Ulf Hedbjörk
Université d’Uppsala
"Le mal semble plus profond qu'il n'y paraît." Médiation épistémique/évidentialité dans
les verbes français sembler et paraître.
Les deux verbes français sembler et paraître sont souvent considérés comme des quasi-
synonymes, marquant un jugement d’apparence, un jugement épistémique ou un jugement
d’évidentialité. Certes, ils partagent grosso modo les mêmes structures syntaxiques et la
même aire sémantique, mais le degré de convergence sémantique et pragmatique des deux
verbes dépend de la construction syntaxique. Ainsi les marqueurs impersonnels il semble que
et il paraît que déclenchent-ils des interprétations nettement différentes, celui-ci véhiculant
une valeur évidentielle de ouï-dire ou de rumeur – il paraît que Marie est malade –, alors que
celui-là peut exprimer un jugement évidentiel d’inférence – il semble que Marie soit malade.
Par contre, dans une construction infinitive, les deux verbes sont généralement considérés
comme permutables sans modification de sens appréciable : Marie semble/paraît comprendre.
Quant à la construction attributive, elle est censée véhiculer avec nos deux verbes un
jugement d’apparence fondé typiquement sur une perception directe et immédiate : Marie
semble/paraît malade, avec toutefois une nuance plus prononcée d’impression non-élaborée
avec paraître. L’emploi parenthétique des deux verbes, finalement, est considéré soit comme
une simple variante de l’emploi impersonnel, soit comme un atténuateur semblable aux
adverbes d’énonciation de par son indépendance syntaxique : Marie est malade,
semble-t-il/paraît-il.
Comment expliquer que ces deux verbes de valeurs sémantiques à l’origine nettement
distinctes puissent fonctionner en synchronie comme des marqueurs épistémico-évidentiels
apparemment très proches ? Quel rôle attribuer, d’une part, au sémantisme du verbe, et,
d’autre part, à la construction syntaxique dans laquelle il s’emploie? En nous inspirant
d’exemples tirés d’un corpus journalistique, nous nous proposons d’étudier quelques aspects
du fonctionnement de sembler et de paraître par rapport à des paramètres évidentiels comme
source d’information, mode d’accès et intersubjectivité. Dans une perspective romaniste, nous
comparerons aussi les deux verbes français aux verbes italiens sembrare et parere et au verbe
espagnol parecer.
Bibliographie
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Sentential Complements. Cognitive Linguistics Research Series 11. Berlin: Mouton de Gruyter.
Bourdin, Philippe. 1986. « Sembler et paraître, ou les deux visages de l’apparence ». In Semantikos,
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Cornillie, Bert. 2007. Evidentiality and Epistemic Modality in Spanish (semi-)auxiliaries. A Cognitive-
functional Approach. Berlin - New York: Mouton de Gruyter.
Ducrot, Oswald, 1984. Le dire et le dit. Paris : Les Éditions de Minuit.