il pas un travail de sape au sein même du langage qui redéfinit en profondeur rôle spécifique de
l'action de parler? Notre travail se penche également sur le pouvoir révélateur de la parole dans la
dramaturgie de Lagarce, car les mots sont capables de mettre en évidence bien des écarts individuels
qui contredisent les normes imposées par la société. Dans un premier temps, nous allons donc définir
les sujets principaux abordés dans les pièces, puis nous allons étudier les particularités linguistiques
et stylistiques de la phrase dans son théâtre et enfin nous allons tenter de mettre en évidence les
motivations du discours chez les personnages des pièces choisies. Il s’agira de montrer que leur choix
existentiel peut être résumé par la question suivante : faut-il parler ou garder silence ?
Le corpus de cette recherche est composé de douze pièces de Jean-Luc Lagarce qui représentent
chacune un moment spécifique de son œuvre et qui montrent l'évolution et la clôture de sa création
dramatique : Carthage, encore; Ici ou ailleurs; La place de l'Autre; Les Serviteurs; Noce; La Bonne
de chez Ducatel; Derniers remords avant l'oubli; Les Prétendants; Nous, les héros; J'étais dans ma
maison et j'attendais que la pluie vienne; Juste la fin du monde; Le Pays lointain.
En raison du caractère extrêmement contemporain de la création littéraire de Jean-Luc Lagarce et
de la reconnaissance assez tardive de son talent, les études littéraires sur son héritage sont
relativement peu nombreuses. Il faut mentionner, tout d’abord, une série des colloques ayant eu lieu
au cours de l'Année Lagarce, en 2007. Les actes de ces colloques regroupent des articles pionniers
ainsi que des critiques qui portent sur les propres mises en scène de l’écrivain. Mentionnons en
particulier les articles « Temps mort » de Françoise Dubor, « L'entre-deux lagarcien : le personnage
en état d'incertitude » de Julie Sermon, « Diarisme et écriture dramatique : du journal à l'espace
autobiographique » de Julie Valero et « L'épanorthose : de la parole comme expérience du temps
d'Armelle Talbot ». Tous ces travaux questionnent les fonctions du langage dans la dramaturgie de
Lagarce. Nous nous plaçons dans la lignée de ces études en proposant une approche plus globale afin
de produire, autant que possible, un tableau complet du problème abordé. Nous souhaitons donc
offrir une approche nouvelle du rôle de la parole dans la dramaturgie de Jean-Luc Lagarce, dans son
ensemble, en utilisant diverses ressources de l’analyse littéraire et linguistique. Nous souhaitons ainsi
comprendre les particularités de cette écriture théâtrale qui a été bien décrite par J.-P. Thibaudat :
« [...] c'est le cas le plus souvent : d'une phrase va naître une scène. [...] L'histoire de l'œil droit
d'un homme seul qui flirte avec la mort confrontée avec la vie en groupe des tournées pleines de
facéties à laquelle participe ce même homme puisqu'il est le metteur en scène du spectacle. Deux vies
parallèles, là encore. Le réalité, dans sa construction même et son déroulé, exaspère la tension entre
ces deux pôles, thésaurise le frottement, les chassés-croisés aigres-doux entre les deux, le tout étant
rythmé par les tempos des villes, des perfusions à l'hôpital et des dîners. Et dans une langue qui
coule, claire, simple : la voix de l'inéluctable. Un voyage d'adieu, nous dit l’auteur solitaire mais le