Voltaire et la science des Lumières L`œuvre liréraire

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Voltaire et la science des Lumières
L’œuvre
li+éraire
et
l’ac0on
poli0que
de
Voltaire
sont
bien
connues.
Qu’on
l’aime
ou
qu’on
le
déteste,
force
est
de
reconnaître
qu’il
est
le
plus
illustre
écrivain
de
la
li+érature
française,
l’auteur
qui
est
aujourd’hui
encore
le
plus
traduit
et
le
plus
connu
à
l’étranger.
A
preuve,
le
catalogue
imprimé
de
la
French
Na0onal
Library
compte
231
volumes,
dont
2
lui
sont
en0èrement
consacrés
;
aucun
autre
auteur
ne
dispose,
ne
serait‐ce
que
d’un
seul
volume
qui
lui
est
dédié.
Voltaire
est
a
également
inventé
la
figure
de
l’«
intellectuel
»
ou
de
l’écrivain
engagé
dans
les
combats
poli0ques
de
son
temps,
figure
qu’incarneront
après
lui
des
personnalités
aussi
diverses
que
Victor
Hugo,
Emile
Zola,
Bertrand
Russell,
Jean‐Paul
Sartre
ou
Noam
Chomsky.
Moins
connu
est
en
revanche
le
rapport
de
Voltaire
à
la
science
des
Lumières.
Si
chacun
sait
qu’il
est
l’auteur
de
Candide
et
qu’il
a
défendu
avec
ardeur
les
valeurs
de
tolérance
et
de
liberté,
on
sait
moins
qu’il
a
écrit
plusieurs
traités
scien0fiques,
dont
le
plus
célèbre
est
les
Eléments
de
la
philosophie
de
Newton.
Ce
livre
a
contribué
d’une
manière
déterminante
à
accréditer
la
physique
de
Newton
en
France
et
sur
le
con0nent
européen
:
according
to
W.
H.
Barber,
«
it
was
one
of
a
small
number
of
published
works
which
contributed
significantly
to
the
acceptance
and
adop0on
of
Newtonian
theory
in
France
».
Voltaire
a
écrit
ce
texte
alors
qu’il
était
l’ami
et
l’amant
de
la
femme
qui
a
le
plus
compté
dans
sa
vie,
Gabrielle
Émilie
Le
Tonnelier
de
Breteuil,
marquise
du
Châtelet,
plus
connue
sous
le
nom
de
Mme
du
Châtelet
ou
d’Emilie
du
Châtelet,
femme
de
génie
et
auteur
de
la
seule
traduc0on
en
français
(ou
plus
exactement
une
adapta0on)
des
Philosophiae
Naturalis
Principia
Mathema8ca
de
Newton.
Mais
si
les
spécialistes
s’accordent
à
reconnaître
que
le
rapport
de
Voltaire
à
la
physique
fut
très
fer0le,
ils
sont
souvent
enclins
à
dénoncer
son
rapport
aux
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre,
où
il
aurait
fait
preuve
d’aveuglement,
sinon
d’obscuran0sme.
D’un
point
de
vue
scien0fique,
doit‐on
dès
lors
considérer
Voltaire
comme
un
auteur
éclairé
ou
rétrograde
?
L’expérience
anglaise
de
Voltaire
:
la
découverte
de
Newton
Voltaire
s’est
fait
remarquer
très
jeune
sur
la
scène
parisienne
par
ses
talents
de
poète.
Sa
tragédie
Œdipe
connut
un
vif
succès
en
1718
alors
qu’il
était
âgé
de
24
ans.
Mais
son
ironie
et
son
insolence
lui
amrèrent
l’inimi0é
de
certains
grands
seigneurs,
Philippe
d’Orléans,
Régent
de
France
qui
le
fit
embas0ller
et,
surtout,
du
chevalier
de
Rohan‐Chabot
qui
le
fit
rosser
par
ses
laquais
pour
une
réplique
sarcas0que.
Menacé
d’un
second
séjour
à
la
Bas0lle,
Voltaire
préféra
en
1726
s’exiler
à
Londres.
Ce
séjour
londonien
a
joué
un
rôle
déterminant
dans
sa
carrière
:
Voltaire
qui
avait
qui+é
la
France
en
tant
que
poète
y
est
revenu,
trois
ans
plus
tard,
en
qualité
de
philosophe.
En
franchissant
la
Manche,
Voltaire
a
découvert
un
horizon
intellectuel
radicalement
différent
de
celui
dans
lequel
il
avait
été
élevé.
Schéma0quement,
il
avait
reçu
en
France
une
éduca0on
fondée
sur
les
principes
de
la
philosophie
de
René
Descartes,
qu’on
peut
réduire
au
ra0onalisme
–
toute
connaissance
dérive
de
la
raison
et
des
idées
innées,
la
sensibilité
étant
incapable
d’appréhender
l’essence
des
choses
–
et
aux
concep0ons
physiques
exposées
dans
les
Principes
de
la
Philosophie,
dont
les
points
essen0els
sont
les
suivants
:
‐the
iden0fica0on
of
ma+er
with
extension
;
‐the
dis0nc0on
of
three
different
kinds
of
ma+er
;
‐the
rejec0on
of
the
no0on
of
void
or
vacuum
;
‐the
vortex
theory
explaining
the
forma0on
of
the
planetary
system
;
‐a
theory
of
circular
mo0on
based
on
the
no0on
of
centrifugal
force.
Après
avoir
été
rejetés,
les
principes
de
la
philosophie
de
Descartes
furent
intégrés
à
l’enseignement
scolaire
et
universitaire
français
à
la
fin
du
XVIIe
siècle.
Mais
à
dire
vrai,
si
Descartes
a
formulé
une
intéressante
approche
du
principe
d’iner0e
reprise
par
Newton,
sa
physique
relevait
moins
d’une
approche
scien0fique
que
d’une
approche
spécula0ve
et
métaphysique.
Chris0an
Huygens
l’avait
clairement
perçu
en
notant
«
that
the
Principes,
though
very
persuasive,
was
in
some
respects
a
romance
rather
than
a
serious
scien0fic
work1 ”
Lors
de
son
exil
à
Londres,
le
jeune
Voltaire
découvrit
deux
systèmes
qui
ont
profondément
bouleversé
sa
représenta0on
du
monde.
Le
premier
est
le
système
de
John
Locke,
que
Voltaire
a
apprécié
dans
ses
dimension
épistémologique
et
poli0que.
D’un
point
de
vue
épistémologique,
l’Essay
on
Human
understanding
de
Locke
condamne
le
ra0onalisme
de
Descartes
et
défend
l’empirisme,
posi0on
consistant
à
dire
qu’il
n’est
pas
d’idée
innée
et
que
toute
connaissance
dérive
de
l’expérience.
D’un
point
de
vue
poli0que,
Locke
jus0fie
in
his
two
trea0es
On
Civil
Governement
les
ins0tu0ons
issues
de
la
Glorious
Revolu0on
de
1688
et
du
Bill
of
Rights
de
1689.
Voltaire
fera
siennes
ces
deux
posi0ons
;
il
récusera
le
ra0onalisme
cartésien,
affirmant
qu’il
ne
saurait
y
avoir
de
connaissance
sans
la
média0on
de
la
sensibilité
;
et
il
défendra
par
ailleurs
le
principe
d’une
monarchie
cons0tu0onnelle
où
le
pouvoir
du
roi
est
borné
par
la
loi.
La
seconde
rencontre
intellectuelle
fut
plus
décisive
encore
:
c’est
celle
de
la
physique
de
Newton.
Voltaire
never
met
Newton
:
lorsqu’il
est
arrivé
à
Londres,
celui‐ci
était
très
malade
et
Voltaire
fut
affecté
par
his
funeral
at
Westminster
Abbey
on
4
April
1727.
Mais
Voltaire
avait
été
accueilli
à
Londres
dans
le
cercle
de
Caroline
of
Ansbach,
who
was
then
Princess
of
Wales.
«
Here
he
met
Newton’s
friend
and
confident
Samuel
Clarke,
and
through
him
came
into
contact
with
others
close
to
Newton
[…]
Voltaire
was
much
impressed
by
Clarke.
He
seems
to
have
regarded
himself
for
a
0me
as
his
disciple,
and
his
ini0a0on
into
the
world
of
Newtonian
ideas
probably
came
primarily
not
through
Newton’s
scien0fic
work
but
through
the
lively
discussions
in
which
the
princess
delighted,
and
in
which
Clarke
played
a
prominent
part,
on
such
topics
as
the
philosophical
proofs
of
God’s
existence,
the
nature
of
0me
and
space
(…),
and
the
problems
of
percep0on2”.
Ce
n’est
pas
devant
vous
que
je
vais
rappeler
l’apport
décisif
de
Newton
à
la
physique
:
aux
yeux
du
siècle
des
Lumières,
c’est
l’homme
de
génie
qui,
en
découvrant
le
principe
de
l’a+rac0on
universelle,
a
su
unifier
les
lois
de
la
mécanique
terrestre
et
de
la
mécanique
céleste,
en
établissant
qu’une
seule
1
Mr.
des
Cartes
avoit
trouvè
la
maniere
de
faire
prendre
ses
conjectures
et
fic0ons
pour
des
veritez.
Et
il
arrivoit
a
ceux
qui
lisoient
ses
Principes
de
Philosophie
quelque
chose
de
semblable
qu'a
ceux
qui
lisent
des
Romans
qui
plaisent
et
font
la
mesme
impression
que
des
histoires
veritables.
La
nouveautè
des
figures
de
ses
pe0tes
par0cules
et
des
tourbillons
y
font
un
grand
agrement.
Il
me
sembloit
lorsque
je
lus
ce
livre
des
Principes
la
premiere
fois
que
tout
alloit
le
mieux
du
monde,
et
je
croiois,
quand
j'y
trouvois
quelque
difficultè,
que
c'etoit
ma
faute
de
ne
pas
bien
comprendre
sa
pensèe.
Je
n'avois
que
15
à
16
ans.
Mais
y
ayant
depuis
decouvert
de
temps
en
temps
des
choses
visiblement
fausses,
et
d'autres
tres
peu
vraisemblables
je
suis
fort
revenu
de
la
preoccupa0on
ou
j'avois
estè'
(Huygens,
notes
on
Adrien
Baillet,
La
Vie
de
M.
Descartes,
OEuvres
complètes,
La
Haye
1888‐1950,
x.403).
2
p.
33.
et
même
loi
rend
aussi
bien
compte
de
la
chute
d’un
corps
que
de
la
gravita0on
des
planètes
autour
du
soleil.
Newton
réfutera
la
plupart
des
théories
de
Descartes,
à
commencer
par
la
réduc0on
géométrique
de
la
ma0ère
à
l’extension,
la
no0on
de
vortex,
le
refus
du
vide
et
la
théorie
du
mouvement
circulaire.
Notons
cependant
que
Newton
s’est
inspiré
du
philosophe
français.
Dans
les
Notebooks
de
sa
jeunesse,
«
he
ini0ally
entertained
the
no0on
of
a
vortex
system
of
planetary
mo0on’.
Mais
comme
Huyghens,
Newton
s’est
bien
vite
rendu
compte
que
la
physique
cartésienne
relevait
du
roman
plutôt
que
de
la
science,
et
il
a
même
composé
un
assez
volumineux
traité
pour
la
réfuter
:
le
De
gravita0one
et
aequipondio
fluidorum,
reproduced
in
1962
with
English
transla0on
in
Unpublished
scien0fic
papers
of
Isaac
Newton
(
p.89‐156).
Newton
a
eu
raison
contre
Descartes
:
l’affaire
est
depuis
longtemps
entendue.
Il
faut
cependant
marquer
deux
points
par
lesquels
Newton
s’éloigne
de
nos
concep0ons
scien0fiques
actuelles.
Première
différence,
Newton
s’est
vigoureusement
opposé
à
Leibniz,
autre
esprit
universel,
sur
la
ques0on
de
ce
que
nous
nommons
aujourd’hui
l’énergie
ciné0que,
which
was
then
known
as
vis
viva
or
‘force
vive’
in
French.
Ce+e
ques0on
est
généralement
connue
sous
le
nom
de
«
vis
viva
controversy
».
Très
délicat
au
siècle
des
Lumières,
le
problème
était
de
déterminer
the
ambiguous
concept
of
the
force
of
a
body
in
mo0on
:
is
this
force
only
the
momentum
or
is
it
also
the
energy
of
the
moving
body
?
«
On
the
one
side
Leibniz
and
his
followers
maintained
that
the
‘force’
of
moving
bodies
should
be
measured
by
the
product
of
mass
and
velocity
squared
(mv2)
;
on
the
other,
the
Cartesians
and
the
Newtonians
contended
that
it
should
be
measured
by
the
simple
product
of
mass
and
velocity’3.
Nous
verrons
que
ce
débat
–
ou
plus
exactement
ce
conflit
d’une
rare
violence
–
entre
les
par0sans
de
Newton
et
ceux
de
Leibniz
se
redoublera
d’une
divergence
entre
Voltaire,
qui
finira
par
prendre
le
par0
de
Newton,
et
de
Mme
du
Châtelet
qui,
plus
perspicace,
défendra
les
posi0ons
de
Leibniz.
Seconde
différence,
le
génie
de
Newton
ne
l’a
pas
empêché
d’adopter
des
posi0ons
très
éloignées
de
nos
vues
actuelles.
Vous
pensez
bien
sûr
à
la
concep0on
newtonienne
d’un
espace
et
d’un
temps
absolu,
qui
sera
réfutée
au
XXe
siècle
par
Einstein
et
sa
théorie
de
la
rela0vité.
Ce
n’est
cependant
pas
ce+e
concep0on
que
j’ai
à
l’esprit.
La
physique
newtonienne
ne
cons0tue
pas
–
du
moins
pas
à
nos
yeux
–
un
système
purement
scien0fique
;
elle
s’appuie
sur
des
soubassements
métaphysiques
spécula0fs.
La
physique
de
Newton
est
suspendue
à
l’idée
d’un
Dieu
créateur.
Newton
pense
qu’abandonnées
à
la
seule
force
d’a+rac0on,
les
orbites
des
planètes
connaîtraient
des
perturba0ons
grandissantes
et
que
le
système
planétaire
subirait
à
terme
a
gravita0onal
collapse.
La
permanence
du
système
planétaire
suppose
qu’il
soit
périodiquement
remis
en
ordre
par
la
manum
emendatricem,
la
main
réparatrice
de
Dieu4.
Dieu
doit
intervenir
périodiquement
pour
maintenir
la
stabilité
du
système
planétaire.
Autre
dimension
métaphysique,
Newton
définit
l’espace
comme
le
Sensorium
Dei,
l’organe
sensoriel
de
Dieu.
L’espace
est
ce
par
quoi
Dieu
est
présent
en
toute
chose,
concep0on
métaphysique
très
curieuse
à
nos
yeux
mais
qui
reste
essen0elle
au
système
de
Newton.
Troisième
exemple
de
spécula0on,
nous
apprenons
par
une
note
du
traducteur
français
de
l’Essay
concerning
Human
understanding
de
John
Locke
que
Newton
prétendait
expliquer
le
moyen
par
lequel
Dieu
a
créé
la
ma0ère
ex
nihilo
:
pour
créer
la
ma0ère,
il
suffirait,
jugeait
Newton,
que
Dieu
rende
certaines
por0ons
de
l’espace
impénétrables.
On
sait
du
reste
que
la
pensée
de
Newton
3
p.
29.
4
voir
M.
A.
Hoskin,
‘Newton,
Providence
and
the
Universe
of
Stars’,
Journal
for
the
History
of
Astronomy,
1977,
8,
p.77‐101
revêtait
un
caractère
mys0que,
voire
occul0ste.
En
termes
de
mys0cisme,
il
prêtait
crédit
aux
prophé0es
du
Nouveau
Testament,
comme
le
prouvent
ses
Observa8ons
upon
theProphecies
of
Daniel
and
the
Apocalypse
of
St
John
parues
de
manière
posthume
en
1733.
Ses
recherches
alchimiques,
longtemps
cachées
par
ses
héri0ers,
ont
été
révélées
dans
la
première
moi0é
du
XXe
siècle
par
l’économiste
John
Maynard
Keynes…
Fasciné
par
son
expérience
londonienne,
Voltaire
composa
deux
ouvrages
majeurs
qui
ont
grandement
contribué
à
diffuser
les
idées
anglaises
en
Europe
:
les
LeHres
Philosophiques
ou
LeHres
anglaises
de
1734
et
les
Eléments
concernant
la
philosophie
de
Newton
de
1738.
Le
premier
écrit
présente
la
pensée
anglaise
sous
la
forme
d’une
série
de
le+res
sur
les
quakers,
les
anglicans,
les
Presbytériens,
le
gouvernement,
Locke,
Newton,
etc.
Newton
y
est
présenté
de
manière
très
générale,
sans
entrer
dans
le
détail
ni
présenter
précisément
ce
que
nous
connaissons
sous
le
nom
de
«
lois
de
Newton
».
On
ne
saurait
assez
insister
sur
l’importance
de
ce+e
œuvre,
qui
nourrit
intellectuellement
les
jeunes
philosophes
tels
que
Diderot
ou
Rousseau.
Les
LeHres
anglaises
furent
aussitôt
interdites
en
France
et
leur
auteur
menacé
d’embas0llement.
Mais
à
quelque
chose
malheur
est
bon.
Pour
échapper
à
l’emprisonnement,
Voltaire
se
re0ra
à
Cirey
en
Champagne,
qui
fait
actuellement
par0e
de
la
France
mais
qui
dépendait
alors
de
la
cour
de
Lorraine.
A
Cirey
se
tenait
le
château
de
M.
et
de
Mme
du
Châtelet,
Emilie
jolie
qui
fut
le
grand
amour
de
Voltaire.
Il
passa
près
de
quinze
ans
à
Cirey,
et
ce
fut
sans
doute
l’époque
la
plus
heureuse
de
sa
vie.
Ce
séjour
joua
un
rôle
décisif
dans
l’évolu0on
de
sa
pensée,
étant
l’occasion,
selon
Ira
Owen
Wade,
de
sa
«
rééduca0on
intellectuelle
».
Il
s’en
souviendra
avec
nostalgie
dans
ses
Mémoires
:
«
Nous
ne
cherchions
qu’à
nous
instruire
dans
ce+e
délicieuse
retraite,
sans
nous
informer
de
ce
qui
se
passait
dans
le
reste
du
monde.
Notre
plus
grande
a+en0on
se
tourna
longtemps
du
côté
de
Leibnitz
et
de
Newton.
Mme
du
Châtelet
s'a+acha
d'abord
à
Leibnitz,
et
développa
une
par0e
de
son
système
dans
un
livre
très‐bien
écrit,
in0tulé
Ins0tu0ons
de
physique.
Elle
ne
chercha
point
à
parer
ce+e
philosophie
d'ornements
étrangers:
ce+e
afféterie
n'entrait
point
dans
son
caractère
mâle
et
vrai.
La
clarté,
la
précision
et
l'élégance,
composaient
son
style.
Si
jamais
on
a
pu
donner
quelque
vraisemblance
aux
idées
de
Leibnitz,
c'est
dans
ce
livre
qu'il
la
faut
chercher.
Mais
on
commence
aujourd'hui
à
ne
plus
s'embarrasser
de
ce
que
Leibnitz
a
pensé.
Née
pour
la
vérité,
elle
abandonna
bientôt
les
systèmes,
et
s'a+acha
aux
découvertes
du
grand
Newton.
Elle
traduisit
en
français
tout
le
livre
des
Principes
mathéma0ques;
et
depuis,
lorsqu'elle
eut
for0fié
ses
connaissances,
elle
ajouta
à
ce
livre,
que
si
peu
de
gens
entendent,
un
commentaire
algébrique
»
Mme
du
Châtelet
disposait
d’un
cabinet
de
physique
et
d’une
riche
bibliothèque
qui
a
profité
à
Voltaire.
En
laissant
tomber
de
hauteur
variable
des
billes
dans
de
la
cire
et
en
mesurant
la
profondeur
de
l’impact,
elle
prouva,
contre
Newton,
la
véracité
de
l’intui0on
de
Leibniz,
à
savoir
que
l’énergie
ciné0que
est
fonc0on
du
carré
de
la
vitesse.
C’est
en
s’appuyant
sur
les
ressources
matérielles
qu’il
trouva
à
Cirey
et
sur
l’extraordinaire
intelligence
de
Mme
du
Châtelet
que
Voltaire
put
composer
son
volumineux
traité
des
Eléments
de
la
philosophie
de
Newton
contenant
la
métaphysique,
la
théorie
de
la
lumière,
et
celle
du
monde.
Cet
ouvrage
de
vulgarisa0on
enracina
dans
les
esprits
français
la
physique
newtonienne.
A
dire
vrai,
l’enthousiasme
de
Voltaire
pour
Newton
lui
fit
approuver
jusqu’aux
principes
spécula0fs
de
celui‐ci.
En
exposant
la
théorie
de
l’espace
conçu
comme
Sensorium
Dei
et
celle
de
la
manum
emendatricem
de
Dieu
des0née
à
éviter
le
«
gravita0onal
collapse
»
du
système
planétaire,
il
prit
le
par0
de
Newton
contre
Leibniz….
Sur
la
ques0on
de
la
vis
viva
ou
de
l’énergie
ciné0que,
Voltaire
a
beaucoup
tergiversé.
Il
a
d’abord
pris
le
par0
de
Leibniz
et
de
Mme
du
Châtelet
contre
Newton
:
«
l’effet
que
produit
la
force
d’un
corps
dans
un
mouvement
(…)
est
le
produit
de
sa
masse
par
le
carré
de
sa
vitesse
»
(p.
275,
variante).
Il
a
ensuite
refusé
de
se
prononcer
sur
la
ques0on,
ramenée
à
une
simple
controverse
nominale.
Il
est
enfin
revenu
sur
ses
posi0ons
ini0ales
pour
épouser
le
point
de
vue
de
Newton
:
«
il
n'y
a
point
deux
espèces
de
force,
l'une
morte
[i.e.,
momentum]
et
l'autre
vive
[i.e.
kine0c
energy],
dont
l'une
diffère
infiniment
de
l'autre
[…]
la
force
n'est
autre
chose
que
le
produit
d'une
masse
par
sa
vitesse
».
Voltaire
ne
reniera
jamais
la
physique
de
Newton,
qui
lui
inspirait
le
plus
grand
respect.
Son
évolu0on
intellectuelle
l’amènera
cependant
à
me+re
en
cause
les
soubassements
métaphysiques
de
sa
physique.
Vous
savez
peut‐être
qu’entre
1770
et
1773,
Voltaire
produira
à
lui
seul
ou
presque,
en
trois
ans,
une
encyclopédie
de
9
volumes
et
450
ar0cles
in0tulée
les
Ques8ons
sur
l’Encyclopédie.
La
Voltaire
Founda0on
de
l’Université
d’Oxford
est
en
train
d’éditer
ce+e
encyclopédie
pour
la
première
fois
depuis
le
XVIIIe
siècle.
Je
contribue
à
ce
projet,
étant
en
charge
de
plusieurs
ar0cles
philosophiques
et
scien0fiques.
Or
il
est
frappant
de
constater
que
Voltaire
reviendra
dans
les
années
1770
sur
les
théma0ques
newtoniennes
qu’il
avait
défendues
trente
ans
auparavant.
Dans
l’ar0cle
«
Espace
»,
il
cri0que
la
no0on
newtonienne
du
Sensorium
Dei
«
Newton
regarde
l’espace
comme
le
sensorium
de
Dieu.
J’ai
cru
entendre
ce
grand
mot
autrefois,
car
j’étais
jeune;
à
présent
je
ne
l’entends
pas
plus
que
ses
explica0ons
de
l’Apocalypse.
L’espace
sensorium
de
Dieu,
l’organe
intérieur
de
Dieu;
je
m’y
perds
et
lui
aussi.
Il
crut,
au
rapport
de
Locke,
qu’on
pouvait
expliquer
la
créa0on,
en
supposant
que
Dieu
par
un
acte
de
sa
volonté
et
de
son
pouvoir,
avait
rendu
l’espace
impénétrable.
Il
est
triste
qu’un
génie
tel
que
Newton
ait
dit
des
choses
si
inintelligibles
».
J’ai
également
édité
l’ar0cle
«
De
la
fin
du
monde
des
Ques8ons
sur
l’Encyclopédie
»
où
Voltaire
exalte
la
physique
de
Newton
tout
en
condamnant
son
mys0cisme.
«
Bossuet
et
Newton
ont
commenté
tous
deux
l'Apocalypse;
mais
à
tout
prendre,
les
déclama0ons
éloquentes
de
l'un,
et
les
sublimes
découvertes
de
l'autre,
leur
ont
fait
plus
d'honneur
que
leurs
commentaires.
Ajoutons
à
l'ar0cle
Apocalypse,
que
deux
grands
hommes,
mais
d'une
grandeur
fort
différente,
ont
commenté
l'Apocalypse
dans
le
dix‐sep0ème
siècle.
L'un
est
Newton,
à
qui
une
pareille
étude
ne
convenait
guère;
l'autre
est
Bossuet,
à
qui
ce+e
entreprise
convenait
davantage.
L'un
et
l'autre
donnèrent
beaucoup
de
prise
à
leurs
ennemis
par
leurs
commentaires;
et,
comme
on
l'a
déjà
dit,
le
premier
consola
la
race
humaine
de
la
supériorité
qu'il
avait
sur
elle,
et
l'autre
réjouit
ses
ennemis
».
Ces
deux
ar0cles
des
Ques8ons
sur
l’Encyclopédie,
Espace
et
Force
en
physique,
révèlent
le
scep0cisme
de
Voltaire
autant
que
son
profond
a+achement
à
la
ra0onalité
scien0fique.
Voltaire
dis0ngue
la
physique
newtonienne,
irréfutable
dans
sa
posi0vité,
de
ses
soubassements
métaphysiques,
qui
sont
purement
spécula0fs
et
sujets
comme
tels
à
être
cri0qués.
Les
lois
de
Newton
sont
une
chose,
la
main
réparatrice
de
Dieu
et
le
Sensorium
Dei
en
sont
une
autre…
Voltaire
et
les
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre
J’en
arrive
à
la
seconde
par0e
de
ce+e
interven0on,
qui
sera
plus
brève.
Si
on
crédite
Voltaire
d’avoir
rendu
service
à
la
physique
en
vulgarisant
Newton,
on
lui
0ent
rigueur
de
son
amtude
rétrograde
à
l’égard
des
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre.
Il
se
serait
montré
insensible
aux
avancées
de
la
géologie
et
de
la
biologie.
Sa
foi
en
un
Dieu
créateur
l’aurait
empêché
d’approuver
les
tendances
révolu0onnaires
de
la
science
des
Lumières.
On
a
pu
écrire,
avec
provoca0on,
je
crois,
que
Voltaire
«
défendait
[ici]
sa
foi
»
plutôt
que
des
posi0ons
scien0fiques.
Je
vais
essayer
de
montrer
que
ce
point
de
vue
est
caricatural
et
exagéré.
Force
est
cependant
de
reconnaître
que
Voltaire
s’est
montré
a+aché
à
un
certain
fixisme,
qui
l’a
empêché
d’adme+re
l’idée
même
d’une
histoire
de
la
vie
et
de
la
terre,
c’est‐à‐dire
d’une
forma0on
progressive
de
la
vie
et
de
la
terre
par
l’effet
de
divers
mécanismes.
Voltaire
refuse
d’adme+re
que
le
globe
terrestre
ait
connu
d’importantes
modifica0ons
géologiques,
que
notre
globe
ait
pu
se
former
sur
la
base
de
mécanismes
astronomiques
ou
que
les
espèces
vivantes
soient
le
produit
de
l’évolu0on.
Je
n’évoquerai
ici
que
le
premier
de
ces
points,
celui
des
modifica0ons
géologiques
de
la
terre.
Voltaire
croit
en
la
stabilité
rela0ve
du
globe
terrestre
depuis
sa
créa0on.
La
terre
a
certes
pu
connaître
des
modifica0ons
marginales
mais
Voltaire
exclut
absolument
que
sa
géographie
ait
connu
des
modifica0ons
radicales
:
«
Il
n’y
a
[…]
aucun
système
qui
puisse
donner
la
moindre
vraisemblance
à
ce+e
idée
si
généralement
répandue
que
notre
globe
a
changé
de
face,
que
l'océan
a
été
très‐longtemps
sur
la
terre
habitée,
et
que
les
hommes
ont
vécu
autrefois
où
sont
aujourd'hui
les
marsouins
et
les
baleines.
Rien
de
ce
qui
végète
et
de
ce
qui
est
animé
n'a
changé,
toutes
les
espèces
sont
demeurées
invariablement
les
mêmes
»
De
la
présence
a+estée
de
fossiles
mari0mes
dans
les
montagnes,
les
géologues
du
siècle
des
Lumières
déduisaient
que
celles‐ci
avaient
été
recouvertes
par
la
mer
dans
des
temps
reculés.
Ce+e
idée
répugnait
profondément
à
Voltaire
:
«
Je
sais
bien
qu'il
se
trouvera
toujours
des
gens
sur
l'esprit
desquels
un
brochet
pétrifié
sur
le
mont
Cenis,
et
un
turbot
trouvé
dans
le
pays
de
Hesse,
auront
plus
de
pouvoir
que
tous
les
raisonnements
de
la
saine
physique;
ils
se
plairont
toujours
à
imaginer
que
la
cime
des
montagnes
a
été
autrefois
le
lit
d'une
rivière
ou
de
l'océan,
quoique
la
chose
paraisse
incompa0ble;
et
d'autres
penseront,
en
voyant
de
prétendues
coquilles
de
Syrie
en
Allemagne,
que
la
mer
de
Syrie
est
venue
à
Francfort.
Le
goût
du
merveilleux
enfante
les
systèmes;
mais
la
nature
paraît
se
plaire
dans
l'uniformité
et
dans
la
constance
autant
que
notre
imagina0on
aime
les
grands
changements
(…)
»
Comment
rendre
compte
de
l’existence
de
fossiles
d’origine
mari0me
au
cœur
des
terres
?
Dans
une
Disserta8on
de
1748,
Voltaire
prétendra
les
expliquer
par
les
reliefs
de
pique‐niques
laissés
par
des
pèlerins…
«
On
a
vu
aussi
dans
des
provinces
d'Italie,
de
France,
etc.,
de
pe0ts
coquillages
qu'on
assure
être
originaires
de
la
mer
de
Syrie.
Je
ne
veux
pas
contester
leur
origine;
mais
ne
pourrait‐on
pas
se
souvenir
que
ce+e
foule
innombrable
de
pèlerins
et
de
croisés,
qui
porta
son
argent
dans
la
Terre
Sainte,
en
rapporta
des
coquilles?
»
Feignant
d’ignorer
l’iden0té
de
l’auteur
de
ce+e
Disserta8on,
le
célèbre
naturaliste
Buffon
se
moquera
de
Voltaire
dans
son
Histoire
naturelle
:
«
les
poissons
pétrifiés
ne
sont,
à
son
avis,
que
des
poissons
rares
rejetées
de
la
table
des
Romains
parce
qu’ils
n’étaient
pas
frais
;
et
à
l’égard
des
coquilles
ce
sont,
dit‐il,
les
pèlerins
de
Syrie
qui
ont
rapporté
dans
les
temps
des
croisades
celles
des
mers
du
Levant
qu’on
trouve
actuellement
pétrifiées
en
France,
en
Italie
et
dans
les
autres
états
de
la
chré0enté
;
pourquoi
n’a‐t‐il
pas
ajouté
que
ce
sont
les
singes
qui
ont
transporté
les
coquilles
au
sommet
des
hautes
montagnes
et
dans
tous
les
lieux
où
les
hommes
ne
peuvent
habiter,
cela
n’eut
rien
gâté
et
eût
rendu
son
explica0on
encore
plus
vraisemblable.
Comment
se
peut‐il
que
des
personnes
éclairées
et
qui
se
piquent
même
de
philosophie,
aient
des
idées
aussi
fausses
sur
ce
sujet
?
»
Ce
texte
suscita
une
durable
brouille
entre
Buffon
et
Voltaire.
Voltaire
s’opposera
constamment
à
chacune
des
théories
de
Buffon,
qui
a
pourtant
apporté
une
contribu0on
décisive
à
l’histoire
naturelle.
N’accablons
pas
Voltaire
pour
autant.
Son
opposi0on
à
l’idée
des
transforma0ons
de
la
terre
ressor0t
à
des
raisons
qui
sont
certes
métaphysiques
mais
qui
sont
également
scien0fiques.
Les
raisons
métaphysiques
0ennent
à
son
déisme.
La
par0cularité
des
Lumières
françaises
(par
opposi0on
aux
Lumières
européennes)
0ent
à
leur
division
en
deux
ailes.
D’un
côté,
l’aile
déiste,
en
harmonie
avec
les
Lumières
européennes,
reste
a+achée
à
l’idée
d’un
Dieu
créateur.
Elle
est
incarnée
en
France
par
Montesquieu,
D’Alembert,
Rousseau
et
Voltaire.
De
l’autre
côté,
l’aile
matérialiste
incarne
ce
que
Jonathan
Israël
nomme
the
radical
enlightenment
;
elle
prétend
rendre
compte
de
la
cons0tu0on
du
réel
sans
la
média0on
de
Dieu.
Dès
lors
qu’énergie
et
mouvement
sont
inhérents
à
la
ma0ère,
il
n’est
plus
besoin
d’un
grand
architecte
pour
l’informer
;
la
ma0ère
jouit
d’un
pouvoir
d’auto‐organisa0on
qui
suffit
à
assurer
la
cons0tu0on
du
réel.
Or,
si
Voltaire
s’oppose
au
par0
catholique,
il
s’oppose
également
au
matérialisme
athée
avec
lequel
il
a
lu+é
à
fleurets
mouchetés.
A
ses
yeux,
les
avancées
des
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre
tendaient
à
donner
raison
au
matérialisme
athée
en
affirmant
l’existence
d’une
dynamique
de
la
nature
pu
d’une
vitalité
de
la
ma0ère.
Lu+er
contre
le
matérialisme
suppose
d’en
réfuter
les
fondements
épistémologiques.
«
De 1765 à sa mort,
[Voltaire] écrivit ‘plus de vingt-cinq ouvrages, traités, dialogues, lettres supposées, questions feintes,
satires en vers et en prose, méditations ou contes, tous dirigés, en totalité ou en partie, contre
l’athéisme et son support scientifique ». 5
S’opposer
au
progrès
des
sciences
au
nom
de
raisons
métaphysiques
n’est
assurément
pas
scien0fique,
direz‐vous,
et
vous
aurez
raison.
Il
faut
cependant
comprendre
que
l’opposi0on
de
Voltaire
aux
théories
de
son
temps
ressor0t
à
des
raisons
scien0fiques.
Chacune
des
théories
de
Buffon
auxquelles
Voltaire
s’oppose
relevait
moins
d’une
approche
scien0fique
que
de
spécula0ons
dont
nous
connaissons
aujourd’hui
le
caractère
fallacieux.
C’est
par
fidélité
à
la
physique
de
Newton
que
Voltaire
a
comba+u
les
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre
des
Lumières.
Ce
qu’il
y
a
d’essen0el
chez
Newton
aux
yeux
de
Voltaire,
c’est
le
fameux
«
hypotheses
non
fingo
»
:
«
je
ne
feins
pas
des
hypothèses
».
Newton
s’en
tenait
à
un
strict
phénoménalisme.
Il
se
contentait
de
décrire
les
lois
de
l’a+rac0on
universelle
sans
jamais
prétendre
expliquer
la
cause
de
l’a+rac0on.
Or
les
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre
du
siècle
des
Lumières
présentaient
un
caractère
spécula0f,
s’étayant
sur
des
hypothèses
impossibles
à
prouver.
Il
s’établit
ici
un
véritable
paradoxe
:
si
Buffon
a,
en
principe,
raison,
il
se
trompe
dans
les
faits
en
indiquant
à
chaque
fois
un
mécanisme
erroné.
Buffon
a
par0ellement
raison
d’affirmer
qu’
«
il
paraît
certain
que
la
terre
actuellement
sèche
et
habitée
a
été
autrefois
sous
les
eaux
de
la
mer
».
Si
Buffon
avance
ce
fait,
c’est
pour
défendre
une
thèse
qui
lui
est
chère
:
«
les
montagnes
ont
été
formées
par
la
mer
»,
et
plus
précisément
«
par
le
mouvement
et
par
le
sédiment
des
eaux
».
La
forma0on
des
montagnes
résulte
d’un
mécanisme
5
J. Roger, Les sciences de la vie dans la pensée française du XVIIIe siècle (Paris, 1963), p.740.
naturel
:
Buffon
a
en
ce
sens
raison.
Mais
Buffon
se
méprend
sur
ce
mécanisme
:
la
forma0on
des
montagnes
n’est
pas
le
fruit
de
la
sédimenta0on
mais
d’un
phénomène
géologique
découvert
à
la
fin
du
XIXe
siècle,
la
tectonique
des
plaques.
On
pourrait
en
dire
autant
des
thèses
de
Buffon
auxquelles
Voltaire
s’oppose,
à
commencer
par
son
prétendu
évolu0onnisme
et
par
sa
thèse
de
la
forma0on
de
la
Terre
par
l’ac0on
d’une
planète
ayant
percuté
le
Soleil.
En
résumé,
si
Voltaire
s’est
opposé
aux
théories
de
Buffon,
c’est
en
par0e
par
opposi0on
au
matérialisme
athée,
mais
surtout
par
un
scep0cisme
de
bon
aloi,
inspiré
de
Newton.
L’esprit
scien0fique
exige
que
chaque
théorie
fournisse
des
preuves
irréfutables.
Or,
force
est
de
reconnaître
que
si
la
physique
du
siècle
des
Lumières
était
rela0vement
bien
fondée,
sa
biologie
et
sa
géologie
étaient
spécula0ves.
Comme
le
remarque
W.
H.
Barber,
‘These
whole
areas
of
enquiry
concerning
the
nature
and
history
of
living
things,
and
the
history
of
earth
itself,
were
thus
in
Voltaire’s
0mes
largely
fields
for
specula0ve
controversy
based
on
what
now
seem
non‐scien0fic
premises,
rather
than
firmly
founded
branches
of
human
knowledge.
And
for
Voltaire
the
contrast
with
the
solid
achievement
of
Newtonian
physics
was
clearly
an
acute
one
(…)6
Conclusion
En
conclusion,
Voltaire
est
un
philosophe
newtonien,
un
fidèle
newtonien
qui
reste
cependant
scep0que
à
l’égard
des
soubassements
métaphysiques
de
ce
système,
du
Sensorium
Dei
et
de
la
manum
emendatricem
de
Dieu.
Il
a
en
ce
sens
été
plus
newtonien
que
Newton.
C’est
en
tant
que
newtonien
que
Voltaire
s’est
opposé
aux
sciences
de
la
vie
et
de
la
terre
du
Siècle
des
Lumières.
Il
n’a
jamais
été
plus
fidèle
à
Newton
qu’en
doutant
de
ces
hypothèses
spécula0ves
:
Hypotheses
non
fingo.
Si
Voltaire
n’a
jamais
été
un
physicien
accompli,
il
n’a
cessé,
depuis
son
séjour
à
Londres
entre
1726
et
1728,
de
considérer
la
physique
de
Newton,
délestée
de
ses
aspects
métaphysiques,
comme
le
paradigme
de
ra0onalité
que
doit
suivre
tout
philosophe.
Ce
n’est
pas
sa
moindre
contribu0on
à
l’avancement
de
la
physique
que
d’avoir
fait
preuve
de
scep0cisme
à
l’égard
de
tout
ce
qui
est
spécula0f.
La
raison
ne
saurait
jamais
adme+re
que
ce
qui
est
prouvé
ou
qui
le
sera
:
tel
est
l’enseignement
de
Voltaire
après
Descartes
et
Newton…
6
Voir
W.
H.
Barber,
‘Voltaire
and
natural
science
:
from
apples
to
fossils’
dans
Voltaire
en
Europe.
Hommage
à
Chris0ane
Mervaud,
éd.
M.
Delon
et
C.
Seth
(Oxford,
2000),
p.243‐54
(ici,
p.250)

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