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C'est
avec (2) q u e les difficultés deviennent flagrantes. Elles
tiennent au fait q ue le verbe dire n'y est pa s suivi
d'une
cita t i on, mais
d'une
complétive. Dire doit donc ici signifier quelque chose
comme
"affirmer",
"asserter" - en donnant pour objet à
l'acte
désigné par ces
verbes,
non pas un énonc é, m a i s une entité intellectuelle abstraite, q u e
les logiciens appellent "proposition" o u "contenu". D'après le linguiste Z,
le locuteur
L
s'est
ainsi engagé sur la vérité
d'une
proposition :
L.
a
soutenu que P p ossèd e une certaine propriété, q u i lui serait inhérente, e t
qu'on pourrait découvrir en lui si on l'analysait avec exactitude, ou encore
il a soutenu q ue P appartenait à un certain ensemble, définissable indépen-
damment
de lui, l'ensemble des gens intelligents. Le problème tient alors
à ce qu e Z lui-même utilise, p o u r désigner cette propriété ou cet e n s e m b l e ,
l'adjectif
intelligent,
qui n'est
plus,
dans
12),
entouré de guillemets
comme il
l'était
dans (1). Il ne
s'agit
donc plus
d'une
expression du
métalangage
désignant une expression du langage, m a i s
d'une
expression du
langage incorporée au m étalangage. De sorte que le linguiste Z doit
utiliser
le m o t intelligent à ses propres frais.
Il
doit le revendiquer
canme
un
concept
s c i e n t i f i q u e ,
pourvu
d'une
valeur théorique claire, e t désignant effec-
tivement soit une propriété soit un ensemble. Contrainte quelque peu répu-
gnante,
et q ui devrait tuer chez tout honnête homme la vocation linguistique.
Que l'on ait, en tant q u e francophone, une compétence passablement assurée
pour sentir quelles intentions peuvent être servies ou desservies lorsqu'on
emploie intelligent dans tel ou tel contexte, cel a n'oblige pas, D i e u m e r c i ,
à admettre que ce m o t possède un contenu conceptuel clair.
C'est
pourt ant
ce qu'adme t Z lorsque, p o ur décrire dans son métalangage la parole de L,
il reprend, en toute bonne conscience, le m o t que L avait u t i l i s é .
La confusion commise par Z, s'il opte pour la transcription ( 2 ) ,
n'est cependant pas sans excuse.
C'est
qu'elle est, d a n s une certaine m e -
sure,
commise par tout locuteur dans
l'usage
ordinaire du langage. Car le
rapport
(2),
que j'ai reproché au linguiste Z, aurait pu aussi bien être
fait par n'importe quel spectateur de l'énonciation de L - et personne n'y
aurait trouvé à redire : o n considère le p lu s souvent comme tout à fait
correct,
dans la conversation courante, de
rapporter
au style indirect
un
discours dont on a été le témoin, e t cela en se contentant de transformer
en "propositions complétives" les "propositions principales" d u locuteur
original (avec q u e l ques ajustements pour les temps, les pronoms et les
déictiques,
mais sans modifier le vocabulaire) . Certes le fait q ue ce
.