10 Revue militaire canadienne • Vol. 13, No. 4, automne 2013
réduire les répercussions. Malheureusement, il est possible que
l’analyse du risque éthique ne soit pas bien comprise au sein de
la communauté de la défense. Les directives du Chef d’état-major
de la défense aux commandants ordonnent aux commandants de
gérer le risque éthique, mais ne fournissent aucun conseil sur la
façon de le faire
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. Le programme d’éthique de l’Armée de terre
(PEAT) recommande que les commandants évaluent le risque
éthique de leur unité avant d’en prendre le commandement,
après en avoir pris le commandement et lorsqu’ils sont informés
d’une mission opérationnelle. Cependant, les méthodes propo-
sées pour faire cette évaluation n’utilisent pas les procédures
établies de planification opérationnelle ni les procédures de ges-
tion du risque opérationnel des FAC
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. Cet écart apparent entre
les préceptes et les processus pourrait amener certains comman-
dants à omettre l’analyse du risque éthique dans la planification
des missions de leur unité ou à considérer cette analyse comme
une activité de priorité moindre. Il existe un besoin clair
d’intégrer le risque éthique dans la doctrine ainsi que dans les
procédures des FAC relatives à la planification opérationnelle et
à la gestion du risque opérationnel, mais cette question devrait
plutôt faire l’objet d’un autre article. Pour le moment, nous
allons faire quelques suggestions pratiques sur la façon d’évaluer
le risque éthique. Essentiellement, l’analyse du risque éthique se
compose de deux étapes : savoir où se situent les menaces et, au
moyen de sondages et autres mesures, recueillir des données de
référence pour confirmer l’étendue des risques potentiels.
Cadre conceptuel pour analyser le risque éthique
Les risques éthiques sont fonction du contexte; ils varient
donc selon les caractéristiques environnementales comme la
géographie, le type de travail dans lequel une personne est engagée,
etc. Ainsi, la plupart des menaces de nature éthique auxquelles
font face les membres du personnel militaire qui travaillent dans
le domaine de la logistique diffèrent de celles du personnel
médical et des membres du personnel qui exercent d’autres pro-
fessions. Par contre, il y a également des menaces et des
vulnérabilités qui sont omniprésentes, telle l’influence de pairs
et de leaders charismatiques et immoraux.
Afin de tenir compte de tous les risques potentiels, nous recom-
mandons d’analyser les menaces et les vulnérabilités de nature éthique
selon trois niveaux, c’est-à-dire l’environnement, l’organisation et
l’individu. Certains risques sont propres à chacun de ces niveaux,
mais d’autres risques chevauchent les autres niveaux et se manifestent
de façon légèrement différente selon le niveau observé.
L’environnement. Nombre des facteurs environnementaux qui
influent sur les comportements éthiques reposent sur les normes
sociales et politiques qui façonnent la société. Ces influences socia-
les et politiques sont si pénétrantes et souvent si subtiles que les gens
n’ont même pas conscience de les subir.
Dans les pays démocratiques, le sort des leaders politiques
repose sur l’appui de leur électorat. Ces leaders ont donc tendance
à exagérer les aspects positifs et à minimiser les aspects négatifs, une
tendance qui est connue de tous et maintes fois avérée auprès des
autorités gouvernementales et des officiers militaires de niveaux
supérieurs. Cette attitude pourrait avoir comme conséquence néfaste
d’amener certains leaders supérieurs à hésiter à parler de façon ouverte
des questions de défense. (Nous ne parlons pas ici de secrets militaires
qui doivent être protégés des ennemis potentiels). Les décisions prises
aux niveaux supérieurs ont une incidence sur de nombreux intervenants
et, parfois, de fortes pressions sont exercées pour qu’une personne
agisse d’une façon particulière afin d’avantager certains intervenants
aux dépens des autres. La transparence permet de s’assurer que les
décideurs tiennent compte des incidences pour toutes les personnes
concernées. En l’absence de transparence, les décideurs sont plus
susceptibles de faire des erreurs décisionnelles comme la justification,
l’auto-duperie et « la pensée unique », et, par conséquent, de choisir
des options qui comportent des failles au niveau de l’éthique. Pour
plus d’information sur cette question, voir l’article du professeur
Stephen Saideman dans lequel il critique le MDN pour son manque
d’ouverture et son habitude à nier l’existence de problèmes
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.
Au niveau environnemental, un autre risque émane du désir de
la sphère politico-militaire de minimiser les dangers auxquels sont
confrontés les soldats qui participent à des opérations. Dans le monde
occidental, cette façon de faire a conduit à ce que Martin Shaw appelle
la guerre de transfert des risques, un style de combat qui repose sur
Source : Photo 20130704adf8118679_070 prise par Lee-Anne Mack, Australian Defence Image Library
Lieutenant General David Morrison, AO, chef de l’Armée, Australie.