant pis, ça a au moins le mérite d’exister, parce qu’il y en a d’autres. Et
heureusement qu’il y en a d’autres !
Pour moi la Fête de la Musique doit exister, et peu importe le résultat, surtout s’il y en a d’autres à côté,
organisés et financés par les pouvoirs publics… S’il n’y a plus que ça, alors c’est la mort ! Dans ce cas
il faudrait monter au créneau, par contre. Ca pourrait d’ailleurs arriver avec une certaine politique.
« Que faites-vous dans votre ville pour les musiciens amateurs ? », si la réponse est « et bien on fait la
Fête de la Musique ! », alors ça devient grave…
Mais ça doit continuer à exister ?
Oui, évidemment. Pour donner à des musiciens qui ont peu l’occasion de jouer de le faire. Imaginons –
c’est utopique – que dans une ville un système se met en place, pour offrir à tous les groupes amateurs
la possibilité de se produire chaque semaine, et bien la Fête de la Musique va complètement perdre en
popularité… et tant mieux ! Si la Fête de la Musique disparait parce qu’on a réussit à donner la voix à
tout le monde, tant mieux. Mais personnellement je n’y crois pas ! Dans 50 ans on y est encore à la fête
de la musique, selon moi, et telle qu’elle est aujourd'hui à Angers.
Faudrait-­il mettre en uvre plus de moyens dans l’organisation à Angers ? Comme peuvent le
faire des villes comme Oudon (44) ou le Mans ? Celles-­ci montent des scènes et font tourner des
groupes dessus, de manière « propre ».
Pourquoi pas ?
Il y a des gens qui nous ont dit « mais pourquoi ne faites vous pas Tour de Scènes le jour de la Fête de
la Musique ? » Mais non, ce n’est pas le principe : le jour de la Fête de la Musique, la rue est ouverte à
tous les musiciens, et nous (à Tour de Scènes, NDT) ça n’est pas ça.
Et j’espère qu’au Mans, s’ils font ça, qu’ils continuent à accepter des musiciens dans la rue, de manière
spontanée. Car le problème dès lors qu’il y a une scène et des moyens, c’est que des gens disent « toi tu
peux, toi tu ne peux pas,… », et ce n’est pas du tout le principe de la Fête de la Musique. Ces obstacles,
les musiciens les rencontrent tout le temps, sauf ce jour là. C’est donc un principe précieux je trouve.
En plus le fait de refuser de fusionner Tour de Scènes avec la Fête de la Musique, ça permet d’offrir
une autre date ouverte aux musiciens amateurs, il ne faut pas en faire l’économie. Ce weekend c’était
Musik’ô Lac [ex « les Estivales », festival de musiques actuelles, groupes locaux, NDT] au Lac de
Maine : encore une initiative d’expression des amateurs, qui doit coexister avec la Fête de la Musique,
Tour de Scènes, ou encore UL3son… L’idéal serait que de temps en temps elles collaborent – c’est ce
qu’on cherche.
L’idée, tu verras sur les documents, c’est de valoriser la pratique amateur à Angers à l’appui d’un label,
avec une programmation labélisée dans l’année, en plus des évènements, qui tournerait dans les lieux :
maisons de quartiers, cafés concerts, cafés, lycées, universités,… Un label qui vivrait sur la base d’un
réseau. Donc on serait plein d’acteurs, pilotés par la Ville, qui ferait la promotion de ce label, comme
« Bouge ta ville » à Nantes. Chaque acteur resterait organisateur de son activités, mais à l’appui d’un
label : avec des finalités précises, une réelle unité. Par exemple, il faudrait respecter toutes les
esthétiques, un calendrier qui les fasse toutes alterner, que tout le monde bénéficie des mêmes
conditions techniques,… C’est ça l’idée.
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Annexe 3
Entretien avec Fabrice Nau,
Responsable des Locaux de Répétitions et du Centre Info Ressources,
et rédacteur en Chef du Yéty
Le mardi 3 juillet à la Cerclère, Angers
En quelques mots, quel est ton travail ici au sein de l’ADRAMA – Chabada ?
Je suis avant tout responsable des locaux de répétition, qui se trouvent donc à la Cerclère, et non au
Chabada, bien qu’il y ait 2 locaux supplémentaires au Chabada. Donc toute la gestion des locaux, ça
comprend les plannings des locaux, qui vient répéter quand, l’attribution des locaux pour les locaux
« au mois », gérer le fonctionnement au quotidien, gérer par exemple les relations avec l’entreprise qui
s’occupe de la sécurité au quotidien etc.
Tu travailles donc ici à plein temps ?
Oui. En plus de ça je m’occupe du Yéty, qui est un petit magazine qui paraît à l’intérieur du
programme du Chabada. Je m’occupe de la rédaction et de la mise en page. C’est un magazine sur
l’actualité locale des musiques amplifiées en Maine et Loire. On s’intéresse aux groupes locaux qui
sortent un album par exemple, quand ils partent sur une tournée, ou sur un projet un peu spécial.
Comme dans tout magazine c’est sous forme d’interview. Il y a une petite partie de brèves, des news
lorsqu’il n’y a pas de quoi faire une interview, des choses comme ça… des chroniques de disques, des
petites annonces, tout ça.
Je suis en lien surtout avec les musiciens qui répètent ici, ce qui fait un peu le paradoxe de ce poste là.
Je suis à la fois responsable des locaux de répétition, donc attaché à un poste fixe, et puis j’ai aussi une
mission en lien avec l’actualité musicale de tout le département, hors c’est un peu difficile d’être à la
fois ici et partout ! Je n’ai pas le don d’ubiquité… Ca fonctionne donc plus sur des réseaux. Des gens
plus mobiles que moi ou des gens basés autre part me donnent des infos pour le Yéty. Et je centralise
tout.
Enfin, je m’occupe aussi des ateliers et stages qu’on organise au fil de l’année, pour l’instant
essentiellement au Chabada. Donc ils sont surtout à destination des musiciens amateurs.
Est-­ce la même chose qu’On Stage ?
Non, ça c’est juste de la diffusion. Je participe aussi à la sélection des groupes pour On Stage. On reçoit
des démos, on les écoute pour construire la programmation d’une scène amateur sur une soirée. On en
fait 5 par an.
Mais au sujet des ateliers et formations, je parle par exemple quand il y a résidence d’un groupe
professionnel au Chabada, on va en profiter – comme par exemple avec Zenzile – pour monter un
atelier de travail basse/batterie, qui est ouvert à tout le monde, mais qui s’adresse forcement plus aux
musiciens amateurs, soit vraiment débutant, soit confirmés. En tout c’est plus destiné à ce public là
qu’à des professionnels.
Soit on utilise des musiciens professionnels qu’on a nous à disposition, qu’ils puissent transmettre aux
musiciens amateurs, soit parfois on organise des stages ou ateliers qui sont déconnectés de toute
résidence au Chabada, juste parce qu’on a identifié des besoins, et qu’on a un intervenant qui peut très
bien répondre à ces besoins. C’est le cas des stages chant par exemple.
Est-­ce que ce serait amené à être développé, ces ateliers par thèmes ?
Nous on sait qu’on peut développer autre chose, plus de choses, mais le souci c’est qu’on ne peut pas
faire ça à la Cerclère, car ce sont des locaux de répétition, et il n’y a pas de local ici qui s’y prête. Et
puis en général des groupes répètent dedans.
Et puis au Chabada, l’inconvénient c’est que sa priorité reste quand même la diffusion de concerts…
donc moi lorsque je vais organiser des stages ou ateliers, je dois attendre de voir si on est bien surs
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qu’il n’y a pas de concerts cette semaine là ou ce soir là, en sachant que les moments les plus propices
ca reste les weekends, et ces jours là le Chabada est souvent occupé. En général la programmation est
définitive 2 ou 3 mois avant (maximum 3 mois), donc moi il ne me reste plus que 3 mois lorsque
j’apprends que tel weekend est libre pour organiser quelque chose ce jour là.
L’idée ce serait d’utiliser des locaux de répétition qui servent au NTA et au CNDC derrière le Chabada,
qui normalement ne devaient plus servir [suite au déménagement de ces structures au sein du Quai,
NDT] mais qui finalement vont servir encore, c’est en tout cas la volonté du NTA et du CNDC… Il
faudrait qu’eux deux se partagent un des deux studios, et que nous récupérions le plus petit des deux,
car ils sont de tailles différentes.
C’est le projet « Tostaky ».
Je t’ai présenté les activités telles qu’elles ont été développées dans l’ordre chronologique, c’est-à-dire
que d’abord, le poste de permanent ici il existe depuis la création des locaux de répétition, ouverts en
1990. Ont été créés aussitôt un poste de permanent « semaine » et un poste de permanent « weekend ».
Ces postes ont été les premiers postes de permanents de l’association ADRAMA, qui existe toujours
aujourd’hui. Les autres postes ont été créés en en 1994 pour l’ouverture du Chabada. Au début l’idée
était juste de gérer les locaux de répétition. Le Yéty existait déjà, dans une formule un peu plus légère à
l’époque.
J’ai oublié de mentionner la dimension Centre Infos en local : recevoir des gens comme toi
aujourd’hui, ou des musiciens en projets par exemple de sortie de disque, et qui veulent savoir
comment prendre les choses dans le bon ordre. Et on travaille, en plus de ce réseau local, avec le réseau
d’information régional « Tohu Bohu ». C’est moi qui suis en charge des relations avec ce réseau là
aussi. Ca aboutit concrètement à la publication du magazine Tohu Bohu, qui est régional. Un « gros
Yéty » en quelques sortes.
On essaie d’y faire adhérer une structure par département : pour la Vendée c’est le « Fuzz’yon »,
« Trempolino » et le « VIP » en Loire Atlantique, « Be-bop » pour la Sarthe, …
D’autres outils sont développés par le centre Infos Régional : une base de données sur le site de Tohu
Bohu, une sorte d’ « annuaire » des musiques actuelles en région, différentes choses…
Trempolino, dans le cadre de ces missions là – nous on y participe pas sauf quand ça se passe chez
nous – organise des séries de forums info, de débats-conférences etc.
Dans ce cadre là moi je peux aussi tout à fait en organiser au niveau local, comme récemment avec
l’ADDM, sur le sujet « diffuser sa musique sur Internet », des choses comme ça.
Ces choses se sont rajoutées après sur ce poste, comme aussi l’organisation d’ateliers et de formations,
ca date de 3 ou 4 ans… Et en prenant du recul on se rend compte qu’on pourrait les regrouper
justement sur le sujet qui t’intéresse toi : tout ce qui s’adresse aux pratiques amateurs. Finalement, à
part sur les locaux de répétition où l’on a quelques groupes professionnels qui répètent, le reste
concerne essentiellement les musiciens amateurs.
Ici dans les locaux de répétition on croise environ 70 groupes par an, et là il y a à peine une petite
dizaine de groupes professionnels. Puis une quinzaine de groupes qui ne sont pas professionnels au
sens économique, car ils n’en vivent pas, mais qui ont un comportement et une démarche de groupe
professionnel.
Lorsqu’on organise des stages et ateliers, ce sont toujours des musiciens amateurs, qui peuvent être
dans des groupes ou alors qu’on a jamais vu, qui sont isolés.
Donc dans l’entrée « pratiques amateurs », on voit qu’il y a plusieurs volets.
Volet diffusion : sur des premières parties de concerts on va permettre à des amateurs de jouer, mais
dans ce cas ils sont rémunérés car on considère qu’on est dans un cadre normal de concert. Soit
quelque fois dans l’année on a ces concerts un peu exceptionnels qu’on appelle « On Stage » dans un
contexte vraiment amateur : pas de billetterie, ou quelque chose de très symbolique (je crois que c’est
3 l’entrée et gratuit pour les abonnés du Chabada), et dans ce cas les musiciens ne sont pas rémunérés
pour la soirée.
Ca c’est donc pour le volet diffusion.
Sur le volet formation il y a les stages et ateliers.
Sur le volet information c’est tout ce qui est Yéty et le travail au sein du réseau Tohu Bohu.
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Et puis le volet répétition la Cerclère, avec une dimension conseil.
Comment vois-­tu la situation des amateurs sur Angers ?
On sait que le plus gros souci pour les musiciens amateurs, à Angers et ailleurs, c’est la diffusion. C’est
en tout cas ce qui ressort de l’étude dont tu as du entendre parler puisque tu es passé par la mairie.
Etude où on a pris le temps d’aller interroger d’une part des musiciens amateurs, et d’autre part
l’ensemble des structures qui les reçoivent au fil de l’année (maisons de quartiers,…). Le problème qui
revient le plus souvent de la part des musiciens, c’est qu’ils ne trouvent pas assez de lieux pour jouer.
Après ça, pour rentrer dans de petites subtilités, on ne sait pas lorsque ils dénoncent le manque de lieux
s’ils parlent de lieux strictement amateurs – peu importe s’ils sont rémunérés ou pas, ils veulent
simplement jouer – ou s’ils cherchent des lieux pour se produire en étant rémunérés, ce qui est
relativement compliqué. Car nous ce qu’on pense c’est qu’il va être très difficile d’augmenter les
« espaces sur scène » où les musiciens vont pouvoir être rémunérés, parce que d’une part les
financements publics ne vont pas augmenter (ils stagnent depuis un petit bout de temps), d’autre part le
secteur commercial (donc privé) c’est pareil il atteint son seuil de saturation depuis quelques temps. On
peut par contre développer peut être de petits lieux comme les cafés-concerts, là il y a encore un peu de
travail à faire. Mais après ça, du coup, on rentre dans des économies assez serrées. Il est difficile de
rémunérer aux conditions du code du travail 4 musiciens… parce qu’un cachet minimum c’est environ
70 net, donc 120 à 130 avec les charges. Donc plus il y a de musiciens plus ça coûte au café concert
ou au bar. Donc un lieu qui va accueillir 20 ou 30 spectateurs, sans aucune billetterie ou alors modique
– on ne peut pas mettre 10 l’entrée – c’est donc des économies où il est difficile de respecter le cadre
du code du travail, en sachant très bien qu’il n’y aura pas de financements publics aidant à la diffusion,
ou très peu. On peut peut être imaginer des financements du secteur pas public, mais parapublic,
comme le CNV [Centre National de la Variété, NDT] : l’ex-taxe « parafiscale », qui est perçue dès lors
qu’il y a de la billetterie sur un concert selon un pourcentage, et qu’on peut redemander en faisant par
la suite un dossier de demande. C’est une sorte de financement du secteur par le secteur. Le CNV peut
donc parfois venir en aide, mais c’est ponctuel est c’est loin de combler le manque pour pouvoir payer
des musiciens dans de petits lieux de diffusion.
La question de la diffusion est quand même la question qui revient le plus souvent de la part des
musiciens, mais aussi de la part des gens du secteur qui en ont bien conscience. Parmi les solutions que
nous essayons de préconiser, une est d’ouvrir des espaces scéniques aux amateurs, et essayer de trouver
des solutions pour les rémunérer dans un cadre strictement amateur. Leur but n’est pas d’en vivre, mais
on voudrait au moins leur permettre de pouvoir présenter leur production musicale à un public. La
scène a aussi des vertus pédagogiques, ça leur permet de se rendre compte du fonctionnement… On
voudrait leur laisser un peu les portes ouvertes à ce niveau là.
Le principe des soirées On Stage, c’est d’offrir une scène et des moyens techniques à des amateurs.
Après, il ne faut pas que le Chabada reste le seul qui fasse ça. Car c’est tout de même une grosse
machine à mettre en route, c’est assez lourd : 2 techniciens qu’on ne peut pas ne pas rémunérer par
exemple. Le Chabada peut sans doute faire encore des efforts, mais ce sera toujours loin de répondre à
tous les besoins… Et d’autres lieux, comme les maisons de quartiers, essaient de trouver des solutions,
devoir comment on peut améliorer les choses à ce niveau là. Et puis moi – et d’autres personnes –
aimerions bien trouver des solutions avec des petits lieux comme les cafés-concerts : lieux
traditionnellement ouverts aux amateurs, mais ce sont des lieux qui ont eu des soucis dernièrement
pour des problèmes de respect de la législation du bruit. En fait la plus grosse épine dans le pied des
cafés concerts c’est plus ça que les problèmes éventuels de légalisme à outrance sur les cachets. Je ne
connais pas de lieux comme ceux là qui ont du fermer suite à un contrôle Urssaf.
Pour autant, c’est parce que le problème du bruit est résolu – si on le résout – qu’on doit continuer à
marcher à côté de la côté de la législation sur le travail. Donc il faut trouver des solutions pour que les
gens qui organisent un concert amateur ne soient pas dans l’illégalité.
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Il n’y a pas de règle régissant le statut des amateurs ? J’ai entendu parler du décret de 1953, où
en sommes nous ?
Il est complètement obsolète. C’est un projet qui est en cours. Aujourd’hui si on veut être dans la
légalité il faut se référer à de multiples textes : le code du travail, ce décret de 1953 même s’il n’a
jamais été vraiment appliqué), à beaucoup de cas de jurisprudence,… Le texte en cours de rédaction
actuellement essaie de faire une synthèse qui permet d’avoir sous les yeux l’ensemble des conditions
dans lesquelles on peut faire jouer les musiciens.
Le texte actuel propose d’abord une définition de ce qu’est un musicien amateur, quelqu’un qui exerce
une activité artistique à titre de loisir, qui tire autre part ses moyens habituels d’existence. Ensuite le
texte décrit deux cas. Soit on est dans un cadre non lucratif, et là aucun souci pour faire jouer des
amateurs, c’est à dire sans salaire déguisé. Donc ils sont là de manière non rémunérée, il n’y a rien qui
ressemble à un salaire déguisé, ils peuvent être défrayés aux conditions du bénévolat, c'est-à-dire « au
franc le franc » : ce ne sont pas des remboursements forfaitaires qui pourraient être un salaire déguisé
justement.
Sinon, on est dans un cadre lucratif : la règle de base est que les amateurs doivent être rémunérés aux
conditions du code du travail.
Ce projet de loi joue sur ce point crucial : quand sommes-nous dans un contexte lucratif quand
sommes-nous dans un contexte non lucratif ? Toutes les subtilités vont se jouer autour de ça.
Cependant, dans le cadre lucratif, le texte prévoit quelques exceptions, qui seront fixées ensuite par
décret. Cela permettra de réajuster si besoin est, plus tard et plus facilement. Par ailleurs, les décrets
« personnaliseront »un peu le texte selon chaque champ disciplinaire, car il concerne l’ensemble du
spectacle vivant il faut le rappeler.
Voilà ce qui est en cours pour la diffusion.
Ensuite sur le plan de formation, même si a priori les musiciens n’en émettent pas le besoin si on leur
pose la question, nous essayons d’être imaginatifs et de chercher ce qui pourrait les intéresser. D’où les
ateliers, ou la très bonne initiative du département musiques actuelles au conservatoire, avec lequel
nous on fonctionnera probablement – enfin c’est notre espoir, de pouvoir travailler régulièrement avec
eux.
Sur un plan plus « préprofessionnel » les musiciens peuvent d’engager dans les stages proposés par
Trempolino, mais en général plus longs et plus couteux. C’était là l’idée de nos stages ici au Chabada,
c’était d’organiser des stages qui répondent soit à un besoin pour lequel il n’y a pas du tout de réponse
localement, soit qui sont une sorte de « première marche », moins chère, donner un avant gout de
quelque chose. Exemple pour nos cours de chant, je sais que des gens, suite à nos stages, ont continué à
suivre des cours en individuel. Ils ont vu ce à quoi pouvait ressembler un cours de chant avec un prof
un peu sensibilisé aux musiques actuelles.
A Angers on a pu voir qu’il existait des profs de chant, mais aucun qui une oreille un pu aguerrie aux
musiques amplifiées. Exemple si tu es chanteur dans un groupe de métal, de rap ou de hardcore, et que
le prof du cours dans lequel tu es trouve que ça ce n’est pas une manière de chanter ca pose problème.
Sur l’information, on ne peut pas nous être tous seul à ce niveau, il y a d’autres structures comme
l’ADDM49 qui a un rôle la dessus. Sur la formation aussi d’ailleurs, mais eux c’est plus un rôle de
coordination départementale. Il existe, toujours pour l’information, des structures comme Zicorama,
qui est un site internet, orienté musiques amplifiées, et auto alimenté par les acteurs, donc ça a un côté
moins institutionnel.
Sur la répétition, nous ici on est déjà pas trop mal équipés. Je pense qu’Angers n’est pas une ville trop
mal lotie. 10 locaux de répétition entre la Cerclère ici et le Chabada (8 + 2). Après ça pour un public
vraiment amateur, débutant, il y a des besoins auxquels on ne répond pas : on n’a pas de local équipé
en matériel pour un public type de 15ou 16 ans, qui aurait bien envie de commencer à faire de la
musique, qui n’a pas de quoi acheter pour l’instant une guitare électrique, dont le copain voudrait bien
faire un peu de batterie… et bien on est convaincu qu’il serait intéressant d’avoir un local équipé, pour
ce type de public, qu’il puisse venir faire des essais avant de voir si ça lui plait. Sauf qu’ici ce n’est pas
très adapté, car il faudrait bloquer un local pour ça exclusivement, or à 98 % notre public vient ici avec
son matériel, donc il faudrait se priver d’un local. Or on est déjà un peu court. En plus le lieu de la
Cerclère ne s’y prête pas vraiment, car on est assez excentré, et si on vise un public qui n’est pas
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motorisé, qui utilise le bus, ce n’est pas simple. Le bus s’arrête à 800 mètres, mais il faut connaitre…
Le lieu n’est onc pas idéal. En revanche le Chabada est un lieu beaucoup plus identifié, un bus s’arrête
juste devant, et les ex locaux du NTA pourraient être aménagés avec du matériel qui resterait en place.
Dernière condition qui limite l’installation de ce type de local ici à la Cerclère : il faudrait un minimum
d’entretien, sur du matériel assez spécialisé, avec des connaissances, que moi je n’ai pas forcement, et
en plus je n’aurais parfois pas le temps de le faire, à cause du Yéty par exemple. Alor que le Chabada
permettrai de travailler avec les techniciens qui sont là bas, qui pourraient faire ce suivi là.
De plus, il serait bien de faire plus que donner les clefs du local au début, et vérifier l’état à la fin, on
pourrait faire de l’accompagnement durant la répétition, pour expliquer quelques bases, même prévenir
les risques auditifs. Choses, encore une fois, que moi j’aurais assez peu le temps de faire.
Toujours au sujet du problème de lieux de répétition, on avait recensé lors de l’étude – je m’étais
personnellement chargé des maisons de quartier, que 8 parmi les 10 à Angers possédaient un local de
répétition. Après, plus ou moins digne de ce nom… Mais 2 seulement sont adaptés pour être utilisés en
même temps que d’autres activités. L’idée était donc de réaliser quelques aménagements, parce qu’il
me semble important qu’il y ait plusieurs lieux possibles dans la ville, un peu comme les terrains pour
jouer au foot !
Dernière question : la Fête de la Musique. Est-­elle vécue d’une manière particulière au Chabada
ou à la Cerclère ?
Juste une anecdote d’abord : d’habitude on a une sorte d’effervescence sur les 2 ou 3 semaines qui
précèdent la Fête de la Musique… plutôt les groupes qui utilisent les locaux de passage, donc qu’on
voit une fois par semaine dans l’année, et qui sont peut être plus le type de groupes qui va se produire
lors de cet évènement. D’habitude, on voyait ces groupes s’agiter de début juin jusqu’au 21 environ,
MAIS cette année – j’ignore pourquoi – on n’a pas eu cette effervescence « pré-Fête de la Musique »…
Est-ce parce qu’à ce moment ces groupes n’avaient pas de plans de concerts pour le 21 ? Ou avaient-ils
décidé de ne pas jouer ? C’est juste une anecdote.
Mais l’an dernier, et les autres années, je t’aurais répondu que OUI, la Fête de la Musique a une
incidence très claire parce que le nombre de groupes qui viennent répéter augmente brusquement.
De ton point de vue, que penses-­tu de la Fête de la Musique ?
Je trouve ça très utile. On parlait des problèmes de diffusion, et c’est vrai que ce soir là est une bonne
occasion de faire une bonne soirée, où les problèmes de bruit n’ont plus vraiment cours. C’est
intéressant à cet égard là. Moi ce que je regrette, c’est que ça ne soit pas réservé justement aux
musiciens amateurs. Je trouve dommage qu’on ait des scènes de musiciens professionnels. On devrait
décréter que c’est un jour férié pour les musiciens professionnels !
Mais c’est un très bon concept.
Après je pense que c’est loin de répondre à tous les besoins. Autant c’est quelque chose de très utile,
autant il ne faudrait pas que ça reste une sorte d’arbre destiné à cacher la forêt. Parce que pour
beaucoup de groupes c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. On ne peut pas s’aguerrir à la scène en ne
jouant qu’à la Fête de la Musique et une autre fois dans l’année à On Stage au Chabada… Ca ne suffit
pas !
Et la façon dont elle se déroule à Angers ? Je ne sais pas si tu as d’autres moyens de
comparaisons. Des choses à améliorer peut être ?
Moi ce dont j’ai peur lorsqu’on cherche à améliorer la Fête de la Musique, c’est qu’on cherche à la
cadrer, à voir qui va jouer quand, donc on va commencer à tâter auprès de groupes un petit peu plus
connus pour avoir des noms connus à mettre sur les tracts et les affiches. Donc moi je trouve ça pas
extrêmement anarchique à Angers, mais il ne faudrait pas que ce soit moins anarchique… C’est bien ça
l’esprit de la fête. Après, chacun pense ce qu’il veut, c’est juste mon avis.
En fait je crois que c’est fait pour ça la Fête de la Musique, pour être un peu anarchique, qu’on sache
pas trop sur quoi on va tomber, sauf si on connait peut être des copains qui jouent à tel endroit… Mais
c’est bien comme ça. Il faut préserver le côté un peu spontané, le côté « on-sait-pas-trop-où-on-va ».
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Annexe 4
Entretien dans la rue le 21 juin
Un groupe de rock “alternatif”
Jeudi 21 juin, Place St-­Eloi, 22h50
Deux membres de ce groupe (15 ans tous les deux) sont venus d’eux-­mêmes se présenter au service
Action Culturelle quelques semaines avant la fête de la musique pour avoir un emplacement le soir du
21 juin.
Vous êtes un groupe amateur ?
Ouais !
Qui débute ?
Ah oui !
Je fais une étude en parallèle de l’organisation de l’évènement sur la pratique musicale amateur
et sur la Fête de la Musique.
[Intrusion d’une maman] …Vous avez eu du monde ? Bonsoir ! Et t’as fais quoi toi Etienne ? Ah tu as
chanté ? Ah je t’ai pas vu chanter, je t’ai jamais vu chanter, il faudra que tu nous refasses ça, hein !
Quelle pratique avez-­vous ? Jouez vous régulièrement ?
On pratique à peu près toutes les 2 semaines, où on fait une vraie répétition.
Un autre : Mais comme on répète chez lui [le batteur, NDT], et pour pas déranger ses parents, souvent
on doit s’adapter… On a eu des grosses pauses quand même hein.
Un autre : Ou alors on a eu des gros concentrages toutes les semaines, genre depuis deux semaines là.
Ca fait combien temps que vous jouez ensemble ?
Ca va faire un an à tout casser. Un peu moins d’un an.
Et vous vous êtes produits combien de fois depuis un an ?
Eh c’est notre première là !
C’est le vrai premier concert.
Oui, « the » concert. Les autres fois on ne faisait que répéter, c’est tout.
Vous jouez vos compositions apparemment ?
Oui, des compos, et puis on s’était dit, pour la Fête de la Musique, faire quelques reprises. Genre « Hey
Ya ! », même si c’est pas vraiment dans notre style mais c’est marrant parce que ça bouge un peu. Et
puis on aurait du en faire une autre après, c’était « Seven Nation Army » des White Stripes, mais à
cause de la pluie… En plus c’était avec du saxophone, voilà, pour faire un dédicace à tout le monde.
Pourquoi jouez-­vous à la Fête de la Musique ?
Bah parce que tout le monde peut jouer à la Fête de la Musique, parce que les amateurs sont les
bienvenus. Donc qu’il y ait une erreur ou pas, c’est pas très grave. Nous, là, à des moments y’a eu des
petits problèmes mais c’est pas grave, c’est la Fête de la Musique.
59
Moi je pars du principe qu’à la Fête de la Musique on vient pour écouter de la musique, donc pas
forcément des professionnels… Donc on voit bien sûr des groupes amateurs, mais aussi des groupes
comme la Sviska Mepa [scène Fnac place du Ralliement, NDT], qui sont plus gros, et c’est bien pour
eux. Ca leur fait un concert en plus.
Un autre : Y’a aussi une autre raison, c’est la SACEM aussi. On peut rencontrer quelques problèmes
des fois pour jouer selon les endroits, selon ce qu’on joue, machin…
Et vous avez déjà eu des problèmes à ce sujet ?
Bah non… mais c’est que c’est difficile… enfin aujourd’hui c’est une organisation qu’on n’a pas eu à
faire, voilà. Parce que la SACEM ne perçoit rien le 21 juin.
Qu’est ce qui vous plaît dans le concept de Fête de la Musique ? Et qu’est ce qui serait à
améliorer ?
Ce qui nous plaît c’est la musique. On fête la musique, c’est déjà pas mal.
Un autre : on aime la musique !
Nous c’est notre première en tant que musiciens. Avant moi j’allais à la Fête de la Musique et j’adorais
ça… C’est toujours un petit rêve quand on est garçons, de dire « ah si on avait un groupe, on ferait la
Fête de la Musique ! ». C’est quand même un objectif qu’on veut atteindre.
Un autre : un truc à améliorer ce serait le temps… on est dépendants du temps, c’est le petit problème.
Un autre : et le petit problème avec la batterie, parce que là tout le monde est parti c’est dommage…
Les autres : Mais non, ça c’est pas la Fête de la Musique ça, c’est nous… ça a rien à voir.
Et sur la façon dont ça se déroule à Angers ?
Et bien rien de particulier, à part la pluie… Sinon c’est super !
Quels sont vos objectifs, vos projets pour la suite ?
Bah Stade de France, Bercy… !
Un autre : l’an prochain on va continuer avec un synthé, en plus.
Un autre : Déjà la Fête de la Musique de l’année prochaine, c’est déjà un objectif.
Un autre : Sinon faire des petits concerts par ci par là, des petites scènes, dans des bars pourquoi pas…
Vous avez envie de vous produire ?
Bah de montrer aux gens ce qu’on fait et faire partager un peu quoi, c’est ça. C’est sympa.
60
Annexe 5
Entretien dans la rue
Un guitariste amateur
Jeudi 21 juin, Angers, Bd Foch, environ 22h15
Un guitariste avec son ampli portable, assis sur un tabouret. Je profite de sa disponibilité pendant
qu’il a prêté sa guitare à un passant désireux de lui montrer ce qu’il sait jouer.
Bonjour Monsieur ! Je vous vois là jouer dans la rue, avec votre guitare et votre ampli. Vous êtes
musicien régulier ? Où pratiquez-­vous d’habitude ?
Je suis amateur. Pas professionnel, amateur, juste pour la plaisir quoi.
Pourquoi est-­ce que ce soir vous jouez ?
Et bien parce que c’est la Fête de la Musique !
Qu’est ce qui vous plait dans cette idée ?
La liberté.
Pour vous c’est un jour où tout est permis ?
Disons qu’il y a beaucoup de monde, c’est l’occasion de faire des rencontres, comme là… on se
connaît pas, on discute autour de la guitare. On fait des rencontres, car les gens sont disposés à ça je
crois. Les gens savent qu’ils vont rencontrer de la musique, ils sont ouverts à la musique.
Et vous avez l’habitude de vous produire le jour de la Fête de la Musique ?
Non c’est la première fois. [Il chante] « C’est ma première fois .. ! »
Et qu’est ce qui vous a décidé ?
Bah pour une fois je me suis dis « tiens je connais quelques morceaux, j’y vais quoi »… L’année
dernière j’en connaissais pas, ou mal. Et là je me dis pas que c’est super, mais je me dis « bon, c’est
potable, ça va, pour aller dans la rue c’est potable quoi… ça pourrait être mieux, mais bon… » Alors
c’est pour ça quoi.
D’habitude vous jouez seul ou en groupe ?
Bah disons que là je suis plus dans une phase de travail. J’ai joué avec quelques potes de temps en
temps, et puis ça va ça vient quoi. Il y a rien de régulier.
Et vous n’avez pas peur de vous montrer comme ça devant tout le monde ?
Bah si, mais si on a peur un jour, après on fait plus rien... ! Si on surmonte pas sa peur…
Y’a le trac, l’adrénaline, mais faut bien se lancer quoi.
Je vous remercie beaucoup monsieur !
Bah de rien… C’est pour quelle radio ?
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C’est pour moi ! Car je fais mon stage à la mairie, où j’ai organisé la Fête de la Musique, et en
même temps je fais une étude sur la Fête de la Musique et sur la place que l’on donne aux
musiciens amateurs.
Et la Fête de la Musique c’est un bon prétexte pour une première fois quoi. Peut être que plus tard
j’irais jouer dans la rue comme ça tous les jours de la semaine ? Mais là c’est l’occasion qui fait le
larron quoi.
Y a-­t-­il d’autres jours dans l’année qui vous permettent ça ?
Les jours de soleil, quand il fait beau…
Mais le jour de la Fête de la Musique, c’est plus facile, parce que c’est fait pour ça quoi.
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Annexe 6
Brieuc, membre d’un groupe de rock festif à St-­Herblain (44)
Entretien par email le 27 juin 2007
Quel musicien amateur es-­tu ? Quelle(s) pratique(s) ?
Instruments, mais aussi contexte(s), fréquence, objectifs éventuels pour la suite, projets...
Je joue de plusieurs instruments : Saxophone depuis 15 ans, Accordéon depuis 5 ans, Bombarde depuis
5 ans.
Je pratique également le chant, le tout dans un groupe amateur. Nous avons 2 albums et faisons entre
15 et 20 concerts par an, et nous répétons quasiment chaque semaine.
J’aimerais pouvoir être musicien professionnel et que me produire sur scène devienne mon métier.
Quel regard portes-­tu sur ta situation ?
J’ai de la chance de pouvoir pratiquer ma musique comme je l’entends, au sein d’un groupe qui me
laisse suffisamment de liberté pour me permettre de créer, et de prendre du plaisir sur scène, et de faire
de plus en plus de concerts importants m’amenant à vivre des émotions toujours plus importantes !
Quels sont les obstacles rencontrés dans ta pratique amateur ?
Exemples : qu'est-­ce qui te freine à pratiquer plus (si tu le voulais), à te produire plus, à te faire connaître, à obtenir
des aides financières, à être (re)connu, ...
Rien n’est fait pour simplifier la pratique amateur, en premier lieu pour que les artistes puissent se
produire. La législation très stricte sur les nuisances sonores empêche un bon nombre de lieux de
spectacles d’accueillir des artistes jouant ce que l’on nomme les musiques amplifiées (tout type de
musique passant par le biais d’amplis).
Pour les groupes, il est aussi difficile de trouver des locaux de répétition adaptés à une pratique
musicale dans de bonnes conditions.
Pour nous, nous n’avons jamais recherché le soutien financier de quelque organisme que ce soit.
Les membres du groupe n’ont pas tous envie d’en faire leur métier, ce qui nous cantonne pour l’instant
à trop peu de répétition et de temps pour mettre en place un spectacle tout à fait professionnel.
Quelles améliorations possibles ? Que faudrait-­il de plus, ou de moins ?
Exemples : en matière de politique publique, ...
Des efforts sont faits de plus en plus vers la mise en place de lieux adaptés. Par exemple les locaux de
répétition et d’aide à la pré-production « Terminus 3 » (là où je travaille actuellement), ou encore des
bars musicaux tels que ceux tout nouveaux du « Hangar à bananes », à Nantes.
La Fête de la Musique : Quel regard as-­tu par rapport à cet évènement ?
C’est l’occasion pour de nombreux groupe de se produire devant un public, le meilleur moyen de se
faire connaître de gens qui ne seraient pas venus en concert.
C’est également l’occasion de rencontres entre musiciens professionnels et amateurs, élèves d’école de
musique, etc.
Y participes-­tu ? Depuis quand ?
Nous y participons chaque année depuis la création du groupe, (2002 environ), en en faisant 2, 3 voire
4 ou 5 chaque année, car bon nombre de petites villes font leur fête de la musique les week-ends
précédant ou suivant le 21 Juin, date exacte où les grandes villes l’organisent.
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Quelles améliorations possibles du concept ?
Exemples : organisation générale, thème, communication, déroulement, durée, soutien ... ?
Je trouve le concept vraiment génial, la musique appartient à celui qui veux bien la faire ou l’écouter, et
je n’aimerais pas que l’évènement dure plus d’une journée, c’est cette unique journée pour faire la fête
en musique sans trop de contrainte qui en fait un réel évènement.
Si il pouvait y avoir des améliorations, ce serait plutôt au niveau de l’accueil des artistes.
Ou alors, en plus de laisser à chaque artiste la liberté de s’exprimer musicalement comme il l’entend ce
jour là, il devrait être accordé également une place importante par les structures professionnelles
(agences culturelles, associations d’artistes, mairies, boîtes de production…) à la création, avec pour
cette occasion la mise en place de projets d’ampleur plus importante fédérant musiciens de tous poils,
professionnels, profs, musiciens amateurs, artistes plasticiens, etc.
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Annexe 7
Samuel, membre d’un groupe de rock électro semi-­professionnel à Rezé (44)
Entretien par email le 25 juin 2007
Quel musicien amateur es-­tu ? Quelle(s) pratique(s) ?
Instruments, mais aussi contexte(s), fréquence, objectifs éventuels pour la suite, projets...
Je suis trompettiste de formation (conservatoire, DFE, Supérieur etc…) mais je pratique moins la
trompette depuis quelques années,
Guitariste chanteur dans un groupe semi professionnel de rock électro
Claviériste pour les besoins de mon métier.
Je suis aussi auteur compositeur interprète et arrangeur et j’ai des connaissances en production et
technique du son (sonorisation de concert et enregistrement).
Quel regard portes-­tu sur ta situation ?
D’un point de vue exclusivement administratif et financier, je suis musicien « amateur », pourtant j’ai
reçu une formation professionnelle, je vis de l’enseignement de la musique et la majorité de mon temps
est consacrée à la musique.
C’est pourquoi je me considère depuis longtemps comme un artiste, au delà du statut social d’amateur
puisqu’elle la musique est au centre de ma vie.
Je tente donc tant bien que mal de conjuguer une activité professionnelle (enseignant) qui me permet de
gagner ma vie (ce qui ne veux pas dire que cela ne m’intéresse pas) avec une activité de travail
personnel et en groupe qui nécessiterait un investissement à plein temps.
D’un point de vue de l’investissement en terme de temps et d’énergie, je dis souvent que c’est mon
deuxième métier puisque c’est plusieurs dizaine d’heures pas semaine qui sont consacrées à mes
activités musicales.
Quels sont les obstacles rencontrés dans ta pratique amateur ?
Exemples : qu'est-­ce qui te freine à pratiquer plus (si tu le voulais), à te produire plus, à te faire connaître, à obtenir
des aides financières, à être (re)connu, ...
A pratiquer plus : manque de temps.
Me produire plus : nous sommes arrivés en France à une situation très délicate ou tout est fait pour
faciliter l’apprentissage amateur (école de musiques, magasins de musique, associations, multiplication
des groupes de musiques actuelles…) tout en restreignant et en concentrant de plus en plus les lieux de
diffusion : les cafés-concerts ferment les uns après les autres et les lieux privés de diffusion de la
musique vivante sont de plus en plus rares.
A coté de ça, on construit des Zénith mais il manque de plus en plus de lieux pour que les groupes en
devenir s’expriment.
Un exemple sur Rezé (44) avec « les Retours du Jeudi » de La Barakason (salle conventionnée
Musiques Actuelles ») ; ces concerts étaient d’abord destinés aux groupes qui débutaient, le principe
étant de leur permettre de faire leurs premières scènes dans de bonnes conditions. Or, la plupart des
groupes qui y passent ont déjà une cinquantaine de dates derrière eux car ils ont de grandes difficultés à
trouver des lieux pour les accueillir.
Aucune aide n’est prévue pour aider les cafés concerts à réaliser les travaux d’insonorisation….
Quelles améliorations possibles ? Que faudrait-­il de plus, ou de moins ?
Exemples : en matière de politique publique, ...
Les éléments de réponses sont au dessus : poursuivre le développement des structures publiques mais
permettre aussi aux structures privées d’organiser des concerts en subventionnant les travaux
d’isolation, en facilitant l’accès à la licence d’entrepreneur de spectacle (obligatoire quand une
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structure organise plus de 6 spectacles par an), en servant de médiateur avec des riverains pas toujours
très compréhensifs…
La Fête de la Musique : Quel regard as-­tu par rapport à cet évènement ?
Le principe est une idée de génie. Tout le monde le sait.
Pourtant, quelques critiques apparaissent avec le temps :
. Les centres villes des grandes villes sont invivables, et de plus en plus saturés par les vendeurs de
saucisses ! Les artistes fuient Nantes et vont jouer dans des petites villes ou village de l’agglomération
où la mairie a organisé les choses et les scènes, et où le public est bien accueilli.
. Du coup, la fête de la musique se déroule de plus en plus sur une semaine, pour que les villes ne se
fassent pas concurrence ; avantage : les groupes multiplient ainsi les dates…
. C’est tout de même une superbe arnaque pour les musiciens qui jouent souvent avec leur propre
matériel de sonorisation et lumières (ou parfois loué à leurs frais !), sans aucun défraiement. Or la
musique, la culture n’est pas gratuite et la Fête de la Musique génère aussi de l’argent dans les
commerces…
Y participes-­tu ? Depuis quand ?
Oui, depuis toujours
Pourquoi ? Quel(s) intérêt(s) pour toi ?
Jouer, se faire plaisir, se faire connaître, aller dans des endroits inaccessibles le reste de l’année,
rencontrer des organisateurs etc…
Quelles améliorations possibles du concept ?
Exemples : organisation générale, thème, communication, déroulement, durée, soutien ... ?
Une bonne organisation permet aux groupes de jouer sur une scène équipée correctement (son et
lumières) et gérée par une structure organisatrice extérieure….
L’idéal étant de se faire défrayer et payer le repas !
66
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Entretiens
Emmanuelle Chollet-Antoine, responsable de la cellule Médiation et responsable administrative du
festival Tour de Scènes au Service Action Culturelle de la Ville d’Angers. Lundi 11 juin 2007, Service
Action Culturelle de la mairie d’Angers.
Fabrice Nau, Le Chabada, Responsable des Locaux de Répétitions et du Centre Info Ressources,
rédacteur en Chef du Yéty. Mardi 3 juillet 2007, la Cerclère, Angers.
Brieuc V., musicien, membre d’un groupe de rock festif à St-Herblain (44). Par email le 27 juin 2007.
Samuel B., musicien, membre d’un groupe de rock électro semi-professionnel à Rezé (44). Par email le
25 juin 2007.
Bruno D., musicien amateur à Amiens (80). Le 27 mai 2007.
Trois membres d’un groupe de rock alternatif, le jeudi 21 juin 2007 à 23h00, place St-Eloi à Angers.
Un guitariste, installé boulevard Foch à Angers le jeudi 21 juin 2007 à 22h30.
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