La force d’oscillateur géante asso-
ciée aux transitions inter-sous-bandes
constitue aussi un atout essentiel pour
un dispositif émetteur de lumière. La
possibilité d’obtenir une émission
infra-rouge entre sous-bandes a été
proposée en 1971 par deux cher-
cheurs russes, Karazinov et Suris.
Expérimentalement, les recherches
ont buté pendant près de vingt ans
sur la difficulté d’observer l’émission
spontanée inter-sous-bandes. La rai-
son principale tient à la durée de vie
très courte des électrons dans les
sous-bandes excitées car ceux-ci se
désexcitent très rapidement vers la
sous-bande fondamentale en inter-
agissant avec les phonons (quantas
de vibration du cristal). Selon l’écart
d’énergie entre sous-bandes, les
modes de vibration des phonons
impliqués sont de type acoustique ou
optique. Les temps caractéristiques
varient alors d’une picoseconde à
quelques centaines de picosecondes
selon que la relaxation s’effectue
par émission de phonons opti-
ques (k<35 µm) ou acoustiques
(k>35 µm). Une autre difficulté
est liée à la grande longueur d’onde
des transitions inter-sous-bandes. En
effet, le temps de vie radiatif des
électrons excités, c’est-à-dire le
temps caractéristique pour émettre un
photon, est de quelques nanosecon-
des pour une émission à la longueur
d’onde de 2 µm et il augmente rapi-
dement avec la longueur d’onde. La
compétition entre les mécanismes de
relaxation radiative et non radiative
est donc très défavorable au proces-
sus d’émission spontanée. Cela se
traduit par une efficacité de lumines-
cence extrêmement faible qui rend il-
lusoire le développement de disposi-
tifs luminescents performants qui
reposent sur l’émission entre sous-
bandes.
Au début des années 90, les
conclusions étaient moins pessimis-
tes sur la possibilité d’atteindre l’in-
version de population et donc l’effet
laser. En effet, pour atteindre l’inver-
sion même avec des temps non radia-
tifs aussi courts, il suffit d’imposer
que la durée de vie des électrons soit
plus longue dans l’état excité que
dans l’état final. Cette condition peut
être satisfaite dans des structures à
puits quantiques multiples bien
conçues pour bénéficier de l’effica-
cité et de la sélectivité du transport
des électrons par effet tunnel réson-
nant (cf. encadré 1). C’est suivant ce
principe qu’une équipe des laboratoi-
res de la Bell a réussi à montrer pour
la première fois en 1994 l’existence
d’une inversion de population entre
sous-bandes sous pompage électri-
que. Ces travaux ont engendré une
nouvelle génération de sources lasers
unipolaires dits à « cascade quanti-
que », où un seul type de porteurs de
charge, les électrons, circulent à tra-
vers toute la structure en émettant un
photon chaque fois qu’ils rencontrent
les puits quantiques actifs. L’émis-
sion laser a été obtenue à des lon-
gueurs d’onde qui varient de 3,4 µm
à 12 µm simplement en ajustant
l’épaisseur des couches. Il est remar-
quable de pouvoir couvrir une telle
gamme de longueurs d’onde avec le
même couple de matériaux puits-
barrière. Les puissances d’émission
vont de quelques dizaines de mil-
liwatts au watt. Autre originalité de
ces lasers, la longueur d’onde
d’émission est peu sensible à la tem-
pérature. Enfin, la température T
0
qui caractérise l’évolution du cou-
rant seuil avec la température,
j=j
0
exp(T/T
0
), est grande, de
l’ordre de 120 K, avec des consé-
quences bénéfiques sur la tempéra-
ture limite de fonctionnement du
laser. Des lasers à cascade quantique
fonctionnent en continu jusqu’à des
températures supérieures à 140 K et
en impulsions jusqu’à la température
ambiante. Aux longueurs d’onde
supérieures à 4 µm, les performan-
ces des lasers à cascade quantique
surpassent déjà celles des diodes la-
sers infrarouges concurrentes fabri-
quées dans des semi-conducteurs à
faible énergie de bande interdite (cf.
encadré 3).
La conception et la fabrication des
lasers à cascade quantique représente
l’état de l’art en termes d’ingénierie
de bandes et de croissance épitaxiale.
Il faut en effet maintenir la sélectivité
du transport des électrons à travers
les multiples périodes de la structure,
ce qui implique la croissance de 600
à 700 couches différentes avec une
précision d’épaisseur voisine de la
monocouche atomique. En 1995,
nous avons proposé un nouveau mé-
canisme d’émission inter-sous-bandes
qui repose non pas sur une injection
électrique, comme dans le cas des
lasers à cascade quantique, mais sur
le pompage optique de puits quanti-
ques couplés. L’intérêt est que l’on
peut grandement simplifier la concep-
tion et la fabrication des échantillons
car le transport des électrons n’est
plus nécessaire. Le prix à payer est
de disposer d’une source extérieure
pour l’excitation optique. Le principe
de fonctionnement s’apparente à ce-
lui d’une fontaine quantique (cf. en-
cadré 2). Il consiste à recycler opti-
quement les électrons entre les trois
sous-bandes de conduction d’un puits
quantique, la transition entre les
sous-bandes d’énergie supérieure
donnant lieu à l’émission infrarouge.
OBSERVATION DE LA LUMINESCENCE
INTER-SOUS-BANDES
Les premières expériences ont
porté sur l’observation de l’émission
spontanée entre sous-bandes sous
pompage optique par un laser infra-
rouge au gaz carbonique. Le rende-
ment de luminescence attendu étant
très faible, le signal de luminescence
infrarouge avait toutes les chances
d’être masqué par le fond de radia-
tion du corps noir ambiant dont
l’émissivité est maximale dans la
bande 8-15 µm. Un système de dé-
tection bolométrique a été mis en
œuvre. Les échantillons épitaxiés par
jets moléculaires dans les laboratoi-
res de Thomson sont constitués de
100 doubles puits quantiques en
GaAs couplés par une fine barrière
(1,7 nm) en Al
0,22
Ga
0,78
As (cf. fi-
gure encadré 2). L’épaisseur diffé-
rente des deux puits (7,5 et 5 nm)
permet de créer artificiellement une
asymétrie dans la structure. Cette
asymétrie est nécessaire pour permet-
tre l’excitation directe des électrons
Les photons dans tous leurs états
31