Vatican II et le défi de l`ouverture aux religions non chrétiennes : la

Vatican II et le défi de l'ouverture aux religions non chrétiennes : la déclaration Nostra Aetate
Bénédicte Du Chaffaut
Quelques petits pierres d'attente
Quelques rencontres avant l'heure ont marqué cette ouverture aux autre religions, notamment la
rencontre du parlement des religions en 1893 : on peut faire remonter à 1893 le début d'un mouvement amorçant
le dialogue interreligieux contemporain. Cette année a lieu, à l'initiative d'un pasteur presbytérien, John
Barrow, un Parlement des religions, dans le cadre du 400° anniversaire de la découverte du continent américain.
C'était la première fois que des responsables religieux du monde entier se retrouvaient pour découvrir leurs
différentes religions et faire état de ce que leur propre tradition avait apporté au patrimoine culturel de
l'humanité. Je crois qu'on peut situer là le point de départ de l'histoire du mouvement interreligieux.
Un autre événement important fut la conférence de Seelisberg en 1947, pour combattre l'antisémitisme,
deux ans après la fin de la guerre mondiale. Une soixantaine de participants, protestants, juifs et catholiques
se sont réunis pour tenter de lutter contre des interprétations de l'Evangile, susceptible d'encourager le mépris ou
la haine à l'égard du peuple juif. Cette conférence et son texte final en dix points forment en quelque sorte le
prélude à l'impulsion que le pape Jean XXIII va donner au Concile de Vatican II, lorsqu'il chargea le Cardinal
Béa de préparer un décret sur les juifs.
I - La Déclaration Nostra Aetate : un véritable événement
Un texte inimaginable à l'avance...
Cette claration est un bel exemple de ce qu'on peut appeler un événement conciliaire. Rien, en effet ne
pouvait laisser prévoir un tel texte. Il ne devait donc s'agir, à la demande de Jean XXIII, que d'une déclaration
sur les juifs, en vue de supprimer toute trace d'antisémitisme chez les catholiques. Mais sitôt connu, ce projet de
texte provoque un tollé dans les communautés chrétiennes arabes qui, compte tenu de la situation au Moyen-
Prient, craignent que cette déclaration ne les mettent en porte à faux. Et ce texte qui devait ne concerner que les
juifs va devenir un texte qui concerne l'ensemble des religions.
En la présentant lors de la session, le Cardinal Béa souligne que « C'est la première fois dans l'histoire de
l'Eglise qu'un concile expose si solennellement des principes » au sujet des religions non chrétiennes. Votée et
promulguée le 28 octobre 1965, lors de la session, cette déclaration ouvre une époque nouvelle des relations
de l'Eglise catholique avec les autres religions.
- Un contexte qui va y conduire
Au risque de caricaturer, on peut dire que l'Eglise n'a longtemps considéré les autres religions que comme
erreur. Pour éviter l'enfer, il fallait sauver les malheureux qui appartenaient à ces religieux. Cette positions se
résumait par la formule « Hors de l'Eglise, point de salut ». Par exemple, le baptême des Saxons au IX° siècle ou
celui, au XVI° des Indiens d'Amérique relève de ce point de vue. Ce sont les missionnaires qui vont faire
évoluer les choses en faisant couvrir que ces autres religions pouvaient être porteuse de vérité et être
considérées comme des « pierres d'attente » du message évangélique.
Par ailleurs, lorsque le Concile se réunit, le génocide perpétré par les nazis est présent dans toutes les mémoires
et l'un des buts de Jean XXIII est de supprimer ce qui subsiste d'antisémitisme chez les chrétiens. Cette question
suscite une violence passionnelle au Moyen-Orient l'on a du mal à distinguer entre la question des juifs et
celle de l'Etat d'Israël.
Par ailleurs, divers groupe chrétiens demandent que les termes blessants à l'égard des juifs soient retirés de la
catéchèse. Et , on s'en souvient, en 1947, une conférence de 60 participants catholiques, protestants et juifs,
tenue en Suisse à Seelisberg, avait déjà adopté une charte en 10 points pour la prédication et l'enseignement
chrétien par rapport au judaïsme. Ces mêmes groupes demandent que soit bibliquement précisé le rôle du
peuple juif dans l'histoire du salut.
Jean XXIII, lui-même, dès qu'il fut élu pape, avait déjà fait supprimer de la liturgie du vendredi saint et du
baptême les mentions offensantes pour le peuple juif.
- Un document autonome sur les religions non chrétiennes
Les évêques du Moyen-Orient ont estimé qu'un texte sur les seuls juifs était inopportun, pour des raisons
politiques et que l'on ne pouvait parler d'une religion non chrétienne, le judaïsme, sans parler aussi des autres et
notamment de l'islam. Les évêques d'Asie et d'Afrique estimaient, quant à eux, qu'il fallait aussi parler des
autres religions, bouddhisme, hindouisme, animisme et que l'Eglise devait reconnaître des semences de vérité
dans ces diverses religions. Ces réaction sont donc contribué à élargir le texte.
Deux autres éléments vont cependant aussi peser dans ce sens : tout d'abord l'idée développée dans Lumen
Gentium que l'Eglise du Christ a vocation à s'étendre au delà de l'Eglise catholique (LG 8) et que « tous les
hommes sont appelés à faire partie du peuple de Dieu » (LG 13), lequel est appelé à « se dilater aux dimensions
de l'univers ». Dès lors, les « non-chrétiens » font pour la première fois irruption dans un texte conciliaire, et le
paragraphe 16 de Lumen Gentium qui leur est consacré est comme une ébauche de Nostra Aetate.
C'est ensuite le rôle de Paul VI qui, ouvrant par un discours la session, évoque la nécessité pour l'Eglise de
« porter son regard, au delà de sa sphère propre, vers les autres religions qui gardent le sens et la notion du Dieu
unique ». Plusieurs initiatives vont aller dans ce sens : le voyage de Paul VI en Terre Sainte, en janvier 1964
il s'adressera à des non-chétiens, principalement, juifs et musulmans ; la création d'un Secrétariat pour le non-
chrétiens, à la Pentecôte de la même année auquel s'adjoindra dès mars 1965 un sous secrétariat pour l'islam ;
enfin la publication de l'encyclique « Ecclesiam suam » Paul VI appelle des ses vœux la dialogue avec les
autres religions.
II – La déclaration Nostra Aetate
Avec ses cinq paragraphes, Nostra Aetate est le document le plus court du Concile.
Préambule §1
Ce premier paragraphe souligne que les peuples forment une seule communauté, et donc qu'il existe bien un
destin commun de tous les hommes qui ont tous « une même origine » et « une seule fin ». Il évoque aussi le
temps « tous seront réunis dans la cité sainte » et toutes les questions sur la condition humaine dont « les
hommes attendent des diverses religions la réponse ».
Les diverses religions non-chétiennes §2
Après avoir noté la présence d'une sensibilité religieuse dans les différents peuples « depuis les temps les plus
reculés, le Concile mentionne successivement l'hindouisme, le bouddhisme et les autres religions, caractérisant
chacune en quelques mots et mettant l'accent sur ce qu'il y a de positif en elles, pour conclure « L'Eglise ne
rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions ». C'est un vrai changement de regard...
mais, du point de vue de la foi chrétienne, on n peut en même temps admettre que toutes les religions se valent
indifféremment, d'où le rappel en fin de paragraphe de la nécessité pour l'Eglise d'annoncer sans cesse le
Christ » et l'exhortation faite aux catholiques d'un dialogue « avec ceux qui suivent d'autres religions », mais
« tout en témoignant de la foi et de la vie chrétienne ».
La religion musulmane §3
Pour situer le changement de regard dans la vision apportée sur l'islam, il faut rappeler que c'est la première fois
que l'Eglise se prononce officiellement sur l'islam. C'est le travail des orientalistes qui a contribué à une
meilleure connaissance mutuelle des deux traditions, dans un contexte historique de relations souvent
tumultueuses.
En évoquant ce paragraphe avant celui sur les juifs, la déclaration marque qu'elle se situe au seul plan religieux,
évitant toute exploitation politique.
La première partie du paragraphe décrit les traits les plus importants de la foi musulmane, la seconde les
attitudes pratiques.
« L 'Eglise regarde avec estime les musulmans qui adorent le Dieu un », c'est avec cette phrase que commence
le paragraphe 3, montrant combien le Concile est attentif aux termes qui peuvent trouver un grand
retentissement chez les musulmans. L'affirmation du Dieu Unique est au cœur de l'islam et les noms divins qui
qualifient Dieu sont choisis parmi ceux qui sont conforment à ceux utilisés par le Christianisme : »Vivant et
subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes ».
Le texte évoque aussi l'attitude de soumission qui caractérise les croyants musulmans dans leur rapport à Dieu :
« Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu même s'il sont cachés ». Et le modèle
mentionné ici est Abraham dont la soumission fait de le premier des croyants.
Les thème chrétiens tiennent une place mineure dans le Coran mais le Concile ne les ignore pas, en marquant
clairement les différences d'accent au plan théologique. Ainsi pour Jésus : « Bien qu'ils ne reconnaissent pas
Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ». De même pour Marie : » Ils honorent sa mère virginale,
Marie, et parfois même l'invoquent avec piété ».
Un autre point porte sur la rétribution au jour du jugement : « De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu
rétribuera tous les hommes ressuscités ». Malgré leur différente façon de les interpréter, cette notion commune
au judaïsme, au christianisme et à l'islam distingue les trois religions monothéistes des autres grandes religions.
Leur vie morale est présentée comme une conséquence de leur doctrine : « Aussi ont-ils en estime la vie
morale ». Sans donner une descriptions complète des pratiques musulmanes, le texte mentionne trois des cinq
piliers de l'islam : la prière, l'aumône et le jeune.
Dans ce paragraphe, tout n'est pas dit, mais, avec une concision remarquable, l'essentiel est dit, permettant le
dialogue et la collaboration qui ne seront possibles que si chrétiens et musulmans s'efforcent d'oublier un passé
dont le Concile reconnaît qu'il fut tissé de « nombreuses dissensions et inimitiés ».
La religion juive
C'est dans le cadre de sa réflexion sur l'Eglise que le Concile situe ce paragraphe sur la religion juive : »Scrutant
le mystère de l'Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec
la lignée d'Abraham ».
Dans une première partie, « l'Eglise du Christ reconnaît » tout ce qui l'attache à Israël , et que c'est par lui qu'elle
a « reçu la révélation de l 'Ancien Testament ». Cette partie fait appel à des textes clés de saint Paul, en
particulier les chapitres 9 à 11 de l'épître aux Romains. L'Eglise « reconnaît » que le « mystère divin du salut »
trouve son origine dans les patriarches et les prophètes tandis qu'elle « confesse » que « tous les fidèles du
Christ sont fils d'Abraham selon la foi » (cf Ga 3,7).
Du fait de cette parenté commune, « spirituellement, nous sommes des sémites », comme le rappelait Pie XI, en
1938, face à l'antisémitisme nazi. Enfin le texte rappelle que Jésus, de même que sa mère, les apôtres et les
premiers disciples étaient juifs.
La deuxième partie de ce paragraphe porte sur le contentieux entre l'Eglise et les juifs.. Si aux yeux de la foi
chrétienne, au dire de Paul, Israël a fait un faux pas (Rm 11,11), il n'est pas pour autant réprouvé, comme cela a
été soutenu au long de l'histoire. Tout en admettant que « les juifs en grande partie n'acceptèrent pas l'Evangile »
ou s'opposèrent à sa diffusion, le Concile souligne que « selon l'apôtre, les juifs restent encore, à cause des
pères, très chers à Dieu, dont les dons et l'appel sont sans repentance » (cf Rm 11,28, déjà cité en LG§16).
Evoquant « le patrimoine spirituel commun aux chrétiens et aux juifs, le Concile recommande « la connaissance
et l'estime mutuelle, qui naîtront surtout d'études biblique et théologiques ainsi que d'un dialogue fraternel ».
Le Concile aborde ensuite la question de la responsabilité des juifs dans la mort de Jésus. C'est toute la question
du « déicide ». La liturgie et une catéchèse remontant parfois aux Pères de l'Eglise ont longtemps soutenu que
l'ensemble du peuple juif était coupable de « déicide », notion qui alimentait l'antisémitisme et servait à justifier
les persécutions contre les juifs. Au Concile, le débat était de savoir si on pouvait sans contredire les
témoignages de l'Evangile, professer que la mort du Seigneur ne doit pas être attribuée au peuple juif comme
tel ? Sans nier la faute de ceux qui, selon les Evangiles, décidèrent de la mort du Christ, on ne pouvait attribuer
cette faute à l'ensemble du peuple et encore moins à leurs descendants vivant aujourd'hui. Pourtant, certains
Pères de la minorité maintenaient cette accusation de déicide que le Concile a rejetée.
Finalement, sans nier la responsabilité du petit groupe des »autorités juives avec leurs partisans », le texte
rappelle que les juifs dans leur ensemble « ne doivent pas pour autant être présentés comme réprouvés par Dieu,
comme si cela découlait de l'Ecriture ».
Rappelant à nouveau le « patrimoine commun » avec les juifs, et donc la parenté qui en résulte : « L'Eglise,
poussée non par des motifs politiques, mais par l'amour évangélique religieux, déplore les haines, les
persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme , qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont
été dirigé contre les juifs ». Une version antérieure du texte indiquait que l'Eglise « déplore et condamne ». Suite
aux difficultés du débat, le « condamne et déplore » a été supprimé de la version promulguée, mais le texte a
perdu de sa vigueur.
Quant à la mort du Christ, le Concile souligne que « le Christ, en vertu de son immense amour, s'est soumis
volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes
obtiennent le salut ». Plus que les juifs, ce sont les péchés des hommes qui crucifient Jésus.
La fraternité universelle excluant toute discrimination
En conclusion, « l'Eglise réprouve donc, en tant que contraire à l'esprit du Christ, toute discrimination ou
persécution opérée envers les hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur classe ou de leur
religion » . La déclaration emploie le verbe « réprouver » (reprobare )on attendait le verbe « condamner ».
Mais l'intention du texte est claire et la constitution pastorale dur l'Eglise dans ce temps, Gaudium et spes, ainsi
que la Déclaration sur la liberté religieuse, Dignitatis humanae, ne laissent aucun doute sur la position de
l'Eglise en ce domaine.
III – Après Nostra Aetate : des réalisations et des débats
La déclaration Nostra Aetate a fait couler beaucoup d'encre aussi bien du côté de ses contradicteurs que de ses
défenseurs. Qu'en est-il des développements des relations avec les autres religions depuis la fin de ce Concile ?
Le Concile Vatican II opère, avec Nostra Aetate, un profond changement de regard dans son rapport aux autres
religions qu'il qualifie de non-chrétiennes. Cela va se traduire par la création de conseils adéquats, par des
événements, et de nouveaux textes qui vont prolonger l'élan du Concile.
A la Pentecôte 1964, Paul VI annonce la création d'un Secrétariat pour les non-chrétiens qui deviendra en 1988,
dans le cadre de la deuxième réforme de la Curie par Jean-Paul II, le Conseil Pontifical pour le Dialogue
Interreligieux. Le changement de désignation est important... On passe d'une désignation négative (non-
Chrétien) à une désignation qui souligne l'échange entre des pairs. De plus elle centre cet échange sur le
dialogue, terme qui avait été employée de façon significative par Paul VI dans sa première encyclique,
Ecclesiam Suam, publiée le 6 août 1964, un peu plus d'un an avant la promulgation de Nostra Aetate.
La rencontre d'Assise
Pour l'ensemble des religions, Nostra Aetrate a permis un nouveau mode de relations entre l'Eglise catholique et
les autres religions que symbolise la rencontre d'Assise du 27 octobre 1896 et la récente journée du 27 octobre
2011.
Le 27 octobre 1986, Jean-Paul II prend l'initiative d'une rencontre mondiale de prière des religions. Profitant de
l'année pour la paix, décidée par l'ONU en 1986, le pape invite à Assise des représentants des difrentes
religion à « un jour consacré à la prière et à ce qui va avec la prière : le silence, le pèlerinage et le jeûne » .
Comme le disait la formule répétée largement, il s'agissait « non pas de prier ensemble mais d'être en semble
pour prier » . Par cette formule, le Magistère souhaitait éviter de donner une image de syncrétisme à la rencontre.
Jean-Paul II a précisé ensuite le sens qu'il voulait donner à cette rencontre dans son discours de Noël à la Curie
romaine, le 22 décembre 1986, pour répondre notamment à beaucoup d'incompréhension de la part des milieux
traditionalistes : « Avec elle et par l'Eglise, nous avons réussi, grâce à Dieu, à mettre en pratique, sans aucune
ombre de confusion ni de syncrétisme, cette conviction qui est la nôtre, inculquée par le Concile, sur l'unité de
principe et de fin de la famille humaine et sur les sens et la valeur des religions non-chrétiennes ».
Le document Dialogue et annonce
Le 19 mai 1991, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux publie, en lien avec la Congrégation pour
l'Evangélisation des peuples, un document très important intitulé « Dialogue et annonce : réflexion et
orientations concernant le dialogue interreligieux et l'annonce de l'Evangile ».
Ce document précise ce que le Saint Siège entend par dialogue et la manière de le concilier avec la mission qui
comporte une dimension d'annonce de la Bonne nouvelle de l'Evangile de Jésus-Christ.
Le document précise entre autres : « Tout en entrant avec un esprit ouvert dans le dialogue avec les membres
des autres traditions religieuses, les chrétiens peuvent d'une manière spécifique les inciter à réfléchir au contenu
de leur croyance. Mais les chrétiens eux-mêmes doivent accepter à leur tour d'être remis en question. En effet,
malgré la plénitude de la révélation de Dieu en Jésus-Christ, la manière suivant laquelle ils comprennent parfois
leur religion et la vivent peut avoir besoin de purification ».
Domine Iesus
Pourtant de nombreuses oppositions demeurent et reprochent à des initiatives comme celle d'Assise ou bien la
parution du document « Dialogue et annonce » de relativiser l'exigence missionnaire qui s'impose à l'Eglise et à
tout chrétien. En août 2000, la déclaration Domine Iesus « Sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-
Christ et de l'Eglise » , publiée par la Congrégation pour la doctrine de la foi va réaffirmer avec fermeté cette
dimension.
Domine Iesus met en garde contre les courants relativistes qui assimilent le christianisme à une voie de salut
parmi d'autres et font de Jésus-Christ un fondateur de religion parmi d'autres. Le document rappelle le propos de
Vatican II et en particulier celui de Nostra Aetate : les éléments de vérité et de sainteté dans les autres religions
ne sont que fragmentaires et ne valent qu'en tant que « préparation évangélique ». Seul le Christ peut amener ces
religions et leurs adhérents à la vérité plénière qui est sa personne même.
Le texte de la Commission théologique internationale « Le christianisme et les religions », publié en 1997, avait
bien souligné, en son temps, que l'on se trouvait au Concile de Vatican II avec deux lignes de pensée à propos de
la valeur salvifique des religions.
On y lit très précisément : « L'une représenté par Jean Daniélou, Henri de Lubac et d'autres, qui pensent que les
religions ont leur fondement dans l'alliance avec Noé, une alliance cosmique qui comporte la Révélation dans la
nature et la conscience et qui est différente de l'alliance avec Abraham. En tant qu'elles conservent les contenus
de cette alliance cosmique, les religions contiennent des valeurs positives, mais elles n'ont pas de valeurs
salvifiques en tant que telles. Elles sont des « pierres d'attente », mais en même temps des « pierres
d'achoppement » à cause du péché. Par elles-mêmes, elles vont de l'homme à Dieu, et c'est seulement dans le
Christ et dans l'Eglise qu'elles atteignant leur accomplissement ultime et définitif. L'autre ligne, représentée par
Karl Rahner, affirme que l'offre de grâce, dans l'ordre actuel, atteint tous les hommes et que ceux-ci ont une
certaine conscience, pas nécessairement réfléchie, de son action et de sa lumière. Etant donné la caractéristique
de socialité propre à l'être humain, les religions en tant qu'expressions sociales de l'homme avec Dieu, aident
leurs adeptes dans l'accueil de la grâce du Christ (fides implicita) nécessaire au salut, et ainsi s'ouvrir à l'amour
du prochain que Jésus a identifié avec l'amour de Dieu. En ce sens, elles peuvent avoir une valeur salvifique,
bien qu'elles contiennent des éléments d'ignorance, de péché et de perversion ».
Les Pères de Vatican II n'avaient pas pris partie pour l'une ou l'autre des lignes, laissant le soin aux théologiens
de le faire. Domine Iesus prend parti clairement pour la première ligne. De plus, le pluralisme religieux que le
Concile avait constaté et dont il avait voulu tenir compte n'a pas de valeur théologale selon Dominus Iesus : s'il
est de facto, il ne saurait être fondé de jure dans la mesure ou cette fondation remettrait en ause l'unicité et
l'universalité du salut en Jésus-Christ.
Au delà de ces positions générales sur le dialogue avec les religions, Vatican II avait choisi de réserver un
traitement différents pour chacune d'elle. Retenons plus particulièrement le cas des relations avec le judaïsme et
l'islam.
Relations avec le judaïsme
Tout d'abord, il faut noter la place spécifique que le Magistère attribue au dialogue avec le judaïsme : il ne
relève pas du Secrétariat pour les non-chrétiens mais du Secrétariat pour la promotion de l'unité des chrétiens.
De plus de nombreux textes d'application du texte conciliaire vont paraître sur le sujet.
Dès le 16 avril 1973, la conférence épiscopale française publie des Orientations pastorales pour les relations
avec le judaïsme. Un an plus tard, le 22 octobre 1974, Paul VI crée la Commission du Saint -Siège pour les
relations avec le judaïsme, rattaché au Secrétariat pour l'unité des chrétiens. Cette Commission publie deux
textes clés : Orientations et suggestions pour l'application de la déclaration Nostra Aetate (1° décembre 1974) et
Notes pour une présentation correcte des Juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l'Eglise
catholique (24 juin 1985).
Malgré les déclarations de Nostra Aetate et les actes qui ont suivi, le monde juif est resté dubitatif, mais les
instances juives ont progressivement accepté le sérieux et le caractère irréversible de la position catholique. Les
gestes symboliques de papes se rendant dans les synagogues (Jean-paul II à Rome et Mayence, Benoît XVI à
Cologne) ont confirmé cette volonté de dialogue de l'Eglise catholique, tout comme le voyage marquant de
Jean-Paul II en Terre Sainte, en 2000, et celui de Benoît XVI en 2009, ou encore les démarches de repentance,
notamment à Drancy, le 30 septembre 1997.
Une meilleure connaissance du judaïsme au temps de Jésus a permis un travail de relecture et de réinterprétation
des textes du Nouveau Testament (cf Rm 9-11) conduisant à réviser la théologie du rapport entre Israël et
l'Eglise. Il faut rappeler que l'on avait admis depuis les débuts du christianisme et pendant des siècles, et même
jusqu'au temps du Concile, que l'Eglise se substituait à Israël, qui dès lors n'avait plus de raison d'être. Or, on a
renoncé à cette théologie de la substitution, ainsi que l'affirma Jean-Paul II à la synagogue de Mayence : la
nouvelle Alliance n'abolit pas l'Ancienne « à cause des Pères » (Rm 11 ,28). La nouvelle Alliance n'annule pas
l'Ancienne car Dieu est un Dieu fidèle.
Tout cela a permis une lente évolution de la mentalité des catholiques dont témoigne les multiples formations
proposées pour une meilleure connaissance du judaïsme ancien et moderne, ou encore la vitalité d'une
association comme les Amitiés judéo-chrétiennes.
Relations avec les musulmans
En France, quatre ans après la création, en 1969, du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme fut
créé l'équivalent pour les relations avec l'islam : le Secrétariat pour les relations avec l'islam, en 1973. Il a pour
mission de susciter des groupes de découverte, d'échange et de dialogue entre chrétiens et musulmans,de
favoriser des rencontres entre responsables chrétiens et responsables musulmans, d'organiser des formations des
chrétiens sur la connaissance de l'islam et des populations qui s'en réclament, enfin d'animer un réseau de
personnes compétentes dans les diocèse où la présence musulmane est importante.
En 1997 et 1998, l'assemblée des évêques de France a consacré une part importante de son travail au thème du
dialogue interreligieux et de l'islam. Celui-ci, animé par Mgr Panafieu, déboucha sur la publication d'un
ensemble de 19 fiches pratiques orientées vers des préoccupations pastorales. Ces fiches sont bienvenues car il
n'est pas de préoccupations pastorales qui ne soit traversés par des questionnements apportés par la présence des
musulmans en France : catéchuménat, pastorale du mariage, mouvements de jeunes, enseignement privé,
aumôneries d'établissements scolaires, d'hôpitaux, de prisons...
A la dernière assemblée, fin 2012, cette question a été retravaillée sous l'impulsion de Mgr Michel Dubost .
Insistant sur le dialogue comme un impératif, tant pour être fidèle au Christ que pour honorer notre réalité de
citoyen, il ouvre à une réflexion sur une éthique et une responsabilité dans le dialogue. : permettre un dialogue
dans une réalité sociale et politique concrète. Il termine son propos ainsi : « Le regard fixé sur Jésus, nous
voulons nous laisser prendre par son Esprit : le Christ rencontre, Il nous faut rencontrer, le Christ entend les
questions les plus profondes de l'homme. Il nous faut entendre les appels au respect et à la dignité de chacun, la
soif de justice, le cri des plus défavorisé. Il nous faut entendre et faire entendre. Le Christ reconnaît la recherche
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