DOCUMENT 4
Les nombres premiers
La relation de divisibilit´e poss`ede un rˆole central en arithm´etique. C’est en particulier une
relation d’ordre sur Navec 1 pour plus petit ´el´ement. Il est donc naturel de s’ineresser dans
l’ensemble des entiers positifs, diff´erents de 1, aux ´el´ements minimaux pour cette relation d’ordre,
c’est-`a-dire aux entiers ne poss´edant dans Nque deux diviseurs, 1 et eux-mˆemes.
1. D´efinition d’un nombre premier et caract´erisations
D´
efinition 4.1.Un entier pest premier si p2et si ses seuls diviseurs dans Nsont 1 et
lui-mˆeme.
Un entier pest premier si et seulement si p2 et si ses seuls diviseurs dans Zsont 1, -1, p
et p.
Les deux propositions suivantes vont montrer qu’il existe beaucoup de nombres premiers.
Proposition 4.1.Tout entier n2admet un diviseur premier. Si nn’est pas premier
alors il poss`ede un diviseur premier ptel que pE(n)( E(.) d´esigne la partie enti`ere).
Preuve. Si nest premier alors nconvient. Sinon l’ensemble des diviseurs de n compris entre 2
et n1 n’est pas vide et poss`ede donc un plus petit ´el´ement p. Comme tout diviseur de pest
un diviseur de n,pest premier. Si n=pm,mN, alors pmd’o`u p2pm =net, comme p
est un entier, pE(n).
Proposition 4.2.L’ensemble des nombres premiers est infini.
Preuve. Soit p1, ..., pnune suite finie de nnombres premiers et N=p1...pn. D’apr`es la
proposition pr´ec´edente N+ 1 poss`ede un diviseur premier pqui ne peut ˆetre l’un des picar le
reste de la division euclidienne de N+ 1 par piest 1. Donc pour tout entier n, il existe plus de
nnombres premiers. Leur ensemble est infini.
Remarque. La proposition pr´ec´edente peut ˆetre consid´er´ee comme un cas particulier du
th´eor`eme de Dirichlet : si aet bsont deux entiers premiers entre eux alors il existe une
infinit´e de nombres premiers de la forme a+bn,nN.La d´emonstration de ce th´eor`eme est
difficile et utilise les fonctions de variable complexe mais il y a des cas particuliers faciles `a
´etablir. Par exemple, avec une preuve voisine de celle de la proposition pr´ec´edente, on montre
qu’il existe une infinit´e de nombres premiers de la forme 4n+ 3.
Proposition 4.3.Soit un entier p2. Les affirmations suivantes sont ´equivalentes :
(1) L’entier pest premier.
(2) Pour tout entier nZ,p|nou pet nsont premiers entre eux.
(3) Si p|ab,(a, b)Z2, alors p|aou p|b(Z/pZest int`egre).
(4) L’anneau Z/pZest un corps.
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32 4. LES NOMBRES PREMIERS
(5) (p1)! + 1 0 (mod p)(Th´eor`eme de Wilson).
Preuve. 1) 2). Pour tout entier n, le pgcd de pet ndivise p donc pgcd(p, n) = 1 ou
pgcd(p, n) = p. Dans le premier cas, pet nsont premiers entre eux et, dans le second, pdivise
n.
2) 3). Si p|ab et si p6 |aalors pest premier avec aet le th´eor`eme de Gauss entraine que p|b.
3) 4) Soit a6= 0 et fl’application de Z/pZdans lui-mˆeme d´efinie par f(x) = a x. Cette
application est injective car si a(xy) = 0 alors p|a(xy) et, comme a6= 0, p6 |ad’o`u p|xy
et x=y. L’ensemble Z/pZ´etant fini, fest surjective et il existe un entier btel que a b = 1.
Tout ´el´ement non nul de Z/pZest inversible et Z/pZest un corps.
4) 5). Remarquons d’abord que dans (Z/pZ)les quatre affirmations suivantes sont ´equivalentes
:x=x1,x21 = 0, (x1)(x+ 1) = 0, x= 1 ou x=1 = p1. Soit Rla relation binaire
d´efinie sur (Z/pZ)par
xRy x=you x = y1.
Il est clair que Rest une relation d’´equivalence et il r´esulte de la remarque pr´ec´edente que toutes
les classes d’´equivalence, autres que 1 et p1, poss`edent deux ´el´ements distincts. Soit Eun
ensemble obtenu en prenant un ´el´ement et un seul dans chacune des classes ayant deux ´el´ements.
Si E=alors (Z/pZ)a un ou deux ´el´ements et on v´erifie facilement le th´eor`eme de Wilson
pour p= 2 ou p= 3. Si E6=alors p5 et on a
2 3...p 2 = Y
xE
x x1= 1
d’o`u (p1)! = p1 = 1 ou encore (p1)! + 1 0 (mod p).
5) 1). Soit dun diviseur positif de p, distinct de p. On a 1 dp1 d’o`u d|(p1)!.Si
(p1)! + 1 0 (mod p) alors d|1 donc d= 1 et pest premier.
Remarques
1) Supposons que (Z/pZ) soit un corps et soit a[1, p 1] un entier. Il existe bZtel que
ab = 1 d’o`u l’existence de λZtel que ab 1 = λp. Si adivise palors adivise 1 et donc a= 1.
L’entier pest premier et on a montr´e directement que 4) 1). La preuve de la proposition
pr´ec´edente o`u ne figure plus le th´eor`eme de Wilson est donc tr`es simple.
2) Un ideal Id’un anneau Aest dit premier si I6=Aet ab Iimpliquent aIou bI. En
utilisant la partie 3) de la proposition pr´ec´edente on voit que les id´eaux premiers de Zsont {0}
(car Zest int`egre) et les id´eaux pZavec ppremier.
3) Un ideal Id’un anneau Aest dit maximal si c’est un ´el´ement maximal de l’ensemble, ordonn´e
par inclusion, des id´eaux de Adistincts de A. En utilisant la propri´et´e a|bbZaZ, on
voit que les id´eaux maximaux de Zsont les pZ,ppremier. Dans la proposition pr´ec´edente
l’´equivalence des affirmations 1) et 4) n’est qu’un cas particulier du r´esultat : un id´eal Id’un
anneau commutatif et unitaire Aest maximal si et seulement si A/I est un corps.
2. D´ecomposition en facteurs premiers et applications
2.1. Le th´eor`eme d’existence et d’unicit´e. On a d´ej`a remarqu´e que les nombres pre-
miers sont pour la relation de divisibilit´e les ´el´ements minimaux et une pratique courante et
f´econde en math´ematiques consiste `a d´ecomposer les objets `a l’aide d’objets minimaux. C’est
ce que nous allons faire ici avec les entiers naturels.
La d´efinition suivante va permettre de consid´erer une d´ecomposition en facteurs premiers
comme un objet math´ematique.
2. D´
ECOMPOSITION EN FACTEURS PREMIERS ET APPLICATIONS 33
D´
efinition 4.2.Une d´ecomposition de nNen facteurs premiers est un couple form´e par
:
(1) une suite finie strictement croissante de nombres premiers p1, ..., pk;
(2) une suite de kentiers naturels non nuls α1, ..., αktels que n=pα1
1...pαk
k.
La preuve du th´eor`eme affirmant l’´existence et l’unicit´e d’une d´ecomposition en facteurs
premiers pour tout entier 2 utilise les propri´et´es des nombres premiers entre eux (voir le
document 3) et le lemme suivant.
Lemme 4.1.:
(1) Si un nombre premier divise un produit de facteurs alors il divise l’un d’eux.
(2) Si un nombre premier divise un produit de facteurs premiers alors il est ´egal `a l’un
d’eux.
Preuve. 1) Si le nombre premier pne divise aucun des ai,i= 1, ..., n, alors pest premier avec
tous les aiet donc pest premier avec leur produit.
2) Evident en utilisant 1).
Avant d’´enoncer le th´eor`eme, donnons une notation utile. Soit p un nombre premier et
nN. L’ensemble des entiers ktels que pk|nest fini. Il poss`ede donc un plus grand ´el´ement
que l’on d´esigne par vp(n).
Th´
eor`
eme 4.1.Tout entier n2poss`ede une unique d´ecomposition en facteurs premiers.
Preuve. L’existence. Soit p1< ... < pkla suite strictement croissante des diviseurs premiers
de net m=pvp1(n)
1....pvpk(n)
k. Si i6=jalors piet pjsont premiers entre eux et il en est de mˆeme
pour pvpi(n)
iet pvpj(n)
j. Il en r´esulte que m|n(Corollaire 3.2 du document 3). Posons n=qm.
Si q > 1 alors qposs`ede un diviseur premier pet comme p|nil est ´egal `a l’un des pi:p=ph,
1hk. L’´egalit´e n=qm entraine que pvph(n)+1
h|nen contradiction avec la d´efinition de
vph(n). Donc q= 1 et m=n, ce qui montre que le couple form´e par les suites p1, ..., pket
vp1(n), ..., vpk(n) est une d´ecomposition de nen facteurs premiers.
L’unicit´e. Supposons que n=qα1
1...qαr
ro`u q1, ..., qrest une suite strictement croissante de
nombres premiers et αiN.Comme qiest un diviseur premier de n, on a {q1, ..., qr} ⊂
{p1, ..., pk}. Soit i[1, k]. Le nombre premier pidivise qα1
1...qαr
rdonc il existe h[1, r] tel
que pi|qαh
hd’o`u pi|qhet finalement pi=qh. Il en r´esulte que {q1, ..., qr}={p1, ..., pk}d’o`u
r=ket pi=qipour tout i[1, k] car les suites (pi) et (qi) sont strictement croissantes. Par
d´efinition de vpi(n), αivpi(n). et s’il existe htel que αh< vph(n) alors
n=pα1
1....pαh
h...pαk
k< pvp1(n)
1....pvph(n)
h....pvpk(n)
k=n
ce qui est absurde. On a donc αi=vpi(n) et l’unicit´e de la d´ecomposition est d´emontr´ee.
Remarque. La preuve pr´ec´edente est un peu longue mais elle donne aussi la forme pr´ecise de la
d´ecomposition et une fa¸con de l’obtenir. Il en existe des beaucoup plus courtes mais n’ayant pas
ces qualit´es. Par exemple, pour l’existence de la d´ecomposition, on peut faire la d´emonstration
suivante :
Si tout entier ne se d´ecompose pasen facteurs premiers alors soit n0le plus petit entier n’ayant
pas de d´ecomposition. Comme n0n’est pas premier, n04 et n0poss´ede un divieur aavec
34 4. LES NOMBRES PREMIERS
2an01. On a n0=ab avec 2 bn01. Les entiers aet bsont des produits de
nombres premiers et donc n0aussi d’o`u une contradiction.
2.2. Exemples d’intervention. 1. Applications aux diviseurs d’un entier. Pro-
pri´et´es des applications vp. Applications aux pgcd et ppcm.
Rappelons que pour tout nombre premier p,vp(n) est le plus grand entier ktel que pk|n.
Proposition 4.4.Soit aet bdeux entiers strictement positifs.
(1) Pour tout nombre premier p,vp(ab) = vp(a) + vp(b).
(2) L’entier adivise bsi et seulement si, pour tout nombre premier p,vp(a)vp(b).
(3) Si d=pgcd(a, b),m=ppcm(a, b)alors
vp(d) = min(vp(a), vp(b)), vp(m) = max(vp(a), vp(b)).
Preuve. 1) Pour tout nombre premier p, on a a=pvp(a)a0,b=pvp(b)b0avec p6 |a0et p6 |b0. Le
lemme 4.1 entraine p6 |a0b0et, comme ab =pvp(a)+vp(b)a0b0on a vp(ab) = vp(a) + vp(b).
2) Si a|balors, pour tout nombre premier p,pvp(a)|bet donc vp(a)vp(b). R´eciproquement,
supposons que vp(a)vp(b) et soit Pune ensemble fini de nombres premiers contenant les
diviseurs premiers de aet de b. On a :
b=Y
pP
pvp(b)=Y
pP
pvp(b)vp(a).Y
pP
pvp(a)=a. Y
pP
pvp(b)vp(a)
et donc a|b.
3) Evident en utilisant 2) et les d´efinitions du pgcd et du ppcm.
Corollaire 4.1.Pour tout (a, b)N2,pgcd(a, b)ppcm(a, b) = ab.
Preuve. Comme n+m=max(n, m) + min(n, m), la partie 3) de la proposition pr´ec´edente
entraine, pour tout nombre premier p,vp(pgcd(a, b)) + vp(ppcm(a, b)) = vp(a) + vp(b) d’o`u
pgcd(a, b)ppcm(a, b) = ab
(Le corollaire est encore vrai si a= 0 ou b= 0.)
Le nombre des diviseurs d’un entier.
Soit n=pα1
1....pαk
kun entier naturel 2 d´ecompos´e en facteurs premiers. La partie 2) de la
proposition 4.4 entraine que d|nsi et seulement si d=pβ1
1....pβk
kavec 0 βiαi, 0 ik.
L’application qui au diviseur dde nfait correspondre (β1, ..., βk) est une bijection de l’ensemble
des diviseurs de nsur [0, α1]×...×[0, αk]. Le nombre des diviseurs de nest donc (α1+1)...(αk+1)
Par exemple, le nombre de diviseurs de 360 = 23.32.5 est 4.3.2 = 24, le nombre de diviseurs de
pn, p ´etant premier, est n+ 1
La somme des puissances r-i`emes des diviseurs d’un entier.
Consid´erons toujours n=pα1
1....pαk
k. En d´eveloppant le produit
(1 + pr
1+... +p1
1)....(1 + pr
k+... +pk
k)
on obtient une somme form´ee par toutes les puissances r-i`emes de tous les diviseurs de n. D’o`u
leur somme
Sr(n) = pr(α1+1)
11
pr
11.....pr(αk+1)
k1
pr
k1.
2. D´
ECOMPOSITION EN FACTEURS PREMIERS ET APPLICATIONS 35
2. La fonction indicatrice d’Euler, les th´eor`emes d’Euler et de Fermat. La fonction
indicatrice d’Euler φfait correspondre `a tout entier nle nombre φ(n) des entiers premiers
avec net plus petits que n. C’est aussi le nombre d’´el´ements inversibles dans l’anneau Z/nZ.
Supposons net ppremiers entre eux. L’anneau produit (Z/nZ)×(Z/pZ) est isomorphe `a
Z/npZ(voir document 5) et un ´el´ement est inversible dans (Z/nZ)×(Z/pZ) si et seulement si
ses composantes dans Z/nZet Z/pZle sont. Il y a donc φ(n)(p) ´el´ements inversibles dans
(Z/nZ)×(Z/pZ) et donc aussi dans Z/npZ. On en d´eduit que φ(np) = φ(n)(p).
Pour tout nombre premier pet tout entier n1 les entiers de [1, pn] non premiers avec p
sont ceux de la forme λp,λN. On a 1 λpn1et il y en a donc pn1d’o`u φ(pn) =
pnpn1=pn1(p1).
Consid´erons maintenant n=
k
Y
i=1
pαi
iun entier d´ecompos´e en facteurs premiers. On a
φ(n) =
k
Y
i=1
φ(pαi
i) =
k
Y
i=1
pαi1
i(pi1) = n
k
Y
i=1
(1 1
pi
).
La fonction indicatrice φpermet d’´enoncer le th´eor`eme d’Euler, un r´esultat particuli`erement
utile lorsque l’on utilise les congruences.
Proposition 4.5.(Th´eor`eme d’Euler) Soit aet n2deux entiers premiers entre eux. On
aaφ(n)1 (mod n)
En particulier, si n est premier, an11 (mod n).
Preuve. Les entiers aet n´etant premiers entre eux, aappartient `a l’ensemble I(Z/nZ) =
{x1, .., xφ(n)}des ´el´ements inversibles de Z/nZ. L’application fd´efinie sur I(Z/nZ) par f(x) =
ax est injective ( ax =ay ´equivaut `a a(xy) = 0 d’o`u 0 = a1a(xy) = xy). Comme
xest inversible si et seulement si ax est inversible, fest une permutation de I(Z/nZ) et
{f(x1), .., f(xφ(n))}=I(Z/nZ) d’o`u
x1...xφ(n)=f(x1)...f(xφ(n)) = aφ(n)x1...xφ(n)
et comme x1...xφ(n)est inversible on obtient (en multipliant par son inverse) aφ(n)= 1 ou encore
aφ(n)1 (mod n).
Si n est premier alors φ(n) = n1etan11 (mod n).
Corollaire 4.2.(Petit th´eor`eme de Fermat). Soit pun nombre premier. Pour tout entier
a,apa(mod p)et si a6≡ 0 (mod p)alors ap11 (mod p).
Preuve. Si a= 0 (mod p) le r´esultat est ´evident. Sinon, aet psont premiers entre eux
et c’est une cons´equence imm´ediate du th´eor`eme d’Euler. Si a6≡ 0 (mod p) alors aet psont
premiers entre eux et le th´eor`eme de Gauss entraine que pdivise ap11.
Remarques. 1). La r´eciproque du th´eor`eme de Fermat est fausse : il existe des entiers n
non premiers tels que pour tout entier aon ait ana(mod n).Le plus petit de ces nombres
est 561 (voir le document 5) et il en existe une infinit´e. Ces entiers sont appel´es nombres de
Carmicha¨el.
2). Les ´el´ements inversibles de Z/nZforment, pour la multiplication, un groupe d’ordre φ(n) et
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