ÉOCARREFOUR VOL 80 1/2005 Ewa SIEMIENSKA Université Nicolas Copernic Torun, Pologne 1 - Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Slovénie. 2 - On trouve des valeurs plus élevées si l’on se reporte aux données de l’agence Polonaise pour les Investissements Etrangers PAIZ en raison d’une méthodologie différente de celle des Nations Unies : 10601 millions d’euros en 2000 et 7860 en 2004, 65 Les investissements directs étrangers en Pologne (note de synthèse) Le processus de globalisation dans lequel est entrée la Pologne a de nombreuses origines, parmi lesquelles la mobilité des capitaux, décisive par sa dimension transnationale. En retour, l’importance des investissements directs étrangers (IDE) dans la vie économique du pays d’accueil est incontestable, surtout au niveau régional : le transfert des capitaux résulte de la mise en concurrence de différents marchés, et contribue par conséquent aux inégalités de développement dans le territoire national. Toute la question est de savoir alors s’il les résorbe ou s’il les accentue. LA PLACE MODESTE DES PAYS ÉMERGENTS DE L’EUROPE POST-SOCIALISTE Les investissements directs étrangers dans le monde ont atteint en 2000 leur plus haut niveau (1 392 957 millions de dollars), et déclinent depuis : le montant des flux entrants était de 548 146 millions de dollars en 2004, soit environ la moitié du niveau de 2000. La majorité des IDE mondiaux afflue dans les pays de l’Union Européenne (57% en 2003, 33% en 2004). En revanche, les pays d’Europe centrale et orientale (PECO)1 occupent une place très modeste : ils accueillaient 1,4% en 2000 des flux d’IDE dans le monde en 2000, et 4,1% en 2004 (tabl. 1). La Pologne constituait une cible privilégiée des investissements dans cette partie de l’Europe puisqu’elle en accueillait un tiers dans la première moitié des années 1990. Mais ce leadership s’est érodé, et elle n’en capte plus que le quart. Au total, la Pologne a reçu 25% des stocks d’IDE des PECO depuis leur ouverture à l’économie de marché, ce qui en fait effectivement le premier pays bénéficiaire, mais elle est suivie de près par la République Tchèque et la Hongrie. LES IDE, UN VECTEUR DE L’EUROPÉANISATION DE L’ÉCONOMIE POLONAISE Les IDE destinés à la Pologne proviennent dans des proportions écrasantes du continent européen (Figure 1). Les pays européens totalisaient 98% des IDE réalisés en Europe médiane en 2000, et si leur part s’est réduite jusqu’à 76% en 2003, c’est au bénéfice d’investisseurs asiatiques plutôt qu’américains. La part des USA reste assez stable depuis 1997, autour de 400 millions d’euros par an. Au total, les premiers investisseurs présents sur le marché polonais depuis quinze ans sont la France (20% des IDE cumulés, soit 16 milliards de $ en 2004) suivie des Pays-Bas (14%), des Etats-Unis et de l’Allemagne. Toutefois l’année 2004 est marquée par une entrée remarquée de la Corée (202 millions de $) et du Japon (108 millions), dans le secteur automobile. UNE DYNAMIQUE LIÉE AUX ÉTAPES DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE Les arrivées d’IDE en Pologne comme dans l’ensemble du monde ont ralenti après 2000 (8 171 millions de dollars en 2000, 4123 en 2003) mais sont reparties à la hausse en 2004 avec un afflux de 6159 millions de dollars2. Leur rythme est lié à la croissance économique. Les IDE ont suivi après 2000 la baisse du taux de croissance du PIB polonais de 6,9% en 1997 à 1% en 2001 (fig. 2). Mais leur dynamique épouse surtout les étapes de l’entrée dans l’économie de marché des pays postsocialistes : la phase de croissance des IDE correspond aux grandes vagues de privatisation de l’appareil économique, alors que désormais les investissements ex-nihilo (green field) prévalent. Sur la période 1999-2000, les dernières grandes privatisations ont été réalisées avec l’apport de capitaux étrangers. Elles ont concerné le secteur bancaire (PKO S.A., Bank Zachodni S.A.), la société d’assurance PZU S.A., une centrale thermique à Varsovie, la centrale électrique Polaniec et l’entreprise pharmaceutique POLFA S.A. à Poznan. Après la privatisation de l’entreprise de télécommunication Telekomunikacja Polska en 2000 - avec des capitaux français -, ces opérations ne concernent plus que quelques PME. De 1990 à 2003 on compte ainsi 7 056 privatisations. Leur nombre diminue logiquement au fur et à mesure de la restructuration économique : 501 en 1995, 253 en 2000, 98 en 2002 et 73 en 2003. La répartition sectorielle des IDE est dominée par l’industrie, le secteur bancaire, les transports et communications qui à eux trois concentrent 90% des investissements (tabl. 2). En 2003 les services aux entreprises et l’immobilier ont toutefois capté 12% des IDE. UNE RÉPARTITION SPATIALE DES IDE À L’IMAGE DU RÉSEAU URBAIN D’une façon générale, les investisseurs préfèrent s’installer dans les régions plus développées, et disposant de bonnes infrastructures : c’est pourquoi la plus grande concentration de capitaux étrangers se trouve dans les grandes agglomérations du pays et privilégie par ordre décroissant : Varsovie et sa région (la voïvodie de Mazovie), Katowice et l’ensemble de la conurbation de Haute-Silésie, Wroclaw en BasseSilésie, Poznan en Grande Pologne, Cracovie en Petite-Pologne. Les voïvodies dans lesquelles sont situées ces villes absorbaient 82% des IDE en 1998, et toujours 84% en 2003. En somme, les IDE, en renforçant le potentiel économique des grandes agglomérations, perpétuent voire renforcent les déséquilibres régionaux. Sur le total des entreprises ayant des capitaux étrangers, 32% se trouvent dans la voïvodie de Varsovie (et elles ont apporté 57% des capitaux étrangers installés en Pologne), 11% en Silésie (7% des capitaux investis) et 11% en Basse Silésie (5% des capitaux investis). Ces chiffres indiquent la polarisation des investissements manufacturiers en Silésie, et celle des implantations tertiaires à forte valeur ajoutée dans la région capitale (fig. 3). 66 VOL 80 1/2005 Les investissements directs étrangers en Pologne QUEL AVENIR POUR LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS ? The case of Poland, European Urban and Regional Studies, vol. 10, n° 2, p. 99-110. La Pologne est le plus grand marché des dix nouveau pays entrants, ce qui constitue son atout majeur : parmi les motifs d’investissement des entrepreneurs étrangers en Pologne, on trouve en premier lieu l’accès à de nouveaux marchés et secondairement la faiblesse des coûts de production (Karaszewski, 2004). Néanmoins, elle doit surmonter des obstacles structurels pour ancrer sa position dans le marché mondial des IDE. Les obstacles cités par les opérateurs demeurent importants et soulignent les risques que présente encore la Pologne à leurs yeux : l’instabilité des règles juridiques, la fiscalité, la politique économique, les mentalités, les déficiences des télécommunications et des transports. DUPUCH S., MILAN C., 2002, Les Déterminants des Investissements Directs Européens dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale, France, Université Paris 13, Centre d’Economie de l'Université Paris Nord, http://www.univ-paris13.fr/CEPN/Dupuch-MilanAFSE.PDF EL OUARDIGHI J., KAHN R., 2003, Les investissements directs internationaux dans les régions françaises. Examen des disparités et des effets régionaux, Revue d'Economie Régionale et urbaine, n°3, p. 395-418. KARASZEWSKI W., 2004, Bezposrednie inwestycje zagraniczne. Polska na tle swiata [Les IDE, la Pologne et le monde], Torun, UMK, 410 p. Depuis quelques années, les Polonais investissent aussi à l’étranger. En 2002, la valeur des flux sortants d’IDE polonais n’était que de 230 millions de $, mais elle a atteint 806 millions en 2004. Les investisseurs polonais préfèrent les pays de UE-15, en particulier l’Allemagne et l’Irlande. Ministère des Finances, DREE, 2003, Elargissement de l’Union Européenne, Les notes bleues de Bercy, n° 248, www.minefin.gouv.fr/notes_bleues BIBLIOGRAPHIE Ministère des Finances, DREE, L’évolution des IDE un an après l’accession, Revue Elargissement, n°78, septembre 2005. www.dree.org/elargissement ALCABAS A.-M., MURACCIOLE-PLA, Ch. DARMAILLACQ C., 2002, Les investissements directs dans le monde, Les notes bleues de Bercy n°225, www.minefi.gouv.fr/pde_ecofin/international/inves tissement/225_inv.htm Glowny Urzad Statystyczny, 2004, Bezposrednie Inwestycje Zagraniczne w 2003 r. [Les IDE en 2003], Varsovie, GUS. DOMANSKI B., 2003, Industrial change and foreign direct investment in the post-socialist economy. CNUCED, World Investment Report, 2005. NATIONS UNIES, 2003, Word Investment Report 2003, FDI Policies for Development : National and International Perspectives, Nations Unies, New York and Geneva, OFFICE CENTRAL DE STATISTIQUE, 2004, Annuaire statistique de la République de Pologne, Pologne, Varsovie Adresse de l’auteur E.mail : [email protected] Les investissements directs étrangers en Pologne VOL 80 1/2005 67 68 VOL 80 1/2005 Les investissements directs étrangers en Pologne Figure 1 : Les flux d’IDE en Pologne selon leur origine (millions d’euros) Source : GUS, 2004 Figure 2 :Taux de croissance du PIB et entrées d’IDE en Pologne (millions de $) Source : PAIZ, GUS. Figure 3 : Répartition régionale des sociétés à capitaux étrangers en 2003 Source : GUS, 2004