
Cette distinction a été proposée par John Rawls et par Christine Korsgaard à la lumière de leur 
propre interprétation de Kant. 
 
La Théorie idéale : les hommes sont considérés dans des conditions qui font qu’ils se 
comportent conformément à la morale (strict compliance). La réalisation de la morale n’y est 
dont pas systématiquement empêchée (par des traditions d’oppression, de discrimination, 
etc.). Dans de telles conditions idéales, l’homme doit respecter les maximes qui sont 
universalisables. Il ne peut pas se servir des autres personnes comme moyen (interdiction de 
l’instrumentalisation), de même que si nous vivions dans le « règne des fins ». Nous n’aurions 
alors pas besoin de tenir compte des conséquences de nos actes ni de ce que font les autres. 
L’interdiction d’instrumentaliser autrui y est absolue.  
 
La Théorie non idéale considère les hommes dans des conditions réelles et donc imparfaites. 
A ce niveau, nous devons réagir à l’injustice et au mal fait par autrui. Nous ne devons 
enfreindre aucune des règles qui servent à protéger autrui et à réinstaurer la paix. (L’homicide 
en état de légitime défense, les punitions, la désobéissance civile sont des exemples discutés 
par Rawls.) Dans des situations très particulières, nous pouvons légitimement recourir au mal 
pour combattre le mal. (Korsgaard tente d’interpréter Kant d’une manière plus plausible à 
l’aide de cette distinction.) 
 
Les difficultés du modèle de Korsgaard : nous ne vivons pas dans un monde idéal. 
Comment pouvons-nous alors appliquer cette théorie idéale ? Nous sommes toujours, 
potentiellement du moins, dans une situation particulière qui nécessiterait d’enfreindre les 
normes concernant la vie d’autrui.  
 
Le modèle kantien de l’explication du mal :  
Les actes mauvais découlent d’une maxime qui dit : si mes devoirs sont inconciliables avec 
mes intérêts, je ferai peut-être une exception pour moi en agissant en fonction de mes intérêts. 
Le mal vient de cette réserve personnelle qui privilégie notre propre égoïsme. La plupart du 
temps, elle n’est pas avouée publiquement, car l’homme mauvais se ment à lui-même. Elle 
permet d’embellir ses intentions et ses agissements et d’en refuser la responsabilité. (« Je ne 
voulais que ce qu’il y a de mieux. » « J’avais des idéaux élevés et ne pouvais pas respecter les 
règles morales » « Mes penchants étaient plus forts que ma raison. » « Les circonstances m’en 
ont obligé. » « Les autres m’y ont incité. ») 
 
Objection : Kant diabolise les penchants et les intérêts humains en les expliquant par le mal 
radical. Il pense de manière quasiment calviniste en acceptant que nos penchants soient 
radicalement pervertis. 
 
Réponse de Kant : les penchants humains et tant que tels ne sont ni bons ni mauvais. Le mal 
concerne les décisions humaines ou les attitudes personnelles qui peuvent être formulées au 
moyen d’une mauvaise maxime. Cette maxime permet aux hommes de s’extraire du filet des 
devoirs moraux. 
 
Mon objection : Kant veut à tout prix bannir les fondements égoïstes de la morale. Chose qui 
n’est ni réaliste, ni bien fondée. 
 
Littérature :  
 
Korsgaard, Christine M. (1986): Kant on Dealing with Evil, in: Philosophy and Public Affairs 
15, 420-440. 
Rawls, John (1971): A Theory of Justice, Cambridge, MA 1971, secs 2, 11, 26, 39, 46. 
Wolf, Jean-Claude (2007): Egoismus und Moral, Fribourg.