
Doctrines économiques et politique monétaire
notions de base
1) L’analyse keynésienne souligne l'incapacité des mécanismes marchands spontanés
(donc du laisser-faire) à assurer une croissance stable et le plein-emploi : la notion de « chomâge
involontaire » s’oppose à la thèse libérale du « chômage volontaire » selon la quelle le refus de
baisser les salaires relatifs serait la cause du chômage ; le salaire étant à la fois un coût et un
débouché, et l’investissement (créateur d’emploi) étant lui-même tributaire d’anticipation sur les
débouchés, la baisse des salaires peut creuser la crise au lieu de la résorber – et elle n’assure en
aucun cas un équilibre de plein-emploi. Quant à l’action sur le taux d'intérêt (politique monétaire
visant, dans une optique libérale à égaliser l'épargne et l'investissement), elle se heurte aussi, dans
l’optique keynésienne à la comparaison faite par les investisseurs potentiels entre taux d’épargne et
« efficacité marginale de l’investissement » (assimilable à l’anticipation de profits et de débouchés
associés à un investissement productif). Si celle-ci est basse, même de faibles taux d’intérêt
n’assureront pas l’investissement et donc la création d’emploi. En outre, pour Keynes, le taux
d’intérêt n’égalise pas épargne et investissement mais agit sur l’offre et la demande de monnaie dans
une économie de production monétaire (où la monnaie n’est pas un voile neutre).
Les politiques d’inspiration keynésiennes pendant les « 30 glorieuses » retiennent l’idée que
les mécanismes spontanés du marché peuvent être défaillants, notamment face au chômage et à la
crise et que l’action sur les taux d’intérêt est insuffisante :
• D'où les priorités (volontaristes) des politiques économiques (croissance et plein-emploi).
• Dans ce cadre, la politique budgétaire vise à soutenir la « demande effective » par des dépenses
publiques ou par une politique fiscale redistributive (en faveur des catégories à bas niveaux de
revenu dont la propension marginale à consommer est forte). La politique monétaire (crédits
facilités, taux d'intérêts faibles) appuie ces orientations qui poursuivent une pluralité d'objectifs
finals (croissance, contrôle des prix, plein-emploi) selon la phase du cycle économique (logique
contracyclique, politiques de « stop and go », discrétionnaire, c’est-à-dire selon les phases de
surchauffes inflationnistes ou de ralentissement de la croissance).
• Au plan théorique, ces interventions se situent dans le cadre d'une interprétation non
dichotomique de l’économie (articulation et non pas séparation entre sphère monétaire et sphère
« réelle ») ; elles relèvent aussi de l’interprétation néokeynésienne de la courbe de Phillips1 selon
laquelle un peu d'inflation est le prix à payer pour tendre vers le plein emploi. Ceci suppose en
effet un rôle actif de la politique monétaire sur l'économie réelle : les crédits (servant à financer
l'Etat ou l'économie) et les taux d'intérêts bonifiés doivent soutenir les politiques de relance ou
des secteurs particuliers de l'économie.
2°) Les approches monétaristes réaffirment au contraire une vision dichotomique de l'économie
(fonction privilégiée de la monnaie comme intermédiaire aux échanges, sorte de voile neutre, bien que,
sous l'influence keynésienne, la monnaie soit désormais considérée comme un actif financier liquide.
L’inflation est, selon Friedman, un phénomène exclusivement « monétaire » lié à une trop grande
quantité de monnaie en circulation.
Dès les années 60 la polémique sur la courbe de Phillips oppose Friedman à la relecture de
Samulelson/Debreu. Friedman a toutefois introduit une distinction entre court terme et long terme :
car il lui fallait bien reconnaître dans les années 1960 une certaine efficacité des politiques
d’inspiration keynésiennes sous l’angle du plein-emploi. Il admettait dès lors que la politique
monétaire pouvait à court terme stimuler la création d'emplois, mais il la rejetait comme globalement
1 On rappelle que Phillips a publié en 1958, une courbe montrant une corrélation inverse entre taux de chomâge
et taux d’accroissement des salaires nominaux établie à partir d’une étude empirique sur près d’une siècle (1861-
1957) de données concernant la Grande-Bretagne. Cette courbe a fait l’objet d’une « relecture » de Samuelson et
Solow en 1960 : passant du taux de croissance des salaires au taux d’inflation (moyennant l’hypothèse d’une
croissance du taux de salaire supérieure à celle de la croissance de la productivité du travail), les auteurs
interprétaient la courbe en termes de «dilemme inflation-chômage ». Il s’agit évidemment d’une interprétation
restrictive et discutable de l’inflation dont la cause essentielle est réduite à la hausse des salaires.