Service culturel pour les publics 2
VOYAGER, former son regard et son goût pour l’ailleurs
Depuis le 16e siècle, les voyages sont un élément quasi obligatoire dans la formation des
peintres, sculpteurs ou architectes. Ils sont aussi un rite de passage vers l’âge adulte pour les jeunes
gens de l’aristocratie ou de la bourgeoisie. Le Grand Tour (à l’origine du tourisme) permet de se
familiariser avec une culture, des chefs d’œuvre. Ces voyageurs rapportent ainsi des souvenirs d’un
moment de vie apprécié, souvent idéalisé et des références qui leur permettent d’entreprendre
éventuellement une collection.
Ces voyages, cependant, sont longtemps géographiquement limités avant le 19e siècle. Pour les
artistes, qui bénéficient en France de bourses d’État avec le « Concours du prix de Rome », la
destination privilégiée est l’Italie
. Elle l’est toujours au 19e siècle. Nous pouvons prendre l’exemple de
deux artistes angevins qui n’ont pas eu le Prix de Rome mais ont pourtant voyagé ou séjourné en Italie.
Le peintre Lancelot-Théodore Turpin de Crissé (1782-1859) rapporte ainsi de ses nombreux voyages
en Italie une précieuse source d’inspiration pour une grande partie de sa production, ainsi qu’une
collection de céramiques grecque et d’Italie du Sud
. L’Italie est également, pour ses paysages et sa
population, une source d’inspiration fondamentale pour Guillaume Bodinier
, qui accompagne Guérin,
nommé directeur de la Villa Médicis à Rome
.
La nouveauté au 19e siècle est que le parcours du Grand Tour s’élargit vers l’Orient : la Grèce, mais
aussi le Levant (Palestine), l’Empire ottoman (Asie Mineure) et quelquefois l’Égypte.
Au 19e siècle, la Grèce s’imposa dans l’esprit des voyageurs, artistes et archéologues comme
un passage vers l’Orient, une première étape dans la découverte de la Méditerranée proche-orientale.
Ainsi, Charles Garnier conseillait-il aux jeunes architectes séjournant en Grèce : « Quand vous aurez
visité l’Attique et la Morée, avant de revenir en France, si vous avez encore cinq cent francs à dépenser
et un mois devant vous, faites une excursion à Constantinople. Outre le beau pays que vous verrez, les
costumes pittoresques de Smyrne et de Stamboul, vous trouverez encore un grand nombre de
mosquées d’une architecture élégante et gracieuse qui vous impressionneront par leur masse et vous
charmeront par leurs détails
». Pourtant, plus qu’une proximité géographique entre Athènes et
l’Empire ottoman, c’est d’abord un rêve commun, à savoir celui d’un Orient fantasmé, qui liait la Grèce
à l’Orient dans l’esprit des artistes et des intellectuels.
Ainsi, à mesure que s’ouvrent les portes de l’Orient, les échanges, missions et voyages, - notamment
d’artistes, mais aussi d’amateurs d'art, de collectionneurs, de scientifiques, d’écrivains - se multiplient
et donnent un élan prodigieux à l’orientalisme.
ORIENT et ORIENTALISME
D'un point de vue strictement géographique, les frontières de l’Orient sont variables et la
différence entre l’Orient rêvé, exotique et vécu n’est pas toujours claire.
En effet, s'il recouvre presque invariablement l'Égypte, Constantinople et l’Asie mineure, la
Palestine et la Syrie et plus tard l’Afrique du nord, il n'en est pas de même pour des régions comme
Rhodes, Chypre, la Grèce – que les romantiques rattachent immanquablement au voyage en
Orient. Bien plus qu'un terme géographique, l'Orient est une projection fantasmatique forgée par
la mentalité collective occidentale.
C’est au début du 19e siècle que le terme « orientalisme » se répand en France mais
également dans d’autres pays d’Europe. L’espace méditerranéen, à la fois ottoman, musulman,
Consulter la fiche L’Italie ou le goût des ruines.
Consulter le dossier-enseignant « Vases en voyage ».
Consulter la fiche biographique sur Guillaume Bodinier, dans le dossier-enseignant : La peinture et le paysage.
Depuis 1803, le séjour des artistes s’effectue à la Villa Médicis.
Charles Garnier, A travers les arts. Causeries et mélanges, Paris, 1869.