Dutch Disease, tertiarisation de l’économie et propagation du travail informel en Algérie
Aïssa Mouhoubi1, Université de Béjaïa, Algérie
Résumé
Cet article s’intéresse à analyser l’effet mouvement de ressources cité dans le modèle du Dutch disease. D’après le
modèle théorique de la maladie, l’effet des penses gouvernementales, généré par une nouvelle pléthore financière,
cause le déplacement des facteurs de production (capital et travail). Dans le cas de l’Algérie, la part la plus
importante du capital de l’économie est gérée par l’Etat, le déplacement de ce facteur de production est biaisé. Il reste
alors à analyser le déplacement du facteur travail, lors d’un boom des prix pétroliers. En l’absence de secteurs
économiques capables d’absorber l’afflux de la ressource, le travail informel apparaitra.
Mots-Clefs : Dutch disease, désagriculturisation, effet mouvement de ressources, informel, non-échangeables.
JEL: D33, E24, E26, J62.
Dutch Disease, service sector of the economy and the spread of informal work in Algeria
Abstract
This article focuses on analyzing the resources movement effect cited in the model of Dutch disease. According to
the theoretical model of the disease, the effect of government spending, generated by a new financial plethora, causes
the movement of factors of production (capital and labor). In the case of Algeria, where the largest capital share of
the economy is managed by Government, the movement of this production factor is biased. It remains to analyze
the movement of labor, during a boom in oil prices. In the absence of economic sectors able to absorb the influx of
this resource, informal work appears.
Keywords: Dutch disease, désagriculturisation, resource movement effect, informal, non-traded.
1 [email protected], Pôle universitaire d’Aboudaou, Route de Tichy, Béjaia, 06000, Algérie.
1. Introduction
Dès le début de la seconde moitié du vingtième siècle, une première génération d’économistes a
schématisé les processus économiques suite à une pléthore financière d’origine naturelle : Seers (1964),
Krueger (1974), Gregory (1976), Fekrat (1979) et Alam (1982). Par la suite, une seconde génération
d’économistes, tels que Gelb (1988), Sid Ahmed (1989, 2000), Auty (1994), Ross (2001), Stevens (2003), a
expliqué la pathogénèse d’un phénomène maléfique causé par l’abondance financière d’origine naturelle.
Chaque auteur cité a eu un apport considérable à l’économie des ressources naturelles, mais les apports
des deux tandems Corden et Neary (1982) structurant le modèle du Dutch disease et Sachs et Warner (1995 ;
2001) évaluant, avec un modèle appelé la malédiction des ressources naturelles, la défaillance économique due à
l'existence de ressources naturelles, constituent les écrits scientifiques les plus consultés pour cerner la
macroéconomie des pays riches en ressources naturelles. Ces études des corollaires de la rente des
ressources naturelles portaient sur le diagnostic de l’impact de l’activité minière sur l’économie.
Dans un pays comme les Pays-Bas, a été remarqué, pour la première fois, le phénomène du Dutch
disease, les retombées sur le facteur travail étaient un déplacement de cette ressource de production des
secteurs moins générateurs de valeur ajoutée vers les secteurs qui génèrent davantage de celle-ci. En
Algérie, le cas est que le chômage atteint des niveaux bas en périodes de booms pétroliers, mais, on en
enregistre des niveaux élevés en périodes de crise des prix pétroliers. D’une manière globale, les
principales préoccupations de la décision publique est la résorption du chômage et d’offrir un cadre de vie
serein au peuple.
« Bannir à jamais le chômage, tel est l’un des objectifs les plus pressants du socialisme en Algérie » (FLN, 1976, 32).
Déjà, dans la charte nationale de 1976, la politique de développement en Algérie était "anxieuse" d’abolir le
chômage sans pour autant laisser ce fléau disparaître par les externalités positives des politiques industrielle
et agricole lancées en parallèle. A quoi ont abouti les politiques de redistribution de la rente, est le
questionnement auquel cet article tentera de répondre.
2. Dutch disease et effet sur mouvement des facteurs de production
L’élargissement du modèle de Gregory par Corden et Neary (1982) est mis en évidence par un modèle
d’une petite économie fictive ouverte composée de trois secteurs :
Le secteur en boom B : toute industrie minière primaire d’exportation dans une phase de prix croissants,
de découverte majeure de richesses naturelles ou d’un progrès technique dont l’effet est une réduction des
coûts relativement au profit.
Le secteur en retard L : couvre toutes les autres activités économiques qui produisent des biens
exportables et les substitutions à l’importation tant dans le secteur manufacturier que dans le secteur
agricole.
Le secteur des biens non-échangeables N : couvre la production de tous les secteurs de services ;
Bâtiments et travaux publics (BTP), transports, … etc.
Les deux premiers secteurs sont exposés à la concurrence internationale et confrontés aux prix mondiaux,
alors que le troisième est abrité. Chaque secteur est en possession d’un stock spécifique de capital. Seul le
travail est mobile entre les trois secteurs. Internationalement, les deux facteurs de production sont
immobiles. Les prix des facteurs sont flexibles afin de maintenir le plein-emploi.
Un boom surgit dans le secteur B. Il peut être la cause de trois raisons : un progrès technique exogène, une
nouvelle découverte inattendue de nouvelles richesses ou une augmentation du prix du produit du secteur
B. Dans ce cas, l’impact aura deux bifurcations : un ‘‘effet-mouvement de ressources’’, un effet-dépense et un effet de
perte de savoir-faire.
Le boom dans le secteur minier augmente les produits marginaux des facteurs mobiles employés et donc
cause le déplacement des facteurs de production (capital et travail) des autres secteurs, c’est l’’‘effet-
mouvement de ressources’’. Si le secteur minier utilise des ressources relativement petites de façon qu’il puisse
transférer en dehors de l’économie, cet effet est négligeable et l’impact majeur du boom découle
directement de l’effet-dépense. Le revenu réel élevé résultant de ce boom conduit à des dépenses
supplémentaires sur les services qui relancent leurs prix.
Suite au boom dans B, les dépenses dans N doivent croître les prix de N si l’élasticité-revenu de la
demande de N est positive. A court terme, la monnaie domestique doit s’apprécier en terme réel.
Relativement aux prix de N, les prix de L restent fixes, étant commandés par des prix mondiaux. Le
surcroît de la demande de L conduit à l’augmentation des importations. Le déclin de L à cause de l’effet
des importations cause l’émergence du travail de L pour rejoindre le secteur N, secteur qui connaît une
prospérité. En conséquence, la production de L se décroîtra. Le boom a favorisé l’accroissement de la
productivité marginale du travail dans B stimulant, ainsi, le mouvement du facteur travail des deux secteurs
L et N vers B ; ce qui causera la désindustrialisation.
Van Wijnbergen (1984) remarque un effet dans une économie atteinte du Dutch disease. Une des
externalités positives du secteur industriel est l’apprentissage par la pratique (learning by doing). Le
progrès technique et l’innovation qu’exige la compétitivité oblige l’industrie d’un pays à se situer au moins
au niveau de la moyenne internationale pour garantir sa compétitivité. Les innovations sont alors partagées
avec les autres industries du pays. Ainsi, toute l’économie profite du progrès technique. Par ailleurs, le
secteur minier, qui est un secteur enclavé, ne fait pas profiter les autres secteurs de l’économie de son
innovation. Avec la concentration des facteurs de production dans le secteur en boom, la
désindustrialisation accélérera davantage et l’apprentissage va de soi.
La situation précédente est décrite par la figure 1 Sur l’axe des abscisses sont représentés les biens non-
échangeables. Sur l’axe des ordonnées sont représentés les biens échangeables. Le secteur des biens
échangeables est composé du secteur minier et du secteur manufacturier.
Figure 1 : Effet du boom sur le marché des biens et services
Source : Corden et Neary (1982). * Les projections sont rajoutées par l’auteur.
La distance OS OT représente l’offre totale de travail de chaque secteur. La courbe TS représente les
possibilités de production. L’équilibre initial s’établit au point a la courbe d’indifférence I0 est tangente
à la courbe des possibilités de production. L’équilibre entre l’offre et la demande des deux biens est rendu
possible grâce à des quantités de travail respectives des secteurs des biens échangeables et des biens non-
échangeables de Ta et Sa.
A la suite du boom minier, la frontière des possibilités de production se déplace à T’S. La distance
verticale est égale aux revenus externes en dessus de TS en tout point. L’équilibre se situe maintenant au
point b grâce à des quantités de travail Tb et Sb. L’accroissement des revenus induira une augmentation de
la demande des biens échangeables manufacturiers et des biens non-échangeables (sauf si l’élasticité-
revenu de la demande implique que l’un des biens est inférieur).
L’accroissement des biens non-échangeables provoquera une augmentation des prix1 et l’appréciation du
taux de change (Corden, 1982) (qui découle des nouvelles exportations de produits miniers). La croissance
de la production des biens non-échangeables est traduite par une baisse de celle des biens échangeables
manufacturiers. C’est de la sorte que l’équilibre glisse de b pour se situer à g, avec des quantités de travail Tg
et Sg. Ainsi, l’’‘effet-mouvement de ressources’’ provoque la désindustrialisation. La distance horizontale (j
b) correspond à l’excédent de demande des biens non-échangeables lorsque l’équilibre s’est établi à b, car le
boom qui est survenu dans le secteur minier a, subitement, aspiré la main d’œuvre du secteur des biens
non-échangeables.
1 Contrairement à celle des biens échangeables manufacturiers dont les prix sont déterminés internationalement.
Nous remarquons donc, que la projection de j tombe directement sur a, ce qui veut dire que cette
demande ne serait satisfaite qu’avec une quantité de travail de Sa. La distance horizontale (c g) représente
la différence entre la nouvelle demande des biens non-échangeables et la nouvelle offre des mêmes
produits après déplacement d’une partie de la main d’œuvre du secteur des biens échangeables provoqué
par l’effet-dépense.
La courbe consommation-revenu On coupe la courbe TS en a, explique la demande subvenue en situation
de pré-boom. Quant à la courbe T’S en c explique l’excès de demande des biens non-échangeables en
situation d’après- boom, demande qui ne pourra être subvenue qu’en cas d’appréciation du taux de change
favorisant des importations ou une soustraction de travail au secteur des biens échangeables.
3. L’évolution de la population et le taux du chômage
Directement après l’indépendance, avec l’amélioration du cadre de vie et de la sérénité qui commencent à
régner, le taux de croissance de la population algérienne est en ascension. Parallèlement, une
réorganisation de la population qui compose la ville et de celle qui compose la compagne est apparue. La
figure 2 montre que la répartition de la population urbaine et de la population rurale s’est totalement
inversée. En 1962, la ville contenait 66% de la population et la compagne en contenait 34%, tandis qu’en
2009, la ville contient 34% de la population et la compagne en contient 66%.
Figure 2 : Evolution des populations urbaine et rurale
Source : Construite à partir des données de World Bank (2011).
Analysons cette situation de plus près. Pour un peuple paysan, pendant longtemps, exploité et maltraité, il
lui est légitime de réclamer un bien-être digne de son sacrifice. Ainsi, un exode rural massif a été constaté
de 1962 à 1965. La population urbaine crût annuellement de 4,2% (tableau 1). Après le changement du
régime politique en 1965 jusqu’à 1970, ce taux a été réduit à 1%.
Tableau 1 : Evolution moyenne des populations urbaine et rurale par périodes (en %)
1962-65
1966-70
1971-75
1976-80
1981-2009
Population urbaine
4,2
1,0
0,4
1,5
1,4
Population rurale
-2,1
-0,6
-0,2
-1,1
-1,7
Source : Construit à partir des données de World Bank (2011).
Le lancement de la révolution agraire a été un moyen de sédentarisation de la population rurale, mais
pendant seulement cinq ans. Le lancement du modèle des industries industrialisantes et les velléités de la
charte nationale de 1976 ont été un déclencheur d’un second exode jusqu’à 1980. Avec la restructuration
des entreprises et la nouvelle politique économique des années quatre-vingt, le taux de croissance de la
population urbaine a une tendance quasi linéaire jusqu’à 2009, qui a tendance à diminuer.
Ce changement de structures des populations, qui composent la ville et la compagne, a contribué à gérer le
chômage et l’emploi par secteurs économiques en Algérie. Ceci dit, une analyse de l’évolution du chômage
semble primordiale avant d’entamer l’analyse de l’emploi par secteurs.
La lecture de la figure 3 est simple, du moment que l’évolution du chômage obéit directement à la
variation des prix du pétrole. Lorsque le niveau de ce dernier est notable, le taux du chômage est en
diminution. C’est le cas d’avant 1985. Après cette date, à la veille de la crise pétrolière, le taux du chômage
est passé de 8,7% à 30% en 1999. Juste au début des années deux mille, le taux du chômage a commencé
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Rurale
une chute libre avec l’augmentation du prix du pétrole, pour atteindre un taux de 10% en 2010 (voir sur ce
sujet Arhab, 2011).
Figure 3 : Evolution du chômage (en %)
Source : Construit à partir des données de l’ONS
A l’aide d’un modèle de régression linéaire simple l’on a rattaché l’évolution du taux de chômage C
avec l’évolution des prix du pétrole P en terme constant, la variation de ce dernier explique, à hauteur de
63%, l’évolution du chômage.
Ainsi, le modèle s’écrit :      
    
   
  
    
    
    
* signifie extrêmement faible.
D’après l’analyse des données ci-dessus, si le prix réel du pétrole augmente d’un dollar, le taux de chômage
diminue de 0,27%. Et dans le cas le prix serait égal à zéro, ou si jamais l’Algérie ne disposerait plus
d’hydrocarbures, le taux du chômage sera de 31,8%. Ainsi, le secteur des hydrocarbures prouve encore
une fois, son apport considérable à l’économie. L’analyse qui vient d’être avancée montre, d’emblée, que la
rente des hydrocarbures offre à l’État un pouvoir distributif, du moment que les postes d’emploi son
éphémères et disparaissent avec la disparition graduelle de la rente des hydrocarbures. En effet, la
réduction du taux du chômage de 20 points de pourcentage en l’espace de onze ans (1999-2010), est
difficile à saisir (voir sur ce sujet Musette, 2010, 40-47).
En dépit de l’aspect capitalistique du secteur des hydrocarbures, qui n’emploie pas une quantité
importante du facteur travail, l’apport de celui-ci est tentaculaire comme l’évolution du taux du chômage
en est dépendante.
4. L’évolution de l’emploi par secteur économique
La situation avant le premier boom pétrolier de 1973-74 est caractérisée par un secteur agricole qui a le
fardeau de prendre en charge une économie déshéritée après l’indépendance. Les finalités de ce secteur
sont de : nourrir les villes, fournir les matières agricoles nécessaires à l’industrie, fournir des déboucs aux
produits industriels, fournir un surplus pour l’investissement (particulièrement en devises) et entretenir la
force de travail que l’industrie et l’émigration ne peuvent pas absorber (Bedrani, 1981, 7-8).
En additionnant à ces propos, le caractère rural de la population, la quasi-moitié de la force de travail
algérienne était accaparée par le secteur agricole, pendant cette période (tableau 2). En 1969, le secteur des
hydrocarbures ne faisait travailler qu’un deux-centième de la population active. Vient alors, le boom
pétrolier pour changer la structure de la répartition de l’emploi. Juste à la veille du premier boom pétrolier,
un réaménagement, dans la répartition sectorielle de l’emploi, est apparu. Le secteur agricole a desservi les
autres secteurs de l’économie, en matière de force de travail. Toutefois, au lendemain du boom, l’effet-
dépense a favorisé l’accroissement de la demande des biens du secteur des biens non-échangeables. Le
0
5
10
15
20
25
30
35
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !