L’ALGERIE FACE AUX GRANDS DEFIS ENERGETIQUES
DU 3ème MILLENAIRE
(Alger 16 Novembre 2014)
(Par Mr. Abdelmadjid ATTAR, Ingénieur Géologue, Consultant)
(Ancien PDG de Sonatrach& ancien Ministre des Ressources en Eau)
La décennie passée a certes été marquée par la crise économique et un nouveau type de
conflits régionaux, mais aussi par un intense débat « interactif » sur trois défis majeurs :
l’eau, l’énergie, et l’environnement, qui sont en fait les trois piliers du développement et du
progrès de façon générale.
L’eau et les sources d’énergie sont des ressources naturelles vitales pour le
développement économique et humain. Elles sont aussi étroitement interdépendantes en
matière d’exploitation et d’usage, mais leur mode d’exploitation ou tout simplement leur
usage asouvent tendance à les mettre aussi en conflit entre elles et surtout avec
l’environnement qui en pâtit de plus en plus.
D’où le débat autour de ce qui est appelé « les hydrocarbures non conventionnels », que
certains considèrent comme nouvelle ressource énergétique à la place des hydrocarbures
conventionnels dont les réserves et la production semblent avoir atteint leur « peak-oil »,
pendant que d’autres les considèrent comme une véritable menace sur les ressources en
eau et l’environnement.
Alors faut-il croire que ces nouveaux hydrocarbures et plus précisément le gaz de schiste,
sont la clef de la transition énergétique, ou faut-il en avoir peur et les rejeter ?
L’objectif de notre contribution, avant de répondre à cette question, est de tenter de
présenter un état des lieux en matière de ressources énergétiques en Algérie et
d’imaginer une projection, une tendance à long terme quel que soit le volume des réserves
renfermées par le sous-sol algérien. Nous pourrons alors en déduire quelques
recommandations quant à la sécurité énergétique du pays à long terme, avec ou sans les
hydrocarbures non conventionnels.
Les chiffres officiels ou dument publiés annoncent que les réserves prouvées restantesà
produire à partir des gisements existant sont de :
- 2,5 milliards de tonne-équivalent de pétrole, condensat et GPL dont seulement 65%
prouvés et le reste probables, possibles et non développés.
- 4.500 milliards de M3 de gaz naturel dont seulement 53% prouvés, et le reste
probables, possibles et non développés.
Pour ce qui est du potentiel ultime, estimé, mais demeurant spéculatif, car restant à
découvrir, à développer et à produire si découverte il y a, il pourrait atteindre selon la
Sonatrach 2.800 à 6.000 milliards M3 en place de gaz conventionnel, et 3 milliards de
tonnes de pétrole conventionnel en place.
Toujours selon Sonatrach, le potentiel ultime en hydrocarbures non conventionnels serait
entre 25.000 et 140.000 milliards M3 de gaz naturel, et 30 milliards de tonnes de pétrole,
dont on peut imaginer 10 à 20% récupérables si les futures technologies le permettent.
Cette estimation est tout à fait acceptable au point de vue théorique et probabilité
d’existence dans le sous-sol même si elle est très optimiste, mais elle est
extrêmement sensible à deux paramètres critiques impossible à déterminer
actuellement surtout en ce qui concerne les hydrocarbures non conventionnels :
- Le degré de récupération technique.
- Le degré de récupération financière (rentabilité).
Sur la base des données actuelles en matière de consommation nationale, son évolution
sur les 15 à 20 années prochaines, les exportations actuelles et les engagements
contractuels, et si on adopte une attitude optimiste en tenant compte des ressources
ultimes et leur mise en exploitation éventuelle, on peut dire que la sécurité énergétique du
pays et même la rente sont pratiquement garanties jusqu’en 2040 au moins, mais
probablement pas la rente actuelle à partir de 2030-2040 du fait que la productivité des
gisements non conventionnels est généralement faible et leur rentabilité reste à démontrer
par rapport aux énormes investissements nécessaires.
Mais si on ne se base que sur les réserves réelles et récupérables, y compris celles
probables et possibles, et sur la base des besoins nationaux ainsi que la rente actuelle
pour poursuivre le développement économique du pays, la projection est toute autre. On
constate que la rente sera en baisse à compter de 2022 du fait de la nécessité de
consacrer la production en priorité au marché national, qui sera à son tour demandeur
d’un approvisionnement complémentaire à compter de 2030 ou au plus tard en 2040.
L’avènement des hydrocarbures non conventionnels, plus particulièrement celui du gaz de
schiste ou tight-gas, est en train de bouleverser la répartition géographique des réserves
et les échanges à travers le monde.L’exemple des USA qui assurent leur autosuffisance
actuelle et prévoient d’exporter du gaz naturel dès 2017 mérite d’être analysé.
Mais il y a aussi une véritable levée de boucliers contre ce type d'hydrocarbures pour des
raisons environnementales, réelles dans certains cas mais pouvant être solutionnées par
les progrès technologiques attendus, et contestables dans beaucoup d'autres cas.
Le débat en cours en Algérie, est beaucoup plus basé sur l’importation de paramètres et la
transposition d’un débat ayant lieu en Amérique et en Europe, alors que le contexte est
complètement différent d’une région à une autre.
Ce débat ne doit pas faire oublier que la préoccupation essentielle aujourd’hui est
d’assurer la sécurité énergétique du pays à long terme à travers une transition énergétique
où toutes les sources et formes d’énergie auront leur place en fonction des besoins
d’abord, puis du cout (investissements surtout), et bien sûr de la protection de
l’environnement face aux risques potentiels, ce qui correspondra aussi à un cout à payer.
La prudence nous dicte par conséquent de bâtir une stratégie en envisageant dès
maintenant :
- En premier lieu un nouveau modèle de consommation énergétiquebasé sur toutes
les ressources sans exception et surtout leur consommation modérée.
- Et bien sur une nouvelle économie indépendante des hydrocarbures.
On peut donc conclure que la sécurité énergétique de l’Algérie dépendra beaucoup
plus des solutions et des actions relatives à la consommation interne, et une nouvelle
économie basée sur le savoir et la productivité.
Il en sera exactement pareil pour la sécurité hydrique dans les décennies à venir.
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