face aux défis de la transition démographique
et économique au Mali
UNE FORTE INERTIE STRUCTURELLE
Depuis le début de la décennie
60, la répartition des activités
économiques est stable, signe
d’absence de transition écono-
mique. Le secteur primaire consti-
tue le pivot de l’économie
malienne et est resté proche
jusqu’à récemment des 50 % de
la richesse totale créée : les cé-
réales et le coton jouent un rôle
majeur et le repli marqué de ce
dernier depuis 2003-2004, lié à
une dégradation de l’environne-
ment de la filière (interne et externe, avec une baisse des
cours renforcée par les effets de la parité euro - dollar), ex-
plique le tassement de la place relative de l’agriculture.
Cette évolution s’est accompagnée du développe-
ment de l’industrie extractive, en nette croissance
depuis la fin des années 90 (la production aurifère représentait 20 % du Pro-
duit intérieur brut [PIB] en 2007), alors que la production manufacturière
voyait sa contribution au PIB diminuer régulièrement depuis 1997. Quant au
secteur tertiaire, qui oscille entre 35 et 40 % du PIB, il est principalement
constitué d’activités informelles (commerce, transport), les télécommunica-
tions, en croissance forte depuis le début de la décennie 2000, étant une
modeste exception.
UNE ECONOMIE EN CROISSANCE INSTABLE…
Depuis 1994, le Mali enregistre une croissance moyenne de son PIB de l’ordre
de 5 % par an. Cette situation est singulière à la fois par rapport aux décennies an-
térieures, marquées par une quasi-stagnation de l’activité (une croissance annuelle
moyenne de 0,8 % entre 1980 et 1986 et 2,6 % entre 1987 et 1993), mais aussi par rap-
port à la situation des autres pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-
africaine.
.../...
Changements structurels
des économies rurales
dans la mondialisation
MALI
Synthèse n°
2
Contacts
Pour en savoir plus
http://www.worldbank.org/
afr/ruralstruc
http://www.ier.gouv.ml
Banque mondiale, 2009. Le Mali face au défi démographique. Rapport d’étude, 102 p.
DNSI, 2001. Recensement général de la population et de l'habitat (Avril 1998). Résultats défini-
tifs. Tome 1, série sociodémographique. Direction nationale de la statistique et de l'informatique
du Ministère de l'économie et des finances, 732 p.
DNSI, 2003. Perspectives de la population résidente du Mali (1999-2024).
Guengant J-P., 2010. Mali : Projections 2010-2050. Annexe au rapport Banque mondiale 2009.
Le Mali face au défi démographique.
INSTAT (Institut National de la Statistique), 2009. 4e recensement général de la population et de
l’habitat du Mali.
OCDE/CAD, 2009. Rapport du Président du CAD.
PDDAA (Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine), 2009
PNISA (Programme national d’investissement dans le secteur agricole), 2009.
Ratha D. and W. Shaw, 2007. “South-South Migration and Remittances.” World Bank Working
Paper No.102.
Samaké A., Bélières J.-F., Bosc P.-M., et O. Sanogo, 2007. Les implications structurelles de la li-
béralisation sur l’agriculture et le développement rural au Mali. Première phase du programme
Rural Struc – Synthèse nationale. CEPIA - Banque Mondiale & Coopération française, Bamako,
227 p.
United Nations, 2009. World Population Prospects. 2008 Revision.
Le rôle de l’agriculture
Synthèse et thèmes de débat
Le Mali est confronté à des défis structurels ma-
jeurs liés à la combinaison d’une très forte
croissance démographique et d’une économie
faiblement diversifiée, accentués par une pau-
vreté élevée et d’importants retards en matière
d’infrastructures, d’équipements et d’éducation.
De par son poids dans la population active et du
fait des délais nécessaires à l’émergence de véri-
tables secteurs de diversification, l’agriculture
conservera un rôle central dans les vingt prochaines
années. C’est pourquoi les débats actuels sur l’approche
sectorielle et la relance du cadre de programmation à travers le
PNISA doivent s’inscrire dans une vision large du développement économique et
social du pays, où le secteur agricole dans son ensemble devra contribuer
à répondre aux besoins en matière d’alimentation, de diminution de
la pauvreté rurale, de gestion des ressources naturelles mais, aussi,
de création d’emplois.
Quelles sont les filres agricoles à même d’offrir une crois-
sance inclusive, pour le plus grand nombre ? Et quelles sont les
opportunités de développement d’activis liées, en amont et
en aval de la production agricole (transformation, services) ?
Entre l’appui aux exploitations agricoles familiales au cœur
de la Loi d’orientation agricole (LOA) et l’émergence d’une
agriculture d’entreprise à grande échelle, quel modèle agri-
cole privilégier ? Quelles complémentarités et quelles tensions
entre ces deux modèles (notamment pour l’accès aux res-
sources en terres et en eau) ? Quelles conséquences en termes
d’emploi et de besoins en capital (humain, technique, financier) ?
Quels sont les investissements et les systèmes techniques nécessaires
pour gérer l’impact de la croissance démographique sur les ressources natu-
relles ? Comment anticiper les risques de blocage et quels sont les besoins en termes
d’inventaire, d’information, de cadre juridique et de politique foncière, etc. ?
Édition : Christine Rawski
Maquette et mise en page : Cathy Rollin
© IER-MSU-CIRAD 2010
Services
Industrie manufacturière
Mines, BTP, énergie
Agriculture
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Figure 1 – Evolution de la structure du PIB (en %)
Programme
Quelques références...
Source : Word Bank Indicators 2009
Fiche2_validation27:Mise en page 1 28/05/2010 15:31 Page 1
La conjonction d’un changement de régime politique, des effets positifs de la dévaluation du franc
CFA, et la croissance de l’exploitation aurifère contribuent à expliquer cette tendance. Toutefois,
malgré cette augmentation récente du rythme de croissance globale, l’activité économique du Mali
reste vulnérable car soumise à une volatilité interannuelle largement expliquée par le poids du sec-
teur agricole (pluviométrie, prix internationaux), ainsi que par la parité euro/dollar et les incerti-
tudes institutionnelles. Cette croissance globale de l’économie malienne depuis 1994 intervient
dans un contexte de forte croissance démographique, qui se traduit par une croissance du PIB par
habitant de 2 %. En 15 ans (1995-2009), le PIB par tête est passé de 85 000 FCFA à 106 325 FCFA
constants (279 000 FCFA courants en 2008). La pauvreté monétaire reste élevée, avec 67 % de la
population totale considérée comme pauvre en 2001 ; cette proportion atteint 79 % dans les zones
rurales. Dans ses aspects non-monétaires, la pauvreté se manifeste par une proportion élevée de la
population n’ayant pas accès aux services publics de base.
Quant à la contribution de l’investissement à la création de richesse, il se situe selon les années
entre 15 et 27 % du PIB, avec une légère tendance à la baisse depuis le début de la décennie 2000.
Cet investissement est concentré dans l’extraction aurifère et le bâtiment-travaux publics (BTP), l’agri-
culture n’en recevant qu’une part modeste (PNISA, 2009). Alors que le financement par le secteur
bancaire privé national est extrêmement limité, l’investissement public dans l’agriculture est large-
ment financé par l’aide extérieure (environ 80%), en baisse continuelle depuis le milieu de la dé-
cennie 1980 et par nature soumise aux aléas des politiques des bailleurs de fonds (PDDAA, 2009 ;
OCDE/CAD, 2009). Toutefois, suite à la crise des prix alimentaires de 2007-2008, les nouveaux en-
gagements internationaux devraient redresser cette tendance et faciliter une remobilisation dans le
cadre du Programme national d’investissement dans le secteur agricole (PNISA) qui prévoit un mon-
tant d’investissement de 2 356 milliards de FCFA sur la période 2009-2015.
A l’horizon 2025, soit dans quinze ans, la po-
pulation totale du Mali devrait se situer selon
les scénarios entre 19 et 25 millions de per-
sonnes (projection des Nations Unies dans le
premier cas, largement sous-estimée ; projec-
tion de la Banque mondiale dans le
second cas). L’urbanisation se poursuivra à un
rythme soutenu ; mais la population rurale,
estimée à 64 % de la population totale en
2010, devrait rester majoritaire jusqu’en 2030.
Ces tendances indiquent que le taux de dé-
pendance (inactifs/actifs) restera élevé, du fait
du maintien d’une forte fécondité. Il impli-
quera des gains de productivité accrus par
actif pour assurer la redistribution intergéné-
rationnelle des revenus ; et le dividende dé-
mographique (la diminution du rapport de
dépendance liée à la croissance relative de la
population active suite à la baisse de la fé-
condité) ne sera pas perceptible avant 2050.
Cette poussée démographique a des consé-
quences directes en matière de demande de
création d’emplois et l’économie devra absor-
ber un nombre croissant de jeunes actifs :
selon la dernière projection de la Banque
mondiale, la cohorte annuelle de nouveaux
actifs entrant sur le marché du travail est
estimée aujourd’hui à 300 000 en
valeur absolue (sans référence
au taux de chômage existant),
dont 180 000 ruraux ; elle
devrait doubler d’ici 2025
pour atteindre 520 000 ac-
tifs dont près de 240 000
ruraux (voir figure 3). Ainsi,
selon cette estimation,
l’économie malienne de-
vrait absorber 6,2 millions
de nouveaux actifs dans les
quinze prochaines années,
dont 3,3 millions pour le milieu
rural.
UN SECTEURAGRICOLE DETERMINANT
POUR LAVENIR DU PAYS
La combinaison des variables démogra-
phiques et économiques fait apparaître des
risques de très fortes tensions pour le déve-
loppement économique et social du Mali.
Quels seront les secteurs d’activité à même
d’accueillir tous ces jeunes et de leur offrir des
emplois et des revenus ?
Il n’existe évidemment pas de solution pure-
ment démographique ou de solution purement
économique à ces problèmes et il est indis-
pensable d’adopter une vision stratégique
basée sur l’identification des principales op-
portunités et contraintes.
Une politique de planification familiale vigou-
reuse est absolument nécessaire pour permet-
tre une amélioration significative du taux de
dépendance, même si elle n’a pas d’effets im-
médiats sur la question de l’emploi, puisque les
actifs des vingt prochaines années sont déjà
nés. Parallèlement, une stratégie ambitieuse
d’éducation est essentielle pour répondre dès
maintenant aux besoins d’aujourd’hui mais
aussi anticiper ceux de demain. Car, pour pou-
voir bénéficier pleinement à terme du divi-
dende démographique, il faudra une
main-d’œuvre qualifiée à même de soutenir la
croissance économique.
Le Mali devra développer des secteurs d’acti-
vité nouveaux par des politiques structurelles
volontaristes. Mais il est probable, vu sa trajec-
toire historique de développement, que l’émer-
gence de nouvelles activités industrielles et de
services à forte intensité de main-d’œuvre res-
tera limitée dans les 20 prochaines années. Pa-
rallèlement, un ajustement par une migration
massive au sein de la région
Afrique de l’Ouest et/ou vers
l’Europe n’apparaît pas comme
une option réaliste dans l’envi-
ronnement géopolitique actuel :
en 2005, le Mali comptait,
selon les données officielles, 1,2
million d’émigrés, dont 65 % en
Côte d’Ivoire et au Burkina Faso
et 6% en Europe (Ratha & Shaw,
2007), soit 9,5% de la popula-
tion totale (d’autres sources
donnent des estimations beau-
coup plus élevées, comprises
entre 2 et 4 millions - cf. Sa-
maké et al., 2007). L’émigration
progressera probablement, mais
celle-ci restera forcément mo-
deste.
Ainsi, à l’horizon 2025, la population sera en-
core majoritairement rurale et agricole, avec un
taux de dépendance élevé ; et c’est cette base
agricole qui va devoir jouer un rôle accru qui
sera déterminant pour les équilibres écono-
miques, politiques et sociaux des deux pro-
chaines décennies. La croissance
démographique et urbaine offre des perspec-
tives de marché soutenues pour les productions
agricoles d’une économie sous-régionale en
voie d’intégration, qui sont autant d’opportuni-
tés en termes de transformation agro-indus-
trielle à même d’amorcer un changement
structurel. Et, malgré des contraintes accrues, le
Mali dispose encore de ressources naturelles
importantes. Ce sont ces atouts qu’il faut trans-
former par le choix de politiques sectorielles
adaptées.
UN DEFI DEMOGRAPHIQUE INCONTOURNABLE
Dans cet espace économique, financier et mo-
nétaire «contraint», où la modification
de la structure de l’économie ma-
lienne ne pourra être que très
progressive, le défi consiste à
trouver des sources de crois-
sance économique qui
soient suffisamment inclu-
sives pour absorber les ef-
fets d’une croissance
démographique qui s’accé-
lère depuis 2000 et qui est
l’une des plus élevées du
monde (Banque mondiale,
2009). En effet, avec 14,5 mil-
lions de personnes selon les pre-
miers résultats du Recensement
ral de la population et de l’habitat d’avril
2009, cette croissance de la population est
beaucoup plus forte que prévue avec 3,6 % an-
nuels en moyenne entre 1998 et 2009 (DNSI,
2001 et 2003 ; INSTAT, 2009). La population
malienne a quadruplé depuis l’indépendance
mais, selon la nouvelle projection de la Banque
mondiale basée sur le RGPH 2009 (Guengant,
2010), elle pourrait presque quadrupler encore
d’ici 2050 avec 56 millions d’habitants au mi-
lieu du siècle (hypothèse tendancielle). Il n’y a
pas encore d’analyse disponible, mais cette
forte croissance s’explique par le maintien
d’une fécondité élevée, une diminution de la
mortalité plus rapide que prévue, le retour
probable de migrants de longue durée de Côte
d’Ivoire, mais aussi le tassement d’une émi-
gration devenue plus difficile.
0,00
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ource : Guengant 2010 et calculs des auteur
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Source : Guengant 2010 et calculs auteurs
1960 65 70 75 80 85 90 95 2000 05 10 15 20 2025
Totale (NU) (BM) (BM)Rurale (NU)
24
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18
15
12
9
6
3
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Figure 3 – Croissance annuelle de la population active 1960-2025 (en milliers)
Figure 2 – Evolution de la population 1960-2025 (en millions)
Source : United Nations 2009 (NU) et Guengant 2010 (BM)
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